IV. Le devoir des royaux et le poids du deuil
Jour 4 - 19 juillet | univers alternatif, royauté
Univers alternatif où Childe est le Tsar de Snezhnaya et où l'Abîme est un pays peuplé d'humains.
Information au préalable : une "impératrice douairière" désigne tout simplement la veuve de l'ancien empereur et bien souvent, la mère de l'empereur actuel
~5076 mots~
L'Abîme était une région particulière, hors du commun. Un pays singulier, dont la réputation de n'avoir rien en commun avec les sept nations de Teyvat était fondée. Premièrement, la Nation n'était pas sur le continent de Teyvat mais sur le second continent de la planète. Construite sur les ruines des pays disparus de Khaenri'ah et Enkonomiya, la principauté portait sobrement le nom du continent dont elle occupait une maigre partie, le reste étant à l'état sauvage. Mais que ce soit la partie sauvage du continent ou le pays de l'Abîme, la région se démarquait par son ciel toujours gris voire complétement orageux dans ses heures les plus sombres, sa végétation noire veinée de bleu, remplis d'une sève dont certains disaient qu'elle provenait des profondeurs du monde, ses roches et sa terre grise, ou encore son sable noir. Même l'océan autour du continent était sombre, d'un bleu nuit qui avait donné à la mer alentour le nom très original de "Mer Sombre".
Si ça ne tenait qu'à lui, Tartaglia 1er du nom, Tsar de la très grande et glaciale Snezhnaya, il éviterait d'y mettre les pieds. Il avait déjà tellement à faire dans sa propre nation, comme adorait le lui rappeler ses conseillers, pourquoi irait-il en Abîme, dans ce pays si sombre et noir que le froid glaciale de sa patrie semblait presque accueillant ? Tout simplement parce que s'il avait le malheur de louper le couronnement de la Princesse de l'Abîme, l'impératrice douairière sa mère l'écorcherait vif. Ou l'étranglerait de ses mains. Dans tous les cas, elle ne tolérerait pas le moindre écart diplomatique de la part de son fils turbulent, le surveillant comme du lait sur le feu. Ce n'était pas pour rien qu'elle l'avait accompagné dans ce voyage jusqu'au continent abyssal. D'autant plus qu'elle n'avait pas du tout apprécié qu'il envoie simplement un représentant du pouvoir impérial lors du couronnement du prédécesseur de la Princesse.
Le voyage n'avait pas été de tout repos et le Tsar avait béni les quelques jours de paix et de tranquillité dont ils avaient pu bénéficier entre le jour de leur arrivée à Originel, la capitale de l'Abîme, et celui du couronnement. Ces jours durant lesquels, malgré plusieurs ballades à l'intérieur du palais princier, il n'avait pu apercevoir la princesse, bien qu'il n'avait pas vraiment essayé de la trouver. Toutefois, il comprenait qu'elle ne se montrait pas publiquement. Elle avait encore un deuil à porter et de l'avis de Tartaglia, le temps qu'on lui avait laissé avant son couronnement était bien trop court.
Initialement, Lumine Viatrix d'Abyssosque n'avait jamais été appelée à régner. Soeur jumelle d'Aether Viator d'Abyssosque, elle le succédait de quelques minutes à la naissance, faisant de son frère l'héritier légitime de la principauté. A la suite du décès de leur mère, la précédente Princesse de l'Abîme, l'année passée, le jeune homme était monté sur le trône. Âgé de dix-neuf années, il lui était annoncé un avenir prometteur. Le Prince était un homme intellectuel, festif et bon vivant, que nombreux dans leur pays semblaient apprécier. Tartaglia n'avait jamais eu l'occasion de le rencontrer, des alliances commerciales ou diplomatiques entre l'Abîme et Snezhnaya semblant trop peu avantageuses, toutefois tous les échos qu'on lui avait rapporté disaient d'Aether qu'il était un bon dirigeant et un prince solaire et joyeux.
