Chapitre 14 - Les Pierres Immortelles (partie 1)
Les souverains des territoires, Circeï et Thorondor étaient restés dans la salle des combats pour étudier plus en détail le rituel, et sûrement parler des conséquences qui allaient suivre.
Les autres professeurs, Thalion, Siltiama, Astal et moi descendîmes au sous-sol pour aller se ravitailler. Le silence était de mise entre nous et personne n'osait faire le premier pas pour commencer une conversation. Nous regardions tous notre assiette pleine, la faim n'était pas là mais il fallait bien se nourrir pour retrouver des forces. Je me sentais épier par les personnes que je ne connaissais pas et lorsque je relevai la tête, la leur se baissait automatiquement. Il allait falloir crever l'abcès un jour ou l'autre, si ce n'était pas maintenant, mes nerfs allaient lâcher.
— J'aimerai connaître ceux que je n'ai pas encore eu l'occasion de croiser, s'il vous plaît.
Je crus bon de rajouter cette formule de politesse afin de ne pas les brusquer et éviter de me montrer condescendante. Celui que je prenais pour un magicien, fixa ses yeux bleus dans ma direction. Je remarquai une fine mèche blanche dans sa chevelure de jais, offrant un contraste assez élégant.
— Je suis Calion, Demonsfire et enseignant dans cette école. J'apprends aux élèves à maîtriser la magie des éléments. C'est évident que le feu est la compétence qui m'a été assignée, donc je prends soin d'enseigner à apprivoiser cet élément qui peut se révéler hautement capricieux quand il est mal utilisé.
Je le remerciai d'un sourire qu'il ne me rendit pas. Astal le regardait comme s'il était la septième merveille du monde et je la soupçonnais intérieurement d'en pincer pour lui.
Je me tournai ensuite en direction du plus effrayant d'entre tous, le jeune homme aux yeux de glaces et à la chevelure de la couleur de la soie blanche. Ce dernier ne semblait pas me voir et ce fut comme si je m'adressais à un aveugle. Pourtant quand ses pupilles se mirent à briller pour enfin me fixer, un frisson parcourut mon épine dorsale.
— Mon nom est Dagnir, je suis un Icepower, Valendir est mon roi mais c'est aussi mon frère, tout comme Astal. Je n'ai pas su me montrer suffisamment obéissant et j'ai été banni.
Ses lèvres devinrent encore plus pâles, comme si cela était possible, et ses yeux vitreux étincelaient de colère. Pourtant il continua sa présentation d'une voix neutre et dénuée d'émotion :
— J'enseigne aussi dans cette maudite école et comme Calion je suis un professeur de la maîtrise des éléments. Mes compétences sont cependant limitées à l'apprentissage de la magie aquatique et aérienne.
Astal avait la tête baissée et ses yeux étaient remplis de larmes qu'elle empêchait de faire couler. Je sentais que la rancune de son frère la touchait. Je ne savais pas ce qu'il s'était passé au sein de cette famille mais si les sentiments des êtres de ce monde étaient aussi complexes que ceux des humains, cela n'avait pas dû être une partie de plaisir. Je n'osai rien ajouter et en tant qu'Icepower, Dagnir avait bel et bien jeter un froid au sein de l'assistance.
Ce fut au tour de la splendide jeune femme blonde aux ailes transparentes de me répondre :
— Je ne suis pas souvent ici mais je me nomme Celebrian. Je suis une fée et Thorondor m'a surtout engagé pour assurer les cours de télékinésie. Je n'ai pas le droit de le faire, sauf dans des circonstances qui le justifient, mais je peux contrôler le rêve des humains. J'ai également le pouvoir de leur faire oublier un évènement de leur vie. Je suis aussi une sorte de « nettoyeuse » car je fais attention que chaque passage d'un être d'Hidden World sur terre disparaisse. J'aide aussi les âmes humaines à passer dans l'Autre Monde. Mais cela, je n'ai pas trop le droit de le développer avec les vivants.
Ce fut la seule à me rendre mon sourire. Son âme avait l'air pure et sa gentillesse transparaissait dans ses yeux rieurs. Ils possédaient tous des pouvoirs puissants. Je ne comprenais pas pourquoi ils avaient besoin de mon aide. Aerin m'avait parlé de pierres que j'étais la seule à pouvoir toucher.
Soudain, la porte des cuisines s'ouvrit et Circeï apparut, la mine fatiguée et inquiète. Ses yeux se dirigèrent dans ma direction et elle me donna un sourire timide et compatissant.
— Lucy, Thalion, Siltiama et Astal, veuillez me suivre je vous prie.
Nous nous levâmes tous dans un même mouvement, lâchant brusquement nos couverts qui tintèrent sur l'assiette que nous avions à peine entamée. Calion, Dagnir et Celebrian restèrent à leur place pendant que nous quittions la salle à la suite de la belle sorcière. Thalion me lança un regard confiant et il semblait armé de courage, prêt à assumer tous les évènements qui pourraient nous tomber dessus. Il me laissa passer devant lui pour que je suive Circeï dans les dédales des couloirs de l'École.
La route fut courte car l'enchanteresse possédait son bureau également au sous-sol. Je fus étonnée quand nous arrivâmes devant un mur de pierres plein. Aucune porte, aucun moyen de passer à travers ce cul-de-sac ni signe d'un quelconque passage secret, rien ne nous permettait d'entrer. C'est à cet instant que Circeï regarda derrière elle pour s'assurer que personne ne nous avait suivi. Puis d'un claquement de doigts, les pierres se mirent à vibrer et se transformèrent en une poussière étoilée disparaissant dans le sol en quelques secondes. Je pensais sincèrement ne jamais m'habituer à la magie. Une fois que nous fûmes rentrés, elle créa à nouveau un mur, nous dissimulant du monde extérieur.
Le bureau de Circeï était un vrai laboratoire d'alchimiste. Aucune fenêtre ne donnait sur l'extérieur, les murs étaient tous ornés d'étagères remplies de fioles diverses et de livres aux couvertures en cuir. Au fond de l'immense pièce trônait une planche en bois montée sur deux tréteaux anciens. Un énorme manuscrit était ouvert et une magnifique écriture encrée en recouvrait les pages. Je n'eus pas le temps de lire ce qui y était écrit que Circeï referma l'ouvrage brutalement.
— Il y a des choses qu'il ne vaut mieux pas savoir. L'ignorance est parfois une chose que l'on ne sait que peu appréciée lorsqu'on la possède.
Les paroles de la sorcière n'avaient pas beaucoup de sens mais je supposais que c'était une marque de sagesse de sa part. Thalion, Astal, Siltiama et moi restâmes silencieux, attendant que Circeï reprenne la parole pour nous expliquer la raison de notre présence.
À présent que je pouvais l'observer de plus près, je vis les cernes qui barraient son visage grave. Je pensais que la magie de ces êtres les empêchait de souffrir de la fatigue des humains mais visiblement ce n'était pas le cas. Elle inspira un grand coup et s'assis dans le fauteuil en cuir rouge, en face de son bureau, puis elle leva ses doux yeux bleus vers nous.
— Je ne fais pas confiance à Thorondor. Je ne sais pas ce qu'il manigance mais il est étrange que le rituel ait eu lieu dans l'école sans qu'il en soit informé ou même sans qu'il ait soupçonné quoi que ce soit.
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