C H A P I T R E 10


- Tu es prête ?

- Oui.

Je me lève du fauteuil avec mon sac sous le bras en dessinant un sourire peu convaincant à Derick qui a troqué son jogging contre un jean noir et son éternel tee-shirt blanc.

- Le chauffeur nous attends dans la voiture, tu n'as rien oublié ?

- Non. J'ai vérifié.

Il hoche la tête. Il sait bien que je suis perturbé par tout ça, le fait d'avoir discuter avec Gail, Ella et Killian tout à l'heure ne m'a pas tellement aider, je refuse de me lancer encore dans des confessions perpétuels sur ma vie compliquée.

Il est plus de quinze heure quand nous sortons du bâtiment, nous avons trois heures trente de route à faire, voir plus. J'entre à l'arrière de la voiture en saluant poliment le chauffeur, suivis de près par Derick qui s'installe sur le siège du milieu, juste à côté de moi. Le fait qu'il soit là me remonte quand même le morale. Lorsque nous commençons à rouler je ne peux résister à lui prendre la main et caler ma tête sur son épaule.

~

- Tu te sens comment ?

Derick enlève l'écouteur de son Ipod que nous partageons pour me regarder comme si je venais de dire quelque chose d'absurde.

- C'est à moi que tu demande ça ?

- A qui d'autre ?

- C'est pas moi qui est sur le point de rendre visite à un proche dans le coma.

- Je le sais. Mais assez parler de moi ! Je ne t'ai jamais demandé comment tu gère ce changement.

Mes yeux parcourent son visage quand il pince les lèvres en regardant la route devant lui. Il est stressé et plus distant mais fini par tourner les yeux sur moi qui insiste toujours en serrant mon emprise sur son bras.

- Je ne contrôle plus mes pouvoirs, avoue-t-il.

- Tu as essayé ?

- Oui. Et j'ai pas pu. Je ne sais pas pourquoi, c'est comme si je ne savais plus comment les utiliser, dit-il en haussant les épaules. Et il y a autre chose.

- Quoi ?

- Mon père est assez distant en ce moment. Il a l'air ailleurs.

Alors mon impression d'hier s'avère juste.

- Il doit s'inquiéter pour toi.

- Possible. Mais il ne m'a pas dit un mot aujourd'hui et il n'a fait que de traîner au labo. Je pense que c'est pour mes résultats mais quand je lui ai demandé il m'a juste dit qu'il n'y avait rien d'alarmant. Mais je sais que c'est faux.

Je décèle dans sa voix une pointe d'amertume et mon empathie me fait savoir que quelque chose le tracasse. Sans que j'insiste il continue :

- Je ne t'ai jamais parlé de ma mère ?

Je secoue la tête, la bouche entrouverte. Je me doute qu'elle n'est plus de ce monde mais je n'ai jamais su pourquoi, le fait de le voir se confier à moi me serre le cœur.

- Elle est décédée quand j'avais douze ans d'une maladie génétique. Elle avait des troubles épileptiques, des absences, des crises d'angoisse et de colère. Au début elle savait les contenir grâce aux médicaments mais étant donné que c'était une surnaturel ça n'a pas duré longtemps.

- Une surnaturel avec des pouvoirs ?

- Non, elle ne les a pas reçut. C'est là tout le problème.

- Pourquoi ?

Il serre les dents et même si je sais qu'au fond de lui il souffre, il ne laisse voir aucun signe sur son visage.

- Si elle en avait eu elle aurait peut-être pu supporter la douleur, voir même guérir petit à petit.

Je pince les lèvres et glisse ma main dans la sienne pour le réchauffer afin de lui apporter un peu de réconfort. Et voyant ses muscles se détendre je devine que cela marche, il prend une grande inspiration. Aucune larme ne coule ni voile ses yeux et pourtant la peine est là. Mon empathie le sent, ça le ronge au plus profond de son cœur.

C'est alors que je réalise tout ce qu'il vient de dire, je m'empresse de demander avec appréhension :

- Derick, tu peux me dire quel est le rapport avec toi et le fait que ton père soit distant ?

Il ne me regarde toujours pas et ce contente de jouer avec mes doigts.

- C'est une maladie génétique, autrement j'ai de grande chance de l'avoir. Si mon père est distant depuis qu'il a reçut les résultats c'est qu'il doit être au courant.

Je retiens ma respiration en entendant ses paroles froides. Je serre inconsciemment sa main, il ne s'en pleins pas. Je ressent ses émotions qui ne m'appartiennent pas, je me fais violence pour ne pas craquer ou me mettre à hurler. Je reprends doucement une respiration saccadée.

