Chapitre 19: Interruption

Plus tard, la nuit

« Félix ? »

Farfalla étouffa une soupir dans l'obscurité de l'appartement, cherchant son partenaire des yeux.

« Félix, tu es là ?

— Bonsoir Farfalla. Je n'ai pas envie de parler.

— Détransformation. Je sais... Je suis désolée... Je...

— Assieds-toi, répondît le blond avec un sourire dans la voix, pourquoi es-tu venue ?

— C'est les vacances vendredi, déclara-t-elle simplement en s'asseyant sur le canapé.

— Oui, interrogea-t-il en s'asseyant à côté d'elle.

— Je... Je ne peux pas... Je suis désolée, je n'y arrive pas, je...

— Eh, calme... Attends une seconde... »

Il se leva, et, une minute plus tard, il avait détaché les longs cheveux bruns de la jeune femme et la coiffait doucement, défaisant chaque noeud délicatement à l'aide d'une brosse.

« Ça fait combien de temps que tu ne t'es pas coiffée ?

— Tu sais que je ne comptes pas...

— Je préfère quand ils sont brossés. En soit, tu sais que je m'en fiches... Mais je n'aime pas te voir aller mal comme ça...

— Ça doit faire depuis la dernière fois.

— Lil... Elle t'en veut ?

— Pas vraiment... C'est tellement compliqué, j'aimerais pouvoir ignorer mais c'est trop dur, parce qu'elle me fait penser à moi, un peu... Elle nous aime, tellement fort que ça me fait mal, et elle déteste ce que je fais, et j'ai été trop loin, je l'ai regretté à la seconde, mais je ne pouvais pas, je n'y arrive pas, tout ce que je reçois, je n'arrive pas à lutter, je veux arrêter et en même temps je ne veux pas, je ne peux pas ? C'est horrible... Je suis horrible...

— Princesse, souffla le blond en brossant les longs cheveux de sa partenaire, non, tu n'es pas horrible... Je n'aurais pas dû te demander de faire ça. Je t'ai mise en danger...

— Non ! Je l'aurais fait..., déclara-t-elle en relevant la tête un peu brutalement, d'une manière ou d'une autre, je l'aurais fait, tu étais tellement... Félix, je ne pouvais pas te laisser ainsi, après ça tu étais... C'était affreux... Et maintenant je... Je suis une cause perdue, Félix, je suis née pour être une méchante, j'ai passé ma vie à mentir et à manipuler, à semer la zizanie, je n'ai jamais été honnête et je n'ai même jamais cherché de la valeur, je voulais juste briser ce que je voyais dans les mains des autres parce que je ne pouvais pas l'avoir, et après tu es venu, tu m'as vue, tu m'as sortie de là, je ne le méritais pas, ça a cassé, l'ombre est sortie, je ne peux pas, je ne peux pas, je ne sais même pas à quoi je pense... Je ne devrais pas te dire ça, je ne devrais pas être là... Je...

— Chut. Reste là, rétorqua-t-il d'une voix autoritaire.

» Tu es troublée. Trop. Tu ne peux pas agir, dans quelque sens que ce soit, avec un tel état d'esprit. Respire. Tout va bien. Ici, tu es en sécurité. Quoi qu'il arrive, quoi que tu décides, où que tu sois dans ton parcours, quelles que soient tes pensées. Lila, avec moi, tu es en sécurité. Respire. Je t'aime, Lila, pour qui tu es. Tu n'es pas née en méchante, tu as un cœur immense, mais tu le caches car il n'a pas été écouté, tu es attentive. Tu mentais pour avoir de l'attention et du temps. Tu n'as pas caché l'identité de Farfalla pour la même raison. Je suis là. Est-ce que tu le sens ?

— Oui... Oui, je sais, je vois, je sais que tu resteras, mais j'ai peur, j'ai peur de ce que je fais, de la manière dont je me vois, j'ai peur, et en même temps je ne veux pas fuir, je veux rester... Je... Farfalla... Je suis Farfalla, n'est-ce pas ?