Jusqu'à ce qu'il disparaisse, inexplicablement, deux mois auparavant. Du jour au lendemain, sans laisser de traces, le prince semblait s'être volatilisé. Très rapidement, ses conseillers le firent chercher dans tout le pays, puis dans tout le continent. Chaque centimètre carré de l'Abîme fut retourné, exploré, fouillé, sans trouver le moindre indice justifiant la disparition inexpliquée du prince. Dans les jours qui suivirent ce constat, des corbeaux furent envoyés dans les sept nations de Teyvat, demandant de l'aide et des forces pour chercher Aether, peu importe où il était. Tartaglia se souvenait très bien des longues heures à former un corps armé prêt à chercher même dans les parties les plus hostiles de Snezhnaya, en vain. Les autres régions avaient été aussi bredouilles que lui, personne ne parvenant à retrouver le Prince de l'Abîme.
Finalement, les conseillers du prince, plus soucieux de ne pas laisser leur pays sans dirigeant, avaient mis fin aux recherches. Le prince Aether avait été déclaré mort et une semaine de deuil avait été donnée à sa sœur, suite à quoi, Lumine devait reprendre les rênes de leur pays.
Une semaine. Pour pleurer un frère dont personne ne savait s'il était vivant ou mort, finalement. Pour pleurer sa seule famille.
Car désormais, la future Princesse de l'Abîme était la dernière membre de la famille princière d'Abyssossque. Elle était seule au monde. Pas d'autres frères, pas de sœurs. Tartaglia trouvait cela injuste de lui laisser aussi peu de temps pour faire son deuil. Il se rappelait lui-même, que lorsqu'il avait quatorze ans, il avait trouvé trop court le temps que ses conseillers lui avaient laissé pour pleurer son père, lorsque ce dernier était mort, alors même que celui qu'on appelait Ajax encore à l'époque avait toujours sa mère, ses frères et ses sœurs.
Il n'osait même pas imaginer la douleur et la solitude qui devait habiter la jeune Lumine à l'heure actuelle.
Encore plus en ce jour précis du couronnement. Que pouvait-elle bien ressentir à cet instant précis ?
– Traditionnellement, le Prince ou la Princesse de l'Abîme se fait couronner dans la Chapelle du Sacre, devant les nobles et hauts dignitaires de l'Abîme ainsi que les têtes couronnées des Sept Nations, déclara calmement sa mère sur le ton de la conversation, coupant court aux pensées du Tsar.
Le jeune homme s'abstint de lui dire qu'il le savait déjà. Si sa mère n'avait pas épousé l'ancien Tsar, son père, sûrement aurait-elle fait historienne ou guide touristique. Elle débordait toujours de passion pour raconter dans les moindres détails les différents grands événements historiques ainsi que les traditions des différentes Nations. Encore plus quand son fils, dans une volonté de moderniser le pays, touchait un peu trop aux traditions snezhnayennes. Si elle n'était pas arrêtée, l'impératrice douairière pouvait parfaitement parler sans s'arrêter pendant des heures.
Toutefois, Tartaglia remarqua un détail en observant le chemin que leur faisait prendre le garde venu les chercher pour les guider jusqu'au lieu du couronnement.
– Mère, commença le jeune Tsar. Loin de moi l'idée de vous contredire, toutefois j'ai la nette impression que nous ne nous dirigeons pas vers la Chapelle du Sacre.
Surprise, sa mère s'arrêta net et fronça les sourcils. Comme il avait pu le constater quelques secondes avant elle, ils avaient effectivement quitté le palais, or la fameuse chapelle était censée être à l'intérieur du château princier. Le garde continua sa marche, imperturbable face aux troubles de la famille impériale ainsi que de leur suite, composée de quelques conseillers du Tsar et des dames de compagnie de sa mère. Finalement, Tartaglia soupira et décida d'appeler calmement le soldat.
– Dites-moi, mon brave, où nous emmenez-vous ? J'ai comme l'impression que la Chapelle du Sacre n'est pas notre destination.
– Elle ne l'est pas, Votre Majesté. Sa future Altesse a ordonné que son couronnement ait lieu sur la place principale d'Originelle, au plus près de son peuple. Pas d'inquiétude, vos gens et vous-même auront des sièges où s'asseoir.
