Chapitre 7 : Confrontations

Le lendemain soir.

En rentrant chez elle, Andromeda poussa un soupir. La journée s'était bien passé, sans accroc, sans problème. Mais après tout, c'était normal, c'était la journée. Les problèmes, ils étaient réservés à la soirée.

Elle fila à sa chambre, soulagée de voir que sa mère n'était pas là, mais se demandant où diable elle pouvait s'être fourrée encore. La jeune fille savait que sa mère travaillait, mais elle ne savait pas où, comment, et pourquoi.

Et au fond, elle s'en fichait. Mais elle avait pris l'habitude de la présence de Lila, des échanges gelés et rapides entre elles deux, de ses questions intrusives.

En s'asseyant à son bureau et en commençant à travailler, l'adolescente repensa à tout cela.

Elle n'avait jamais eu une relation facile avec ses parents, mais tant que son père avait été là, l'avait aimée, lui avait donné de l'importance, ça allait. Elle avait grandi au pays de la théorie, ses parents voulant à tout prix qu'elle puisse vivre une vie normale, lui enseignant des valeurs qu'ils n'appliquaient pas. Mais Andromeda ne s'en préoccupait pas, elle riait, profitait de son enfance.

Jusqu'à ce que tout se brise. Quand elle avait huit ans, sa grand-mère était morte. La réaction de Félix à la perte de sa mère avait été explosive. Il avait passé plusieurs semaines à bout de nerfs, hurlant sur tout le monde dès qu'on lui adressait la parole. Puis, pendant un mois, il avait été simplement atterré. Il pleurait en permanence, prostré dans un silence rejetant le monde. Au bout de ce mois, il s'était introduit chez Gabriel, avait volé le Miraculous du Papillon. Le blond l'avait utilisé quelques temps, mais avait fini par s'effondrer et confier sa mission à Lila.

Ce jour-là, Andromeda avait su que plus rien ne serait pareil. Son père avait disparu de la circulation, sa mère avait définitivement perdu la raison.

Le front penché sur ses exercices d'Anglais, la brune soupira encore. Et, en entendant la porte de l'appartement s'ouvrir, elle se tendît comme un arc.

« Bonsoir ma chérie, je suis de retour ! Tu as passé une bonne journée, lança sa mère en entrant.

— Oui, merci, répondît Andromeda, mais je ne peux pas discuter, je dois bosser. Et toi, ça allait ?

— Oui. J'ai pu voir ton père...

— Sérieux ?! Vous avez discuté, s'exclama la jeune fille en sautant sur ses pieds et en filant vers le salon.

— Je croyais que tu avais des devoirs ?

— Papa est plus important que les devoirs. Alors ?

— Oui, nous avons discuté. Mais ça ne va pas te plaire.

» Dans la nuit de lundi à mardi, je suis sortie, pour parler aux héros. Je suppose que tu as vu la vidéo...

— Oui. Il faut absolument que tu retiennes toute cette violence qu'il y a en toi, ça sert à rien de passer Rena Rouge à tabac, juste à les déterminer encore plus à t'arrêter !

— C'est bon, c'est noté, Mademoiselle Je-fais-la-leçon-à-ma-mère.

» Enfin bref. Aqualta sait que tu existes. Et que tu es ma fille. Elle m'a parlé de toi... Et elle m'a demandé de renoncer, de pousser Félix à se concentrer sur le présent, pour toi. Je te promets que j'ai essayé, Andromeda, je te le promets. J'ai échoué. Comme j'échoue misérablement en tout depuis bientôt six ans. Je n'arrive pas à soutenir celui que j'aime pour qu'il se relève, je n'arrive pas à le convaincre, je n'arrive pas à accomplir la mission qu'il m'a confiée, je n'arrive pas à m'occuper de toi.

» Je suis un échec ambulant...

— Ça, c'est pas vrai. Je ne t'aime pas beaucoup, parce que tu ne sais pas m'écouter, qu'il y a toujours eu et y aura toujours un fossé entre nous. Mais je dois reconnaître une chose, tu ne fais pas qu'échouer, tu es super forte face à la vie. Regarde autour de toi. Nos meubles, c'est pas du Ikea... Regarde ces peintures. Y en a au moins deux qui sont des originaux. Regarde la taille de l'appartement, et laisse-moi te rappeler que tu en es propriétaire. Il est immense et on est dans la ville la plus chère de France ! Tout ça, ce n'est pas des échecs. Je ne vais pas te laisser dire ça, parce que je suis persuadée que tu peux tout réussir si tu y mets vraiment du tien. On peut retrouver notre bonheur !

