Chapitre 17 - Une question de confiance
Siltiama avait besoin d'air et pendant que les deux êtres de glace s'assuraient que Calion se remettait, elle sortit sur la terrasse de la suite. Le vent était glacial mais la potion de Circeï faisait encore effet. La jeune femme regarda le Territoire de Valendir qui s'étendait devant elle. Les bâtiments de glaces étaient transparents et l'on pouvait apercevoir diverses lumières se refléter sur leurs parois. Des Icepower montaient la garde devant un immense mur de pierres en silicates. Les rues étaient remplies de personnes aux vêtements pailletées d'argent. Quand leur groupe s'était aventuré dans les terres hostiles du Pays des Glaces, Siltiama n'avait pas pensé que tout un peuple vivait ici. L'énergie qui se dégageait sous ses yeux était à l'inverse des plaines neigeuses où ils se battaient quelques heures plus tôt.
— Tu n'as pas touché à ton repas.
La voix de Valendir surprit la jeune Demonsfire qui se retourna brusquement la main sur le cœur. Ses blessures avaient complètement cicatrisé et il avait quitté sa cape royale. Il n'était vêtu que d'une chemise de lin ouverte sur son torse musclé et à présent guéri. Le roi des Glaces avait troqué son pantalon militaire contre un simple pantalon de toile noir.
— Je n'ai pas très faim
— Il faut que tu manges si tu veux reprendre des forces
— Hum.
Siltiama prit rapidement l'assiette que lui tendait Valendir espérant l'obliger à la laisser à nouveau seule. Mais il n'en fit rien. Il préféra s'accouder avec elle au balcon et observer ses sujets. Les étoiles polaires se reflétaient dans ses magnifiques yeux bleus et sa chevelure blonde flottait autour de son visage suivant les mouvements du vent. Valendir surprit Siltiama en pleine contemplation. Gênée, elle baissa rapidement la tête sur son assiette. Elle entama le sandwich qu'on lui avait préparé. La bouche pleine, elle n'aurait pas à parler et à expliquer ce qui la troublait. Mais le jeune roi ne lui laissa pas de répit et s'amusa de sa réaction :
— Tu es tellement étrange jeune Demonsfire...
— Qu'est-ce qui te fait penser ça ?
— D'abord tu m'insultes et me provoque sur mon propre territoire et maintenant, tu t'amuses à faire comme si je te troublais. Tu es une énigme à toi toute seule.
— Je ne pense pas être si difficile à percer à jour. Tu as été odieux et je t'ai remis à ta place. Après, tu dois sûrement te douter que tu n'es pas trop mal et plutôt agréable à regarder. Ne m'oblige pas à te le dire, je suis sûre que toutes tes sujettes sont déjà à tes pieds.
— Il y a autre chose.
Siltiama avala de travers et toussa pour faire passer la nourriture coincée dans sa trachée. Elle savait qu'elle n'était pas douée pour le mensonge et la culpabilité devait se lire sur son visage.
— Qu'est-ce que tu ne me dis pas ?
— Rien.
— Menteuse. Je sais que Calion n'a pas simplement subi un choc à la tête. Je ne suis pas stupide Siltiama, dis-moi ce qui se passe.
— Tu n'aimes déjà pas les Demonsfire et tu voudrais que je te confesse mes doutes ? Je crois que je vais passer mon tour.
Siltiama commençait à en avoir assez que le roi insiste et qu'il l'oblige à mettre son âme à nue. De plus, un serment était un serment et elle n'allait sûrement pas trahir la confiance de Calion pour un homme qui ne la respectait pas. Les Demonsfire se soutenaient entre eux. Nul ne pouvait comprendre la souffrance dont ils avaient dû faire preuve pour devenir des personnes capables de contrôler leurs pulsions meurtrières. Aucun sang royal ne coulait dans ses veines mais Siltiama savait qu'elle ne méritait pas d'être traitée comme l'avait fait Valendir.
— Je n'ai jamais dit que je n'aimais pas les Demonsfire.
— Non c'est vrai, tu m'as juste rappelé à quel point ta prison grouillait de personnes de mon espèce.
