CHAPITRE V
Mina et Eijiro l'avaient obligé à participer à cette fête d'étudiants. Ils avaient argumenté qu'il avait besoin de sortir, de s'aérer l'esprit. N'ayant aucun autre choix, Todoroki les avait suivis sans plus de questions. C'est ainsi qu'il se retrouva accolé au mur de chez un certain Aki Mabushi, collé à son téléphone et ses amis non loin de lui. Il leva cependant les yeux de son cellulaire lorsque Kirishima l'interpella et lui intima de les rejoindre. Sans plus de mots, il s'approcha du groupe dans lequel ils participaient activement aux conversations. Shoto se plaça près de la rose qui souriait et parlait avec gaieté. Il sourit en la voyant aussi pétillante. Elle allait mieux. Il était heureux qu'elle puisse de nouveau rire avec les autres, comme lorsqu'ils étaient plus jeunes. Et cela avait le don de le rassurer. Cela le confortait dans l'idée qu'il pourrait un jour de nouveau profiter comme elle pouvait le faire maintenant. Même s'il en doutait encore beaucoup.
oOo
« Comment... C'est quoi ça... »
La respiration calme de Rui s'accéléra subitement pour se hacher. Son corps ne voulait plus répondre, elle était comme figée face à la vision qu'elle avait. Et pourtant, c'était comme si elle pouvait sentir son corps entier trembler dans son immobilité.
Elle s'était habituée à la salle. C'était l'endroit le plus sale et nauséabonde de toute la prison. A côté, les cellules étaient propres. C'était la salle des tourments et des peurs. Celle où souffraient tant les occupants de la prison, elle-même comprise. Toutes les fois où elle était retournée aux côtés de Shun en pleurant et déversant toutes les larmes de son corps, jusqu'à en finir déshydratée. Apeurée, terrifiée... Shun l'avait tant de fois pris dans ses bras pour calmer ses pleurs, et lui avait tant répété de mots rassurants qu'elle ne les comptait plus. Elle ne savait même plus depuis combien de temps elle se trouvait dans cet endroit. Elle avait complètement perdu la notion du temps. Tout ce qu'elle faisait c'était de supporter cette pièce qui la maintenait en horreur. Grâce aux paroles de Shun.
L'Aoki lui avait expliqué le fonctionnement des tortures. Les hommes étaient blessés et meurtri jusqu'au lever du jour. C'était une torture physique et meurtrière. La raison pour laquelle Shun était surpris qu'elle n'ait pas virée folle rapidement était le fait que leurs tortures n'étaient que psychologique. Les femmes de cet endroit étaient soumises à respirer un gaz hallucinatoire qui les plongeait dans une atmosphère horrifiante qui les faisait voir leurs peurs les plus enfouies et les plus sombres. Si la plupart des hommes finissaient par mourir d'épuisement face aux acharnements des gardes, les filles viraient, pour la plupart, folles. Mais elle, elle avait gardé sa conscience intacte, la gardant sur la terre ferme. Elle avait fait face à toutes ses peurs les plus profondes, et en était toujours ressorti indemne bien qu'en pleurs.
Mais jamais encore elle n'avait eu à faire face à sa mère.
« Bonsoir Rui. »
Les yeux écarquillés et dilaté de stupéfaction, Rui ne réussit qu'à entrouvrir et refermer ses lèvres avec frénésie sans jamais ne sortir un seul son de sa bouche. Assise sur le seul crasseux et visqueux, la jeune fille esquissa un mouvement pour amener sa main vers le bas de son visage. Collée au mur, elle ne pouvait se détourner de la silhouette gracieuse qui se tenait devant elle. Sa mère était là, dans une parfaite hallucination. Un parfait mensonge. Elle possédait toujours cet air de maturité qui la caractérisait auparavant. Elle avait toujours des traits fins et détendus et ses yeux d'argents similaires aux siens scintillaient toujours de gentillesse et de bonté. Elle se tenait toujours droite face à elle, ses cheveux blond vénitien descendaient jusqu'au bas de son dos dans une cascade gracieuse et souple. De sa hauteur, Rui vit la silhouette de sa génitrice s'arquer vers l'avant. Toujours sous le choc, la noiraude ne pouvait répondre à la voix chaleureuse qu'elle entendait et qu'elle avait tant aimé écouter dans son enfance.
« Ça fait longtemps ma chérie... »
Seuls quelques petits gémissements de stupeurs réussirent à franchir ses lèvres. Trop d'informations étaient en train de traverser son esprit. Sa mère était là. Devant elle. Comme avant.
Puis soudainement, après quelques secondes de stupéfaction, un déclic se fit dans son crâne. Ça ne pouvait pas être sa mère. Elle était morte. Morte et enterrée. Il était impossible que ce soit elle. Jamais. Sa main descendit le long de son corps alors que la surprise quittait son regard et ses traits. Elle secoua la tête, longuement puis inspira profondément.
