ʜᴇʀᴏᴇs, part.68
TW : racisme (?), idées suicidaires, anxiété, pensées intrusives, mention d'automut*lation
Si vous ne le sentez pas, ne lisez pas, préservez-vous. Il y a des ressources dans les commentaires --->
La cuisine était illuminée par le soleil qui rendait les bulles dans l'évier semblables à de petites billes d'or. Remus, les mains plongées dans le liquide vaisselle moldu, lavait tour à tour les casseroles, les assiettes, serrant les dents lorsque venaient les verres. Il avait horreur de la sensation. C'était l'une des tâches ménagères pour lesquelles Espérance Lupin refusait un coup de baguette magique de la part de Lyall. Elle estimait que ce que l'on mettait dans sa bouche devait être propre et qu'il n'y avait pas plus fiable que la méthode moldue.
La femme passa d'ailleurs derrière son fils, glissant une caresse dans ses cheveux.
« Merci. Tu es un ange, Remus.
- Pourquoi tu me remercies ? soupira le jeune homme pour la énième fois. Toi tu fais bien plus et personne ne te remercie. »
Elle ne répondit pas, traça un sourire sur ses lèvres et saisit la tasse de thé qu'elle avait laissé sur le comptoir. Elle continuait de regarder son fils, heureuse. Ses cheveux de la même couleur noisette que ceux de Remus doraient en été et sa robe rose légère lui donnait l'allure d'une vraie fée. Plus loin, Lyall lisait le journal dans un fauteuil, nouvelles moldues comme sorcières, inquiet du sort des deux mondes. Si les moldu∙es accordaient une page aux courses de lévriers, les sorcier∙es, de leurs coté, avaient des nouvelles bien plus sombres.
« Même Sorcière Hebdo estime qu'il y a trop de né∙es-moldu∙es, maintenant ! Iels devraient plutôt se réjouir qu'on soit plus nombreux∙ses, non ?
Espérance se pencha sur les journaux, amusée comme toujours par les photos mouvantes mais sérieuse face à la menace des mangemorts.
- Est-ce que Poudlard va rester un endroit sûr ? s'enquit-elle en considérant l'une des photos ayant capturé la rage d'un garçon à peine plus âgé que Remus, criant à s'en arracher le larynx que les moldu∙es devaient rester à leurs place.
- Aucun risque que leurs gourou y mette les pieds, rassura Lyall, il a déjà les jeunes sangs-purs de Serpentard dans sa poche. Il va plutôt chercher chez les créatures marginales : les centaures, les elfes libéré∙es, les gobelins, les chaporouges, les loups-garous...
Remus fit claquer une assiette contre une autre avec violence dans un bruit strident, laissant tomber la vaisselle dans son bain de bulle. Il se tourna vers son père, agacé. Il n'aimait pas cette tendance qu'avait l'homme à rapporter une espèce à un comportement ou à un camp. Et après il reprochait aux mangemorts d'être raciste ? Ses parents se tournèrent vers lui, surpris.
- Je suis un loup-garou, papa. Rappela-t-il.
- Oui, bien-sûr ! Mais tu es une victime, ça n'a rien avoir. Tu as été mordu. Tu n'as pas grandit dans une de leurs réserves. Tu ne rejoindrais jamais le camp des mangemorts !
- Et pourquoi pas ? Si tous les loups-garous le font comme tu penses le savoir. En quoi est-ce que je suis différent ?
Lyall comme Espérance échangèrent un mouvement de sourcil, inquiet∙es. Il était rare que Remus parle de sa lycanthpopie, encore plus rare qu'il s'oppose à quelqu'un d'autre. Certes, il osait parfois sortir de son attitude timide pour tenir tête à ses parents, surtout depuis son adolescence et à l'approche des pleines lunes, mais jamais sur des sujets sensibles et sérieux.
- Non, ne dis pas n'importe quoi. Tu n'es pas comme eux. Tu n'as rien avoir avec ses créatures.
- Peut-être que ce sont plutôt ces créatures qui n'ont rien à avoir avec Greyback mais que tu les juges comme un seul homme ou peut-être que Greyback ne serait pas comme ça s'il arrivait à trouver sa place dans ce monde.
Un silence de mort inonda l'air, si puissant qu'on eut l'impression qu'il allait ternir la lumière éclatante du soleil. On ne parlait jamais de Greyback.