- Tu l'a dit toi même, si tu as tes pouvoirs tu aura plus de chance de guérir.

- C'est ça le problème Aileen, dit-il sur un ton cassant. Je n'ai plus aucun contrôle de mes pouvoirs et je suis devenue un Loup-Garou. Je n'ai aucune idée de comment je vais gérer ça, ni si les médocs vont me servir à quelque chose.

Je comprends sa colère. Il a peur, plus les choses avancent plus je me rends compte qu'on a tout les deux le même problème.

- Pour l'instant je ne ressens aucun mal mais... il serre les poings en se mordant la lèvre supérieur. Les crises de colère et les absences se sont manifestées pendant la transformation et j'ai le pressentiment que ça risque de dégénérer.

- Arrête ! Devenir un Loup Garou provoque forcément ce genre de symptômes et je ne te condamnerais pas avant d'avoir lu de mes propres yeux les résultats de tes test. Ne t'avoue pas vaincu avant d'être mort.

Sans que je m'y attende il esquisse un sourire en me regardant.

- C'est qui, qui t'as sortit cette citation ?

Je ne peux m'empêcher de sourire en fermant les yeux.

- Mon arrière-grand-père.

Il détourne le regard en perdant son sourire en coin. Je fais courir mes doigts sur sa main, mon autre main lui caresse le bras.

- Dés qu'on rentre on y jettera un coup d'œil et si quelque chose ne va pas je serais là pour toi. Et les professeurs aussi. Je suis sur que ça se passera bien, ne pense pas le contraire.

Il fait la moue, doutant de mes paroles. Mais je m'en fiche et embrasse son épaule avant d'y poser ma tête. Nous continuons la route dans le silence en écoutant la musique jusqu'à ce que l'on s'endorme.

~

https://youtu.be/8xVl5a8YpI0


Nous sommes arrivé devant un grand immeuble vitré et rénové depuis peu. Je reconnais l'hôpital où Maman travaillait plusieurs fois par semaine, plusieurs heures par jours. Je regarde l'immeuble à travers la fenêtre en repensant à toute ces fois où je la rejoignais après les cours, les fois où nous déjeunons ensemble lors de ses pauses, plus longtemps encore quand j'étais petite lors de la journée de travail parent/enfant. Je n'en ai que de brefs souvenir mais ils sont tous précieux pour moi.

J'ai la boule au ventre à la simple idée de retourner dans cet immeuble et ne pas la voir traverser les grands couloir dans sa blouse blanche avec son stéthoscope pendu autour du coup, son sourire toujours aussi large et franc qui illuminant chacun de ses collègues et autre personne qu'elle croisait. Oui, j'ai la boule au ventre ainsi qu'une anxiété énorme de revoir ma tante après cinq ans sans nouvelles. Sans parler de mon grand-père dans le coma.

Mes yeux se perdent dans le vide quand une main chaude dont le touché me fait l'effet d'un courant électrique à basse tension m'incite à tourner la tête vers Derick qui me regarde en détaillant chaque recoin de mon visage, essayant de deviné ce qui peut me tracasser. Il ne m'adresse qu'un sourire tendre qui a un meilleur effet que les mots, il me redonne le courage d'ouvrir cette porte et de descendre de la voiture.

Je porte mon sac sur l'épaule, attrape la main de mon copain à la seconde où il sort du véhicule pour se positionner à côté de moi puis avançons vers l'entrée de l'immeuble où nous franchissons les portes coulissante transparente.

Il est un peu plus de dix-huit heure mais du monde circule dans le hall. Nous arrivons devant la seule hôtesse que je reconnais à sa crinière boucler brune qui dépasse au dessus du comptoir, malheureusement je crains ses nombreuses questions me concernant, étant donné que c'était une amie de ma mère. Elle ne m'a pas vu mais je devine déjà grâce à mon empathie qu'elle est au courant pour mes parents et mon grand-père. Mon angoisse apparaît de nouveau au fond de mon estomac, je baisse la tête lorsque j'arrive devant le bureau.

- Bonjour Emilie, la salué-je d'une voix basse mais suffisamment distincte pour qu'elle lève ses yeux rouge sur moi.

Je fais un effort surhumain pour soutenir mon regard, lorsque je voyais son visage se décomposer je la supplie intérieurement pour ne pas qu'elle prenne pitié de moi. Mais malheureusement...

- Mon dieu... Ai-Aileen... Tu... tu vas bien ? Qu'est-ce que...

