II- Lui au regard océan et au masque carmin
Jour 2 – 17 juillet | Mascarade
~2775 mots~
Elle se sentait ridicule derrière ce masque qui ne laissait voir que ses lèvres et le bout de son nez rose. Il était gênant au possible. Il obstruait sa vue, l'empêchant de voir correctement sur la périphérie de sa vision. En plus de cela, il lui grattait affreusement le bout du nez, et elle ne pouvait rien faire pour se soulager, sinon sa protectrice lui ferait les gros yeux. Au moins, personne ne pouvait la voir froncer les sourcils, ces derniers dissimulés derrière l'objet ridicule, et aucun des invités ne se doutait un bref instant de son mécontentement à être parmi eux. Cela ne rendait pour autant pas les choses plus faciles, puisqu'à chaque fois qu'un d'eux venait la voir, elle devait se parer d'un sourire des plus angéliques et gracieux pour répondre de la manière la plus polie possible alors qu'elle n'avait qu'une envie, c'était de fuir la salle de réception et trouver refuge dans le patio de la demeure.
Lumine soupira. Si ce n'était pas à la demande impérative de sa protectrice, jamais elle n'aurait accepté de participer à ce bal, où le trop-plein de monde jouait avec ses nerfs d'une manière des plus désagréables. Et pour ne rien rajouter, le chignon trop serré que les domestiques avaient dressé sur son crâne tirait la peau de son front douloureusement. Vraiment, les soirées mondaines comme celle-là n'étaient pas faites pour elle, en aucune manière.
Et le fait que sa protectrice avait eu l'excentricité d'exiger des masques pour les inviter et d'appeler l'événement une "mascarade" ne changeait rien à ça.
Un homme entre deux âges s'approcha d'elle, et s'inclina dans une salutation bien plus sobre que les courbettes ridicules auxquelles elle avait eu droit jusqu'à présent. Lumine se retint d'exprimer son exaspération dans un soupir et saisit les deux pans de sa robe dorée, pour effectuer une révérence droite et fière, avant de se redresser et rassembler ses deux mains gantées de blanc devant son ventre.
– Mademoiselle, commença l'homme d'une voix monotone au timbre étrange. Ah, quel plaisir de rencontrer une aussi jeune et jolie demoiselle dans une soirée comme celle-ci. Cela me rappelle toujours ces époques lointaines où les festivités se tenaient place du village et où ces jeunes fleurs blanches virevoletaient en ronde au rythme d'une lyre et d'une flûte, attendant que les fougueux garçons de leur âge viennent les inviter à partager une danse et souvent leur coeur.
Médusée par un discours aussi extravagant que particulièrement détonnant, Lumine ne sut quoi répondre. Jusqu'à présent, les convives avaient vanté sa beauté avec des métaphores et des comparaisons aussi imaginatives qu'elles étaient creuses avant d'embrayer sur des sujets de conversations tout autant vides et inintéressants, comme la beauté de la soirée ou la richesse de sa protectrice. Rien que pour cette manière hors du commun de débuter la conversation, la jeune femme blonde jugea cet homme plus agréable que les autres convives. Toutefois, fort heureusement, elle n'eut pas besoin de rassembler ses mots pour lui répondre puisque l'organisatrice de l'évènement répondit à sa place :
– Attention à ne pas l'étourdir, mon cher ! s'exclama cette dernière de sa voix riche et suave habituelle. Lumine n'a pas encore pu profiter de la piste de danse !
Cette dernière jeta un regard en biais à sa protectrice, se retenant de dire qu'elle n'avait pas la moindre intention de se pavaner au rythme de la musique. Toutefois, la richissime femme qui la gardait sous son aile ne lui prêta qu'une maigre attention, l'espace d'un instant. Ses yeux rouges ambrés se reportèrent rapidement sur leur interlocuteur, et ses lèvres teintes du plus profond des rouges s'étirèrent en un sourire charmant.
– Dame Ningguang ! Oh, très chère Megrez, je suis plus que ravi de pouvoir obtenir une maigre conversation avec vous. C'est un immense plaisir et honneur.
– Mon cher ami, vous n'êtes pas avare de mots et de compliments, comme toujours ! lui répondit ladite Megrez avec un de ses sourires dont elle avait le secret, tout en rejetant ses cheveux blancs dans son dos. J'espère que vous n'avez eu aucun problème d'ordre monétaire pour participer à cette réception, cette fois ! J'ai comme le souvenir que vous avez toujours un peu de mal à vous entendre avec l'argent.