« Tu n'es pas là... Ce ne sont que les gaz... »
Et c'était vrai. Ce n'était que les gaz. Si bien que sa mère ne prononça pas un mot après qu'elle ait sortit sa réplique. Les yeux toujours clos, la noiraude balança sa tête en arrière doucement. Elle respira intensément, comme pour sortir de ce cauchemar. Ce n'était qu'un mirage... Un simple mirage... Des perles de sueurs roulèrent sur sa peau. Elle avait chaud. Très chaud. Trop chaud. Sa tête commença à tourner tout d'un coup.
Ce n'était qu'un cauchemar... Un horrible cauchemar...
Le silence envahissait la pièce, bourdonnant dans le creux de ses oreilles. Elle n'osait ouvrir de nouveau les yeux. Elle était effrayée. Mais pas de cet effroi qui la frappait lorsqu'elle faisait face à la mort, pas de cet effroi qui peignait ces traits lorsque ses peurs les plus profondes l'envahissaient. Elle écoutait sa respiration claquer dans l'air. La lumière de la salle ricochait sur ses paupières dans le but qu'elle ouvre de nouveau les yeux et fasse face à ce qui l'attendait. Ce n'est que de longues minutes plus tard, lorsque des traits las et fatigués prirent possession de son doux visage. Naturellement, elle baissa sa tête sur le côté, les yeux scintillant d'une lueur blessée et sa lèvre inférieure mordillée nerveusement.
« Tu n'es pas ma mère... »
Le cœur lourd et au bord des lèvres, elle leva le regard vers celle qui fut jadis sa mère, encrant ses iris dans celles de sa génitrice. Un sourire rempli de sarcasme étira le coin de ses lèvres.
« Tu n'es pas ma mère hein... Tu n'es qu'un tissu de mensonges... Le fruit de ma folie, n'est-ce pas... ? Tu viens de ma tête... Tu es l'illusion des gaz hallucinatoires, l'image de mes peurs les plus profondes... »
Le sourire douloureux qui retraçait les traits de l'adulte accabla la noirâtre. Ses poings se serrèrent jusqu'à rendre ses jointures blanches. Elle émit un petit rire sardonique alors que la silhouette de sa mère s'approchait d'elle. Cette dernière s'accroupit face à elle et vint caresser sa joue tendrement. Les yeux de Rui s'agrandirent légèrement et son souffle se coupa. Elle aurait juré sentir sa main contre son visage... Les lèvres plisser et les sourcils à présent froncés, elle observa douloureusement les traits de sa mère qui la regardait avec amour et mélancolie.
« Tu m'as manquée mon cœur... Tu m'as terriblement manquée... »
N'en pouvant plus de cette tension palpable, des perles transparentes commencèrent à rouler le long de ses joues. Son visage était à présent tiré vers le bas, de détresse.
« Tu n'es pas réelle, n'est-ce pas... Tout ça c'est à cause du gaz... »
Le sourire qu'elle lui fit lui donna sa réponse. Rui ferma les yeux, en soupirant doucement en tentant de se calmer. Elle le savait qu'elle n'était pas avec elle, ici. C'était impossible.
« Pourquoi tu es là... Je veux dire... Tu n'es pas une de mes peurs... »
Elle s'assit face à sa fille.
« Tu as épuisé toutes tes peurs, ton esprit se focalisant sur une chose dont tu avais besoin et non une chose dont tu avais peur... Tu avais besoin de moi. Je suis là pour ça.
-J'ai toujours eu besoin de toi... C'est toi qui es partie... »
Le reproche dans sa voix se fit sec et sans hésitation. Malgré qu'elle ait compris pourquoi sa mère les avait quittés, elle ne pouvait s'empêcher de se dire que si sa mère l'avait voulu, ils auraient trouvé un moyen pour s'en sortir. Après tout, son père l'aimait follement. Il aurait trouvé une solution. Himawari ne répondit pas. Silencieuse.
« Tu vas me dire que tu ne regrettes pas hein... Que tu aies fait le meilleur choix possible pour nous sauver et que tu le referais si c'était à refaire, n'est-ce pas ? Ts... c'est pathétique... »
Himawari tourna enfin de nouveau ses yeux sur le frêle corps de sa progéniture, les yeux vides d'émotions et un sourire désolé collé au visage. Elle déclara ensuite :
« Je ne te dirais pas que je referais le même choix si j'avais l'occasion... J'aurais voulu rester avec ton père et toi... D'être à vos côtés à chaque instant et pouvoir te voir grandir... Ce n'est peut-être pas le meilleur choix que j'ai fait... Et je le regrette un peu... Mais tu es en vie... alors ça me réconforte un peu...
-Pourquoi t'es partie... Papa n'a pas compris... Et je ne peux rien lui dire...
-Rui... »
La jeune fille releva les yeux vers l'ancienne matriarche Suzuki. La tendresse dans sa voix pinça le cœur de sa fille alors qu'Himawari posait deux mains sur ses épaules.