... Je suis un loup-garou comme elleux, c'est tout. Je ne suis pas le seul et le bon loup-garou. Si tu le pense alors tu n'est pas un sorcier juste et pas en mesure de juger ce qu'est la bonté ou la malveillance ni même de savoir qu'en général, ça n'existe pas. »
.
La dernière semaine d'août s'achevait dans la maison Potter. Les parents de chaque maraudeurs avaient passé une longue soirée à discuter entre elleux de tout et de rien puis convenu qu'on pourrait laisser les garçons ensembles dans la grande maison s'ils aidaient à s'occuper du foyer et s'ils se montraient irréprochables. Une semaine de rêve, en somme, sous condition mais derrière des murs chaleureux.
Peter et Remus s'étaient installés quelques jours plus tôt, tout s'était plutôt bien passé jusqu'à cet après-midi là.
Remus savait que ses amis étaient dans la pièce du bout du couloir. Ils pensaient qu'il était avec les adultes et les adultes pensaient qu'il était avec eux. En vérité il était seul dans une chambre vide et n'osait aller nul part ailleurs. Il ne savait pas quoi faire. Il n'avait pas envie d'être seul mais ne pouvait pas bouger tant une partie de lui le persuadait que c'était ici sa place. Il était dans une détresse silencieuse. Il n'arrivait pas à agir ni à pleurer. Il aurait voulu que quelqu'un le trouve ici, par terre, sur le sol de la chambre, les mains plaquées sur les oreilles pour ne pas entendre le bruit, parfois devant les yeux pour ne pas voir la lumière. Il espérait que sans bruit et sans lumière le temps cesserait d'avancer... mais il savait que l'aiguille de l'horloge bougeait malgré tout et que ça faisait plus d'une demi-heure que son esprit nageait en ambivalence totale.
C'était tellement stupide ! C'était à l'évidence avec ses amis qu'il devait aller, pourquoi n'oseait-il pas ? Ça n'avait aucun sens de ne pas réussir à aller jusqu'au bout du couloir pour rejoindre la chambre de James. Mais il en était incapable. Il fallait qu'on vienne le chercher où il resterait là pour toute journée.
Personne ne vint. Il entendit au loin le rire contagieux de Sirius. Ses lèvres à lui se crispèrent.
Ils ont l'air tellement heureux sans toi.
Remus ferma fort les yeux... il aurait pu aller dans le placard ? Un placard sombre et étroit où il n'existerait plus pendant un moment. Ne pas exister, ce serait plus facile que d'affronter le monde. Mais il imaginait déjà la honte qu'il éprouverait si quelqu'un le trouvait là-dedans. Dans cette maison qu'il ne connaissait pas, son coeur serré de peine exposé aux yeux de tous∙tes.
Il se leva, tenta de s'avancer vers la porte des maraudeurs. Changea de direction vers la salle de bain.
S'ils ne m'ont pas cherché c'est qu'ils n'ont pas besoin de moi. Ils ne m'aiment pas. Je suis seul à nouveau, comme au début...
Ils avaient dû penser qu'il aimait ça, à force. Mais il avait horreur de la solitude intrusive, qui ne servait pas à le recharger, ni à le faire rêver. Celle qu'une partie d'ombre en lui lui imposait comme pour pouvoir l'avoir seul, sans témoins, au moment de le tuer.
Tu n'auras pas le droit d'avoir des ami∙es.
Pourquoi ? C'est comme ça.
Les choses ont un prix.
Tu ne pourras jamais aller vers les autres.
Tu auras toujours peur.
Tout sera de ta faute.
Tu seras seul.
Tu auras mal.
Tu ne mérites pas les étoiles.
Tu ne mérites pas les ami∙es.
En fait,
Tu ne mérites même pas la vie.
Son regard parcouru le lavabo, évitant la glace. Ses yeux dérivèrent vers ce qui ressemblait à un rasoir.
NON. Je ne ferai pas ça.
Se tuer dans la maison de James semblait une solution séduisante qu'il chassa dans un sursaut.
Jamais.
C'est horrible. Se persuada Remus. Il y a mes amis à côté, ses parents...
Il n'avait pas envie de mourir. Il avait envie qu'on l'aide, qu'on comprenne. Il avait écrit « Aidez moi ! » sur des feuilles de cours. Personne ne les avait lues. Personne ne l'aidait. Ils ne les laissait pas faire. Parce qu'une autre partie de lui trouvait la présence de l'anxiété réconfortante, comme un code de conduite. Quand il allait le dire, la voix le lui interdisait, elle avait envie de le consumer. Il avait envie de la laisser faire.
