« Pourquoi on fait ça, déjà ? 

James, Sirius et Peter - qui posait cette question pour la seconde fois - se tenaient dans une salle de classe désaffectée qu'ils avaient découvert la semaine précédente. Elle ne comptait qu'une fenêtre et il y faisait très sombre ce qui était sans doute la raison pour laquelle plus personne ne l'utilisait. Ils avaient poussé les chaises et les tables contre les murs, gribouillé sur le tableau avec un cailloux-craie et se tenaient désormais au centre de la salle, leurs baguettes à la main. 

- Les patronus ont la même forme que les animagus, répéta James. Donc, si on arrive à conjurer un patronus on pourra connaitre la forme de notre animagus. 

Pour la première fois de sa scolarité il parlait en tenant un grimoire ouvert entre les mains et en parcourant les lignes des yeux avec sérieux et attention. 

- Et si on veut garder la surprise ? 

- On veut pas, Pete' ! répondit le garçon à lunettes en relevant la tête du livre. On fait justement ça pour s'assurer qu'aucun d'entre nous n'ai la malchance d'être un animal aquatique. 

- Rien ne nous empêche d'être des crocodiles, des axolotls, des canards, des grenouilles...

- J'entends un animal aquatique sans pattes, Sirius. Du genre morue, phoque ou étoile de mer !

- Le patronus de ma mère est un narval, avoua Peter, de plus en plus inquiet. 

- Voilà ! Raison de plus pour s'assurer qu'on sera tous en capacité d'aider Moony une fois transformés. Sinon on trouvera un plan B. »

Ayant de nouveau enfilé son masque d'élève studieux, James commença à lire à voix haute les informations des plus importantes concernant le sortilège pour rester concentré tout en livrant les indications aux autres. 

« Le Patronus est un sortilège d'une extrême complexité et l'invocation d'un véritable Patronus est un acte de magie très avancé qui nécessite une certaine expérience, certain∙es sorcier∙es étant tout juste capables de faire apparaître un filet de fumée argentée.

- Je suis foutu, couina Peter en se laissant tomber sur une chaise. 

- En plus d'être d'une incroyable difficulté, seul un∙e sorcier∙e  qui croit sincèrement en la légitimité et la justesse de ses actes peut invoquer un véritable Patronus. Une personne au cœur impur tenterait de faire apparaître un Patronus pour de mauvaises intentions tout en en ayant pleinement conscience verraient des asticots surgir de sa baguette pour le dévorer.

- Ok, on est tous foutus. 

- Pour lancer le sortilège du Patronus, il est nécessaire de se concentrer sur un souvenir particulièrement heureux ou fort, et si possible les deux, et prononcer la formule Spero Patronum.

- On arrivera jamais sans l'aide d'un professeur. On a même pas Remus. »

James avait une furieuse envie de prendre Peter par les épaules et de le secouer comme un prunier. Lui ne doutait pas une seconde de ses capacités. Il était persuadé de réussir à faire se matérialiser un patronus corporel face à lui dès l'instant où il prononcerait la formule. 

Ignorant les plaintes de son ami, il pointa sa baguette vers un point invisible, ferma les yeux, visualisa un premier souvenir, s'en imprégna et cria la formule dans le vide. Pas un brin de fumée argentée ne sortit de sa baguette, même pas un asticot. Il recommença l'expérience, vexé. Sirius l'imita, et, au bout d'un moment, Peter les rejoignit. Cependant, même après deux sonneries du clocher de l'école, personne n'avait obtenu de partonus corporel et il fallait y regarder de très près pour voir un début de filet de fumé d'argent. 

Ils tachèrent de trouver dans leurs têtes un souvenir plus heureux, de penser à Remus de toutes leurs forces, de répéter la formule encore et encore pour qu'elle soit d'autant plus précise mais rien ne se produisit. Et ils rentrèrent au dortoir bredouille. 

.

« Arggg Putain de bordel de merde ! pesta Sirius depuis la salle de bain, durant l'avant-dernière semaine qui précédait les vacances de Yule. 

