ʜᴇʀᴏᴇs, part.69
J'ai pas trouvé de chanson lesbienne qui date d'avant les années 90, donc soyons anachroniques.
Tw : homophobie
Il devait être quinze ou seize heures. Dorcas dévalait la pente en vélo sans toucher aux freins, histoire de gagner de la vitesse. Elle avait emprunté le véhicule à sa tante pour fuir la cousine qui n'avait rien en commun avec elle mais qu'elle était supposée supporter tout le week-end. Elles s'ignoraient mutuellement depuis son arrivé.
Le temps d'atteindre le bas de la route, le vent la fit sourire. Elle dépassa la prairie et les champs pour arriver au début de la ville voisine. Au parking de la zone commerciale, un groupe de moldu∙es de son âge fumait des cigarettes. Vu leurs allures ce n'étaient pas les mêmes que les ados coincé∙es que celleux de l'église qu'elle avait côtoyé toute la semaine, mais, vu la façon dont iels parlaient des filles qui passaient devant elleux, elle refusa de les approcher. Elle continua de rouler.
Deux mois de vacances vides et elle n'avait pas rencontré une seule personne qui soit digne d'intérêt. Elle avait hâte d'être assez grande pour quitter cet endroit. Elle aurait voulu pouvoir retrouver sa bande mais l'amie qui habitait le moins loin était Mary, et, pour être tout à fait honnête, elle ne savait pas bien ce qu'elle pourrait faire seule avec Mary si elle prenait le temps d'aller la voir. Une réunion collective serait terrible à organiser et puis elle s'imaginait que ses amies, de leurs coté, avait un été plus intéressant.
Celle qu'elle voulait vraiment était Marlène. D'une façon dont Marlène ne la voudrait pas. Alors elle se construisait une fille imaginaire dans son esprit qu'elle pourrait rêver d'embrasser, serrer dans ses bras autrement que comme une amie. La fille avait le visage flou d'un songe mais un sourire taquin et un prénom qui rimait avec "liberté".
Les sermons qu'elle avait entendu tout l'été remontent dans sa mémoire, brisant le fantasme, et elle se sentit sale. Elle descendit de son vélo, ses baskets sur la limite du entre le béton et le sable de la plage.
Dorcas ne s'était pas juste sentit sale pendant ces vacances, à regarder les moindres photos des filles dénudées qu'elle pouvait trouver, à s'imaginer une idylle d'été, à rêver à un verre dans un club lesbien de Londres qui n'existait que dans son imaginaire mais dans lequel elle se sentait en sécurité. Elle s'était surtout senti très seule. À s'occuper comme elle pouvait elle ne trouvait que des rappels de quelque chose qui avait l'air d'un handicap que d'une autre forme d'amour.
Qu'est-ce qu'elle donnerait pour vivre à Londres au lieu d'ici ! Elle s'allongea sur le sable et rédigea dans sa tête une lettre à Marlène qu'elle n'enverrait pas, sur comment elle se sentait pour de vrai, ainsi que des histoires dans lesquelles elle était adulte et indépendante dans une grande ville. Elle n'y serait plus la seule fille lesbienne, peut-être même plus non plus la seule fille lesbienne et noire. On lui y présenterait d'autres possibilités que des garçons sans intérêt bafouillant des versets bibliques pour plaire à ses parents. Elle aurait enfin le droit à autre chose.
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La nuit enveloppait Godric's Hollow et la rentrée s'approchait vite. Trop vite. Bientôt, il faudrait quitter la maison des Potter pour retrouver son foyer, récupérer les nouvelles fournitures et monter dans le Poudlard Express en direction du château une dernière fois. Iels décrocheraient les A.S.P.I.C. Après, ce serait l'inconnu.
Les maraudeurs avaient passé la semaine à faire ce qui ne leurs était pas interdit ou à s'arranger pour ne pas se faire prendre en brisant les règles. On y avait compté une course avec les botrucs du jardin, un match de Quidditch qui avait manqué d'envoyer un cognard chez les voisins et le vol d'une bouteille d'hydromel qui n'était pas passé inaperçu à cause de la gueule de bois qu'ils s'étaient trainé le lendemain.
Dans la chambre d'ami∙es, qui était devenue la chambre de Sirius, Remus et lui s'endormaient enlacés, s'embrassant quand ils en avaient l'envie sans pour autant se définir comme autre chose que des amis. Ce n'était pas le moment, malgré ce que désirait le premier.
« Comment je peux te prouver que je t'aime de tout mon coeur et que tu ne dois jamais en douter ? dit-il, se sentant bloqué dans cette situation malgré le fait qu'il ai conscience d'en être en grande partie responsable. Je me fais un tatouage avec écrit "Je donnerai ma vie pour Moony" ?
Le second froissa les draps, se retournant vers lui avec un rire.
- Je sais pas si je peux prendre ça comme une preuve d'amour, tu te tatoue comme tu fais des gaufres. »
Sirius mit une main sur son coeur pour prendre un faux air offusqué. Il sursauta lorsque quelqu'un toqua à la porte.
Les deux garçons se figèrent et s'écartèrent à une distance plus conventionnelle de peur qu'il s'agisse de Fleamont ou d'Euphemia. Mais c'était Peter.
Il débarquait de la chambre voisine, qu'il partageait avec James, dans un pyjama usé et avec une expression à la fois gênée et inquiète sur le visage.
« Tu peux venir ? demanda-t-il à l'adresse de Sirius. Je sais pas quoi faire. »
Dans l'autre pièce, le dernier maraudeur, sans lunettes, se tordait dans les draps, les joues striées de larmes. Il était entre le réveil et le sommeil, les yeux fermés mais redressé puis s'allongeant en pleurant, bel et bien conscient. Sirius alla s'assoir près de lui tandis que les deux autres observaient depuis la porte, sans savoir quoi faire.
Il était rare de voir James pleurer et il était rare que l'un des maraudeurs exprime une telle détresse en dehors de Remus les soirs de pleines lunes. On ne savait pas ce qui mettait le jeune homme dans cet état et on ne le suspectait pas. Lui aurait eut honte de se dévoiler ainsi si la douleur n'était pas si supérieure à la honte. S'il ne voyait pas là la seule échappatoire. Une gigantesque ombre semblait le dévorer à l'intérieur, engloutir sa vie. Le passé et l'avenir. Ni cris, ni larmes, ni coups, ni sorts ne parvenaient à la chasser. La nuit noire paraissait alors comme un théâtre de cauchemars au lieu du havre de paix qu'elle avait été du temps où elle les avaient bercés, Regulus et lui.
Un fils tirait le fond de son coeur dans son vertige, il se sentit fondre dans le matelas. S'il n'avait pas déjà été sur le dos, il serai tombé. Et il tombait. Il avait la sensation d'une chute qui ne s'arrêtait pas et il avait beau bouger, il n'arrivait pas à se concentrer sur autre chose.
De Regulus, il n'avait plus que l'image de l'avant bras bientôt recouvert d'encre et de magie noire, ses cernes, sa pâleur et du sang sur ses mains. Sa bouche crachait les litanies de l'idéologie mangemorts. Il le voyait étranglé par le poids de la pression des Serpentards, battus par ses parents, jusqu'à sa mort surplombée par l'image qu'il se faisait du Seigneur des Ténèbres. Son coeur se déchirait en filament alors qu'il était arraché à lui, loin de lui, loin de Sirius. En danger. Seul et sans défense.
Regulus aurait seize ans dans moins d'un mois.
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