Chapitre 4 : Compréhension
Le même soir, au manoir Agreste.
Aurore poussa la porte du manoir et traversa le hall rapidement, se faufila à l'étage et entra dans sa chambre discrètement. Elle était soulagée de ne pas avoir croisé ses parents.
Elle bâilla. Elle était épuisée, malgré les deux heures passées dans les lits de l'infirmerie. Et puis son secret d'amour lui pesait de plus en plus.
Il avait toujours été dur à porter. Mais en ce moment, c'était de plus en plus difficile, parce qu'elle partageait de plus en plus de moments avec ses camarades et surtout Andromeda, parce que les discussions tournaient de plus en plus autour de l'amour et parce que son autre secret empiétait beaucoup sur sa vie civile.
Et puis, elle était tellement fatiguée... Elle savait qu'elle s'enfermait dans un cercle vicieux d'insomnies et de couchers trop tardifs, elle prenait un livre parce qu'elle n'arrivait pas à dormir, s'excitait sur les péripéties et ne pouvait plus retrouver un calme propice au sommeil avant longtemps.
Mais Aurore avait beau essayer de résister, elle finissait toujours par récupérer son livre de chevet, au milieu de la nuit, et allumer la petite lampe qu'elle gardait à côté de son lit. Et maintenant, elle était épuisée de ses trop courtes nuits, de ses secrets et de la difficulté qu'ils faisaient peser sur toutes ses relations.
Elle ferma les yeux, tentant de retenir les larmes qui lui venaient, enroulant la mèche blonde perdue au milieu de ses cheveux noirs autour de son doigt.
Si seulement elle avait pu se débarrasser de tout ça...
Elle poussa un soupir, puis s'installa devant son bureau pour faire ses devoirs. Elle avait perdu assez de temps à se lamenter, et puis travailler lui permettait toujours d'oublier un peu.
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Au dîner, Aurore allait un peu mieux. Elle avait réussi à dompter son malaise, malgré tout, en travaillant.
Mais son père savait qu'elle n'allait pas bien, et en voyant à quel point elle s'enfermait sur elle-même pendant le repas, les yeux rivés à son assiette et mangeant dans un silence de plomb revêtu d'une attitude de rejet, il décida de prendre les choses en main.
Il attendît qu'elle eût terminé de manger, et, au moment où elle se levait pour rapporter ses couverts à la cuisine, il l'interpella.
« Aurore chérie, qu'y a-t-il ? Qu'est-ce qui te tracasse ?
— Rien. Je vais bien, répondît-elle d'un ton froid.
— Mais c'est une manie, ma parole ! Aurore, je ne suis pas aveugle à ce point. Ça fait des semaines que tu dors à peine, que tu t'enfermes dans ta chambre dès que tu rentres et que tu nous évites à tout prix. Tu ne vas pas bien, déclara-t-il. »
Il se leva, et vînt s'agenouiller devant sa fille, lui posant les mains sur les épaules.
« Aurore, tu sais, tu peux tout nous dire, nous ne te jugerons jamais. Nathalie et moi, nous t'aimons plus que tout. Tu n'as pas à avoir peur... »
La jeune fille secoua la tête. Non. Elle ne pouvait pas tout leur dire. Il y avait au moins une chose sur laquelle elle devait mentir. Et puis même sans ça, elle était sûre qu'ils ne pouvaient pas la comprendre. Ils ne pouvaient pas savoir. Ça ne servait à rien de leur dire, ils ne pourraient pas l'aider. Ils la jugeraient quand même, quoi qu'ils disent, même s'ils ne la détesteraient peut-être pas pour ça.
« Laisse-moi, murmura-t-elle d'une voix brisée, tu ne peux pas m'aider. »
Elle recula d'un pas, un feu dans ses yeux bleus, fila vers la cuisine où elle déposa ses affaires puis partît en courant vers sa chambre.
Gabriel déglutît difficilement. Il n'arrivait pas à comprendre pourquoi elle le rejetait autant. Il lança un regard perdu à Nathalie, qui sourît tendrement. Elle vînt près de lui et lui passa un bras autour des épaules, rassurante.
« Ne t'inquiète pas, Gabriel. On va y arriver. Il faut juste lui laisser un peu de temps. Elle vit sans doute une période difficile, et en parler à ses parents n'est jamais évident. Mais tu as eu le bon réflexe.