Interpellé et en même temps plus qu'amusé par la visible intention de la future princesse de rompre avec les traditions de son pays, le jeune Tsar ne fit qu'hocher la tête, avant de se tourner vers sa suite et de leur ordonner de suivre. Sa mère resta pantoise un bref instant, son amour des traditions venant visiblement d'être heurté par la décision de la jeune Lumine. Elle ne pouvait toutefois qu'obéir et pinça simplement ses lèvres avant de se remettre à suivre son fils.
Il fallut une poignée de minutes de marche pour arriver sur la place centrale dont le garde avait parlé plus tôt. C'était une immense place ronde, décorée en son centre d'une immense fontaine représentant différentes divinités de la religion abyssale. Au nord, une volée d'une cinquantaine de marches montait jusqu'au palais princier, tandis qu'au sud, deux autres escaliers de pierre descendaient vers le reste de la ville. Une avenue partait de la place jusqu'à l'Est, tandis qu'une autre faisait de même vers l'Ouest. De nombreux parterres de fleurs blanches, l'Inteyvat, symbole princier, scindaient la place en différentes parties, jusqu'aux nombreux magasins et enseignes qui se collaient tous les uns aux autres tout autour de la place. Mais surtout, il y avait une foule énorme de personnes.
Sur les marches menant jusqu'au palais, un long tapis d'un bleu presque noir avait été déroulé et l'une des dames de compagnie de sa mère faillit s'y prendre les pieds. Une estrade assez haute avait été montée tout contre la fontaine, et un homme aux cheveux noirs et aux vêtements rouges et jaunes y attendait calmement le début de la cérémonie. D'autres estrades, plus basses et pourvues d'un toit en tente et de barrières en bois, étaient installées un peu partout, des sièges posés dessus pour permettre aux personnes y accédant de s'installer confortablement. Et tout autour de chacune de ses estrades, des centaines de personnes étaient debout ou assis. Des villageois, des villageoises, des écoliers qu'on avait dû lâcher de l'école juste avant, des marchands, des notables de la ville, des bourgeois et même des membres de l'aristocratie se mêlaient les uns les autres, tous tournés vers l'estrade la plus haute, au centre.
Certains jetèrent un coup d'œil vers le Tsar et sa suite à leur arrivée, mais ils se détournèrent bien vite d'eux. Tartaglia soupira. Ils n'étaient pas le spectacle qu'ils attendaient.
Le garde leur indiqua l'une des estrades encore vides, saluant d'abord ses deux collègues plantés de chaque côté des marches, lance en main, avant de s'incliner respectueusement devant le souverain. Ce dernier lui répondit par un sobre remerciement avant de monter la volée de marche et de s'installer sur le plus imposant des sièges. Sa mère prit place à sa droite et les dames de cette dernière s'installèrent à ses côtés, les conseillers du Tsar prenant place à côté de lui.
Tartaglia observa autour de lui et remarqua sur une autre estrade, la Megrez de Liyue et l'Alioth, une autre des sept étoiles de Liyue. La première remarqua le Tsar et le salua d'un geste lent et charmeur, auquel le souverain répondit en hochant sobrement la tête. Il gardait encore au travers de la gorge une alliance dont les termes avaient été négociés de manière très musclée, la Megrez étant la pire tête de mule qui lui a été donné de connaître, qui avait tellement laissé ses émissaires désespérés qu'il avait dû se déplacer à Liyue pour régler l'affaire lui-même, avec difficultés. Cette dernière non plus ne semblait pas avoir oublié cet épisode, au vu de son sourire amusé.
Tartaglia soupira et reporta son attention ailleurs.
Ce fut de longues minutes plus tard qu'une trompette retentit, plongeant la place dans le silence complet. Plus personne n'osa jacasser et bavarder comme un jour de marché, chaque tête se tournant vers l'escalier au nord de la place. Sa future Altesse Lumine Viatrix d'Abyssosque venait de faire son entrée.
Il fallait reconnaître, Tartaglia ne l'avait pas imaginé à sa juste valeur. Cette petite femme d'une vingtaine d'année à la chevelure blonde était absolument resplendissante. Ses grands yeux dorés semblaient réfléchir les rayons de soleil gris, offrant quelque chose de mystique et envoûtant à son élégante apparence. Ses cheveux étaient attachés en un chignon bas laissant le sommet de son crâne libre pour y poser la couronne, symbole de son nouveau pouvoir sur l'Abîme. Elle portait une élégante, légère et complexe robe bleue nuit, aux épaules dénudées et aux nombreuses jupes d'un gris raffiné, une longue traîne s'étalant derrière elle. Flanquée de quatre gardes pour la protéger, la princesse marchait d'un pas lent, fier et digne, les deux mains rassemblées devant elle.
