Chapitre 10 : Réflexions et suspicions

Trois jours après, le lundi.

« Hey, les gens ! Votre prof vous a mis au courant pour le projet commun, s'exclama Dray en rejoignant les quatrièmes, suivis de ses camarades.

— Oui, sourît Aurore, je trouve que c'est une super idée ! Nous faire travailler en individuel sur ce que c'est le bonheur pour nous, puis nous demander d'en échanger en groupe...

— Mais c'est quoi le bonheur ? Enfin, je sais bien que c'est à ça qu'on doit répondre, mais comment, demanda Andromeda.

— Eh bien... On peut essayer de comprendre comment on est heureux, fit Hugo. »

Emma hocha la tête, déclarant que, pour elle, le bonheur était extrêmement compliqué à définir, parce qu'il était presque subjectif, et plus facile à déterminer par ce qu'il n'était pas.

Bella approuva aussitôt, ajoutant que le bonheur, pour elle, c'était un état durable mais fragile.

Antonio fît un signe d'accord, puis proposa qu'ils fassent ensemble la liste de leurs joies, savoir s'ils étaient heureux, comment le devenir. Tout le monde applaudît l'idée, et ce fût Aurore qui commença.

« Moi, je suis assez heureuse. Pas parfaitement... Je sais ce qui manque, c'est de pouvoir aimer la personne dont je suis amoureuse mais... J'oserai jamais.

— Tu sais, qui que ce soit, tu peux lui dire, déclara Andromeda, et quoi qu'il arrive nous sommes là pour te soutenir.

— Merci Andro...

— C'est rien. Sinon, par rapport à la question d'Antonio... Moi, le bonheur, je savais ce que c'était quand j'étais petite, c'était juste de vivre, et c'était simple. Maintenant, c'est beaucoup plus compliqué. Je voudrais pouvoir aimer mes parents, mais ils m'ont appris à détester ce qu'ils sont devenus... Je voudrais vivre.

— Ça va aller, Andromeda. Je te le promets. »

Antonio retînt un sourire. Il s'efforçait de ne rien dire, mais c'était tellement criant qu'Aurore était amoureuse d'Andromeda, les voir se tourner autour était à la fois attendrissant et monstrueusement agaçant. Pour se calmer, il se dît que sa mère avait eu à gérer mille fois pire avec Marinette, Adrien et leurs identités secrètes.

Puis il se tourna vers les autres. Chacun à son tour donna une conception du bonheur, des éléments qui les entravaient parfois, ce qui pouvait leur manquer. Mais ce qui ressortait surtout, c'était à quel point le bonheur était leur trésor, une conception, un état qui ne se nomme qu'avec difficulté, mais qui se vit, malgré les obstacles, ils battaient le malheur au jeu de la vie, c'était leur ressenti. Ils vivaient, ils vivaient avec le sourire, ensemble, dans leurs rires, leurs jeux, leurs échecs, leurs victoires.

Ils étaient tous plongés dans leur conversation, débattant sur leurs vies.

Sauf Cassiopéia.

Elle les regardait, sans les voir. Les écoutait sans les entendre. Un livre fermé à la main, elle les regardait avec envie. Ils parlaient de difficultés, mais ça avait l'air si facile. Et puis, c'était tellement naturel d'être ensemble pour eux. Pas comme pour elle. Elle ne savait pas d'où ça venait, ça avait toujours été comme ça. Même dans la cour de récréation de maternelle, elle voyait le monde comme une pièce de théâtre, dont elle était l'unique spectatrice.

Alors bien sûr, au début, ce n'était pas aussi bien formulé, mais c'était quand même présent. Elle comprenait mieux l'univers parallèle qu'elle créait que celui qu'elle avait sous les yeux. Et, uniquement dans les fictions des autres, elle avait trouvé des gens qu'elle comprenait, se sentant profondément trahie quand un personnage agissait sans la laisser comprendre, comme un pansement arraché d'une plaie à vif.

