Chapitre 13 : Teaghan
Désolée, désolée, désolée... pour le temps que ça m'a pris d'écrire cette suite. Mais bon, c'est un chouille compliqué en ce moment ;)
J'espère tout de même que vous passerez un bon moment avec Teaghan... et Keir qui arrive juste après. Bonne lecture !
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— Qu'est-ce que c'est ? Moira ! Tu ne peux pas lui injecter ça ! D'où ce sang provient-il, d'ailleurs ? C'est en stase magique ? Callum sait que tu conserves cela depuis tout ce temps ?
Je suis plongée dans le noir et j'ai l'impression de flotter dans un univers cotonneux. J'ai chaud. J'ai froid. J'ai mal, aussi. Mais cette sensation et cette douleur me sont familières. Cette faiblesse et ce martyre sont mon lot quotidien depuis que je suis née, je crois. Du moins, depuis que ma mémoire est en capacité de me le rappeler. Je dois donc être dans un de mes nombreux semi-comas, pourtant... Je ne sais pas. La vérité m'échappe. Je me concentre.
La voix qui résonne dans le creux de mon oreille est celle de ma marraine. Son timbre est clair et un peu différent de... De quoi ? Je ne parviens pas à saisir la nuance de cette certitude qui veut s'imposer à moi. Je sais que quelque chose cloche, mais je ne sais pas ce que c'est, ni pourquoi. Je me concentre une nouvelle fois.
Ma marraine semble inquiète et horrifiée.
— Callum n'a rien à voir là-dedans, Sandra. C'est Daniel qui me l'avait donné.
La voix de ma mère. Ici aussi, un détail me perturbe. Son timbre est beaucoup plus clair et jeune que... Que quoi, bordel !? Impossible de comprendre ce qui ne va pas, ni pourquoi j'ai l'impression que quelque chose ne va pas. Tout est confus.
— Il n'en reste pas moins que c'est du sang Scientek et qu'il n'aurait jamais dû faire ça ! Cet abruti t'aimait trop pour réagir de façon rationnelle, bon sang ! Moira... nous trouverons une autre solution...
Ma marraine est en colère. Désespérée aussi. Qui sont ces hommes ? Ceux dont elles parlent ? Je les connais ? Oui. Non. Je n'en sais foutre rien, bon sang !
— Il n'y en a pas ! Teaghan doit survivre, Sandra ! Notre peuple à besoin d'elle ! Cette foutue maladie ne nous l'enlèvera pas...
Je suis malade ? Sauf que ce n'est pas – plus ? – le cas. J'en ai la certitude.
— Arrête de jouer les apprentis médecin, Moira ! Tu es une Draoid'hean.
— Mais je suis un être humain avant tout et c'est mon bébé !
La voix de ma mère se brise. Je ne l'ai jamais entendue – ni vue – si triste. Enfin si. Quand j'étais... petite ? Oui ! C'est ça ! Sauf que... je suis une adulte maintenant. Non ?
— Je... Tu sais que de toute façon, cette dose de sang ne suffira pas à guérir Teaghan ? Il en faudrait soit beaucoup plus. Ou alors... il faudrait la coupler à la magie noire et malsaine de Balor, ce qui serait complètement stupide et qui...
Ma marraine se tait avant de prendre une inspiration sifflante.
— Oh bon sang ! Dis-moi... Dis-moi que tu n'as pas fait ça, Mo ?
La voix de Sandra vibre d'une telle terreur que je sens mon sang se glacer. Enfin, je crois... Je sais que je suis dans un rêve, à présent.
— Je paierai ma dette à Balor le moment venu, ne t'inquiète pas. Comptes-tu me dénoncer ?
La dénoncer pour quoi ? Qui est Balor ? Un homme ? Un Die...
CLAC, CLAC.
Que... ? Quel est ce bruit ?
CLAC, CLAC.
Aïe !
CLAC, CLAC, CLAC...
J'ouvris brusquement les yeux en grognant et tombai nez à nez – façon de parler – avec une main qui claquait des doigts à deux centimètres de mon visage. La confusion s'empara de moi.
J'eus un mouvement de recul, mais je constatai rapidement que d'une, je ne pouvais pas vraiment reculer et que de deux, ma tête me faisait vraiment un mal de chien. Voilà pourquoi – à quelques secondes d'intervalles à peine avec le premier son qui avait franchi mes lèvres – je grognai une seconde fois.
Ayant sans doute rempli sa part du marché en parvenant à me réveiller, la « main aux doigts qui claquent » disparut de mon champ de vision. Elle fut immédiatement remplacée par une paire d'yeux gris que je commençais à bien connaître.
— T'es réveillée ?
Foutrebleu... Merde. Je devais avoir une commotion. Parce que d'où ça sortait ça comme juron ?
Bref. Si je grognais une troisième fois pour répondre à sa question rhétorique, ce boulet prendrait-il peur et me foutrait-il la paix ?