— Peut-être, si tu le dis, soupira Lila. »

Elle se leva et se dirigea vers la cuisine, jetant un regard à sa fille. Elle était tellement fière de son Andromeda, mais ses travers l'empêchaient de l'écouter sincèrement et d'agir en conséquence. Comme à l'époque où elle menait une double-vie, découpée entre la vie réelle des mensonges et la vie virtuelle de la franchise.

Lila était Farfalla, certes. Elle était cruelle, certes. Elle était déterminée, sans doute. Elle était puissante, bien sûr.

Mais Lila était aussi Lila Rossi, une femme perdue dans sa vie, abandonnée par son compagnon, devant élever seule une fille qu'elle comprenait de moins en moins et qu'elle ne voulait pas semblable à elle.

Alors qu'elle préparait le dîner, l'adulte se jura que, d'ici un mois au maximum, tout serait terminé, dans un sens où l'autre.

************

Tard dans la nuit.

Andromeda se réveilla en sursaut, sans comprendre pourquoi. Les yeux encore embrumés de sommeil, elle regarda autour d'elle, sentant une présence inexpliquée.

Quand elle distingua son héroïne préférée dans la pénombre, elle retînt un cri de surprise.

« Aqualta ? Mais que... qu'est-ce que tu fais là, bafouilla-t-elle dans un murmure, en se redressant dans son lit. »

L'héroïne du Verseau s'approcha du lit, et tendît un collier à l'adolescente.

« Andromeda Rossi, je te confie le Miraculous du Gémeaux. Tu t'en serviras pour le bien d'autrui. Une fois la mission terminée, tu me remettras le Miraculous.

— Quoi ? Non ! Je n'en suis pas capable, Aqualta. Je ne peux pas faire ça... C'est trop dur. Je ne suis pas une héroïne...

— Je me disais la même chose quand Maître Su-Han m'a remis mon Miraculous. Fais-moi confiance, Andromeda. Tu peux y arriver.

— Alors laisse-moi demander de l'aide à une amie...

— Non, Andromeda. C'est de toi dont nous avons besoin ce soir, et seulement de toi.

— D'accord, répondît la jeune fille en saisissant finalement le Miraculous qui lui était tendu.

— Bonjour, je m'appelle Siblis, lança une mignonne petite créature brune avec des taches multicolores, je suis ton kwami. Tout ce que tu as à dire est « Siblis, transforme-moi ! »

— Siblis, dît Andromeda avec une profonde inspiration, transforme-moi ! »

L'instant d'après, Andromeda portait un tailleur blanc cassé, tâché de peinture bleue, rouge, verte, jaune et noire. Ses cheveux s'étaient attachés en chignon, et sur son oreille, un pinceau semblait attendre d'être utilisé, ses poils bruns parsemés d'une encre argentée. Son visage était couvert d'un loup de dentelle, bleu et brun.

Aqualta demanda son nom à l'héroïne nocturne, et après un instant d'hésitation la porteuse du Miraculous des Gémeaux répondît qu'elle s'appellerait Antinomia.

La porteuse du Verseau hocha la tête et entraîna sa partenaire par la fenêtre, en direction de la place de la Concorde, courant sur les toits.

En arrivant sur le lieu du combat, elle grimaça. De ses trois amis, seul Oxi était visible, indiquant que les deux autres avaient déjà utilisé leur pouvoir. Ladyrouge, elle, semblait plongée dans un abîme de perplexité par son second Lucky Charm, une palette de peinture. Carapace et Chat Noir, quant à eux, étaient écroulés dans un coin, hors-jeu.

« Où est l'akumatisé, s'étonna Antinomia, et Mayura ?

— Aucune idée pour Mayura. Elle s'est volatilisée au début du combat. L'akumatisé, il s'est planqué dans l'ombre de l'obélisque.

— Quel est son pouvoir ?

— Il dégrade les perceptions. Une illusion, mais beaucoup plus poussée. Ladyrouge a essayé de le déstabiliser par une illusion, mais ça n'a pas marché. Alors elle a utilisé le Lucky Charm, une première fois, et il m'a indiqué que je devais choisir un allié.

» C'est pour ça qu'on a besoin de toi. Ton pouvoir est semblable au sien... Sauf que tu ne peux l'utiliser qu'une fois.

— À moins de me détransformer, oui, je sais. Et j'ai cinq minutes après l'utilisation. Je suis comme tout le monde, je regarde les combats ! »

Aqualta sourît, puis sauta sur la place, suivie par son amie.