Elle était seule, bien sûr, puisque personne n'avait cette longueur d'onde, mais elle avait appris à aimer cette solitude, même à la rechercher, très vite. Sauf que là... Même la seule personne qui la comprenait, ou plutôt la croisait de temps à autre, Bellatrice, était avec les autres. Comme les autres. Sur la scène.

« Cass ? Ça va ? C'est quoi ton avis ?

— Oui, t'inquiètes, ça va. Je viens juste de réaliser que le bonheur s'apprend, et que pour l'apprendre, il faut savoir être comme les autres. »

Ça va. Parce que c'était plus facile de répondre automatiquement que de chercher à expliquer à des personnages qu'ils sont fictifs, chercher à expliquer sa différence, comment le monde vivait dans sa tête où seuls les mots tracés avaient un sens.

Parce que personne ne semblait capable de comprendre, de croiser sa vision, d'avoir le même filtre.

Ne semblait... Peut-être qu'au fond ils étaient comme elle, mais ne le disaient pas ? Ne le montraient pas ?

Elle avait reculé, assise sur les marches de l'escalier, et secoua la tête. Non, si les gens avaient été comme elle, elle n'aurait pas eu sa fracture. Si seulement elle avait pu monter sur la scène, casser ce quatrième mur, monter plutôt que rester au premier rang à discuter avec ses amis, avec les autres.

Elle ouvrît son livre, décidant de laisser tomber son malaise, le dissiper un instant en se plongeant dans les aventures des Orphelines d'Abbey Road.

************

Le soir, sur les toits.

Aqualta était assise sur le bord d'un toit, repensant aux discussions de l'après-midi, et le commentaire de Cass. Pour le moins inattendu. Cette fille était une énigme, l'avait toujours été, mais là on avait atteint un sommet. Sa seule intervention dans le débat avait été cryptique, même pour sa meilleure amie.

« Aqualta ? Je me posais une question à propos de tes yeux, lança soudain Chat Noir, comment ça se fait qu'ils soient comme ça ?

— Oui, c'est vrai qu'ils sont assez spéciaux, enchaîna Mayura.

— Sérieux, répondît la jeune fille en regardant ses partenaires pour la ronde.

» Enfin... Venant de Ladybug, Carapace ou Rena Rouge, j'aurais pu entendre le commentaire, mais venant de vous deux... Vous savez que vous avez des yeux tout sauf naturels, n'est-ce pas ? Je doute d'avoir une coloration plus étrange que les vôtres...

— Disons que nous, on a les deux yeux de la même couleur, aussi bizarre qu'elle puisse être. Ce qui n'est pas ton cas.

— Pardon ? Je ne me suis jamais regardée dans un miroir en étant transformée, mais... Je ne pensais pas avoir les yeux vairons ! Ils sont de quelles couleurs ?

— Ton œil droit est bleu ciel, azur. Très clair, et très particulier, répondît Chat Noir, et ton œil gauche... Je ne sais pas vraiment. C'est une espèce de gris foncé, mais avec des nuances. Je ne sais pas si tu as déjà vu une photo de Gabriel Agreste ?

— Euh, oui, pourquoi ?

— C'est exactement ça, mais un peu plus clair. »

Aqualta sentît le sang refluer de son visage. Heureusement, la nuit et son loup bleu sombre dissimulaient son émotion. Mais son cœur s'était serré, puis dilaté brutalement. Elle avait les yeux de ses parents. Et les deux couleurs étaient assez rares pour qu'on le remarque.

D'instinct, elle baissa les paupières, comme pour cacher l'évidence, tout en se jurant que ses amis allaient entendre parler de ça. Ils auraient dû la prévenir ! Enfin, au moins, sa forme civile n'avait pas cette hétérochromie qui l'aurait immédiatement trahie.

« Tu ne savais pas ?

— Non. En civile, mes yeux ont la même couleur.

— Je crois, commenta Mayura, que tu as peur que ça trahisse ton identité. Je me trompe ?

— Non... »

Dans le regard rose de l'adulte brilla un éclair de surprise, de perplexité.

La jeune fille secoua la tête. Sa mère ne devait pas savoir. Surtout pas. Si jamais elle devinait qui se cachait sous le masque d'Aqualta, jamais l'héroïne ne pourrait revenir.