Les trois autres maraudeurs étaient installés dans le dortoir sur leurs lits respectifs pour faire ce qui était en théorie des devoirs et en réalité n'importe quoi d'autre. 

- Langage, Starman !

Le principal concerné sortit de la pièce dans laquelle il s'était enfermé depuis d'interminable minutes, sa main plaquée contre son oreille et la bouche tordue. 

- Putain Sirius qu'est-ce que tu as fait ?! s'écria James en se levant du lit sur lequel il tentait de faire marcher sa boule de cristal pour s'élancer vers son meilleur ami. 

- Je me suis percé l'oreille. 

- Tu as QUOI ? bondit Remus, se précipitant à son tour vers le garçon pour vérifier l'ampleur des dégâts. Il pressa le premier bout de tissus qu'il trouva contre la plaie. Tu as désinfecté avant, au moins ?

- Il fallait désinfecter ?

- T'es un abruti, Sirius.

Pourquoi est-ce que je suis toujours aussi amoureux de toi ? 

- Je t'emmène à l'infirmerie. » décida James en tirant le bras de son ami malgré ses protestations. 

Le loup-garou soupira, entendit la porte de bois se refermer derrière Sirius et James puis retourna jusqu'au matelas qu'il avait quitté plus-tôt pour se laisser tomber dans un coussin rouge.

« Moony ?

Le dit-Moony sursauta en découvrant la présence de Peter debout à coté de son lit, son attention étant accaparé par les nuages qui défilaient à l'infini dans la boule cristal posée en vrac sur le lit de James. Il ne s'était pas retrouvé seul avec Peter depuis un moment, ni avec aucun autre des maraudeurs, en fait, et il ne s'en rendit compte qu'à partir de cet instant. Ses derniers temps, ses amis le délaissait quelque peu et il passait davantage de temps avec les filles. 

- Pete' ?

- J'ai fait un pari avec James et maintenant je dois savoir faire apparaitre un patronus avant la fin du mois. Tu pourrais m'aider ? Tu expliques bien et tu réussis toujours les nouveaux sorts. 

- Montre. invita Remus en se décalant pour laisser une place à l'autre sur son lit. 

Ils placèrent le grimoire entre eux pour les guider et préparèrent leurs baguettes et leurs esprits à l'apprentissage d'un sort mille fois plus intéressant que les devoirs du cours de sortilège. En s'asseyant, Peter fit bouger l'un des coussins et récupéra un morceau de parchemin coincé sous une couverture. Il essaya de ne pas lire, conscient du nombre de fois où sa mère avait tâché de lui faire respecter les secrets des autres, mais les mots lui sautèrent au visage sans qu'il n'ait le temps de les en empêcher. 

- Euh... Remus ? (il lui tendit le papier) C'était à coté de moi.

Son ami se figea, découvrant de quoi il s'agissait et se maudissant d'avoir oublié de brûler cette liste comme il se l'était promis. Il eu un échange de regards avec Peter, sachant qu'il était inévitable que ce dernier n'ait pas lu les mots qui l'intitulait. Il était déjà honteux à l'idée que les gens ne le voit rentrer dans une pièce sans y être invité, alors ses questionnements les plus profonds sur son orientation sexuelle était quelque chose qui ne devait tomber entre les mains de personne. 

- Merlin... Oublie tout ce que tu as lu s'il le plait !

- Ok.

... Je m'en fiche, tu sais ? T'es toujours mon ami, que t'aime les filles, les garçons, les autres, tout le monde ou personne, ça n'a pas d'importance pour moi. 

Ce n'était pas tout à fait comme en parler avec Dorcas. Il y avait une gêne en plus, peut-être parce que le secret n'était pas réciproque. Il se sentait exposé et vulnérable. Peter connaissait deux des secrets qu'il avait espéré faire oublier. Ça le gênait beaucoup, mais il murmura tout de même un remerciement avant de s'empresser de changer de sujet :

- Merci, Pete'. On peut passer au patronus ? »