– Je dois avouer que c'est un agréable ami qui a fourni l'argent nécessaire. Je ne peux malheureusement pas vous le présenter, il m'a fait faux bond, il y a une poignée de minutes. J'ignore où il se trouve actuellement. Mais connaissant ce jeune homme plein de vitalité et de panache, il a dû se précipiter parmi les danseurs quand je me suis penché sur un verre de champagne. Champagne qui, je dois le reconnaître, est un pur délice. A la hauteur des exigences qu'on s'attend à retrouver chez la Dame Megrez...
Si cet homme déblatérait autant constamment, Lumine pouvait parfaitement comprendre que son "agréable ami" ait pris la poudre d'escampette. Si ça ne tenait qu'à elle, la jeune femme blonde aurait sûrement fait pareil. Malheureusement, les longues serres vernies de sa protectrice serrées autour de son bras nu lui rappelait que Ningguang n'avait pas la moindre intention de la laisser se soustraire à ces festivités. Elle soupira faiblement et profita que la Megrez soit plongée dans sa conversation avec leur invité pour s'éloigner. Elle connaissait sa protectrice et savait que cette dernière n'avait pas rejoint leur conversation tantôt pour badiner. Elle voulait quelque chose de cet homme et Lumine n'avait vraiment pas envie de voir les éloquents talents de manipulation de la richissime femme, ce soir.
N'ayant pas d'autres choix, elle vogua dans la salle de réception comme une âme en peine, cherchant une quelconque activité à laquelle se prêter jusqu'à ce que sa protectrice lui offre enfin l'autorisation de regagner sa chambre. Se mêler à l'ombre des colonnes et observer les invités, détaillant leurs tenues et essayant de deviner leurs conversations ? C'était sûrement la seule activité à laquelle elle pouvait se livrer de bon cœur. Discuter avec tous ces gens était hors de question, danser nécessitait un cavalier dont elle ne voulait pas, tout comme elle n'avait pas envie de danser, et tenter de profiter de la distraction de Ningguang pour filer était impossible. Sa protectrice restait très attentive à ses faits et gestes, quand ce n'était pas Keginq ou Yelan qui la surveillaient entre deux conversations ou gorgées de vin.
Un soupire s'échappa des lèvres de la jeune femme alors qu'elle s'adossait à l'une des colonnes de pierre de la salle. Passant ses bras autour de sa taille, elle jeta un regard panoramique à toute la pièce avec une moue d'ennui, désespérée de pouvoir regagner le calme et la tranquillité de sa chambre.
Jusqu'à ce qu'elle le remarque.
Il était debout, immobile à côté d'un des buffets dressés pour l'évènement. Sa main droite faisait lentement tourné un verre rempli d'un liquide d'un rouge à faire pâlir de jalousie le rouge à lèvres de Ningguang, pourtant il était bien plus attentif à la jeune femme blonde qu'au contenu de sa coupe. Lorsqu'il remarqua que l'attention de Lumine était braquée sur lui, ses lèvres s'étirèrent dans un sourire carnassier. Il porta alors le verre à ses lèvres et bu le vin d'une traite, avant de reposer le verre sur la nappe blanche du buffet.
Attentive à chacun de ses mouvements, Lumine l'observa redevenir immobile après avoir essuyé ses lèvres, tendant simplement la main devant lui. Vers elle.
Ses yeux toujours entourés du loup doré remontèrent lentement jusqu'au masque rouge carmin, presque sang, qu'il portait sur son visage. Elle y croisa des yeux d'un bleu particulier, qui lui rappela soudainement l'océan. L'océan qu'elle adorait observer depuis ses fenêtres, celui qui caressait l'horizon et accueillait le soleil au coucher de ce dernier. Sauf que d'ordinaire, l'océan était d'un calme et d'un bleu sans âme troublant. Celui qu'elle voyait dans les yeux de cet homme n'avait pas plus de lumière mais pétillait d'une manière troublante. Un amusement sans fin y brillait, ce qui titilla la curiosité de la jeune femme.
Tout ennui semblait s'être envolé alors qu'elle se mit à marcher dans sa direction. Elle vit son sourire s'étirer davantage, la poussant à accélérer le pas. En s'approchant, elle s'aperçut que des mèches de sa chevelure rousse décoiffée retombaient devant ses yeux, et fut prise d'une envie irrépressible d'y glisser les doigts et de les remettre à leur place. Lumine se mordit légèrement la lèvre inférieure et refoula son envie dans les profondeurs de son être, se contentant de marcher jusqu'au jeune homme. Ce dernier resta immobile jusqu'à ce qu'elle soit proche de lui.