Le jeune Tsar se fit la réflexion qu'elle devait être encore plus belle avec un sourire sur ses lèvres roses. Malheureusement, son visage était fermé, ses lèvres formant une mince ligne dénuée d'émotions et ses yeux ne reflétaient qu'une froideur mêlée à une résolution presque triste. Ce constat serra le coeur du jeune homme, qui ne pouvait que compatir à ce pauvre bout de femme qui était mise devant des responsabilités lourdes sans avoir le choix.
Dans un mouvement coordonné, chacun et chacune s'écartèrent pour qu'elle puisse s'avancer jusqu'à l'estrade centrale, sur laquelle se tenait toujours le grand homme vêtu de rouge et de jaune. Un autre homme se tenait juste devant les marches, blond, vêtu de bleu et d'un masque couvrant la moitié de son visage, épée à la taille. Ses yeux ne lâchèrent pas la silhouette de la future princesse jusqu'à ce qu'elle arrive à son niveau. Là, ses quatre gardes s'éloignèrent d'elle et celui au masque lui présenta sa main pour l'aider à monter les marches, comme le voulait l'étiquette. Pourtant, la jeune femme fit quelque chose de très surprenant, qui aurait choqué les plus traditionnels et conservateurs. D'un geste rapide, elle refusa cette main tendue et monta les quelques marches toute seule, s'attirant plusieurs murmures. Elle se tourna ensuite vers la foule, posant les deux genoux au sol et joignit finalement ses deux mains paume contre paume, contre son thorax.
– C'est inconvenant, murmura l'impératrice douairière, si bas que seul son fils l'entendit. Elle aurait dû accepter d'être aidée, comme le veut l'étiquette.
– Personne ne m'a aidé à monter des marches à mon propre couronnement, répondit Tartaglia en soupirant. Et je suis presque sûr qu'il en a été de même avec son frère.
– Certes, mais ce n'est pas pareil, vous_
– Je constate, Mère, que vous n'avez pas perçu la symbolique derrière ce geste refusé.
Ce fut les derniers mots du Tsar, avant qu'il ne se replonge dans le silence et ne reporte son attention sur la scène se déroulant devant leurs yeux. L'impératrice douairière le fixa quelques brefs instants, un éclair furibond traversant ses iris avant qu'elle n'accepte que son fils venait de clore la discussion et qu'elle ne fasse comme lui, se reconcentrant sur le couronnement devant eux.
La future princesse était toujours à genoux, les deux mains devant le cœur comme si elle priait. Son regard était tourné vers le ciel gris et elle semblait à peine prêter attention à l'homme derrière elle et à la litanie qu'il récitait. L'homme tenait une couronne entre ses mains, une élégante tiare d'argent forgé formant des Inteyvats de différentes tailles et décorée de pierres précieuses dorées et bleues. Il continua de réciter des mots dans une langue que Tartaglia ne connaissait pas et ne reconnaissait pas. C'était sûrement la première langue des Abyssaux, qui était apparemment toujours utilisée pour les évènements religieux. Puis finalement, l'homme en rouge et jaune cessa de parler.
Le silence se fit beaucoup plus solennel, chacun semblait retenir son souffle. L'homme s'avança, portant la couronne à bras tendus devant lui, juste au-dessus de la tête de la princesse. Cette dernière restait très attentive aux faits et gestes de l'homme de cérémonie, pendant que tous avaient le regard centré sur elle. Lentement, il posa la tiare sur la tête de la jeune femme blonde, tout en prononçant les mots forts qui officialisèrent l'instant.
– Ici se tient devant vous, Lumine Viatrix d'Abyssosque, deuxième du nom. Princesse de l'Abîme, Maîtresse Dirigeante de l'Ordre de l'Abîme, Protectrice du peuple abyssal et descendante des Jumeaux Fondateurs de l'Abîme. Long soit son règne.