— Mais elle ne veut pas en parler, murmura-t-il, et moi je voudrais pouvoir l'aider...
— Si elle ne veut pas parler, c'est sans doute parce qu'elle considère que nous ne comprendrions pas. Il ne faut pas renoncer. Et c'est déjà un très grand pas ce que tu as fait, parce qu'elle va comprendre que nous sommes prêts à l'écouter.
» Nous allons lui laisser un peu de temps et après nous irons la voir. Ça va aller, je te le promets. »
Gabriel sourît, serra sa femme dans ses bras et hocha la tête.
Ensemble, ils débarrassèrent la table, discutant, se questionnant sur ce que leur fille pouvait leur cacher.
La mère déclara qu'elle avait des soupçons, mais elle ne voulait rien dire tant qu'ils n'avaient pas la confirmation. Gabriel hocha la tête, promettant encore qu'il n'aurait pas de jugement.
Elle le remercia, lui disant qu'Aurore aurait besoin d'un vrai soutien.
Puis, ensemble, ils se dirigèrent vers la chambre à l'étage.
Nathalie ouvrît la porte doucement, et s'approcha du lit.
« Aurore ? Est-ce que ça va ?
— Va-t'en, répondît la jeune fille entre ses dents, tu ne peux pas m'aider. Et puis je suis fatiguée.
— Bien sûr, répondît l'adulte en saisissant le livre derrière lequel la petite se cachait, mais tu ne dormiras pas plus si je m'en vais, je me trompe ?
— Peut-être pas, marmonna-t-elle.
» Viens, Papa, lança-t-elle, je sais que tu es là. »
Gabriel entra dans la pièce, légèrement hésitant. Sa fille sourît, se redressa dans son lit et invita ses parents à s'asseoir auprès d'elle, son père à sa gauche et sa mère à sa droite.
Blottie entre eux deux, elle se sentît plus en sécurité, soutenue et aimée. Elle se sentait déjà mieux qu'avant.
Elle profita quelques instants de cette position de douceur, puis prît la parole dans un murmure, laissant sa fatigue, ses peurs, ses tristesses s'échapper enfin de son cœur plein à ras bord.
Secouée de sanglots, les yeux soudain humides de larmes, elle bafouilla discontinuement.
« Non, je vais pas bien, je voudrais que tout soit bien alors je fais comme si, je l'affirme, je renferme la déprime, la tristesse et les cauchemars, j'évite de regarder ma vie en face parce qu'elle me fait peur, parce qu'elle est trop compliquée, parce qu'il y a trop de choses, j'ai mal au cœur en permanence mais j'ai l'impression que c'est mieux de le cacher, je voudrais pouvoir l'empêcher de battre comme ça parce que ça ne se fait pas, je suis amoureuse mais je peux pas lui dire, je peux le dire à personne, même vous, j'avais peur de le dire, parce que je, je, je...
— Chut, calme-toi mon ange, murmura Nathalie en la serrant dans ses bras, ce n'est pas grave, mais dis-le ça te fera du bien. D'accord ?
— Oui, chuchota Aurore entre deux sanglots, tu dois avoir raison. Voilà... Je suis lesbienne. »
Nathalie serra sa fille dans ses bras tendrement. Elle lui sourît, lui affirmant qu'elle n'aurait pas dû avoir peur, ce n'était pas grave et puis, de toute façon l'amour ça ne se contrôle pas.
La jeune fille se blottit dans les bras de sa mère, heureuse d'avoir enfin parlé et de voir qu'on l'aimait quand même, alors qu'elle en avait douté.
Gabriel ne disait rien, un sourire tendre et pensif sur les lèvres. Il déposa un baiser sur le front de son enfant et lui sourît doucement.
« Tu sais que nous t'aimons et que tu es notre trésor le plus précieux Aurore, et qu'il n'y avait pas besoin d'avoir peur. Mais je sais à quel point ça doit être difficile à reconnaître. Je suis fier de toi, petit cœur.
— Merci Papa. Je suis vraiment soulagée d'avoir pu vous le dire, en fait... Je n'osais pas, mais ça fait du bien de parler !
— Bien sûr, sourît Nathalie, je te l'avais dit.
— Comment tu avais deviné que c'était ça ?
— Euh... Comment dire... ?