À peine à terre, elle grimaça. Le sol sous ses pieds lui semblait instable, comme des sables mouvants. D'instinct, elle voulût assécher le terrain, tendît le bras gauche, s'apprêtant à utiliser son pouvoir, quand un cri l'en empêcha. Mayura avait surgi sur la place, interdisant à Aqualta de mettre son pouvoir en action.

« Ne fais pas ça ! Il a fait pareil avec Hammela, il lui a donné l'illusion qu'il l'avait enfermée, elle a utilisé son pouvoir, et Chat Noir a dû se dévouer pour l'emporter à l'abri avant qu'elle se détransforme...

— Il l'a vue, demanda la jeune fille d'une voix blanche.

— Non, ne t'inquiètes pas, elle a réussi à protéger son identité. Comment va ton amie ?

— Je...

» Antinomia ? Que se passe-t-il ?

— La solution n'est pas compliquée. Mais vous devez avoir, tous, une confiance absolue en moi.

— J'fais pas confiance à une inconnue, rétorqua Oxi.

— Mais à une ancienne méchante, oui ? Tu as toute ma confiance, Antinomia, déclara Mayura.

— Je suppose que tu as besoin du Lucky Charm, lança Ladyrouge.

— Oui. Ne bouge surtout pas. Je viens.

» Il va falloir que vous fassiez exactement ce que je vous dis... S'il te plaît, Oxi. Est-ce que tu fais confiance à Aqualta ?

— Bien sûr, c'est quoi cette question ?

— Elle m'a choisie. Elle m'a accordé sa confiance, m'a confié la mission de vous aider. Tu peux me faire confiance.

— D'accord...

— Bien. »

Soudain, la place se mît à briller extrêmement fort, dans une explosion de couleurs éclatantes. L'héroïne temporaire se frotta les yeux, comprenant d'un coup pourquoi Aqualta avait choisi le Miraculous du Gémeaux, associé à l'art, comme elle avait pu le lire dans le mode d'emploi intégré à son pinceau.

Son pouvoir semblait être exactement celui de l'akumatisé. Elle pouvait l'annuler, mais il y avait mieux à faire. Récupérer le Lucky Charm, qui lui permettrait de se concentrer sur la modification qu'elle apporterait. L'akumatisé jouait d'illusions. Elle allait faire ce qu'il créait dans l'esprit de ses partenaires.

Elle allait le prendre à son propre jeu.

Après tout, c'est ce que je fais tous les jours, toute la journée. Jouer à son jeu en espérant la battre.

Elle se dirigea vers Ladyrouge, saisît la palette sans un mot. Elle vît Aqualta se diriger vers elle, puis s'arrêter, comme prise à nouveau dans des sables mouvants.

Antinomia hocha la tête. Elle avait besoin de Pesce, de pouvoir parler aux autres, surtout Aqualta et Mayura.

Elle passa la main sur le manche de son pinceau, comme elle l'avait fait pour avoir accès au mode d'emploi. Elle trouva l'onglet de communication et envoya un message à Pesce, croisant les doigts pour qu'il soit transformé.

Une minute après, le pinceau vibra.

C'est noté, Mlle La nouvelle. Je suis sur un toit, invisible, mais je vous vois tous. Je nous mets en communication avec Aqualta, Oxi, Mayura et Ladyrouge.

Antinomia hocha la tête, et dès que Pesce lui eût donné la parole, elle expliqua son plan. Il fallait qu'ils poussent l'akumatisé à utiliser son pouvoir sur l'un d'entre eux, qui s'avancerait vers lui. Puis, il se dégagerait de l'illusion, trouvant le moyen de l'y faire passer, et à ce moment-là, elle utiliserait son pouvoir pour réaliser l'illusion.

Ladyrouge rétorqua qu'il n'était pas sorti depuis le début du combat, leur faisant utiliser leurs pouvoirs inutilement, les épuisant, les poussant à commettre la faute d'attention qui lui donnerait la victoire.

Oxi décréta qu'on ne pouvait pas piéger cet akumatisé, de lui-même il était extrêmement prudent, il ne ferait pas une faute.

« Alors j'y vais et je force Farfalla à le faire approcher de moi. J'en ai les moyens.

— Antinomia, non ! C'est extrêmement dangereux !

— Peut-être qu'elle m'en voudra pour le restant de ses jours, mais je le ferai Aqualta.

— Je...

— Comment voudrais-tu faire cela, demanda Mayura.

— Vous n'allez pas être d'accord. C'est à cause de mon identité...

— Aqualta t'as pas fait ça, s'étrangla Pesce.

— Qui mieux qu'elle ?

— C'est stupide, protesta le garçon.

— C'est mon moment. S'il te plaît, Pesce.

