Chapitre 15 - Le sort de l'éternité
Je devais reconnaître que les paroles que m'avaient glissées Circeï resteraient dans mon esprit pour le reste de mon aventure. J'étais certaine qu'elle avait compris que j'avais besoin de sa confiance pour accepter que tout un peuple place en moi leur espoir de survie. Si une grande sorcière telle que Circeï croyait en mes capacités, alors il était temps que j'arrête de douter. Il fallait plutôt que je m'occupe de trouver le courage de tout affronter. Certes, Quantico m'avait appris à faire face aux dangers du monde mais, je me trouvais dans une autre dimension, où les règles n'étaient pas les mêmes.
Quand j'avais quitté le bureau de Circeï, je m'étais automatiquement dirigée vers la clairière où j'avais rencontré le loup blanc majestueux. J'espérais revoir mon ami, lui parler de ce que j'avais sur le cœur. Mais ce ne fut pas lui qui était au milieu des rochers. Thorondor était en train de m'attendre, le visage serein et reposé. La jeune sorcière m'avait bien fait comprendre qu'elle ne lui faisait absolument pas confiance et que je devais m'en méfier. La tentation de lui parler était pourtant trop forte et je me surpris à avancer droit dans sa direction. Je ne le lâchais pas du regard et mes pas étaient assurés.
— Lucy, je voudrais te parler.
— Moi d'abord si vous le permettez.
— Je t'en prie.
J'inspirai un grand coup et déballai la pléiade de questions que je voulais lui poser depuis ma rencontre. Il allait devoir y répondre, et sur le champ :
— Qui êtes-vous réellement pour moi ? Connaissiez-vous mes parents ? Où se trouvent-ils réellement ?
— C'est pour cela que je suis venue à ta rencontre. J'ai plusieurs choses à te montrer avant que la grande quête commence.
— Mais...
— Les paroles ne suffiront pas à te convaincre, il te faudra voir les choses par toi-même. Me fais-tu confiance Caliawen ?
Cela me faisait bizarre d'entendre ce nouveau prénom. Il était mystique et surnaturel, comme cet univers. J'avais tellement envie d'en savoir plus et pourtant si peur du résultat que cela causera à ma santé mentale. Je ne pouvais pas décemment lui dire que j'étais du côté de Circeï et risquer de compromettre les plans de la sorcière. Tout n'était que complot et machination, comme dans le monde des humains. Il allait falloir la joue fine :
— C'est d'accord. Je vous suis.
— Bien, approche-toi de moi, sinon la magie de mon sceptre ne pourra pas t'atteindre.
À contrecœur, je me mis juste en face de Thorondor. Une immense lumière envahit l'espace autour de moi et je fus propulser dans un tunnel aux multiples couleurs. L'énergie était puissante et tout mon corps fut aspiré comme dans un trou noir. La première fois que j'avais ressenti cette force c'était lorsque Thalion m'avait enlevé du monde des humains pour m'emmener à Hidden World. J'étais en train de faire un voyage spatial.
Quand nous arrivâmes à destination, au contraire de Thorondor qui resta debout et immobile, je fus balancée au sol brutalement. Il allait falloir que l'on m'apprenne à me réceptionner à l'issue d'un tel voyage sinon je n'allais pas faire long feu.
Je me relevai péniblement et je pris le temps d'observer où nous avions atterri. Nous étions dans une immense salle ressemblant à la Galerie des Glaces. Le parquet en merisier qui recouvrait le sol était si brillant, que j'y voyais mon reflet. Les murs étaient tapissés de miroirs et entre les fenêtres donnant sur un immense jardin luxuriant, des sculptures de marbre trônaient sagement. Elles semblaient surveiller le moindre de nos faits et gestes. Mes yeux ne savaient plus où se poser tellement j'étais subjuguée par la beauté des lieux. Soudain, j'aperçus une sorte de bulle transparente où deux corps humains lévitaient, protégés par une lumière dorée. Je restai interdite devant cette vision. Ils semblaient endormis et sereins.
Thorondor m'invita à m'approcher en prenant les devants. Mes pas se faisaient plus hésitants et mon cœur se serrait à mesure que j'approchais de ces deux êtres. Mon âme souffrait de les voir ainsi et tout mon corps était happé par la force mystique qui les entourait. La lumière m'attirait comme une luciole en pleine nuit et mes oreilles n'entendaient plus que mon souffle haletant et le rythme de mon cœur qui tambourinait fort dans ma poitrine.
Ils étaient environ à un mètre trente du sol et leur corps était disposé sur le dos, les deux bras le long de leur buste, la tête tournée en direction du ciel.