Il ne restait que la moitié d'un mètre entre lorsque la jeune femme blonde s'arrêta. Le sourire du mystérieux invité s'élargit encore plus alors qu'elle tendit la main pour prendre la sienne. Cependant, ce fut sur le vide que ses doigts se refermèrent. L'inconnu avait retiré sa main au tout dernier moment, son sourire plus grand que jamais. Il lui accorda un clin d'oeil rempli de malice avant de tourner les talons et de s'enfoncer dans la foule d'invités, laissant là la jeune femme. Cette dernière le regarda avec choc, ne sachant quoi penser de ce qui venait de se passer.
Lorsque le jeune homme roux se retourna une nouvelle fois, après avoir franchi une dizaine de mètres, elle comprit alors quel jeu venait-il d'instaurer entre eux deux. Un sourire vint décorer son visage tandis qu'elle se mit à feindre les foules, le suivant d'un pas gracieux comme Ningguang aimait toujours la voir marcher. Dès qu'elle fut un peu trop proche de lui, ce fut sans surprise qu'il prit à nouveau la fuite en la recouvrant d'un regard amusé. Cette fois, cependant, il s'assura de disparaître de son champ de vision. Lumine soupira faiblement mais ne parvenait pas à effacer le sourire étirant ses lèvres presque jusqu'à ses oreilles. Ce divertissement la réjouissait profondément.
Le jeu dura de longues minutes, sans que la jeune femme soit capable de dire combien de temps exactement cela dura. A chaque fois qu'elle s'approchait de l'homme inconnu, ce dernier lui accordait le temps d'un regard, joueur et malicieux, avant de disparaître à nouveau parmi les autres convives. Plusieurs fois, il s'assura qu'elle le perde de vue, l'obligeant à fouiller l'immense salle pour le retrouver. Il se glissait parmi les ombres, parmi les groupes de discussions dont il savait se mêler avec éloquence, comme s'il connaissait chaque groupe depuis le tout début, mais veiller toujours à les quitter lorsque Lumine s'approchait toujours trop de lui. Il se glissait dans la foule de danseurs, l'obligeant à s'avancer sur la piste de danse qu'elle avait fuit depuis le début de la soirée. Ce moment-là fut bien particulier, puisque le jeune homme roux ne s'éloigna pas sitôt qu'elle fut à ses côtés. Tout au contraire, il passa un bras sage autour de sa taille et la fit valser au rythme de la mélodie durant quelques minutes, avant de glisser ses doigts dans son chignon toujours bien trop serré. Elle fut légèrement surprise quand il y chaparda l'une des épingles de cheveux en forme de roses qui y était glissée, mais n'eut le temps de récupérer son bien – qui appartenait plus à sa protectrice qu'à elle-même, mais passons. Il s'envola avec l'objet, relançant le jeu, attirant le rire de Lumine.
Elle avait même cessé de jeter un coup d'œil à sa protectrice, se moquant soudainement de l'an quarante du moment où elle pourra déserter la réception. Rien n'avait soudainement d'importance au milieu de cette mascarade, que de continuer à jouer avec cet homme intriguant.
Mais au bout de longues minutes, le jeu commençait à devenir lassant.
Elle avait ratissé l'intégralité de la salle de réception au moins cinq fois, si ce n'est plus, et commençait à en avoir marre. La danse fut plaisante, mais la lassitude avait pris le dessus sur le plaisir et l'amusement. Toutefois, elle n'avait pas envie d'abandonner ce jeune homme, pas sans avoir au moins échangé quelques mots avec lui. Le souci, c'est que comme il filait tel un voleur à chaque fois qu'elle réussissait à l'approcher, lui parler semblait être compliqué.
Sauf si elle inversait la tendance.
De nouveau sur la piste de danse, un sourire étira ses lèvres alors qu'elle observait les hommes faire tourner leurs cavalières au rythme lent et délicat de la musique. Et lui l'attendait de l'autre côté de la piste. Il avait pris une coupe de champagne sur le plateau d'un domestique passant par là et l'agita dans sa direction, lui portant un toast accompagné d'un sourire malicieux. Lumine sourit en retour, néanmoins sans esquisser le moindre mouvement pour le rejoindre. A la place, elle prit entre ses doigts toujours enveloppés de gants blancs les pans de sa robe dorée et plongea dans une révérence élégante et sensuelle qui fit passer celles qu'elle avait exécuté plus tôt pour des révérences de fillette. Lâchant sa robe de la main gauche, Lumine déposa un baiser sur ses doigts, baiser qu'elle souffla dans sa direction en lui offrant un sourire aussi malicieux que sensuel, à la plus belle des manières de sa protectrice. Puis, satisfaite, elle se redressa et tourna les talons, prenant la direction de l'extérieur.
