Chapitre 5 - Partie 1
Médiumnité Pour Les Nuls
Article 1
L'univers est séparé en trois couches.
Nous retrouvons d'abord la réalité Tempophyse, dit le « Monde Des Vivants » ou « Xâoh'Dann ». Il englobe tout ce qui est perceptible, tout ce qui est soumis aux contraintes de l'espace et du temps. Il est aussi divisé en plusieurs dimensions, appelées « décans », eux-mêmes habités par plusieurs mondes... comme le nôtre, par exemple.
Ensuite, nous avons la réalité Supratemporelle. Connue sous les noms de « Royaume Céleste » ou du « Paradis », c'est la partie qui subsiste au-delà du temps et de l'espace. On dit que c'est là-bas que les dieux habitent. C'est aussi là-bas que sont créés les âmes et c'est enfin là-bas qu'elles dorment entre deux cycles de réincarnation.
Entre les deux, il y a finalement les Limbes, dit aussi le « Royaume Des Morts » ou le « Royaume De La Nuit Éternelle ». C'est un vide obscur qui chevauche partiellement le Monde des Vivants... là où les âmes décédées se retrouvent si elles refusent de quitter notre monde ou si elles se perdent malgré elles dans ce trou sans fin et sans repère.
David
C'était le matin. Vers quelle heure ? Il n'en avait aucune idée.
À travers le bruit blanc qui sifflait dans ses oreilles, David crut entendre quelque chose d'inhabituel. Il émergea un court moment, juste pour dire qu'il prit connaissance de la réalité, mais comme il n'entendit rien d'autre d'étrange, il replongea rapidement au pays de sa conscience endormie.
Le son continu qu'il faisait jouer toutes les nuits sur ses oreilles aidait à camoufler une partie des bruits ambiants et par ce fait même, les bruits moins « conventionnels » qui le harcelaient souvent. Lui qui avait toujours eu du mal à trouver le sommeil, disons que c'était l'une des seules parades qu'il avait trouvées quand les rituels de base ne fonctionnaient pas pour éloigner les « parasites ».
Soudain, une voix – ou peut-être deux, difficile à savoir – se fit entendre dans le monde de sa conscience. Elle était là, tout près de son Inukshuk intérieur. Beaucoup trop près de lui pour ne pas enclencher son système d'alarme interne.
Et voilà que, une fraction de seconde plus tard, quelque chose effleura son bras. « Shit » : C'était tout ce que son esprit avait trouvé à dire, alors qu'il fut ramené tout d'un coup en « mode réveillé ».
Ni une, ni deux, le jeune homme se redressa d'un bond dans son lit, arrachant brusquement le bandeau qui bloquait sa vue, puis ses écouteurs. Il sonda sa chambre du regard, tout en gardant le bras levé en position défensive...
Juste au cas où il serait happé par une foule de problèmes en plein visage.
Son cœur tambourinait rapidement dans sa poitrine et son souffle était court, saccadé. Tous les muscles de son corps étaient tendus, prêts à réagir au moindre problème. Mais s'il y avait eu quelqu'un d'autre dans sa chambre avant cela, il était seul désormais. Pas une âme, vivante ou morte, de présente dans les parages. Pas même un spectre, ni même une énergie spirituelle qui se serait invitée sans son consentement dans son antre personnel.
C'était quoi cette sensation désagréable qui lui tordait le ventre, dans ce cas ?
Nerveux, il passa sa main dans ses cheveux noirs qui tombaient jusqu'à ses épaules, afin d'écarter les mèches rebelles qui lui collaient à la peau. Il avait le visage encore fripé et les traits tirés par la fatigue. Encore assommé par l'endormissement, son cerveau avait du mal à émettre des pensées cohérentes. Seul un « Fuck. J'en ai marre. » bien senti s'imposa dans ses pensées.
Ouais. Il en avait marre. Me que pouvait-il y faire ?
À chaque matin, c'était la galère. Il ne savait jamais sur qui, ni quoi il allait tomber. D'habitude, son capteur de rêves constituait un bon bouclier, mais parfois, ce n'était pas suffisant. Peut-être avait-il besoin d'être nettoyé et d'être réactivé ? Difficile d'en être certain.
