ʜᴇʀᴏᴇs, part.71

Média : Le fameux Ange Déchu de Alexandre Cabanel. Funfact : il est au Musée Fabre de Montpellier (fierté nationale 🇫🇷 lol)

La première semaine de cours avait défilé à une vitesse ahurissante aux yeux de Marlène, le temps ne s'interrompant de manière sadique que lors des moments les plus pénibles tels que les monologues soporifiques du professeur Binns. Ainsi, vendredi soir, elle revint de son dernier cours en s'écroulant sur son lit un moment, la tête dans un cousin rouge. Elle n'avait pas la moindre idée de la façon dont elle pourrait se débrouiller pour l'épreuve d'Histoire de la Magie prévue aux ASPIC. Elle s'assit et chercha des yeux quelque chose à faire - en dehors des devoirs - quand son regard tomba sur Dorcas, en boule sur son lit, qui caressait Hook en faisant la tête. 

« Dory ? »

Celle-ci grogna et afficha une mine déçue quand le chat se leva sur pour traverser le dortoir et aller roupiller ailleurs, enjambant au passage une pile de vêtements abandonné par Alice et se cognant aux comics empilés de Mary. Marlène prit pourtant vite la place de l'animal tout en essayant d'adopter une attitude douce et apte à écouter. 

« Qu'est-ce qui t'arrive ? demanda-t-elle en souriant quand son amie passa des doigts dans ses cheveux blonds comme elle l'avait fait une minute plus tôt dans la fourrure du chat de Lily. 

- C'est rien. Je déprime juste. 

- Tu veux pas me dire pourquoi ? 

Docras haussa les épaules et s'allongea sur le dos, regardant le plafond dont des vieilles tâches de magie déformait les couleurs. Elle était en chemise boutonnée dans le désordre et en pantalon, ses cheveux lâchés entourait sa tête comme des rayons de soleil. Ses yeux étaient fatigués mais elle eut l'ombre d'un sourire en marmonnant :

- Ce serait long...

- J'ai tout mon temps.

Marlène prit la même position que son amie.

Le sourire de Dorcas s'envola quand elle repensa à ce qui la tracassait. Elle ne savait même pas si elle allait pouvoir saisir ce qui l'avait mise en colère. L'émotion l'avait traversé mais elle ne l'avait pas encore identifiée, elle s'était juste laissée submerger.

- Je veux plus être lesbienne.

Son amie fronça les sourcils. Elle ne s'était pas attendue à cette réponse, surtout pas de la part de Dorcas qui, depuis son coming out, ne se privait plus pour être fière de sa sexualité et la clamer haut et fort. On savait que c'était difficile avec ses parents, mais la jeune fille avait toujours fait semblant de pouvoir gérer ça devant ses amies. 

- Pourquoi ? interrogea donc Marlène, stupéfaite. 

- Parce que... Vous avez des millions de films, des millions de livres, des millions des chansons qui mettent en avant vos histoires. Dès votre plus jeune âge c'est votre fête, on vous mets ensemble dans les histoires et on vous taquine dès le moindre rapprochement. Ça en devient ridicule, au point que vous ne croyez même plus en l'amitié entre les filles et les garçons. Vous avez tout, vraiment tout. 

Dorcas s'arrêta, coula un regard vers la blonde qui s'était tournée vers elle pour l'écouter et la voir. Celle-ci l'encouragea à en dire plus d'un mouvement de tête. 

- Et nous on a rien. continua-t-elle. Quand on ne nous empêche pas d'exister on y mets des conditions. Il y a des conditions pour que notre amour à nous soit tolérable : il faut pas qu'on en parle trop, pas qu'on soit trop clichés, pas qu'on le soit pas assez, il faut quand même qu'on en parle un peu, il faut pas qu'on change d'avis... on se construit avec votre regards à vous, les hétérosexuel∙les. On apprends à vivre en redoutant ce que vous allez penser de nous, quand on est une personne saphique on construit même notre sexualité avec le regard que vous portez sur nous. Quand on essaye pas de nous éliminer, on nous représente pas, ou on nous représente mal. Dans nos histoires on apprend à accepter qu'il faudra choisir entre nos parents et notre liberté d'aimer, on apprends qu'il faut se cacher, qu'il y a des gens qui ne nous aime pas. Dans les histoires que VOUS avez écrite pour nous ou parfois qu'ON a écrite pour nous avec VOTRE regard on meurt à la fin, on se questionne, on est triste... Vous avez tout et nous on a même pas une fin heureuse. On est des invisibles, des torturé∙es, des personnes trop clichés, suicidaire, avant c'était même VOS méchants qui NOUS ressemblait... On est condamnés. Comme si aimer c'était pas quelque chose de beau mais une sorte de malédiction qui n'attirerait que des emmerdes. 

Elle y avait tellement pensé qu'elle commençait à en pleurer, l'émotion forte et méconnaissable revenait : de la colère mélangée à de la révolte, de la honte... Sans le dire elle eut une pensé pour ses parents. Marlène, de son coté, se sentait juste stupide de ne pas avoir vu ça, d'avoir toujours cru qu'une insulte homophobe était la seule chose qui pouvait faire souffrir une personne homosexuelle. Elle n'avait jamais imaginé qu'une autre forme et détresse aussi encrée puisse se cacher sous les rires de sa meilleure amie. Elle l'avait vu lire quelque livres de Mary avec des romances entre filles, entre garçons aussi parfois. D'autres fois elle imaginait des couples entre deux personnages, deux élèves ou deux professeures pour rire plus qu'autre chose. Marlène s'y mêlait volontiers mais Lily trouvait ça stupide. On l'avait vu regarder des filles dans les couloirs et on avait cru que cela suffisait pour ne ressentir aucun manque. 