La princesse nouvellement couronnée rebaissa alors les yeux vers son peuple, lequel répétait les derniers mots de l'homme venant de sacrer son règne. Son regard était toujours le même, froid et indifférent, sans émotions, pourtant Tartaglia se demanda si elle ressentait la sensation de pouvoir grisante qui l'avait traversé lui au moment où il avait porté pour la première fois la couronne de Tsar. Ou si elle sentait simplement le poids de ses nouvelles responsabilités pesant sur ses fines épaules.
Tartaglia se surprit à espérer qu'elle parvienne à porter cette charge sans que son dos ne se brise.
~*~
Qui disait couronnement disait forcément célébration. Qui disait célébration disait donc bal et réception pour fêter l'évènement.
La salle de bal du palais princier était d'une taille qui ferait presque pâlir de jalousie celle de Zapolyarny, le palais impérial à Snezhnaya. Entièrement faite en marbre gris et en pierre noire, des éléments de décoration en or finement sculptés décoraient les colonnes et les arches. Un lustre d'or, d'argent et de cristal bleu plongeait l'entièreté de la pièce dans une lumière blanche et bleue offrant une ambiance mystique au lieu. L'orchestre dissimulé dans une fosse à l'abri des regards enchaînait morceau après morceau, permettant aux danseurs de s'entraîner dans des valses toutes plus enjouées les unes que les autres. Des serveurs passaient entre les invités, offrant champagne et collation à qui le désirait.
En ce qui le concernait, Tartaglia ne mourait pas d'envie de s'aventurer sur la piste de danse. A l'heure actuelle, il cherchait juste un moyen d'échapper à sa mère. Car elle, en revanche, désirait ardemment le voir danser avec l'une des jeunes demoiselles qui le regardaient en biais par instant.
– Oh, mon fils, tenta-t-elle de le convaincre une nouvelle fois. Je vous en prie, mon garçon ! Il doit bien y avoir une jeune femme qui vous donne envie de danser !
– Très certainement, mais elle n'est pas dans cette salle.
– Ajax... reprit l'impératrice douairière dans un murmure acide et pressant.
Cependant, Ajax avait justement décidé qu'il en avait marre de cette conversation. Et puisqu'il était l'empereur et qu'il pouvait se permettre de congédier qui il désirait, même sa propre mère, il n'allait pas se gêner pour cette fois. Peu importe à quel point cette dernière détestait quand il faisait ça.
– Ma mère est fatiguée, déclara-t-il à l'intention de ses dames de compagnies. Trouvez lui un siège assez éloigné de la musique pour ne pas que cette dernière lui donne des maux de tête et apportez lui de la boisson, s'il vous plaît.
Les dames s'inclinèrent respectueusement devant leur souverain, et entrainèrent leur maîtresse avec elles. Cette dernière offrit un dernier regard déçu, outré et mécontent à son fils, pourtant ce dernier s'était déjà détourné sans lui adresser un dernier regard. Il traversa la salle de bal sans trop savoir où aller, attrapant une coupe de champagne à un moment, champagne qu'il but d'un trait. Il observa les danseurs, écoutant la musique et partagea quelques discussions fort ennuyantes, jusqu'à ce qu'il décide finalement de se réfugier dans les jardins.
Les jardins du palais étaient splendides. Les arbres gris aux feuilles grises étaient chargés de fruits dans des couleurs que Tartaglia n'avait jamais vu. Les buissons étaient de même couleurs, bien taillés et bien entretenus, certains prenant des formes particulières, tel un représentant un dragon semblant prêt à fondre sur les foules. D'autres buissons remplis de fleurs dont notamment des Inteyvat s'éparpillaient un peu partout. En continuant de marcher, le Tsar remarqua parfois des bancs de pierre noire et des sculptures et des fontaines parmi toute la verdure plus grise que verte.
Continuant sa découverte, le jeune homme s'arrêta sous un saule pleureur noir et bleu dont les longues branches pendantes s'agitait légèrement sous la brise fraiche et légère du vent. Il prit le temps d'admirer ce spectacle reposant, avant d'entendre des voix qui semblaient provenir de sa gauche. Etonné, car il s'était assez éloigné de la salle de bal maintenant, Tartaglia s'avança dans la direction de ces voix, tout en prenant garde à ne pas signaler sa présence. Mieux valait être trop prudent que pas assez, comme il lui avait toujours été enseigné.
