CHAPITRE XV

Combien y'avait-il de Yamada dans le monde ? Enormément. Quand ce garçon, Riku, s'était introduit dans une de leur base, ils n'avaient pas réfléchi et l'avait tué de suite. Xavier n'avait pas levé le petit doigt pour le secourir. Comment aurait-il pu connaître le lien de parenté qu'il avait avec la fille d'Himawari ? Il ne pouvait pas épargner tous les Suzuki et les Yamada de la Terre.

Quand Rui lui avait demander la permission d'aller rendre visite au vieil ami de Riku, elle ne s'était pas attendue à une telle réaction de la part du vert. Tout ce qu'elle voulait, c'était récupérer le carnet de bord de Riku qu'elle pouvait recevoir à sa majorité pour ses études sous la demande de celui-ci. Riku avait été une personne très protectrice, pensant que tout et n'importe quoi pouvait blesser la jeune fille. La noirâtre avait toujours pensé qu'il en faisait un peu trop, mais cela l'avait toujours amusé. Mais à présent, en voyant le teint de Xavier blanchir à vue d'œil, ça ne l'amusait plus.

Se remettant de ses émotions, Xavier soupira entre ses doigts qu'il passa sur son visage. Et d'un coup, c'était comme si Rui avait tout compris. C'était comme si elle avait compris pourquoi l'adulte réagissait de cette façon. Et puis soudain, ce n'était plus une illusion. Elle avait tout compris. Et enfin, horrifiée et complètement apeurée par ce qu'elle venait d'entrevoir, elle demanda d'une voix chevrotante et dubitative :

« Riku... Ce n'est pas vous qui avez tué Riku, n'est-ce pas ? Tu n'as rien à voir là-dedans, n'est-ce pas Xavier ? »

Son silence répondit à sa place et, stupéfaite, Rui ne pipa mot. Elle bascula son buste en arrière pour rencontrer le dossier de la chaise sur laquelle elle s'était installée.

« Tu l'as tué... »

Ces mots, murmurés au vent, firent relever la tête de Xavier dans un mouvement brusque. Ses traits transpiraient le choc et la déception en entendant de telles paroles. Cependant, Mochiba ne pouvait la contredire. Il comprenait son point de vue. Même s'il ne l'avait sûrement jamais rencontré, il n'avait rien fait pour le secourir et l'avait laissé mourir seul. Ce n'était pas n'importe quelle personne de sa famille ; Riku était son cousin, pratiquement son grand-frère. Il l'avait vu grandir et avait parcouru un long chemin à ses côtés, la soutenant et la conseillant du mieux qu'il pouvait. Alors même si le vert ne l'avait sûrement jamais aperçu, pour Rui cela revenait à la même conclusion : il ne l'avait pas sauvé, et possédait de ce fait son sang sur les mains, tout autant que ses anciens confrères. C'était cruel, mais c'était ce que pensait Rui.

Sa mâchoire se serra inconsciemment. Xavier avait tué son cousin. Il ne l'avait pas sauvé, cela voulait dire qu'il l'avait tué n'est-ce pas ? Il la dégoûtait. Alors qu'il n'avait pourtant rien fait de mal. Cela l'agaça. Elle ne savait plus quoi penser de la situation. Tout sembla devenir flou dans son esprit. Tout ce à quoi elle pouvait penser, c'était Riku. Et à la mission qui lui avait coûté la vie si injustement. Mais en pensant à celle-ci, la jeune femme fit la liaison avec l'affaire dont elle avait eu un temps à faire lors de ses années de lycée. L'assassinat de Head Shot. La noirâtre sentit sa gorge s'assécher à cette constatation.

« Le meurtre de Head Shot... c'était vous aussi. »

Sombrement, à ces mots, Xavier hocha la tête.

« On a eu l'ordre de le tuer. De s'assurer qu'il ne soit plus capable de parler de ce qu'il a vu.
-Vu ?
-Les expériences qu'on faisait. Il a été témoin de ces expériences.
-Mais les flammes... Les flammes ne pouvaient pas s'éteindre. Comment ?
-Comment es-tu au courant de ça ? l'adulte l'interrogea en fronçant les sourcils.
-J'étais sur les lieux, pour un exercice de mis en situation. C'est nous qui avons appelé les pompiers.
-Nous ?
-Moi et, elle se stoppa brusquement. »

Sa bouche entrouverte et ses pupilles légèrement dilatés la firent prendre conscience d'une chose. Une chose qu'elle avait oublié depuis longtemps, concentrée dans ses malheurs. Une chose qui, pourtant, lui avait été bien plus précieuse que sa propre vie. Sa main vint enserrer doucement le pendentif à son cou, celui qui ne l'avait jamais quitté et qu'elle avait pourtant oublié la présence autour de sa gorge. Shoto.