— Seulement si tu le choisis. Tu ne peux pas être définie seulement par ça. Et, au fait, non, tu n'as pas fait de moi un vilain. D'abord, si on cherche lequel a emmené l'autre dans cette histoire, c'est moi qui ai commencé. Ensuite, tu essayes toujours de me garder au loin. Tu n'as pas à être Farfalla, tu t'en rends compte ?

— Une part de moi le comprends, oui... Mais en même temps... Félix, je l'ai akumatisée, j'ai utilisé Andromeda, alors même qu'elle me le reproche, et chaque jour... Je ne vais pas tenir...

— À quel point t'en veut-elle ?

— Je t'ai dit, c'est plus compliqué que ça. Mais ça me brûle. Et comme elle est toujours près de moi, j'étouffe. Tous les jours, même quand je ne cède pas... Elle me le reproche, par ses regards, par sa froideur, par ses émotions, et moi je ne sais pas répondre, je ne sais pas être une mère et... Ça me blesse, tellement, cette brûlure permanente si près de moi, tu ne sais pas... Le Miraculous a une exigence, ou plutôt, j'ai besoin de laisser la noirceur de son pouvoir m'emporter... Et... Je ne veux pas, je ne peux pas recommencer ?! Elle m'en a encore plus voulu, bien sûr, et c'est dur, et elle va être là, je vais craquer... Je ne veux pas craquer !

— De quoi as-tu besoin ?

— Je... Je crois que j'ai besoin qu'elle ne soit pas avec moi... Tu m'as dit que je devais respirer, ralentir. Je ne pourrai pas tant que je la sentirai si proche. Tu...

— Je suis désolé, je ne peux pas... Je ne sais déjà pas m'occuper de moi-même, je n'ai pas la capacité de la garder... Y compris si c'est juste quinze jours... Tu pourrais demander à Gabriel, peut-être ?

— Elle serait sans doute ravie de passer quinze jours avec sa meilleure amie. Nathalie sera heureuse de l'éloigner de moi... Et ton oncle... J'imagine qu'il comprendra le problème...

— Il acceptera, je n'en doute pas. Et s'il n'est pas d'accord en première instance, je suis certain que tu sauras le convaincre. Tu mènes le monde à ta guise !

— Ce n'est pas faux... Dis, Félix, comment tu vas, toi ?

— Eh bien si on part du principe que la notion de bonheur ne m'est pas vraiment plus familière qu'à toi... Correctement, je suppose ?

— Assied-toi, mes cheveux sont assez coiffés, maintenant. Et parle-moi.

— Bon, d'accord, sourît-il en s'asseyant à côté d'elle sur le canapé, mais... C'est compliqué...

» J'ai l'impression d'être en prison, en permanence, je suis enfermé dans mon esprit, je ne peux pas bouger, je n'ai jamais appris à avancer seul, et c'est difficile, même si j'ai toujours fait comme si ça ne me dérangeait pas, je suis comme perdu, et même avec toi, je n'arrive pas à me libérer... L'illusion doit tenir... Et puis je m'inquiète aussi, constamment, pour vous deux, et je ne peux pas revenir... Même si elle apprécierait, je ne peux pas... Même quand tu viens, j'ai l'impression que tout... Comment dire...? Même si j'arrive à penser autrement avec toi, j'ai toujours l'impression d'être seul, parce que tu ne peux pas comprendre, et... Parfois j'aimerais juste me noyer dans l'obscurité, et dans le silence mais le silence fait tout remuer, et il n'y a que Maman, et je ne supporte pas, ce n'est même plus de la tristesse, c'est un vide permanent, qui prend de plus en plus de place et je ne sais pas, je ne peux pas faire avec, je veux tomber, mais avec toi j'oublie la chute et en même temps je vois la profondeur du gouffre, et c'est comme s'il était entre nous, et le pire c'est le poids des souvenirs, quand nous étions tous les quatre, et je ne sais plus, je veux y retourner, mais je veux combattre le vide, et... Je voudrais pouvoir être présent pour toi et pour Andromeda, mais ce vide en moi, j'ai l'impression qu'il pourrait vous contaminer, je suis dangereux, je...