– Je n'ai pas envie de danser ce soir, déclara avec calme et fermeté une voix féminine derrière un bosquet.
– Ils vous attendent, lui répondit un homme avec empressement. Vous ne pouvez pas vous soustraire à tous vos devoirs, peu importe combien vous essayez.
– Tu sais très bien combien c'est difficile pour moi, Dainsleif.
Tartaglia finit par découvrir les personnes qu'il entendait. Il eut la surprise de reconnaître la princesse, faisant les cents pas, ainsi que l'homme blond au masque bleu et celui aux vêtements rouges et jaunes de la cérémonie. A leur côté, une femme aux cheveux noirs parsemés de blanc, vêtue d'une splendide robe bleue claire et blanche, était assise sur un banc noir, les yeux posés sur leur souveraine.
– Oui, je le sais, reprit celui au masque bleu. Je le sais et je comprends. Toutefois votre Altesse, entendez bien que votre peuple vous attend et désire vous voir. Vous ne pourrez pas rester éternellement enfermée derrière les portes du château, à tous les fuir.
– Je sais. Je sais et j'ai promis à chacun d'entre vous que je serai proche des miens et présente pour eux. Mais ce soir, j'ai besoin d'un peu de temps loin des festivités. Juste ce soir. Alors s'il vous plaît, ne vous attardez pas ici et retournez profiter des boissons et de la musique.
Sa demande ressemblait plus à un ordre qu'à une demande et l'homme blond semblait l'avoir compris. Une expression sur le visage qui disait à quel point il n'était pas d'accord, il s'inclina toutefois et prit un chemin parmi les jardins bien vite suivit par la jeune femme qui n'avait pas prononcé un mot depuis que le jeune homme avait parlé. Celui aux vêtements rouges et jaunes resta toutefois à côté de la jeune princesse. Cette dernière le fixa sans montrer la moindre émotion, attendant sûrement qu'il parte lui aussi.
– Votre Altesse... Permettez moi_
– Ce que je viens de dire à Dainsleif et Friment s'applique aussi à toi, Enjou, répliqua la jeune femme. Retourne au bras de Torrent et profite du bal et des bulles.
Cette fois, la voix ferme de la princesse ne sonnait ni plus comme une invitation ni comme une demande. Son ton indiquait clairement qu'elle ne tolérerait aucun refus de la part de son conseiller. Ce dernier sembla le comprendre puisqu'il s'inclina respectueusement sans émettre un mot de plus, posant sa main sur son cœur dans sa révérence, avant de se retirer définitivement.
Le silence s'installa alors entre la Princesse de l'Abîme et le Tsar de Snezhnaya qui ne s'était toujours pas montré. Ce dernier se demanda sérieusement s'il ne devait pas faire demi-tour et agir comme s'il n'avait rien vu et rien entendu. Toutefois, lorsqu'il vit la jeune femme blonde s'effondrer sur le bord d'une fontaine, étalant ses nombreux jupons gris autour d'elle et baissant la tête vers le gazon, son regard perdu à mille lieux de là, toute envie de partir quitta le corps de Tartaglia. La lune qui éclairait la jeune princesse d'un éclat si blanc qu'il en paraissait bleu l'entourait d'un aura tel que le jeune Tsar n'aurait pas été surpris de sentir son coeur bondir en avant.
Très lentement, soucieux de ne pas effrayer la jeune princesse, il s'avança prudemment, sortant des bosquets derrière lesquels il s'était planqué. Le bruit de ses pas attira l'attention de la Princesse, qui se redressa d'un bloc, droite et fière. Son regard doré s'attarda sur sa silhouette, et lorsqu'elle identifia la personne face à elle, elle plongea dans une révérence respectueuse et calme, toujours avec la même droiture et la même fierté.
– Votre Majesté le Tsar, déclara-t-elle d'une voix calme sans émotions.