Pourquoi elle me fait ça ? Quand est-ce que je suis devenu comme ça ?
"Timide". Il l'avait toujours un peu été. Mais quand est-ce que cette timidité enfantine avait tant grandit ? Au point de s'incruster dans ses relations les plus sincères ? Comment avait-elle fait ça ?
Sirius ne t'aime pas, tes parents ne t'aiment pas...
Ses phalanges allaient percer la peau de ses doigts tant il serra les poings sur le lavabo. Il avait l'impression que c'était de pire en pire. Il fut un temps où il avait l'habitude de se couper lorsque les choses n'allait pas, jusqu'au jour où sa mère l'avait trouvé en train de le faire, horrifiée. Il avait cru mourir de honte. Depuis il ne s'y autorisait plus. Pour elle, pour les autres, pas pour lui. Lui n'avait plus aucun exutoire à sa douleur désormais, tout s'entassait dans la tête sans jamais sortir. Ça faisait mal.
Je vais mieux ! Je ne dois pas me faire de mal.
Il n'allait pas vraiment mieux. Il se laissa tomber sur le sol.
Aidez moi aidez moi aidez moi
Tue toi. Tu n'auras plus besoin de te battre.
Mais je ne veux pas mourir !
Les autres veulent que tu meurs !
Remus visualisa l'enterrement. Se dit que la mort lui allait bien. Voir ses proches pleurer ne lui faisait pas de la peine. La voix lui disait qu'il était en paix et les autres avaient enfin compris à quel point sa vie lui faisait mal jusqu'aux entrailles.
Tu est trop prétentieux, les gens riraient à ton enterrement.
Cette pensée lui fit l'effet d'une aiguille en plus dans le coeur.
Ta mort serait une fête.
Cette fois les larmes vinrent. Ça le soulagea comme jamais.
Je veux que quelqu'un me trouve.
« Remus ?
Peter se tenait sur le pas de la porte. Il fronça les sourcils et s'accroupit devant le loup-garou. Remus se sentait bien mieux et en même temps mille fois pire. Il aurait préféré que personne ne voit jamais cette facette de lui. Mais la voix l'avait laissée tranquille un moment.
- Qu'est-ce que tu as ?
Il aurait pu mentir. Mettre ça sur le dos de la pleine lune.
- J'en avait marre d'être tout seul.
- Merde, tu es là depuis tout à l'heure ? Demanda Peter avec un air de peine. Je croyais que tu étais en bas ! Pourquoi tu n'es pas venu avec nous ?
Ça paraissait tellement bête demandé comme ça. Comme si c'était facile.
- Je savais pas si je pouvais. J'ai pensé que vous vouliez être tranquille. Sans moi...
- Mais qu'est-ce que tu racontes ? On a envie d'être avec toi ! On est tes amis ! Sirius est même plus que ça. »
Remus éclata en sanglots.
Il se sentait bête maintenant. Deux minutes plus tôt il avait songé à se tuer avec un rasoir sur le sol où il était assis et maintenant Peter ne comprenait pas. Comme tout les autres. Personne ne comprenait quel point il ne pouvait pas faire ce que les autres faisaient.
« Moony... » soupira Peter.
Il lui tendit la main.
Ils se lèvent.
Viens on va te changer les idées. On va passer du temps entre maraudeurs. On va faire ce qu'on fait depuis qu'on est petits. Ça va être le doux cocon, on vas recoller ton cœur brisé avec de la musique, du chocolat et des jeux de mots...
mais quand tu sera seul à nouveau ça recommencera, comme toujours.
Pourquoi mon cerveau me fait faire des choses aussi absurdes ? Je suis triste et tout est à cause de moi. Et je veux qu'on m'aide mais je m'arrange pour tout cacher. Je me déteste mais j'aime ma vie... J'aime les autres. J'aime Sirius.
James et Sirius eurent l'air heureux de le voir. Pourquoi avait-il douté de leurs amitié ? Un nuage d'amour l'enveloppa. La compagnie de ses amis était comme de la magie en boite qui sortait et dansait quand ils parlaient.
Parlez moi.
Venez me chercher quand je suis pas là
Si je ne suis pas là, c'est que je vais mal
Quand je vais mal je peux faire des choses stupides.
Mais la main chaude de Sirius câlinait la sienne et réchauffait son coeur. Ce bel effondrement qu'il ressentit dans son torse suffit à lui accorder un peu de répit. Même si c'était une paix temporaire.
J'ai vraiment besoin d'aide.
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