— Tu n'as pas besoin de faire ça, s'opposa Oxi.

» Je vais le faire sortir de son trou.

— Aqualta, Pesce, Oxi, je savais que vous vous connaissez, mais... Les garçons, vous connaissez l'identité d'Antinomia, demanda la plus âgée.

— Y avait beaucoup de chances qu'Aqualta l'ait choisie elle. Ce qu'elle a dit nous le confirme. Et c'est déraisonnable de l'exposer ainsi. J'y vais !

— D'accord, Oxi, dît la porteuse du Miraculous du Gémeaux, on simplifie. Tu le fais sortir de sa cachette, tu l'attires en terrain découvert, je le mets dans des sables mouvants, on l'immobilise, on lui prend son objet à akuma, et c'est bon.

— C'est bien joli tout ça, mais il sert à quoi le Lucky Charm, s'étonna Ladyrouge.

— J'en ai besoin pour fixer ma pensée. »

Oxi s'approcha de l'obélisque où se cachait leur adversaire, déroula son fouet et le fît claquer dans le vide. Une fois, deux fois. La troisième résonna contre la pierre du monument. Au quatrième coup de fouet, l'akumatisé s'avança dans la lumière des lampadaires. Au cinquième claquement, ils se tenaient tous les deux en pleine lumière, debout à l'entrée des Champs-Elysées.

Antinomia s'avança, saisît le pinceau qu'elle avait reposé sur son oreille, murmura « Hupné » dans un souffle, dessina rapidement sur la palette des sables mouvants engloutissant jusqu'à la taille l'adversaire qu'elle distinguait très clairement, lui facilitant la tâche.

La magie opéra immédiatement. Il retînt à peine un cri de surprise alors que le sol commençait à l'avaler, progressivement. En deux minutes, il était entièrement paralysé, les bras bloqués en position levée, les jambes immobilisées dans le sable mouvant.

L'héroïne du soir sourît, fila réveiller Chat Noir et Carapace qui avait pris des coups des armes des autres, appela Hammela par message, et, quand ils furent tous réunis, se dirigea à grand pas vers le malheureux nocturne.

Elle récupéra la montre qui pendait de sa poche de poitrine, et la tendît à Chat Noir, qui la cataclysma avec un sourire, heureux de se faire inclure malgré son inutilité lors du combat.

Ladyrouge attrapa l'akuma, le purifia, le salua à sa manière, et le regarda s'envoler.

Puis elle récupéra la palette qu'Antinomia lui tendait, lança le « Miraculous, Ladyrouge ! » comme aurait fait Ladybug.

Alors que le Parisien libéré reprenait ses esprits, les héros se réunirent en cercle et parlèrent d'une seule voix :

« Bien joué ! »

Puis le groupe se dispersa, Aqualta raccompagnant son amie chez elle. En courant sur les toits, elle félicita la brune pour sa maîtrise et son leadership qui avaient réglé le combat en à peine quelques minutes.

Antinomia remercia avec un sourire, sentant une douce chaleur s'installer dans son cœur. Et elle adressa une seule pensée à Farfalla.

Tu ne m'auras jamais. Cette fois, j'ai choisi mon camp, et malgré les apparences je n'y serai pas orpheline.

************

2530 Mots, et mon chapitre préféré pour l'instant !

Sérieusement, j'avais tellement hâte de l'écrire.

Andromeda-Antinomia est tellement intéressante. Elle « déteste » ses parents parce qu'ils ont voulu et ont réussi à lui inculquer des valeurs qui ne sont pas les leurs. Parce que son père ne s'occupe plus d'elle et que sa mère ne sait pas changer les choses, les aggrave au contraire.

Et en même temps, c'est ses parents. Et elle se rappelle de leur vie avant la mort d'Amélie. Comme ils étaient heureux, ensemble. Alors elle aime ces parents-là. Et elle ne sait pas choisir et concilier.

Mais Aurore, qui le sentait dans le chapitre 2, qui devinait son malaise, elle est venue la sauver. Elle lui a offert la possibilité de choisir. Et à la fin du chapitre, Andromeda est libérée de son dilemme. Elle se bat contre Farfalla. Pour faire revenir Lila.

Bon, par contre, inventer le Miraculous du Gémeaux, ça avait déjà été compliqué. Inventer un akumatisé qui le nécessite... Le cauchemar. Mais je crois que c'est pas mal...

Bref, ce chapitre a été l'éclate pour moi. Et pour vous ? Qu'en avez-vous pensé ? Dites-moi tout !

Bises,

Jeanne.

(Ecrit le 19/10/2021)

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