Ce dernier soupira. La jeune princesse semblait animée par la volonté de se forger une image forte sur laquelle tout son peuple pourra s'appuyer. Une femme qui n'a besoin de personne, dénuée de faiblesses et de craintes. L'image d'une femme qui forgeait le respect simplement par son allure et sa présence. Tartaglia reconnaissait cette volonté, la même qui l'avait habité les premières années de son règne et qui continuait toujours de l'habiter, aujourd'hui. Mais il comprenait aussi que dans la situation de la jeune femme, elle avait besoin de temps.
– Mes hommages, Votre Altesse, finit-il par lui répondre. Pardonnez moi de vous déranger en cette soirée. Rassurez-vous, je ne viens pas discuter politique et alliance, je viens simplement profiter un peu de l'air frais.
Elle ne lui en voudra pas s'il ment un peu, n'est-ce pas ? De toute façon, s'il disait qu'il s'était montré parce qu'elle semblait en détresse et qu'il avait désiré l'aider, elle se refermera aussitôt et le chassera sans ménagement.
– La fête n'est pas à votre goût ? demanda la jeune femme, soucieuse que sa réception déçoive le souverain.
– Point du tout, Altesse. Elle ferait même pâlir de jalousie les plus grands bals de Snezhnaya.
La pointe d'humour qu'il avait glissé dans sa phrase eut le mérite de la faire sourire un peu. Satisfait de cette première victoire, Tartaglia choisit pourtant de ne pas prononcer une phrase de plus, se laissant quelques minutes pour savourer l'atmosphère calme et apaisante qui était en train de s'installer entre eux-d'eux. La princesse se réinstalla à sa place précédente, sur le bord de la fontaine, sans regarder le jeune homme. Elle coinça ses doigts ensemble dans un geste nerveux, plantant ses ongles dans les paumes de ses mains.
N'étant pas très habitué à voir autant de nervosité chez quelqu'un – sauf quand il descendait dans les profondeurs de la Prison des Damnés pour interroger lui-même quelques prisonniers récalcitrants, mais le contexte était différent –, le jeune Tsar resta debout à ses côtés, sans rien faire que la couvrir d'un regard calme et attentif. Elle lui semblait si fragile d'un coup, comme si toute sa force n'était que pure comédie et que derrière, elle n'était qu'une statue de porcelaine fragilisée qui pouvait à tout instant, au moindre mouvement brusque, voler en éclats. Elle ne pleurait pas mais tout son corps dégageait une tristesse et une mélancolie cruelle desquelles elle ne parvenait pas à se dégager.
Finalement, elle saisit sa couronne entre ses fins doigts, la retirant de sa tête et la posant sur ses genoux, avant de finalement expulser la première pierre de la digue.
– Je suis une usurpatrice, déclara-t-elle avec une résolution totale, comme si ce qu'elle avançait était la vérité absolue.
Le Tsar se tourna vers elle, choqué.
– Altesse, faites attention à ce que vous dites ! Je pense que vous savez comme moi que tous les murs ont des oreilles et que tous ne sont pas bienveillants.
– Je le sais mais pourtant, c'est la vérité. Je ne devrais pas porter cette couronne. Ce trône, ce devoir. Tout ça ne m'appartient pas. Tout est à Aether, pas à moi.
Sa voix commençait à trembler lentement et le Tsar vit les doigts de la jeune femme se resserrer fermement sur l'argent de sa couronne. Soupirant faiblement, ce dernier s'avança jusqu'à la princesse, posant genou à terre devant elle, attirant son regard. Ses yeux couleur de l'or brillaient, pourtant les larmes ne coulaient pas. Pas encore.
– L'Abîme a été retournée toute entière pour retrouver votre frère, Princesse. Teyvat a aussi été retourné dans son intégralité pour lui mettre la main dessus. Croyez-moi, tous les moyens ont été employés pour le retrouver, et je ne parle pas seulement au nom de mon pays. Il n'a pas été retrouvé, nulle part.
– Peut-être mais ça ne veut pas dire qu'il est mort. Son corps non plus n'a pas été retrouvé. Mettre en place une régence aurait été beaucoup plus adapté que de me donner ses pouvoirs.