— Félix... Tesoro, tutto bene, puoi essere vulnerabile, non è un problemo, I will not go, don't worry, sweetheart, I'm here... Tu n'es pas un danger. Quant à l'absence... Non, je ne peux pas comprendre, mais je ressens comme toi... Toujours. Je sais ce que tu vis, trésor, souffla-t-elle en le serrant dans ses bras, et je sais aussi que tu es inquiet.

» Ça va aller... Nous trouverons un moyen de nous en sortir, tous les deux, puisque nous sommes ensemble... On y arrivera... On va mal, je n'arrive pas à me sortir les akumatisations de l'esprit, tu te noies dans l'absence de te mère, mais nous avons l'autre... Dis, je peux rester ? Je... Je suis fatiguée et... Je ne veux pas...

— Bien sûr, chérie... C'est compliqué, mais d'une certaine manière je suis content que tu sois là... Par contre, il faudra que tu partes avant qu'elle se réveille, non ?

— Non... Si tu es d'accord, je peux rester, je vais lui envoyer un message, elle peut se débrouiller seule...

— Je serais heureux de t'avoir... De ne pas être seul face au vide...

— Je suis là. Promis. »

Ils se sourirent, échangeant une étreinte déjà ensommeillée. Au bout de quelques dizaines de secondes réconfortantes, la jeune femme rompît le contact et se dirigea vers la chambre de son amoureux pour se préparer à la nuit, heureuse d'avoir prévu ce genre de situation en laissant quelques affaires chez lui.

Félix, lui, la regarda partir d'un air rêveur. Il y avait toujours ce vide, cette chute en lui, mais avec elle, tomber était moins terrifiant, ne tenait plus du problème.

Mais il ne pouvait pas la rejoindre, pas immédiatement, parce que ses mots le perturbaient trop, il avait besoin de poser des questions... Avec un peu de chance, son oncle ne dormait pas. Même s'il était plus de minuit et demi.

Alors le blond sortît son téléphone et appela.

« Félix ? Que se passe-t-il, demanda une voix agacée à la deuxième sonnerie.

— Bonsoir mon oncle, j'espère que vous me pardonnerez de vous déranger aussi tard... Je voulais vous poser une question...

— Des problèmes avec le Miraculous que tu m'as volé ?

— Peut-être.

— Tu n'en es pas sûr et tu me déranges ?

— Je vous ai réveillé ?

— Non. Mais presque. Qu'y a-t-il ?

— Lila est venue me voir, elle avait besoin de réconfort. Et il y a quelque chose qu'elle m'a dit qui me préoccupe... Elle... Elle m'a dit qu'elle voulait arrêter et quand même temps elle ne voulait pas, et je ne comprends pas vraiment... Est-ce que... Est-ce que ça vous est arrivé aussi ?

— Cette petite est plus résistante que je ne l'étais... Oui. Mais j'étais devenu complètement dépendant au bout d'un an et demi. Et Nathalie est en train de me dire que nous sommes tous des idiots ?

— Mettez donc le haut-parleur, j'aimerais bien savoir ce qu'elle a à dire...

— Voilà...

— Je disais donc que vous êtes tous les deux profondément stupides et que oui, l'addiction est normale. Même avec une certaine responsabilité, on finit par se perdre face à ce type de pouvoirs. Il faut lire de la fantaisie, les garçons, c'est vraiment une base ça. Si l'on n'est pas préparé psychologiquement, les pouvoirs nous dévorent. C'est pour ça qu'il faut toujours savoir exactement ce que l'on veut faire, ne jamais perdre l'objectif de vue, planifier... Éventuellement ne pas garder le Miraculous en permanence. Faire des pauses, poursuivît-elle avant d'être interrompue par une quinte de toux.

— Nathalie, est-ce que...?!!?!

— Je vais bien, Gabriel, ne t'inquiètes pas. Su-Han a dit que j'aurais toujours des séquelles, mais ne t'inquiètes pas. Ça va. Ce n'est que des quintes passagères.

— Et après vous donnez des leçons, soupira Félix dans le combiné.