Elle n'eut qu'à traverser le perron et descendre de quelques marches jusqu'à la terrasse qui dominait tout le port de Liyue pour entendre une agitation venue de l'intérieur. Quelqu'un avait dû troubler la ligne de danseurs puisqu'elle entendit une multitude de protestations et de cris de mécontentement. La seconde d'après, elle entendit une série de pas rapides et confiants se dirigeant vers elle. Ne se retournant pas vers la personne s'approchant d'elle, Lumine descendit les marches restantes tout en gardant les yeux rivés sur l'horizon. Il était presque invisible dans la nuit noire, seules les étoiles indiquaient là où était le ciel et là où était l'océan.
Lumine sentit la personne derrière elle s'approcher un peu trop, aussi s'arracha-t-elle à sa contemplation pour prendre la direction des jardins de la demeure de Ningguang. Après avoir franchi quelques mètres dans la pelouse, elle se tourna vers le jeune homme roux. L'invité la regardait d'une manière aussi amusée que curieuse, cherchant visiblement à savoir ce qu'elle avait l'intention de faire. Elle ne fit pourtant pas beaucoup plus que ce que lui-même avait déjà fait : elle sourit, lui offrit un clin d'œil suggestif et s'enfuit à travers les jardins.
Elle entendit son rire derrière elle tandis qu'il s'élançait à sa poursuite. C'était un bruit chaud, suave, révélateur, qui la fit frémir et sourire davantage encore. Elle se tourna vers lui un bref instant et fut plus que ravie de le voir sur ses pas, passant sous les branches des armes qu'elle s'amusait à longer, s'enfonçant un peu plus dans des jardins qu'elle connaissait par cœur. Elle savait très bien où elle se dirigeait, où elle emmenait son bel inconnu et ce dernier semblait avoir décidé de lui faire confiance sur la direction qu'ils prenaient.
Ils arrivèrent finalement dans une partie assez isolée des jardins de la demeure de la Megrez, un endroit où Lumine adorait se réfugier. Un kiosque blanc et sombre se dressait fièrement au milieu d'une étentue faramineuse de rosiers de toutes les couleurs, du rose au blanc en passant par le rouge et le jaune ou même encore des couleurs moins naturelles comme le bleu ou le violet. La jeune fille sourit joyeusement et gravit les quelques marches de bois du kiosque, se tournant vers son invité qui resta d'abord quelques secondes immobile. Lumine le laissa découvrir le paysage reposant et magnifique, avant qu'il ne reporte son attention sur elle. Son sourire était désormais bien plus doux qu'avant, ce qui fit délicatement rougir la jeune fille blonde.
– Bonsoir, très chère demoiselle, déclara le jeune homme avec un sourire, après avoir gravi les marches les séparant.
– Lumine suffira, pour ce soir.
Il sourit un peu plus si c'était possible, passant un bras sage autour de sa taille, comme précédemment, et remonta sa main libre jusqu'à la joue de la jeune femme. Cette dernière réalisa à ce moment-là qu'elle mourrait d'envie d'arracher son masque rouge et de passer ses doigts sur toute la surface de son visage jusqu'à ce qu'elle le connaisse par cœur. A ce moment-là, elle comprit tout le sens de l'expression "sur le bout des doigts".
– Alors quant à moi, ce sera Childe, termina-t-il les présentations. "Pour ce soir" ? Oserai-je espérer qu'il y aura d'autres réceptions où je pourrais te retrouver ?
Sa question était posée sur un ton taquin et malicieux pourtant Lumine pouvait y attendre le brin d'espoir qu'il n'avait pas réussi à dissimuler.
Sa protectrice organisera bien d'autres soirées de ce genre, c'était après tout un passe-temps auquel adorait s'adonner Ningguang.
– Oui. Oui, il y en aura d'autres.
~
Et de deux jours !
J'espère que celui-là vous aura plus (et qu'il vous aura moins frustré que le premier !). J'ai longuement hésité sur les deux thèmes du jour, le deuxième "crime/espionnage/mystères" m'inspirait aussi pour un OS à la spy x family mais finalement, j'ai préféré tenté celui sur la mascarade.
J'hésite d'ailleurs à dire si j'ai parfaitement réussi ou pas, une mascarade étant effectivement une réception où les invités doivent être masqués mais perso, j'associe la mascarade a une mise en scène et un tissu de mensonge ^^"
En tout cas, je vous dit à demain avec le prochain OS... Et la réserve de mouchoirs :D
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