Tartaglia ne préféra rien rajouter. Il savait qu'il y avait cinq phases au deuil : le déni, la colère, le marchandage, la dépression et l'acceptation. En ce qui concernait la jeune princesse, il n'était pas difficile de savoir dans quelle phase elle se situait actuellement. Son deuil s'annonçait d'autant plus compliqué que l'exactitude de l'état de l'ancien prince était floue. Le jeune Tsar ne pouvait pas la blâmer d'agir de la sorte, et il n'était d'ailleurs personne pour la blâmer. Juste un autre souverain d'un pays qui n'était honnêtement pas le plus proche allié de la principauté.
– Je veux juste..., reprit la princesse en tremblant un peu plus sans parvenir à se contrôler. Je veux juste le rev-voir...
Et à cet instant, la digue se brisa toute entière. Dans un geste qui jetait complètement l'étiquette aux orties, Lumine se réfugia dans les bras du Tsar en s'effondrant en larmes. D'abord surpris, Tartaglia prit quelques secondes avant de passer une main dans le dos de la jeune femme et l'autre contre ses cheveux, la laissant pleurer de tout son soul.
– Pourquoi ? Pourquoi est-il parti ?
– Je ne sais pas, Altesse. Il doit sûrement avoir une bonne raison. Une très très bonne raison.
– Pourquoi ne m'en a-t-il pas parlé ? Pourquoi ? Nous avons toujours tout fait ensemble, pourquoi cette fois...
– D'expérience de grand frère, je dirais qu'il n'aurait pas agi de la sorte s'il ne pensait pas que ce serait bénéfique à votre protection. Quelle que soit la raison qui ait motivé son départ, ma théorie est qu'elle était trop redoutable pour qu'il mette sa seule famille en danger.
Les pleurs de Lumine redoublèrent tandis qu'elle tenait avec fermeté le devant de la veste impériale de Tartaglia. Ce dernier n'en dit rien, se contentant de continuer à la serrer contre lui. Il ne pouvait pas faire grand chose de plus que lui offrir ce soutien-là. Il n'avait aucune réponse aux nombreuses questions qu'elle se posait sans cesse.
Alors ils restèrent ainsi, tandis que les sanglots, les pleurs et les hoquets continuaient durant de longues minutes. Quand enfin, les larmes se tarirent, Lumine s'écarta lentement du jeune homme, gardant toujours une main sur son épaule. Ce dernier entreprit d'essuyer les traces de pleurs sur ses joues avant qu'elles ne commencent à sécher. Ce geste attira un sourire à la jeune princesse, sans qu'elle ne détache son regard de l'herbe à ses pieds. Tartaglia se demanda alors ce qui se passait dans sa tête.
Il eut la réponse aussi vite qu'il avait formulé mentalement la question.
– Snezhnaya n'est pas le plus proche allié de l'Abîme.
Sa remarque le fit rire.
– Une réflexion que je me suis faite plus tôt. Toutefois, si vous le permettez, Altesse, je propose de venir plusieurs fois dans les mois prochains. Au moins pour voir comment vous vous portez et peut-être vous apportez quelques conseils. Quoique prenez mes suggestions avec des pincettes, j'ai tendance à désespérer mes conseillers et ma mère.
Lumine explosa d'un rire légèrement cassé, pourtant elle releva la tête vers lui avec un doux sourire sur les lèvres. Et surtout, de la reconnaissance qui brillait puissamment dans ses yeux dorés.
~
Et de quatre jours ! Cet OS est d'ailleurs le plus long que j'ai écrit, en plus d'être l'un de mes préférés avec celui de demain ! (à propos de demain, préparez vos bougies d'anniversaire !)
Question, est-ce que ça se voit que j'ai trop regardé Game of Thrones ? Vu la liste des titres de Lulu, j'imagine X) Autre chose, les deuxièmes noms d'Aether et Lumine font référence à leurs constellations, leur noms de famille "Abyssosque" fait référence à la phrase de Catherine "ad astra abyssosque" (vu que d'ordinaire, j'utilise "Abyss" comme nom de famille des jumeaux). Et pour finir, "Originelle" fait référence à une partie du lore de Genshin, celle concernant Phanès l'originel !
Voilà, c'est tout pour aujourd'hui ! A demain pour le cinquième jour et l'anniversaire de notre Tagliatelle préféré ! :D
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