« Un Alter d'illusion vive, Xavier poursuivit en sentant le désarroi clair de sa protégée. Une illusion incapable d'être arrêté sans Alter de désillusion ou d'effacement. C'est pourquoi le feu ne s'est jamais éteint avant d'avoir brûler l'entièreté de sa maison. »

Le feu ne s'est jamais éteint. Un Alter d'illusion vive. Rui n'arrivait pas à croire tout ce que lui avouait Xavier. Elle se prit la tête dans les mains. Tout était relié. Tout n'était que question du gouvernement et de ses méthodes et expériences immorales et irréalistes. Puis d'un coup, elle releva la tête. Son regard était tortueux mais une étincelle de détermination continuait de briller à l'intérieur de ses pupilles.

« Il faut que j'aille voir Mashiro. »

Mashiro Yagi n'était pas une personne à problèmes. Il avait toujours été un peu naïf, mais il n'avait pas de véritables ennemis et était apprécié de beaucoup. Il était sérieux et n'avait que très peu fait d'erreurs dans sa vie. Et la plus grosse d'entre elles fut de suivre Riku dans cette agence de héros. Il s'était demandé pourquoi celle-là, qui n'était pas très connu, plutôt qu'une agence plus connue. Lorsque son ami lui avait listé ses raisons, il avait compris et avait même adhéré à sa cause. Mais jamais il n'avait imaginé qu'il serait un jour pourchassé de cette façon.

Mashiro ne dormait plus. Il ne vivait plus. Ses sens étaient toujours à l'affut du moindre danger. Il aurait du savoir. Le brun aurait dû sentir que cette mission ne serait pas aussi paisible que les autres. Il aurait dû sentir qu'ils n'en ressortiraient pas tous vivants. Pourquoi ne restait-il que lui ? Ils auraient dû savoir que s'attaquer au gouvernement n'était pas sans aucun prix. Riku l'avait payé de sa propre vie. Et il n'allait pas tarder à le rejoindre...

Il sursauta quand la sonnerie de la porte d'entrée retentit. Qui était là ? Il n'attendait personne. Il s'était coupé du monde depuis presque quatre ans maintenant. Le cœur angoissé, battant à cent à l'heure dans sa poitrine, il se dirigea vers la porte d'entrée d'un pas tremblant et peu assuré. Il se colla contre la porte puis passa une de ses pupilles à travers l'œil de bœuf de sa porte. Puis d'un coup, la stupéfaction peignit ses traits dans une horreur absolue.

Sans s'en rendre compte, sa main ouvrit la porte dans un grand fracas, surprenant ses trois hôtes. Avec surprise, alors qu'il s'apprêtait à s'avancer jusqu'à elle, un homme aux cheveux blancs le devança en se plaçant devant lui, le fusillant du regard. Yagi déglutit difficilement, ses pupilles ne quittant pas la fine silhouette de la cousine de son ami décédé. Et dans un murmure, comme s'il n'arrivait toujours pas à y croire, il dit lentement :

« Tu es en vie... »

La noiraude, après un instant de surprise, hocha doucement la tête. Sans perdre plus de temps, l'ancien héros les fit entrer dans son appartement en observant bien les alentours avant de refermer sa porte. Il les dirigea vers le salon où il les installa sur son canapé en leur servant à boire, en parfait hôte qu'il pouvait être.

« Comment... ? Comment cela se fait-il que tu sois en vie ? Est-ce que... »

Rui, comprenant là sa question, hocha négativement la tête. Elle l'avait espéré un moment. Un long moment. Mais elle était certaine que Riku était bel et bien décédé...

« Que fais-tu ici ? Je me doute que depuis ta... mort, tu ne dois pas vivre une vie des plus simples. Alors que fais-tu ici ? Que veux-tu ? »

La jeune fille ne répondit pas, pendant un court moment. Elle se contenta de fixer sa tasse de thé encore fumante. Elle ne connaissait pas très bien Mashiro. Elle ne l'avait rencontré que très rarement dans sa vie, peu importe à quel point Riku et lui étaient amis. Et la dernière fois qu'elle l'avait vu, c'était à l'enterrement de son cousin. La jeune femme savait que Riku parlait énormément d'elle à ses amis. Elle était sa petite-sœur, sa fierté. Riku parlait de Rui toujours avec enthousiasme. Mais la jeune fille n'aurait jamais pensé que Mashiro avait réellement écouté les discours répétés du défunt Yamada. Sinon, comment se souviendrait-il qu'elle aimait particulièrement le thé au citron, alors qu'il avait servi du thé mentholé à ses deux autres invités ? Ce simple fait fit gonfler le cœur de la jeune fille. Quelque part, cela était la preuve qu'on ne l'avait pas oublié, et qu'elle comptait toujours.