Elle balbutie ne sachant plus où se mettre avant de regarder Derick en fronçant légèrement les sourcils. Celui-ci me caresse la main avec son pouce, ce qui m'aide à me détendre. Ne voulant pas m'éterniser, j'inspire avant de parler :

- Mon grand-père a été hospitalisé ici il y a deux jours. J'aimerais le voir. Saurais-tu dans quelle chambre il est ?

Je me félicite d'avoir pu sortir une phrase entière sans soubresauts ni couinement malgré ma gorge serrée. La lèvre d'Emilie tremble en nous dévisageant, ses yeux effectuent plusieurs tours, ses mains cherchent je ne sais quoi sur son bureau en bazars. Elle est embarrassée, peinée et sans doute surprise de ma réaction froide et distante. Derick me serre la main et sans même le regarder je devine qu'il me couve du regard. Je me refuse de regarder qui que ce soit dans les yeux, je préfère rester distante.

Emilie renverse son pot de crayon, elle est nerveuse et pour la rassurer, je m'approche du comptoir sans lâcher la main de mon copain, me penche légèrement ce qui oblige Emilie à me regarder, ce que je suis incapable de faire, alors je regarde son visage entier en évitant ses yeux.

- Ça va allé, Emilie. Tout va bien. Je vais bien. Alors détend toi et cherche moi le numéro de sa chambre sans mettre plus de bazars sur ton bureau, s'il te plait.

Étrangement, elle me regarde timidement mais fini par se calmer en hochant la tête. Elle reprend son clavier d'ordinateur et tapote quelque chose avant de cliquer sur la souris et de lire sur l'écran.

- Il est toujours en salle de Réanimation post-opératoire, dans la chambre principale numéro dix, dit-elle d'une voix plus posée.

J'acquiesce en la remerciant avant de partir dans la direction de l'ascenseur, mâchoire serrées en regardant droit devant moi. Je ne fais attention à personne contrairement à certains qui semble me reconnaître puisqu'il me dévisage à peine discrètement.

Ma mère était une brillante chirurgienne, un excellent médecin appréciée de tous et jalousée par certains. Elle était quelqu'un de très compatissant qui avait toujours un bon feeling avec ses patients. Lorsque je venais la voir, ses collègues ne cessaient de la complimenter, me disant que j'avais héritée de sa gentillesse et de sa beauté. Résultat j'étais un comme son reflet, presque tout le monde sait que je suis la fille de la célèbre Lynn Davis, chirurgien générale à l'hôpital Universitaire George Washington. C'est ironique. Je me demande si je serais autant appréciée si j'avouais à tout le monde que j'ai été adoptée.

Je ne fais pas attention aux portes de l'ascenseur qui s'ouvrent, laissant quelques personnes descendre alors que d'autre restent. Je baisse automatiquement la tête en entrant dans la cabine priant pour que personne ne me reconnaisse et me parle.

Nous sortons enfin de l'ascenseur à l'étage des post-op dans un grand couloir blanc immaculé, éclairé par la lumière du couchée de soleil. Nous croisons encore une fois plusieurs médecins au visage livide, parfois épuisé par leurs journées difficile. J'imagine à quel point travailler ici peut être fatiguant, surtout lorsqu'on est souvent confronté à la mort, au stress de devoir sauver une vie. Je me sens mal rien que pour eux tout en les félicitant pour leur courage de faire ce métier, toujours la tête baissée.

- Ça sent le sang, la mort et le désespoir encore plus que lorsqu'on a franchis les portes de l'immeuble, souffle Derick en regardant autour de lui.

Je ne réponds pas mais n'en pense pas moins. Nos sixièmes sens de surnaturel détectent n'importe quel sentiment et odeur ayant imprégnés ces murs. Surtout à cet étage.

Nous arrivons devant un petit espace où se trouve un autre comptoir, où discute quelques médecins habillés de leur blouse avec leurs collègues. Je m'arrête brusquement lorsque j'aperçois une deuxième connaissance, debout accoudée au comptoir à relire son bloque-note. Un collègue de Maman que je connais bien puisqu'il venait souvent déjeuner avec nous, il est même venue pour un de ses anniversaires. Il ne m'a pas vue mais a l'air contrarié à en voir son visage crispé.

- Encore quelqu'un que tu connais ?

- Oui.

Derick approche son visage du miens pour murmurer contre mes cheveux :

- Tu devrais lui parler il a peut être des informations concernant ton grand-père.

Je secoue la tête en me mordant l'intérieur de la joue.

- On ne parlera pas de ça, tu le sais.