Le fait est que certains fantômes étaient malins. Ils savaient comment déjouer les pièges et comment le narguer, tout en protégeant leurs arrières. Il soupira. « Ouais. Une autre belle journée en perspective. », se dit-il amèrement.
Il voulut débarquer de son lit, mais au moment où il s'apprêtait saisir la couverture, il remarqua qu'il manquait quelque chose de très important à son poignet.
— Shit. Il est où ?
Coïncidence ou est-ce que cela avait été délibéré ? Il ne saurait le dire, mais il se souvint toutefois de la sensation d'avoir été touché par quelqu'un pendant qu'il dormait.
Il lui fallait toujours beaucoup de temps pour revenir dans le monde réel quand il était en mode « sommeil ». Le coupable aurait largement eu le temps de s'en emparer et de le cacher loin de lui.
Cette pensée fut comme un coup de poing en plein ventre. La panique le gagna.
— Fuck, non !
Il fouilla dans son lit, à travers la couverture et les deux vieilles peluches de lapin qui remplissaient une bonne partie de l'espace. Heureusement, son précieux se trouvait coincé dans la craque qui séparait le matelas du mur. Fiou ! Plus de peur que de mal ! Il l'enfila comme une deuxième peau sans perdre de temps.
— Très drôle. Ah, ah. Je suis mort de rire, déclara-t-il d'un ton agacé.
Pas de réponse. Il sonda sa chambre du coin de l'œil, mais personne en vue.
— Dans ce cas, il me reste plus qu'à faire brûler de la sauge...
Il guetta la moindre réaction, le moindre indice aussi infime fusse-t-il.
— Ou bien, je pourrais mettre de l'huile bénite...
Rien. Nada. Il tourna la tête et plissa les yeux, fixant ainsi le vide avec attention. Pas du tout convaincu par ce silence un peu trop parfait. Surtout pas dans cette ville où les fantômes et les spectres semblaient se rassembler comme des papillons de nuit devant la lumière d'une ampoule.
Allait-il se faire surprendre par un petit comique qui se plaisait à embêter les Extralucides ? Ou peut-être allait-il tomber nez à nez avec un Pokaho capricieux ? Les possibilités étaient nombreuses. Et, il était le mieux placé pour le savoir, car il en payait les frais tous les jours.
Tous. Les. Putains. De. Jours.
— Argh. Tant pis. Faites ce que vous voulez, je m'en moque, grommela-t-il pour lui-même.
Il s'assit au bord du lit et fit rouler sa tête pour la dérouiller, la main appuyée sur sa nuque raide. À droite, puis à gauche, à la suite de quoi il s'étira les bras en l'air... Ah. Ça faisait du bien. Son attention se tourna ensuite vers la photo de famille qu'il n'avait pas manqué de déballer de sa boîte de déménagement. Elle trônait sur la table de chevet qui jouxtait le lit comme un rare artéfact du passé.
Le portrait exposait son père, mère, ses deux petites sœurs et lui durant un repas festif. Cheveux noirs, teints plus foncés, yeux légèrement bridés... Hateya et David ressemblaient beaucoup à leur mère, une métisse de la nation Namisak, tandis que Leeze avait presque tout reçu de leur père. À quelques détails près.
Une famille heureuse, pourrait-on croire. Sur cette photo, ils paraissaient presque normaux. Et, ils souriaient tous, sauf Leeze qui était furax après leur petite sœur, car cette dernière venait de lui voler l'un des gâteaux qui la faisaient saliver depuis le début du repas.
En attestait l'image, Hateya portait toujours un collier rouge, lui-même identique à celui de Sheena, mais en format réduit. David en avait un, lui aussi, mais il avait toujours préféré le garder à son poignet.
Sa main se porta naturellement sur son bracelet qu'il avait cru avoir perdu durant la nuit. Il en tripota les perles, elles-mêmes prisonnières des mailles rouges et épaisses, alors que son regard se perdit dans la contemplation de cette chose qui signifiait tant pour lui.