— Moi, je savais exactement ce que je risquais, rétorqua la brune, contrairement à Gabriel et Lila. Si elle veut arrêter, ou même réfléchir, il faut qu'elle l'enlève. Ce ne sera pas facile, mais c'est nécessaire. Ne te dispute pas avec elle, mais suggère-le-lui. Si vous avez un combat, ce sera encore pire, il faut que tu la ménages. Compris ?

— Oui, Madame, c'est noté. Et aussi... Elle ne veut pas ré-akumatiser Andromeda, mais apparemment c'est difficile, alors j'ai suggéré que notre fille vienne chez vous pendant les vacances...

— Bien sûr, si c'est mieux, s'exclama Gabriel.

— Ça va être très amusant, confirma Nathalie, Aurore va être plus que ravie.

— Nathalie... Ne la pousse pas à te détester, d'accord ?

— Promis. Bien sûr qu'Andromeda peut venir passer les vacances au manoir, Félix.

— Merci... Merci pour tout...

— De rien. Et, pour avoir l'expérience... Il ne faut pas essayer de convaincre Lila d'arrêter, ou de faire une pause, réitéra la brune, il faut la pousser à le décider.

— Et n'essaye surtout pas de te la mettre à dos, quoi que tu demandes, les émotions négatives sont complètement amplifiées et ça part très vite en vrille.

— Oui, c'est noté. Bonne nuit à vous deux.

— Bonne nuit Félix, répondirent-ils étaient cœur. »

Le blond raccrocha, indécis. Au moins il avait des réponses, mais il n'était pas certain d'être rassuré. L'idée que sa Lila puisse être réellement accro à ce pouvoir qu'il lui avait donné l'effrayait.

Il se faufila dans la chambre, l'observant dans la pénombre ambiante de l'appartement, déjà endormie dans le lit, son visage si torturé par les émotions enfin apaisé dans le sommeil.

S'asseyant à côté d'elle, Félix lui passa la main dans sa magnifique cascade de cheveux bruns enfin démêlés. Au fond de lui, il aurait souhaité que cet instant puisse durer toujours, mais il savait que c'était impossible.

Du bout des doigts, il retira la broche qu'elle avait accrochée à sa tenue de nuit et joua un instant avec les reflets, la faisant tourner entre ses doigts habiles.

« Si seulement nous pouvions nous suffire... Mais nous sommes trop petits, nous n'avons jamais appris... Je suis désolé, love, murmura-t-il en déposant un dernier baiser sur son front avant de s'étendre à côté d'elle. »

 ************

 2299 Mots.

 Ecrit en trois jours (j'ai commencé dimanche). C'est donc infiniment plus facile de faire craquer les gens que de faire quoi que ce soit d'autre.

 C'était tellement intéressant. Travailler sur les "méchants" je pense que vous savez à quel point j'aime ça. Voir les effets sur Lila. Explorer le point de vue de Félix. Les faire interagir un peu avec mes chéris (toujours aussi froid avec son neveu, Gabby... En même temps on comprend)

 Les vacances vont être teeellement fun à écrire.

 Ah et aussi, le moments de ré-assurance en langues diverses. Déjà pour mon incapacité à penser en une seule langue. Ensuite parce que... Lila est franco-italienne, ça me paraîtrait logique que ça ressorte de temps en temps. Et Félix est Anglais, lui parler dans sa langue doit être habituel aussi.

 Et ce chapitre n'était absolument pas prévu mais l'inspi a dit "je VEUX que tu écrives sur Lila et Félix, rien à faire que tu les aimes pas". Bon bah voilà... J'espère que celles qui les aiment sont contentes au moins.

 Je sais pas ce que je fais ensuite. Un dernier combat avant les vacances, peut-être...? On verra plus tard...

 Oh, et j'ai réussi à faire le -tion pour le titre de chapitre sans problème, aussi ! J'suis contente !

 Bref.

 J'espère que c'était bien, que ça vous a plu, que vous n'êtes pas paumés,

 Dites-moi tout,

 Bises,

 Jeanne

  (20/02/2023)


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