- Tu as bien réussis à éviter les questions de l'hôtesse d'accueil tout à l'heure. Ne craque pas et ne te lance pas dans des explications interminable. Viens en au fait. Et si cela devient compliqué pour toi pense à moi. Je serais assis juste là.

Il me désigne un siège de la tête tout en accompagnant mon bras vers la personne que je connais. Il me fait signe d'y aller, je décide enfin à tourner les talons en prenant une profonde inspiration. Je fais de petit pas jusqu'à arrivé derrière l'homme au cheveux blond vénitien et à la barbe naissante. Ne sachant trop quoi dire je m'éclaircis la gorge avant de me dire que ce n'est pas une façon très polis de saluer quelqu'un. Alors je me force à parler :

- Owen...

Lorsqu'il se retourne, je peux tout de suite discerner la fatigue sur son visage et sa ride du lion. Ses yeux ne sont pas aussi rouge que ceux d'Emilie mais ils sont sur le point de l'être au moment où ils les posent sur moi.

- Salut...

- Aileen, murmure-t-il.

Il n'a pas l'air d'y croire quand il me regarde de haut en bas. Je lui adresse un sourire peu convaincant quand il lâche son bloque pour me prendre sans ses bras d'un geste si franc, désespéré et surtout inattendu que je ne réagis pas tout de suite. Je porte doucement mes bras autour de lui alors que des gens nous dévisage, se demandant ce qu'il se passe. Cette étreinte ne fait qu'accentuer ma boule au ventre et resserrer cette pression dans ma gorge. Les larmes me brûlent les yeux. Pense à Nina. Fait comme Nina. Retiens tes larmes aussi longtemps qu'il t'est possible.

Il se détache de moi, je peux voir une petite larme pendre sur ses cils claire. Je fui de nouveau ses yeux quand il rajuste sa veste en reniflant avant de passer sa main sur son visage.

- Je suis désolé, je...

- Ce n'est rien.

- Je suis un peu sous le choque de ce qu'il s'est passée. Je ne sais pas si tu le sais mais nous n'avons pas reçut les corps...

A ce moment là, je ne sais absolument pas quoi répondre. Dois-je faire comme si je ne savais rien ou alors dire que je le sais et risquer de parler des bureaux secrets du CSM ? Les paroles de Derick me reviennent : Évite le sujet.

- Peut-être ont-ils été transférés ailleurs. Je n'ai pas été présente ce jours là...

Je me tais aussi tôt. Quelle idiote !! Merde putain !

- Vraiment ? Où étais-tu ?

- Euh... J'étais...

- Tu as subit un accident à ce qu'on m'a dit. Les espèces d'astéroïdes dans la forêt. Comment t'en es-tu sortis ?

Là, je suis officiellement dans la merde. Derick vient à mon secours !!!

Je ferme les yeux. J'ai la nausée quand son regard insiste. Évite le sujet bon sang !

- Ca va Aileen ?

- L'hôpital m'a appelé pour me dire que mon grand-père était ici, j'aimerais le voir. Est-ce possible ?

Il semble déconcerté par mon changement soudain de sujet et ne sait pas trop quoi répondre.

- Euh-oui. Bien sur. C'est moi qui m'occupe de son cas, viens.

Il pose une main sur mon épaule pour m'inviter à marcher. Je me retourne vers Derick toujours assis sur le siège mais qui ne semble pas en super forme : la tête posée contre le mur et les yeux fermés, le haut de son front reflète l'humidité ; il transpire et son teint devient moins bronzé que quand nous sommes arrivé. Je reste bloquée sur place, lorsque je m'apprête à aller le voir il ouvre les yeux pour me regarder.

- Il y a un problème ? demande Owen en regardant dans ma direction.

Derick se frotte le visage en se redressant pour me sourire. Il cherche à me rassurer mais je vois bien qu'il n'a pas l'air bien.

- C'est un ami à toi ?

Je hoche la tête sans vraiment répondre.

- Il n'a pas l'air très bien.

- Non, en effet.

Je fronce les sourcils en me tournant vers Owen.

- On peut le surveiller le temps qu'on y aille ?

Sans me répondre il interpelle une infirmière de passage en désignant mon copain :

- S'il vous plait ! Pouvez-vous vous occuper de lui le temps que je m'absente quelques minutes ?

L'infirmière accepte sans poser de question et semble comprendre lorsqu'elle regarde Derick qui m'interroge du regard. Je lui fais comprendre que je veux qu'il se fasse examiner et surveiller pour qu'il ne tombe pas dans les pommes. Je culpabilise de le laisser seul dans cet état, j'espère qu'il ne va rien lui arriver de grave le temps que je m'absente.

