TW : Cigarettes, mention de sexualité, homophobie

« J'ai rompu avec Regulus. »

La confession vint un soir, alors qu'on attendait Remus devant la salle d'arithmancie. Sirius et James étaient assis par terre, non-loin d'une fenêtre ouverte sur la fin d'un spectacle solaire, y laissant parfois tomber les cendres de leurs cigarettes. (Cigarettes surtout consommées par James. Il faisait ça quand il n'allait pas bien.) 

Sirius releva la tête du dessin qu'il griffonnait sur le devoir qu'il était supposé rendre le lendemain matin, surpris. Ces derniers jours, son ami avait affiché une mine de désespoir en se terrant dans le silence. Les Maraudeurs désespéraient de comprendre, aussi Sirius fut-il soulagé que ça vienne de James. Celui-ci ôta ses lunettes pour se frotter les yeux une seconde puis les replaça sur son nez pour guetter la réaction. 

« Je suis désolé. répondit l'autre, hésitant. 

Que pouvait-il dire dans ces circonstances ? 

Comme le silence s'étirait à l'infini, il tenta une nouvelle réaction pour faire se dissiper le nuage de gêne, mais James le coupa avant qu'il ne puisse la formuler. 

- Je voulais juste te le dire mais... on peut ne plus en parler ? »

Comme après cette révélation, rien ne venait, ils restèrent un moment méditatifs, à la recherche d'un sujet. 

« Qu'est-ce qui ce passe avec Remus ? finit-on par lâcher. 

Cette fois Sirius abandonna sa plume. Ha, ça ?

Il ne savait pas, à vrai dire. Depuis l'épisode qui avait précédé l'attaque de Pré-au-Lard, un truc s'était cassé dans leurs relation. Ils étaient tous deux persuadés d'avoir faire quelque chose de mal mais aucuns n'en voulait à l'autre. Comme ils n'osaient pas en parler, le non-dit persistait et prenait toute la place, jusqu'à entacher leurs amour. 

- C'est... privé.

- Depuis quand on a des trucs privés ?

- Depuis que tu couches avec mon... merde. Désolé. Non. Oublie ! 

- Donc ça a à avoir avec le sexe ? rit James, dont l'amusement cachait presque la détresse. Tu peux m'en parler quand même, tu sais ? Je ne te dirais rien de mon expérience personnelle.

- Oh, la ferme. » pesta faussement Sirius en levant les yeux au ciel.

Après un instant, il reprit, plus sérieux :

« Ok. 

On a presque... euh... Merlin. Métaphore ?

- Fait des acrobaties de Quidditch ? Jouer aux bavboules ? Fait des duels de rictusempra ? 

- Je te maudis pour avoir ruiné les yeux innocents que je portais sur chacune de ses activités. 

- Je t'en prie. Et donc ?

- Et donc c'était super bizarre. Reprit Sirius. Je lui ai demandé s'il était d'accord, il a dit "oui" mais je sentais qu'il était pas très alaise. Je ne savais pas si c'était juste de la gêne ou quoi alors j'ai continué tout doucement en me préparant à arrêter si je sentais qu'il se forçait... et puis il a dit "stop" donc j'ai arrêté. Le truc, c'est qu'il l'a dit en panique totale et que je crois bien qu'après il a fait un genre de crise d'angoisse. J'ai peur d'avoir été trop loin. On a rien fait du tout, mais j'ai peur d'avoir brisé sa confiance en demandant. Et j'ai peur pour lui, aussi, tu vois ? Qu'il se mette dans des états pareil juste pour... je ne sais pas. Est-ce qu'il a pensé qu'il était obligé ? 

James garda le silence un moment en réponse. 

- Je pensais pas que ce serait si sérieux, admit-il. 

- Remus est du genre à plier en quatre pour faire plaisir aux autres mais j'avais jamais pensé que ça puisse toucher à... ça. Je sais qu'il a des problèmes de confiance en lui. Je ne veux pas qu'il se mette en danger, de quelque façons que ce soit...

- Tu crois que c'est ça ? s'exclama l'autre, livide. 

- Je crois qu'il aime pas... les duels de rictusempra. Depuis tout le temps qu'on est ensemble il n'a jamais montré aucun interêt à en faire. Je me suis dis qu'il était peut-être juste timide parce que quand je lui ai proposé il avait l'air prêt à essayer mais... j'aurais pas du proposer, je crois qu'on est mieux sans ça. Ça a eut l'air de lui faire tellement peur...

T'en penses quoi, toi ? 

- Je penses que tu n'as pas à t'en vouloir. Tu ne pouvais pas savoir. Enfin, je pense surtout que tu devrais en parler à Remus.

- Et s'il y a un truc grave derrière tout ça ? 

- Je pense qu'il te le dira. Peut-être pas tout de suite mais un jour. 

Il t'aime. 

En fait, ça va te paraitre bizarre, mais je pense qu'il faudrait qu'il en parle à Peter.

- Hein ? Quel lien entre Peter et mes... batailles explosives ?

- Magnifique ! Je vais la garder, celle-là !

- ??

- Juste une intuition. »

.

Dans une autre partie du château, entre deux étages, Peter s'était assis sur le rebord en marbre d'une fenêtre striée de barreaux en diagonales. Il avait pas mal de choses dans la tête, mais il s'agissait de secrets qu'il ne pouvait partager ni avec les Maraudeurs, ni avec Mary. Le seul qui savait était Neil, et il n'avait aucune nouvelle de lui depuis son départ. 

« Salut Petit Gros. Ça va ?

Il sursauta en quittant la fenêtre du regard. 

- Rhoo, casse toi, toi. soupira-t-il. 