Et puis, son demi-frère ne devait pas savoir non plus. Elle savait pourquoi Chat Noir avait pensé à Gabriel Agreste pour définir la couleur de ses yeux. Parce que Gabriel était le père d'Adrien.

Elle cligna des yeux, chassant une larme. Ils devaient promettre, sinon ils trouveraient bien assez vite.

Et ils ne devaient pas savoir, ne devaient pas comprendre l'une des identités, ou les autres seraient évidentes. Et si les adultes savaient, les enfants seraient enfermés.

Aqualta se leva, saisît son trident qui gisait à côté, et se tourna vers les deux autres.

« Je suis désolée, mais je dois partir. Promettez-moi de ne jamais chercher qui je suis.

— Je te le promets, Aqualta, n'aie pas peur de moi.

— Je n'ai pas peur, Mayura. Je tiens à mes pouvoirs, et à Hydriss. Et si vous savez qui je suis... Maître Su-Han me retirera mon Miraculous. »

Mayura regarda la jeune fille partir, le cœur serré. Les quatre jeunes étaient très susceptibles autour de leurs identités, mais jamais aucun d'entre eux n'avait réagi aussi fort. Et Aqualta était bien moins impulsive que ses camarades.

Et puis, ces yeux... Ils étaient tellement particuliers. Elle n'avait jamais vu personne avoir de telles couleurs, et même l'héroïne n'avait les yeux vairons que depuis une semaine. Avant, ils étaient tous les deux bleus ciel.

L'origine d'un tel changement était pour le moins mystérieuse. Tout en regardant automatiquement autour d'elle, se rappelant quand même qu'ils faisaient une ronde, Mayura s'interrogeait.

« Mayura ? Ça va ?

— Elle a nos yeux. Tu l'as dit, son œil gauche est comme ceux de Gabriel. Et l'autre, sa couleur habituelle, c'est la même que celle de mes yeux, en civil.

— Plagg m'a dit un jour que les costumes dépendent de l'imagination du porteur, répondît Chat Noir en haussant les épaules, peut-être juste qu'elle s'est prise de passion pour le stylisme, et que ça se ressent dans son apparence. Et ta couleur n'est pas si absolument rare que cela.

— Si tu le dis, Chat Noir, si tu le dis... Mais imagine que... Et si...

— Ne t'inquiètes pas, Mam's. Ce n'est pas Aurore. Ma sœur ne risque rien. Je t'assure.

— Comment peux-tu le savoir ?

— Su-Han n'est pas suicidaire, répondît Chat Noir sur le ton de l'évidence. »

Mayura laissa échapper un pâle sourire, à peine convaincue par la réponse de son partenaire mais déjà plus rassurée.

Elle ouvrît la page de communication disponible dans son éventail et envoya un message à Gabriel, lui demandant s'il pouvait vérifier qu'Aurore dormait bien, et n'était pas sortie.

Quand son mari lui répondît que leur fille était dans son lit, réellement endormie, et que les fenêtres n'avaient pas été ouvertes depuis un moment, la jeune fille n'était pas sortie.

Mayura poussa un immense soupir de soulagement en recevant la réponse. Elle avait eu si peur de voir son trésor exposé à leurs combats... Mais Chat Noir avait raison.

« Tu vois ? Je te l'avais dit ! Pas la peine de s'inquiéter !

— C'est vrai... »

Les deux héros continuèrent la ronde pendant environ une demi-heure, puis se séparèrent, rentrant chacun chez soi et repensant à l'éclat de leur partenaire.

************

Dans la chambre d'Emma, même moment.

Emma sursauta. Elle avait été tirée de son sommeil, et ne savait pas à quoi c'était dû. Elle se glissa hors de son lit, ouvrît la cloison qui séparait son espace de celui d'Hugo et s'approcha du lit de son frère.

Le garçon était éveillé, du sommeil encore plein les yeux, manifestement cherchant la raison de cet éveil. Il se tourna vers sa sœur, la question dans les yeux. Elle haussa les épaules, lui faisant comprendre qu'elle croyait que c'était lui.