— Tu es tellement fière.
— Je ne suis pas fière, j'essaye simplement de te faire comprendre qu'il va falloir que tu te démènes un peu si tu veux acquérir ma confiance.
— C'est ridicule. Tu mets tout le monde en danger en dissimulant des informations.
— Rassure-toi, j'ai toujours su mettre le destin d'Hidden World en priorité et ce n'est pas maintenant que ça va changer.
Siltiama finit les deux dernières bouchées de son repas et posa l'assiette au sol avant d'enjamber la rambarde du balcon.
— Hé ! Qu'est-ce que tu fais ?
— Je veux juste aller me dégourdir les jambes loin de cette chambre et surtout loin de toi. Je n'aime pas restée enfermée et j'ai besoin de marcher pour trouver le sommeil.
— Je t'accompagne.
— Non.
— Ce n'était pas une question.
— Et je ne t'ai pas invité. Tu ne peux pas écouter ce que l'on te dit pour une fois ?
La jeune Demonsfire n'en dit pas plus et sauta. Elle atterrit sur le sol en contrebas avec la grâce d'un félin. À son grand regret, Valendir la suivit. Décidant de l'ignorer, elle se mit à marcher sans se retourner. Les sols de l'enceinte du Palais étaient recouverts de grands pavés de marbre. La couleur blanche des pierres était illuminée par les lampadaires de glace. Ils trônaient de chaque côté du chemin qui menait aux jardins. Siltiama se demandait ce qui pouvait pousser sur un tel territoire. Elle fut loin d'être déçue quand elle atteint l'entrée du Parc. D'immenses arbres au tronc d'ébène et aux branches recouvertes de givre argenté, formaient des allées majestueuses. Des buissons de la couleur de l'or étaient disposés en cercle sur une petite esplanade.
Des bancs en fer forgé avaient été installés pour offrir à la cour du Palais des endroits de détente. Siltiama n'aurait jamais pensé que des fleurs puissent pousser au Pays des Glaces. Pourtant, de magnifiques roses blanches et rouge-sang formaient des bouquets magnifiques. Ils étaient plantés dans des vases transparents et offraient au Parc une décoration des plus splendides.
La jeune femme choisit l'un des bancs les plus proches pour s'asseoir et admirer la vue. Même si elle avait envie de marcher et de dépenser toute l'énergie créée par sa frustration, elle était épuisée autant mentalement que physiquement. Valendir vint s'asseoir à ses côtés sans dire un mot. Siltiama devait être ridicule avec ce géant qui l'accompagnait. Sa chevelure marron jurait avec l'ensemble du paysage, sans parler de ses vêtements aux couleurs du feu.
— Si tu n'apprends pas à me faire confiance, on ne pourra pas vaincre cette créature ensemble. On m'a toujours appris que les guerriers doivent connaître leurs camarades de combats pour affronter une bataille.
— Il ne s'agit pas d'une simple bataille Valendir.
— Pour moi si.
— J'ai peur.
Siltiama s'attendait à ce que le jeune homme se moque d'elle mais il n'en fit rien. Il soupira et tourna son magnifique regard céruléen dans sa direction :
— Parce-que tu crois que n'ai pas peur peut-être ?
— Tu ne comprends pas.
— Alors explique-moi.
La jeune femme se mordit les lèvres, consciente qu'elle ne pouvait pas tout lui dire. Mais si elle laissait certaines informations de côtés, elle ne trahirait pas la confiance de Calion et gagnerait peut-être celle de Valendir.
— Quand j'ai su que le Loup de Fenrir était un démon et que je suis entrée dans son esprit, c'était comme si je retournais en enfer. Mon âme n'est pas encore purgée de tous cette obscurité et j'ai sans arrêt peur de sombrer à nouveau. C'est fatiguant d'être tout le temps sur ses gardes, de faire attention à la moindre de ses pensées. Je dois analyser sans arrêt le travail de mon esprit.