... On me dit tout le temps que je vois des personnages gays partout. Mais c'est parce que j'aime imaginer que je suis la majorité, comme vous. Que tout le monde est comme moi. Vous avez tout alors laissez moi au moins m'approprier les choses que vous avez. Laissez moi fantasmer sur la relation de deux personnages dans mon coin. J'en ai besoin. Parce que sinon j'ai rien. J'aime imaginer qu'iels ont une de ces histoires d'amour que je n'aurai jamais parce j'aime imaginer que je ne serai pas condamnée à rester seule moi aussi. Je suis seule parmi toutes ses filles qui aiment les garçons. Complètement seule, parce qu'aucune fille ne la voit comme je la vois. J'ai envie de vivre les histoires d'amour dont on m'a parlé quand j'étais petite, j'ai envie de coucher avec quelqu'un comme on m'a préparé à le faire mais c'est pas possible parce que les histoires de quand j'étais petite ne parlais pas de l'amour de cette façon là, parce que je n'ai aucune idée de comment ça se fait, entre deux filles... Parce que je suis la seule fille qui aime les filles ! Je vis des relations dans ma tête parce que je rêve de ce que je n'ai pas, de ce qui est impossible... et c'est horrible quand je me dis que plus je m'invente des histoires, plus je vise haut et plus mes histoires seront mieux que ce qui pourra m'arriver et plus j'aurais envie de vivre dans mes rêves plutôt que dans ce monde. J'ai envie d'arrêter d'être comme ça pour que le monde m'ouvre les bras comme il vous les ouvre à vous... vous savez pas la chance que vous avez. J'ai envie d'être comme vous pour aimer tranquillement. Mais je peux pas ! C'est pour ça que je veux arrêter d'aimer les filles. Tout serait tellement plus simple.

Cette fois les larmes coulaient pour de bon et Marlène se sentait désemparée. Elle prit Dorcas dans ses bras. Elle était désolée, surtout parce qu'elle savait qu'elle avait participé au problème. Elle aussi avait poussé son amie à vivre dans la peur, à vivre dans une société qui niait son existence. Combien de fois avait-elle éviter le sujet de l'homosexualité avec Dorcas pour ne pas être gênée et combien de fois l'avait-elle empêcher de parler haut et fort de ce sujet ? 

- Tu es moins seule que tu le crois. rassura Marlène en lâchant son amie, ne trouvant cela dit aucun exemple pour appuyer son propos.

- Si. Je suis seule. Les filles qui me plaisent sont hétérosexuelles et aucune fille ne me drague jamais. J'ai eu envie d'avoir une copine dès mon entrée à Poudlard, quand j'ai compris que j'étais lesbienne, mais j'ai seize ans et j'ai toujours pas embrassé quelqu'un alors que les hétéros l'ont toustes déjà fait ! Je passe à coté de mon adolescence parce que je suis différente... 

- C'est pas un concours, Dory. Tu auras ton premier baiser quand tu seras prête. 

- Je suis carrément prête, moi !

- Tu as encore toute la vie devant-toi ! re-tenta la blonde. 

- Non... marmonna Dorcas. Je l'ai pas. La guerre approche, on pourrait mourir d'une seconde à l'autre. La vie est fragile, tu sais. »

Marlène baissa la tête. Oui, elle savait mieux que quiconque, elle en rêvait toutes les nuits. Elle aurait souhaité voir son amie en couple et heureuse plutôt dans ses visions du futur mais elle ne voyait rien d'autre que sa propre mort se rejouer en boucle. 

« Je peux t'embrasser ? 

Dorcas s'assit d'un coup et la dévisagea, choquée :

- Pardon ? 

- Tu veux embrasser une fille... Je suis une fille...

L'autre leva les sourcils. 

- Je veux embrasser une fille qui me plait est à qui je plais et pas pour un jeux stupide ou une expérience. 

Marlène haussa les épaules. Ce n'était pas un jeu stupide. Mais c'était peut être une expérience. 

- Comme tu veux. »

La blonde s'assit, appuyée contre la tête de lit, aux cotés de son amie. Amie qui s'efforçait de se répéter que ça ne représentait rien pour Marlène, rien du tout, malgré tout ce que ça représentait pour elle. 

« Tu veux dire que tu accepterais, si je t'embrassais ? Ça te dérangerai pas, d'embrasser une fille ? 

Marlène haussa les épaules. 

- Pourquoi ? Ce n'est pas bien différent d'embrasser un garçon. 

Si, eut envie de répondre Dorcas. C'est tout le problème. 

Mais elle accepta. 

Mais se laisser tenter par un baiser pour l'expérience, de façon aussi peu spontanée, était plus désagréable qu'autre chose. Cela ressemblait à un espèce de jeu de langue dégoutant et déroutant, pas au bonheur scintillant qu'on attendait de ce genre de moments.

Elles se séparèrent en s'essuyant la bouche d'un même élan. 

- Ça a marché pour toi ?

- Pas du tout. »

Et elles rirent, parce que c'était trop nul. Elles ne savaient même pas si elles pouvait considérer ça comme un baiser... mais au moins Dorcas allait mieux, elle était apaisée. Marlène, par contre, commença à cogiter. 

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