— Avec des mots peut-être, la taquina Gabriel, qu'est-ce que tu nous caches ?
— Mais ! Ça ne se fait pas de te moquer de moi comme ça !
— Allez, Maman, dis-nous, fît Aurore avec un enthousiasme enfantin.
— D'accord, d'accord.
» Je suis bisexuelle. Et j'ai été amoureuse d'Émilie pendant très longtemps.
— Pardon ?? C'est une blague, Nathalie ? Tu aimais Émilie ?
— Oui. Je l'aimais comme je t'aime aujourd'hui, Gabriel...
— Ça ressemble à un gag, commenta Aurore, vraiment, même si ça ne doit pas être drôle à vivre...
— Disons que le destin aime bien se payer ma tête, sourît Nathalie, parce que c'est assez ironique de tomber amoureuse de sa meilleure amie, mais tout faire pour la caser avec le gars qu'elle aime parce qu'on sait qu'elle n'aimera jamais en retour, et finir par tomber amoureuse du gars en question... »
Gabriel et Aurore rirent de la manière dont elle avait présenté les choses. Mais le styliste reprît son sérieux pour poser une question de curiosité à son amoureuse.
« Dis, tu l'as aimée jusqu'à quand ? Et depuis quand étais-tu amoureuse d'elle ?
— Je l'aimais depuis que nous avions treize ans à peu près... Et la flamme a fini par s'éteindre l'année de vos fiançailles, quand nous avions vingt-deux ans...
— Ah oui, quand même... C'est long !
— En effet... Et je me battais tous les jours pour déraciner ce sentiment. Je n'en ai jamais parlé à personne.
— Ça va, Maman ?
— Oui, chérie. Tout va bien, maintenant. »
Gabriel et Nathalie se levèrent du lit d'Aurore, lui donnèrent chacun un câlin et un baiser sur le front puis sortirent de la chambre en lui souhaitant une bonne nuit.
La jeune fille sourît, éteignît sa lampe de chevet et se glissa dans les couvertures. Elle était extrêmement apaisée d'avoir parlé avec ses parents, et elle s'endormît rapidement, heureuse.
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1648 Mots.
Le coming-out d'Aurore, c'est fait. Bon, en même temps, je lui en ai un peu mis gros sur la patate à cette enfant ! Super-héroïne qui doit cacher son identité, insomniaque passant son temps à lire, lesbienne et en plus pour sa meilleure amie... Ça fait beaucoup ! C'est normal qu'elle craque à force.
Je suis sûre que Nathalie s'occuperait comme ça de son enfant, si elle en avait un, présente et rassurante. Pour Gabriel, je considère qu'il aura tiré leçon de ses erreurs avec Adrien...
Je suis vraiment contente de moi, là. Je le trouve touchant, et j'estime avoir assez bien mené les choses. Ceci sur un chapitre écrit en à peu près trois heures et demie entre les transports, les intercours et la pause déj.
Ah, aussi. Le délire de Nathalie. Ça date d'un OS que j'avais écrit début février, où en gros, Nathalie expliquait que parfois elle se disputait avec Emilie, et que c'était souvent à propos de Gabriel. Parce que Nathalie considérait qu'Emilie aimait trop Gabriel et qu'elle finirait par se mettre en danger pour lui. A quoi Emilie rétorquait que Nath était jalouse. Commentaire de Nath quand elle raconte ça à Gabby : « Ce qui n'était peut-être pas entièrement faux, mais certainement pas dans le sens où elle pensait. »
JE N'AI AUCUNE IDÉE DE CE A QUOI JE PENSAIS EN ÉCRIVANT CA. Mais en relisant, je me suis dit que c'était bizarre la phrase, surtout que l'accusation d'Emilie supposait en fait que Nath soit amoureuse de Gabby et jalouse qu'il soit avec Emilie.
De là, j'ai eu la réflexion d'inverser les rôles, de déclarer, comme ma phrase citée le suggérait, que Nathalie avait été amoureuse d'Emilie. Et j'ai cette idée qui tourne dans le crâne depuis et qui a fini par s'enraciner assez profondément...
Bref.
Qu'avez-vous pensé du chapitre ? Vous avez aimé ? Laissez-moi vos avis !
Bises,
Jeanne.
(Ecrit le 30/09/2021)
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