Valendir restait silencieux et observait la jeune femme se confier à lui. Elle avait l'impression de mettre son âme à nue, d'être vulnérable. Le roi des Glaces pourrait très bien utiliser toutes ces informations contre elle plus tard. S'il n'avait plus besoin de ses compétences, la prison surveillée par les Icepower l'attendait.
— Il faut que j'arrive à contrôler suffisamment mes pouvoirs et mes démons pour pouvoir déceler sa faiblesse en tant que créature possédée. Calion pourrait m'y aider, mais même lui, qui est pourtant un des plus puissants de notre espèce, n'a pas su gérer la puissance démoniaque du Loup.
Une fois qu'elle eut vidé son sac, Siltiama se sentait épuisée. Valendir fixa à nouveau le sol, les bras sur ses genoux et le regard pensif. Il parla d'une voix grave et sourde :
— Je te fais confiance Siltiama. Je suis désolée de t'avoir mal jugée. Il arrive parfois que je me protège en étant un peu trop sur la défensive. Mon propre frère m'a trahi alors je pense que tu peux comprendre que j'ai énormément de mal à faire confiance à qui que ce soit.
— Dagnir ? Je sais qu'il a tenté de prendre le trône à ta place mais on n'a jamais voulu me raconter ce qui s'était réellement passé.
— Parce-que j'ai fait en sorte que personne ne le sache. Si jamais le peuple de mon Territoire avait été au courant, en tant que souverain, j'aurais été obligé de l'exécuter. Même si Dagnir peut être un véritable abruti, cela n'en fait pas de moins mon frère. Je ne pouvais pas voir sa tête au bout d'une pique. J'ai mes limites, comme tout le monde.
— Il a essayé de te tuer n'est-ce pas ?
Valendir acquiesça aux paroles de Siltiama d'un bref signe de tête. La jeune femme était reconnaissante à cette force de la nature de se confier à elle. Il lui rendait ce qu'elle lui avait donné.
— Mon père venait juste de rendre son dernier soupir et j'étais en train de prier dans le sanctuaire du Palais. Il est apparu derrière moi. J'avais senti sa présence et je pensais qu'il venait se recueillir avec moi. Mais au dernier moment je me suis retourné et j'ai vu ses yeux remplis de haine. Il tenait un immense poignard glaciaire entre ses mains et il allait m'asséner le coup fatal.
— Pourquoi a-t-il fait ça ?
— Le pouvoir je suppose, le désir de reconnaissance. Franchement je préfère ne plus y penser. Je l'ai simplement banni du territoire et je l'ai obligé à rejoindre les Plémons en tant qu'Icepower. Il a beau être aveugle, ses autres sens sont très aiguisés et il est capable de mener un combat contre les plus puissants de mon Territoire. Il a des capacités, mais je suppose qu'il ne s'est jamais senti à sa place. Mon père n'était pas très démonstratif. Ma mère avait beau le couver quand nous étions jeunes, lorsqu'elle est morte, il n'a plus jamais été le même. Mon père, dévoré par le chagrin, nous en a fait bavés à moi et à mon frère. Dagnir était plutôt faible psychologiquement. Il s'est plus facilement laissé détruire. Astal et moi avons été solidaires et nous avons pu se sortir de tout ce drame.
Siltiama prit un instant pour réfléchir à ce qu'elle allait dire et décida finalement de déballer ce qu'elle pensait réellement :
— En tant que Demonsfire, je crois que chacun a sa part d'ombre en lui. Mais, je crois en la rédemption. Tu as donné une chance à Dagnir de se racheter, de te prouver que tu n'as pas eu tort de l'épargner. Même les plus vils des démons ont toujours une partie de leur âme qui mérite d'être connue. Je sais que ça peut paraître complètement dingue et utopique, mais je crois en la bonté de chacun.
— Elerinna et Tulkas pensaient la même chose.
Sur ces paroles, chacun se tut et préféra regarder les splendeurs florales qui les entouraient. Siltiama était plus apaisée. Après quelques minutes de contemplation, ils décidèrent de retourner au Palais et de se reposer en attendant la journée chargée du lendemain.
Une nouvelle confiance était née et la jeune femme espérait de tout son cœur que le roi des Glaces ne la décevrait pas.
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