Je décidai de le dévisager sans lui répondre. Après tout, j'étais encore passablement dans le coaltar et une impression étrange me collait à la peau. Étrange, désagréable et terrifiante pour être plus précise. Sauf que je n'arrivais pas à mettre le doigt sur ce qui pouvait provoquer cela. J'étais néanmoins persuadée que ce n'était pas dû à la présence de Keir et je ne voulais pas qu'il croie que mes émotions flippantes étaient dues à sa proximité. Il n'empêche, je commençais doucement à avoir la migraine et je plissai les yeux pour continuer à soutenir son regard sans broncher. Une fois la mise au point faite, je remarquai que « mon interlocuteur » semblait étrangement tendu. Complètement froid, bien sûr, mais légèrement crispé pour les standards en cours chez les blocs de glace de son espèce.
Il rapprocha son visage du mien et je dus me faire violence pour ne pas réagir en déglutissant nerveusement. Rester stoïque face à un Scientek était déjà un exploit en soi. Rester de marbre face à Keir alors que j'étais désorientée, vaseuse et que mon crâne était attaqué par des aiguilles chauffées à blanc pouvait aisément être classé parmi mes meilleures performances. Et ce d'autant plus que mes yeux semblaient dotés d'une volonté propre. Je ne comprenais absolument pas leur envie soudaine de dévier leur attention vers ses lèvres. Jusqu'à ce que l'épisode du... « baiser » me revienne brusquement – et sournoisement – en mémoire. Cette fois-ci, je sursautai et tentait de m'éloigner. Les « aiguilles chauffées à blanc » attaquèrent immédiatement.
— Bordel... grondai-je en serrant les dents.
— Madame est du genre grognon au réveil, à ce que je voie, se moqua-t-il avec un petit sourire en coin.
Je tentai de le lui lancer un regard noir, mais les larmes de douleur qui dansaient devant mes cils devaient ruiner son effet meurtrier.
— La douleur met quelques minutes à disparaître, déclara-t-il en retrouvant son air constipé habituel. Respire calmement et essaie de te concentrer sur le reste de ton corps et ton environnement.
Si je n'étais pas terrorisé à l'idée que – en ne bougeant qu'un seul cil – j'allais réveiller les piques à glace destructeurs qui avaient élu domicile dans mon cerveau, je pense que ma mâchoire se serait décrochée. Parce que... Depuis quand Keir O'Connor me donnait-il des conseils ?
Comme s'il lisait dans mes pensées, son air narquois refit immédiatement son apparition.
— Rien à foutre de ton bien-être, Tel'Andrasta. Je te veux simplement alerte et au max de tes maigres capacités.
Ah... Je me disais aussi.
Je décidai de ne rien lui répondre tout en suivant ses recommandations. Je tentai donc de me concentrer sur la pièce où nous nous trouvions, plutôt que sur le reste de mon corps. Je n'avais pas envie de découvrir que la douleur présente dans mon crâne n'était pas la seule que je devrai affronter. J'étais courageuse, pas maso.
La pièce était assez sombre, bien que haute de plafond et éclairée. Et elle tanguait dangereusement.
— J'ai envie de vomir...
Mon estomac se contracta douloureusement et je fermai les yeux pour permettre à mon oreille interne de se recentrer. Ce ne fut pas une riche idée. Mais mes haut-le-cœur finirent par se calmer. Quand je pus rouvrir les yeux, Keir me dévisageait avec son petit sourire en coin et un sourcil arqué.
— À partir de quel moment tu t'es dit que partager cette information sur ton confort digestif avec moi allait m'intéresser ?
Enfoiré. Je lui fis un doigt d'honneur. Du moins, j'essayai. Mais... où étaient passés mes bras ?
— Je suis en train de te faire un doigt d'honneur, là, déclarai-je donc pour qu'il n'y ait aucun malentendu sur mon silence prolongé.
Je ne voulais pas qu'il pense que j'étais vexée.
Puis la réalité me frappa. J'étais attachée.
— Qu'est-ce que je fais là ? Où sommes nous d'abord ? C'est toi qui...
Keir m'interrompit en levant une main comme un prof qui veut obtenir le silence. Mon froncement de sourcil traduisant ma mauvaise humeur réveilla la douleur fulgurante entre mes deux oreilles. Il n'empêche... S'il savait où il pouvait se la carrer sa main...
— Tu ne te souviens de rien ? reprit-il comme si de rien n'était.
Si. Sauf que j'espérais qu'il ne parlait pas du bai... du truc. J'eus presque envie d'éclater de rire pour me moquer de la stupidité d'une telle pensée. Keir ne parlait évidemment pas de « ça ». Le problème, c'était que pour l'instant, c'était la seule « chose » dont moi, je me souvenais. Je devais être sérieusement traumatisée.
— Pas vraiment, maugréai-je en serrant les dents. Mais tu pourrais peut-être m'éclairer ? Pourquoi suis-je ici et de quoi devrais-je me...
Je ne terminai pas ma phrase. Ma mémoire se rappela à moi avec la délicatesse d'un taureau qui charge un drapeau rouge.
Bon sang ! Pourquoi diable avais-je fait ça ? Assommer deux Médiateurs était l'idée la plus stupide parmi les idées stupides qui m'avaient un jour effleuré l'esprit.
Mince. J'étais sacrément dans le pétrin.