S'il avait fallu qu'il le perde pour de bon... il aurait été dans un sacré pétrin.
Un dernier coup d'œil à la photo, puis au sac médecine qui était positionné à côté de cette dernière. Le collier de sa petite sœur lui avait été remis après sa mort. Il l'avait incorporé ce dernier et depuis, il le suivait partout.
Dans la culture Namisak, comme dans bien d'autres cultures autochtones du Canada, les sacs médecines étaient des sortes de talismans porte-bonheurs et des talismans de protection en même temps. Pour que le sort fonctionne, il fallait le confectionner soi-même avec des matériaux spéciaux, liés à nous de façon symbolique, et surtout, il ne fallait laisser personne y toucher.
C'était sacré.
David empoigna le sac-médecine, la gorge nouée. Le fait que le collier d'Hateya fasse partie de son talisman signifiait beaucoup pour lui. Lorsqu'il mit le pied à terre, il le fourra dans la poche de son pyjama. Un long bâillement sortit de sa bouche, alors qu'il clopina comme un zombie vers la cuisine pour aller se mettre de quoi sous la dent.
Putain que c'était dur de se réveiller, ce matin.
— Déjà debout ? demanda Leeze quand il apparut dans la pièce.
— Mmh, répondit-il simplement.
Il se laissa lourdement tomber sur la chaise voisine de celle de sa sœur et se coucha sur la table, épuisé.
— Une mauvaise nuit ?
— On peut dire ça, souffla-t-il.
— Est-ce à cause de...
Leeze ne termina pas sa phrase. Elle se recroquevilla plutôt sur elle-même, se faisant toute petite sur son siège.
— E... est-ce qu'il y en a dans cette maison aussi ? bégaya-t-elle à voix basse.
Elle parlait des fantômes. Elle les avait toujours eus en horreur. Malheureusement pour elle, elle était née dans la mauvaise famille. Le front appuyé sur son bras, David tourna la tête vers elle.
— Ce n'est pas tant la maison, mais les personnes qui habitent dedans... ou qui ont habité dedans, précisa-t-il. Tu le sais ça...
— Mmh.
Il n'aimait pas la voir afficher cette tête. Il tendit sa main vers elle. Ses doigts effleurèrent ceux de sa petite sœur. Doucement, pour ne pas la brusquer.
— Je m'excuse, souffla-t-il.
Elle accepta l'invitation et mit sa main dans la sienne, qu'elle serra tendrement.
— Ce n'est pas de ta faute.
— Quand même... Je sais que c'est pas évident pour toi, puisque tu ne peux pas les voir.
— Ce n'est pas plus évident pour toi, alors que tu les vois.
— Mmh.
Elle n'avait pas tort sur ce coup-là.
Il lâcha sa main. Un moment de silence suivit, à la suite de quoi des bruits de pas retentirent. Ils traversèrent rapidement le couloir, s'approchant ainsi de la pièce.
Quand Jeremy entra, ce dernier s'arrêta, surpris.
— Ah. Dave ! Tu es là ?
— Hey oh. C'est vexant, à la fin. Je sais quand même me lever à l'heure quand il le faut, argua le principal intéressé en se redressant mollement sur sa chaise.
— Mmh, mmh. Bien sûr.
Le petit sourire pincé que son père lui gratifia était de trop. Bon. Ok. Il n'était pas du matin. Et alors ? Était-ce un crime ?
— Sinon, tu veux un café ? demanda le paternel en allant se parquer près de la cafetière.
— Un double.
— Et toi, ma chérie ? Besoin de quelque chose ? s'adressa-t-il à sa petite sœur.
— C'est bon.
Leeze avait esquissé un sourire effacé. Elle était perdue dans ses pensées, ce qui n'échappa pas au regard de David.
Voilà pour la première partie du cinquième chapitre. Pour être honnête, je rame un peu avec la deuxième. Aussi, je n'écris pas vraiment en ordre chronologique. Mais, je vais tâcher de prioriser cette dernière pour la plublier rapidement 😊
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top