« Je suis fière de toi, tu sais... Tu es devenue une magnifique jeune fille, forte et courageuse... Tu fais attention aux autres, tu es intelligente... Je suis désolée que tu ais dû être entraînée dans toute cette histoire... Je suis tellement désolée de t'avoir laissé mon cœur... »
C'était les mots que Rui souhaitait le plus entendre. C'était les seuls mots qu'elle voulait les plus entendre de sa mère. Alors oui, peut-être que c'était seulement son esprit. Peut-être que les gaz y étaient pour quelques choses, peut-être qu'elle était encore une fois seule dans cette salle et que les hallucinations étaient tellement fortes qu'elle pensait que sa mère était vraiment là avec elle... Mais qu'importait. Seuls les mots prononcés résonnaient dans sa tête. Et son cœur se soulagea tant que plus rien n'avait d'importance. Oui... peut-être que ces mots eux-mêmes n'étaient qu'une image, mais tout ce qui comptait était qu'ils avaient tout de mêmes résonnés dans ses oreilles. Qu'ils avaient étaient prononcés pour elle. Et d'un coup, ce fut comme si tout était beaucoup plus léger.
oOo
« Où est passé Shoto ?
-Le fils Todoroki ? Je ne sais pas... Je l'ai vu partir avec une blonde tout à l'heure. »
Mina fronça les sourcils face à cette révélation et commença à chercher son ami dans la pièce frénétiquement. Quittant sa nouvelle amie avec précipitation, la jeune Ashido commença des recherches ardues dans les différentes pièces de la maison. Son anxiété monta d'un cran quand elle ne le trouva pas même après de longues minutes de recherche. Elle se rongea les aigles de stresse. Quand elle vit son petit-ami dans un coin, discutant avec un groupe de personnes, elle se rua vers lui avec affolement.
« Qu'est-ce qu'il se passe ? il haussa un sourcil en voyant l'état de la rose.
-Tu n'aurais pas vu Shoto ? Il a disparu, je ne le trouve plus...
-Il doit sûrement ne pas être loin. Ne t'inquiète pas, il n'est pas du genre à s'attirer des ennuis.
-Mais il a tant changé ces derniers temps, il m'inquiète, je-
-Eh, eh, eh, il la coupa en voulant la calmer et en posant mains sur ses épaules frêles. Calme-toi. Laisse-le un peu respirer. Il a sûrement besoin de décompresser. Ça a beau faire quatre mois, c'est encore trop récent pour lui... Il ne peut pas être bien loin Mina. Ne t'en fais pas. Shoto n'est pas du genre à faire de bêtises. »
Dans ses bras, la rose se tranquillisa. Elle se calma et encra finalement ses yeux dans ceux du rouquin.
« Tu as changé, Eijiro. Tu es plus mature, elle lui sourit doucement et amoureusement.
-Je n'ai pas changé Mina. J'ai juste grandi. On l'a tous fait. »
Eijiro se perdit dans ses pensées. Ils avaient tous grandi, ceux de sa promotion. Les personnes de Yuei particulièrement, depuis ce jour il y a quatre mois. Depuis ce terrible accident. Et malgré la tristesse qui compressait le cœur de chacun chaque jour qui passait, ils essayaient tous de s'en sortir et d'avancer. Du mieux qu'ils pouvaient. Sortant de ses pensées, il reprit sa conversation là où il l'avait stoppé en entourant les épaules de sa copine d'une manière possessive.
Shoto, de son côté, ne savait pas trop ce qu'il faisait là. Il avait bu. Enormément. Cela lui arrivait de boire de temps en temps depuis un an maintenant, et il avait découvert qu'il tenait assez bien l'alcool. Ce soir-là, il avait bu plus que de raison. Il ne s'était jamais retrouvé dans ce de situation ; complètement à l'ouest, bourré. Ses joues étaient rougies par l'ivresse et sa conscience s'était endormie depuis plusieurs minutes maintenant. Il se retrouvait donc, sans être conscient de ses actions, dans cette chambre assombrie par la nuit, torse nu, à embrasser chaudement cette fille qu'il ne semblait connaître ni d'Eve ni d'Adam. Il ne pensait plus à rien. Tout ce qu'il voulait c'était oublier. Oublier qu'il n'aurait aucun futur avec elle. Qu'elle n'était plus là à ses côtés. Il voulait oublier que plus jamais elle ne partagerait sa vie. Qu'elle ne sera jamais sa première fois ni sa dernière. Tout simplement parce qu'elle était morte. Morte.
Il ne l'accepta seulement cette nuit-là. Emporté par la passion de la chair, alors qu'il noyait son chagrin dans l'embrasement de son corps au contact d'un autre. Et chaque larme qu'il dû verser se transforma en gouttes de sueurs roulant le long de son corps. Il était temps qu'il l'admette : elle ne reviendrait pas. Il était grand temps d'ouvrir les yeux.
Ne me tuez pas... faut que je poste la suite demain... ;-;
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