Baillant à s'en décrocher la mâchoire, le blond sortît de ses draps, se dirigea vers le bureau où était posés leurs téléphones portables, marmonnant indistinctement « la communication. »

Il prît son mobile, le déverrouilla, ôta le mode avion et poussa un soupir en recevant un message.

« Emma, le mode avion, c'est pour éviter qu'on se fasse réveiller au milieu de la nuit par ton téléphone qui vibre. Donc mets-le, s'il te plaît, chuchota-t-il.

— Désolée, j'ai oublié. Qu'est-ce qui se passe ?

— Aurore. Qui nous reproche de pas lui avoir dit pour ses yeux vairons.

— Roh, mais on n'y peut rien ! On n'a pas eu le temps ! À chaque fin de combat, on était sur le point de se détransformer, et on ne peut pas en parler à l'école. En plus, on s'est fait noyer dans les devoirs !

— C'est pas à moi qu'il faut le dire, répondît son frère, mais à elle. Qui se dévoue ?

— On fait la plouf ?

» Bon, ok, fît-elle devant le regard fatigué de son frère...

— Je le fais, c'est bon. Après tout, c'est moi qui ai la communication. Et en plus, tu t'es chargée de la dernière corvée. »

Il ouvrît l'application Message, et tapa une réponse, expliqua pourquoi ils ne l'avaient pas prévenue, et lui disant que ça irait, de toute façon Adrien et Nathalie se contenteraient de la savoir endormie pour dissiper leurs soupçons, ils n'avaient pas été capable de découvrir leurs identités respectives malgré les indices elle pouvait se détendre.

Aurore remercia, ajoutant que son père était venu vérifier qu'elle était bien endormie, mais n'avait vu que du feu à sa tricherie, tant elle avait l'habitude de faire semblant de dormir. Et elle avait truqué l'eau autour du rebord de la fenêtre pour faire croire que cette dernière n'avait pas été ouverte depuis un moment.

Emma retînt un rire en voyant ça, chuchotant qu'elle avait dû geler le cadre, sans doute !

Puis ils dirent bonne nuit à leur tante, remirent les portables en mode avion et retournèrent se coucher, rassuré sur l'hypothèse d'une découverte des identités.

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2219 Mots.

Je suis désolée, Cass, désolée, désolée, désolée. En plus, t'es trop jeune pour avoir droit à ça !! Je suis désolée !

Alors... Comme je l'ai dit précédemment, le décalage de Cass ne sort pas de nulle part, je suis comme ça. J'ai un décalage. Je l'avais en maternelle/CP, en CE1/CE2/CM1 je le sentais plus trop, j'avais des potes et tout, on discutait, on jouait, ça allait. Back en CM2, je sais pas pourquoi, j'avais toujours mes potes. 6ème/5ème ça passait, à partir de la 4ème je l'ai senti la plupart du temps (je l'oublie avec ma meilleure amie rencontrée en seconde et les CEHJM...)

Je l'avais jamais formulé avant, je le sentais, c'était pas forcément agréable mais j'ai appris à vivre avec, et à préférer la solitude. Sauf qu'en formulant, je me suis aperçue d'à quel point c'est infernal et sadique de filer ça à un personnage...

Sinon, j'ai vraiment voulu foutre des claques à Chat Noir... « Mais non, ça ne peut pas être Aurore enfin ! » *facepalm* Aveugle un jour, aveugle toujours... Notre Chaton ne changera jamais...

(Bon, en même temps... Si jamais ils découvrent, Su-Han a intérêt à courir très vite...)

Et y a encore une scène des jumeaux. Je crois que c'est la relation que je préfère...😅 (en vrai, j'adore aussi celle entre Lila et Andromeda)

Ça faisait un moment que je voulais faire la ronde Mayura-Aqualta-Chat Noir, mais je savais pas où la caser et comment la prendre, du coup j'ai mis en mode « annexe » dans un chapitre où il y a autre chose.

Et j'aime bien... Et vous ? Vous avez pensé quoi de ce chapitre ? C'était bien ?

Bises,

Jeanne.

(Ecrit le 25/11/2021)

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