La jeune femme était celle qui était la plus proche de moi. Moi qui croyais avoir vu les créatures les plus splendides d'Hidden World, j'étais loin du compte. Elle portait une robe bleu-azur et un collier de rubis. Ses longs cheveux bruns lévitaient autour d'elle à la manière de longs rubans de soie. Ses lèvres rouge-sang donnait une touche de couleur à son visage aussi pâle que la mort. Je savais qui elle était. Elerinna, reine d'Hidden World et accessoirement ma mère.
L'homme qui était à ses côtés devait en toute logique être mon père, Tulkas. Les traits de celui qui m'avait mis au monde étaient plus fins que la plupart des hommes. Ses cheveux sombres légèrement bouclés lui tombaient sur le front. Il était vêtu d'une chemise large comme celle que portait les pirates des mers au dix-neuvième siècle. Son pantalon de toile rajoutait à cet aspect hors du temps, sans parler de ses longues bottes qui lui montaient jusqu'en dessous de ses genoux.
— Je te présente Elerinna et Tulkas, reine et roi d'Hidden World et créateurs de l'équilibre universel.
Je ne fis pas la remarque à Thorondor que je les avais déjà reconnus. Je ressemblais beaucoup à mon père et je me sentais à ma place. Une sorte de lien indéfinissable s'était créé à la minute où je les avais approchés.
— Est-ce qu'ils sont morts ?
Ma voix n'était qu'un murmure car j'appréhendais la réponse du Darkweather. Thorondor prit une grande inspiration comme s'il réfléchissait à la meilleure réponse qu'il pouvait me donner :
— Pas exactement.
— Comment ça ? On est soit mort, soit vivant. Ce n'est pas une question à laquelle il y a une réponse intermédiaire !
Je m'agaçai mais la peur et l'appréhension habitaient maintenant mon âme, et je ne comprenais pas pourquoi Thorondor m'avait emmené ici.
— Ils sont enfermés dans les confins du temps et de l'espace par un puissant sortilège : le sort de l'éternité. Ta mère s'est plongée, elle et son mari, dans une sorte de coma artificiel, afin de se protéger et contrôler le peu d'équilibre planétaire qu'il reste.
— Je ne comprends pas.
— Ils sont soumis aux lois du temps et de l'espace mais ils peuvent intervenir si le besoin s'en fait sentir. Le seul danger est qu'ils peuvent perturber à jamais l'avenir. Leurs actions peuvent aussi faire disparaître des pans entiers de l'histoire humaine et de celle d'Hidden World. Mais c'est la seule solution qu'a trouvé Elerinna pour pouvoir assurer tes arrières. Cette lumière qui circule autour d'eux est comme une bulle de protection, un rempart qui les isole des dangers de notre temporalité. Ils assurent le futur de notre espèce.
— Êtes-vous conscient que ce que vous me dîtes est complètement dingue ?
— Il fallait que tu le voies par toi-même pour me croire.
— Quand est-ce qu'ils se réveilleront ?
— Nul ne le sait. Mais une chose est sûre c'est que c'est toi qui détiens la clé. Tu pourras les réveiller si tu accomplis la prophétie. La couronne se trouve dans une autre aile du château mais pour le moment il faut que l'on retourne à l'École. Tu as encore quelques petites choses à apprendre pour partir en mission.
Je regardai à nouveau le visage de mes parents. Tous les deux étaient pâles et inertes et je sentais en moi la frustration grimper. Je ne les connaissais pas et je leur en voulais de m'avoir entraîner là-dedans sans m'y avoir préparer. Certes, j'avais les paroles de Circeï en tête, mais cela ne suffisait pas à mon cœur pour qu'il les pardonne réellement.
— Elerinna a toujours su trouver les mots justes pour rameuter les gens à sa cause. Tulkas était le guerrier, le sauveur de son peuple. C'est un des seuls qui m'accordait sa confiance et j'espère ne pas avoir trahi la tienne en ne te révélant pas tout d'un coup. Je pensais que tu comprendrais que tu ne m'aurais jamais cru si je t'avais tout balancer d'emblée, sans que tu te sois familiarisée un peu avec les créatures et les pouvoirs d'Hidden World.
Thorondor me regardait fixement à présent. Ses yeux aussi brillants que deux émeraudes ne cessaient de me sonder, comme s'il cherchait à lire en moi. Je comprenais que j'allais devoir à la fois sauver le monde, mais maintenant le sort de mes parents était également entre mes mains. Mais voir que je n'étais pas l'orpheline que je pensais et savoir que des gens se souciaient de ma sécurité, me redonna du baume au cœur. J'étais prête à tout affronter et Thorondor le sut à l'instant où cela apparut dans l'éclat de mes pupilles. Il me sourit et je me demandai à cet instant, si les soupçons de Circeï étaient fondés.
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