« Je sais que Riku t'as légué un carnet, où se trouve toutes ses recherches. J'aimerais que tu me le donnes.
-Non. »

Elle releva si vite la tête qu'il pensa qu'elle allait se le tordre. Mashiro ne cligna pas des yeux et resta complètement impassible.

« Pourquoi ? C'est mon héritage !
-Il n'aurait pas aimé que tu lises ça.
-Que je lise quoi ?
-Elle connaît déjà toute la vérité. »

La voix tranchante de Shun coupa court à leur débat inutile.

« Elle sait déjà tout.
-Je sais pour ma mère. Pour le gouvernement. Pour l'Elite. Je sais déjà tout. »

Le brun observa un long moment la jeune fille, l'analysant de son regard mauve. Puis après un moment, il soupira et se leva pour se diriger dans l'une des pièces de son appartement. Sa chambre. Il revint quelques minutes plus tard, un carnet noir entre ses mains puis le tendit à Rui qui le prit de suite entre ses doigts.

« Riku n'était pas aussi bon que tu le pensais, il prévint sombrement en la regardant. Mais tout ce qu'il a fait, il l'a fait pour protéger tout le monde. Pour te protéger. Il pensait qu'il pourrait régler ça seul. »

Mashiro savait qu'il était trop tard pour lui pour la mettre en garde. Elle était déjà entrée dans un cercle vicieux où jouait le gouvernement. Rien qu'aux cicatrices visible sur ses avant-bras lui indiquait l'horreur qu'elle avait déjà dû vivre entre leurs mains. Il espérait simplement qu'elle n'aurait bientôt plus à souffrir de cela.

Riku avait tendrement aimé sa cousine. Il l'avait pratiquement élevé, tant ils avaient passé du temps ensemble. C'était un papa poule à l'âge de seize ans déjà. Le cousin et grand-frère que tous auraient aimé avoir. S'il savait ce que vivait la noiraude en ce moment même, Yagi était certain qu'il se retournerait trois fois dans sa tombe dans le but de ressuscité et de tous leur donner une bonne leçon. Elle était pratiquement sa jumelle après tout, un bon équivalant de nom sur leur relation. Un lien aussi fort que celui d'un jumeau.

« Merci... »

Son regard s'adoucit sur la silhouette de la jeune fille. Mashiro les raccompagna jusqu'à la porte d'entrée, et referma la porte après leur départ, souhaitant pour cette jeune femme le meilleur qui puisse lui être donné. Mais Mashiro en était certain, il n'avait pas besoin de s'inquiéter pour elle : deux personnes la protégeaient déjà de là-haut.

oOo

L'homme balança son cadre photo jusqu'à ce qu'il s'écrase et que la vitre ne se brise en milles morceaux à l'autre bout de la pièce. Le vieil homme cogna violemment son poing contre son bureau en passant une main fébrile sur son front. Ses sourcils étaient froncés, lui rajoutant encore plus de cernes qu'à l'accoutumé. Sa mâchoire contractée, il fixait, penseur, un point invisible sur son espace de travail. Il devait réfléchir au plus vite.

Comment, diable, ces trois-là avaient-ils pu s'échapper de cette prison ?! Il avait donné toutes les directives, les menottes, il avait fourni tout le matériel pour les rendre fous ! Et de foutus gardes avaient tout foutue en l'air à cause de leur perversité pas assez comblée ? Il espérait qu'elle l'était à présent six pieds sous terre et béton. Qui sait ce qu'il pouvait maintenant arriver avec Shun Aoki en liberté.

Il se pinça l'arête du nez. Il ne pouvait rien faire. S'il lançait des avis de recherche, il mettrait à jour leur fausse mort. S'il lançait des policiers, ceux-ci, il était certain, allait parler entre eux et toute cette affaire sortirait d'entre les murs. Il ne pouvait non plus faire ingérer le sérum de détection sur la totalité des personnes du Japon. Il n'y en aurait jamais assez, et celui-ci était sensé être gardé secret d'état. L'empereur lui-même n'était au courant de rien, lui faisant une confiance aveugle. Il ne pouvait entacher son image.

Le regard dur, il ne lui restait qu'une seule solution. Lui, qui avait été si gentil, l'avait à présent laisser vivre assez longtemps à présent. Il devait à présent le tuer et récupérer toutes les preuves l'incriminant. Il était le seul survivant. Et donc le seul enclin à le faire tomber. Dans un geste brusque, il attrapa son téléphone et composa un numéro. Il éleva celui-ci jusqu'à son oreille et attendit un instant avant d'ordonner d'une voix dénuée d'humanité :

« Tuez le héros Blaze et faite passer cela pour un accident. Son véritable nom est Mashiro Yagi. »

Jsuis en cours et vous ?

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