— Tu sais comment ils ont réussi à nous neutraliser aussi facilement ? demanda Keir qui avait compris que le brouillard entourant mes souvenirs venait de se dissiper.
Je secouai la tête en grimaçant. L'attaque que nous avions essuyée était un mélange impressionnant de rapidité et d'efficacité. Un peu comme si on avait couplé les meilleures capacités des deux clans.
— Aucune idée. J'ai senti une sorte de magie proche de la mienne mais...
— ... mais pas totalement, compléta Keir en hochant la tête d'un air entendu. Je vois ce que tu veux dire. Le son strident qui nous a vrillé les tympans ressemblait étrangement aux sons que sont capables de produire certains des...
Il s'interrompit en crispant la mâchoire.
— Certains des quoi, O'Connor ? Certains des tiens ? Tu veux dire que vous êtes capables de produire des ultra-sons comme... je sais pas... des chauves-souris, par exemple ?
Il me retourna un regard froid.
— ADN génétiquement modifié et amélioré, tu te souviens ?
Il arqua l'un de ses sourcils pour me faire comprendre qu'il me trouvait toujours aussi limitée. Comme je le trouvais toujours aussi con, je n'en fus pas spécialement perturbée.
Il n'empêche... Je ne pus réprimer un petit sourire en imaginant Keir se transformer en petit rongeur volant. La métamorphose n'était pas impossible puisque certains des miens étaient bel et bien capables de prendre l'apparence des animaux sauvages qui peuplaient notre île. Mais imaginer les si parfaits – et si coincés – Scienteks se couvrir de poils... Ha, ha, ha.
— Pourquoi tu te marres ?
Zut. J'étais redevenue vraiment naze en matière de contrôle des émotions.
— Pour rien. Il n'empêche, même si les tiens utilisent les ultra-sons, de mon côté, je n'aurais pas dû être capable de les entendre. Mon ouïe n'est pas assez développée. Or là...
Là, mon cerveau avait été comprimé dans un étau, mes tympans avaient presque explosés et mes autres organes m'avaient donnée l'impression d'être pulvériser en un millier de petits fragments. Je n'avais jamais ressentis pareille douleur. La perte de connaissance avait été un moyen naturel de me protéger. Pourtant, l'attaque était en grande partie une illusion puisqu'à part un mal de tête carabiné et une furieuse envie de gerber, je n'avais gardé aucune séquelle...
— Tu crois qu'ils ont combiné la science et... la magie ? demanda Keir avec une grimace de dégoût.
Sa question était judicieuse. Complètement grotesque, mais judicieuse. La grimace était... Était-ce normal que je la trouve un tantinet insultante alors que cela aurait dû me répugner également ? Vu que j'étais sans doute la seule Draoid'hean a avoir posé délibérément ses lèvres sur celles d'un Scientek – beurk– la réponse devait être oui.
— Je ne sais pas, O'connor, grimaçai-je donc en retour. Mais ça me semble hautement improbable. Les Draoid'hean et les Scienteks se haïssent. Même sans prendre en compte l'interdiction de pactiser avec le clan adverse, je les vois mal se faire assez confiance pour travailler ensemble. Aucun Draoid'hean n'accepterait de faire ami-ami et de partager des secrets avec un membre de ton espèce, tu ne crois pas ?
Sauf moi, pensai-je ironiquement. Même si ce n'était pas franchement pareil. Car si une partie de moi – ma bouche – était effectivement entrée en contact « amical » de façon totalement incompréhensible avec une partie de Keir, j'avais toujours l'intention de le tuer.
— Justement, en parlant de ça, commença-t-il en fronçant les sourcils, j'ai surpris une conversation étrange entre mon père et ta mère et...
Il s'interrompit et tourna vivement la tête vers la « porte » de ma... geôle ? Vu ce que j'avais fait aux Médiateurs, je devais effectivement être enfermée. Et comme j'étais attachée... Je constatai subitement que cet enfoiré ne m'avait pas libérée pendant qu'il me tapait la discute. D'ailleurs, pourquoi lui, était-il libre de ses mouvements ? Je testai la résistance de mes liens. J'étais incapable de m'en défaire seule, mais cela était potentiellement faisable pour ces machines de guerre. Comme je ne pouvais rien y faire pour l'instant, mes yeux décidèrent de suivre le mouvement des siens. Je regardai vers la « porte ». Une silhouette éclairée par les torches se dessina sur la paroi du couloir. Quelqu'un approchait. Keir se redressa.
Quand la silhouette arriva sur le seuil de la pièce, elle se figea. Ses yeux turquoise plongèrent d'abord dans les miens avant de se fixer sur mon colocataire d'un air surpris et mécontent.
— Par Andraste ! Que fais-tu là, Scientek ? Tu es stupide où quoi ?
Plutôt que de me focaliser sur l'insulte, la voix de ma mère - sèche et cassante - déclencha un... truc en moi. Une sorte de réminiscence. Aussitôt, un mot me revint en mémoire. Ou plutôt, un nom. Balor.
Mais... Pourquoi diable associai-je subitement ma mère à ce Dieu de la destruction ?
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