Il avait vaguement espéré qu'un∙e ami∙e le trouve, mais ce n'était que Mulciber et son sourire carnassier. Peter ne voulait rien avoir à faire avec lui, ni avec les mangemorts. Mais l'autre ne semblait pas du même avis, ouvrant la vitre et sortant une cigarette qui fit souffler du nez le Gryffondor. Il n'avait jamais compris pourquoi les autres fumaient et ne supportait pas l'odeur. Il ne resta que parce qu'il était sûr d'avoir moins d'ennuis qu'en partant. 

- T'en veux ? 

- C'est étonnant qu'un mangemort fume. » se contenta-t-il de répondre.  

L'autre haussa les épaules. Peter ne comprenait pas pourquoi ce type venait lui parler, lui qui prenait un malin plaisir à harceler les plus faibles et qui avait entre autre passé la semaine à appeler Sirius par un nom haineux désignant les homosexuels à cause de ses cheveux longs et de son vernis à ongles. Iels lançaient des rumeurs supposées répugnantes sur Remus et lui. Ça faisait rire les maraudeurs qui s'amusaient à les regarder frôler la vérité des doigts. 

Ce devait-être cette réunion de fidèles qui le poussait à lui parler, pour s'assurer qu'il n'irait pas cafter. 

« Alors  qu'est ce que tu fous là ?

- J'avais envie d'être seul.

- Ouep, je comprends que t'ai pas envie de rester avec tes amis... 

Peter grimaça, il visualisait encore Mulciber et toute la clique de mangemorts se foutre de la gueule de tout le monde. 

- Je m'en fous de qui ils aiment, si tu es là pour jouer les homophobes tu peux te casser tout de suite. répondit le Gryffondor en serrant ses petits poings, ramassant tout le courage dont il était capable dans le fond de sa tête. 

Peter aurait aimé s'échapper, mais il craignait ce qu'on pourrait lui faire. D'une façon surprenante, Mulciber garda ses remarques pour lui et tira sur sa cigarette. 

- Je suis pas là pour t'insulter, j'avais juste envie de te parler parce que honnêtement j'aime pas jouer les mangemorts tout le temps. »

Peter haussa les épaules et demanda sans vraiment s'y intéresser :

« Qu'est ce que t'as, alors ? 

- Mon meilleur ami me fait flipper, c'est tout. 

Peter devina qu'il parlait d'Avery. Voir un ami d'enfance plonger dans la magie noire devait-être perturbant, en effet. Même si dans une famille comme celle des Avery, c'était chose commune à la plupart des générations.

... Et toi alors ? 

- Ma mère a un copain. Entre autre.

- Elle trompe ton père ? tenta d'éclaircir Mulciber, pas choqué le moins du monde. 

- J'ai pas de père. soupira Peter qui avait du répéter cette phrase un millier de fois depuis qu'il avait appris à parler. 

Les autres partaient toujours du principe qu'une famille était constituée d'un père et d'une mère. Lui ne connaissait pas son père et ne voulait pas le connaitre, il n'avait même pas envie d'en avoir un. Il avait voulu, autrefois, pour faire comme les autres. Et puis on lui avait donné son nom et son adresse, il l'avait vu de loin et avait compris qu'il était mieux de ne pas avoir de père du tout que d'avoir un père merdique.

Alors, un nouveau père, sans doute un vieux type moldu qui essayerait de lui parler de foot et de filles pour mimer une famille parfaite, c'était très peu pour lui. Il était heureux avec sa mère, même lorsqu'elle était un peu sévère. 

Ça, par contre. Ça choqua Mulciber. La famille traditionnelle était l'un des piliers des familles de sang-purs.

Ce qui dérangeait le plus Peter, c'était qu'il ne pouvait pas parler de tout ça aux Maraudeurs. Ils n'avaient jamais posé de questions, ne savaient rien, semblaient avoir tout les problèmes du monde et ne s'intéressaient pas à ce qui pouvait bien se tramer dans sa vie à lui. 

- La plupart des gens auraient parlé de tout ça avec leurs ami∙es. Mes amis à moi ne savent même pas que je n'ai pas de père. 

Mulciber fit une grimace. 

- Ça craint un peu, ouais. 

- Tu le penses pas vraiment.

- Oui, en effet. Je parle pas vraiment de mes problèmes avec mes ami∙es, moi, mais je comprends que vous fassiez ce genre de trucs, entre Gryffondor. 

Peter leva les yeux au ciel. Il avait presque envie de rire du dégout avec lequel le garçon avait prononcé le nom de sa maison. 

- Et pourquoi tu leurs dis pas ? demanda Mulciber. 

- Parce qu'ils s'en fichent, ils ont leurs trucs. 

- Ouais enfin tes trucs à toi m'ont l'air quand même importants.

- Moins que les leurs, surement. »

Et il savait qu'une vie de loup-garou, un petit ami mangemort ou des parents horribles étaient pires que ses problèmes mais il en souffrait malgré tout. Au point de discuter de tout ça avec une personne qu'il détestait profondément. 

Mulciber haussa les épaules et écrasa son mégot contre le marbre avant de le jeter dans la cour et de se tourner vers Peter. On devinait qu'il n'était pas d'accord avec lui, mais Peter se fichait pas mal de son avis. 

« Tes amis sont des connards, tu le sais ça ? »

Peter haussa les épaules. Oui, il devait admettre que parfois il se disait le même genre de chose. Il se sentait toujours humilié, mis à l'écart... 

Le Serpentard lui fit un sourire qui se voulait peut-être amical, peut-être faux, peut-être poli et s'en alla par où il était venu. 

Le Maraudeur soupira une nouvelle fois, laissa son regard migrer vers le ciel où la lune se remplissait. Pour la première fois quelqu'un l'avait écouté, ça faisait du bien. Mulciber devait avoir un peu raison. Ces amis étaient peut-être des connards.