Nous sommes dans ce fameux couloir blanc, Owen devant moi marche d'un pas décidé tandis que je regarde les nombreuses chambres derrière les portes fenêtre, puis nous tournons dans un autre couloir ou je ralentis soudain la cadence en voyant un amas de fleur et de bougie joncher le sol et le mur juste à côté de la salle des médecins de garde.

Stupéfaite de toute ces couleurs et bougies qui éclairent ce petit coin de couloir je m'y arrête. Owen se poste à côté de moi, les mains au fond des poches de sa blouse.

Il y a une photo de Maman entourée de plusieurs fleurs dont ses préférées : les orchidées. Des petites flammes vacillent en éclairant les mots plus ou moins remplis de gens qui la connaissait surement. Je suis émue de cette manière simple mais belle de lui rendre hommage, un sourire reconnaissant se dessine aussi tôt sur mes lèvres.

- Elle était quelqu'un de bien. Un excellent médecin, une belle personne.

- Je le sais, approuvé-je en hochant la tête, retenant mes larmes.

- Ton père aussi. Elle était fière de sa famille. De toi.

Je souffle un bon coup. Cela me fait plaisir d'entendre ces choses agréable de la part de quelqu'un qui n'est pas de la famille.

- Où est-ce que tu vis maintenant ? Comment tu fais pour continuer à vivre normalement ?

Je ne vis pas normalement. J'ai des pouvoirs surnaturel et un double maléfique qui essaye de prendre le contrôle de mon corps. Et en plus de ça je risque de mourir dans deux mois.

Dire cela à voix haute m'aurait soulagé mais qui comprendrait une chose pareil ?

- J'ai des amis. Et mon copain.

- C'est le garçon assis là bas ?

Je fais oui de la tête avant de me retourner pour continuer à marcher.

- Tu as l'air de ne pas te laisser abattre.

- Disons que j'ai vécu des choses assez... Perturbante.

- Comme quoi ?

- Des changements.

Il faut vraiment que j'arrête de le mener sur ce genre de pistes.

Nous nous arrêtons devant une porte fenêtre, de là je vois Grand-père allongé sur un grand lit les yeux clos, relié à une machine par plusieurs tuyaux. Cette vue me fait mal au cœur, encore une fois je me retiens de fondre en larme. Pense à Nina.

Owen jette un œil sur la chambre avant de reposer les yeux sur moi. Il a l'air compatissant, je sais qu'il a de la peine pour moi, mais je ne veux pas qu'il me l'exprime par des paroles. Je sais ce que je ressens, je n'ai pas besoin qu'on me le dise.

- Tu es prête ?

J'inspire profondément. Prenant cela pour un oui il ouvre la porte coulissante avant de rentrer. Je me dirige vers mon grand père, j'hésite à lui prendre la main pendant une minute. Je n'ai pas utilisé mes pouvoirs depuis un moment sauf inconsciemment. Qui sait ce que je peux faire. Mais je décide quand même de poser mes mains sur celle de mon grand-père qui est frêle et froide. Je la couve en pensant la réchauffer même si il ne sent rien. Je m'en veux tellement de ne pas avoir été la pour lui que je ne sais plus quoi faire pour lui apporter un dernier sentiment de bien être. Lorsque j'observe son visage fermé, ses traits qui tombent à cause de ses rides, je remarque la tristesse, la détresse qui se voit encore même dans le plus profond des sommeils.

- Je te fais un résumé ? demande Owen d'une voix hésitante.

Il reste debout de l'autre côté du lit, les mains derrière le dos en me regardant la tête penchée. Je ne regarde que mon grand-père.

- S'il te plait.

Il acquiesce puis commence son discours de médecin :

- Grayson Davis, 87 ans est arrivé aux urgences de l'Hôpital Universitaire George Washington il y a deux jours à dix heures du matin suite à de forte douleur thoracique plus tôt dans la matinée. Quelques minutes après son arrivée le patient faisait un ACR et la réanimation a débutée. Le tracé électro-cardiographique était compatible avec une fibrillation ventriculaire. La réanimation était réalisée selon les recommandations des sociétés savantes. Le massage cardiaque externe a duré environ 40 minutes sans aucune réactivité cardiovasculaire. Nous avons donc procédé aux 5 injections d'adrénaline en bolus de 1, puis 2, puis 5 mg. Au bout des 40 minutes de réanimation le patient avait une fréquence cardiaque anormalement basse...

Je n'écoute plus la suite du discours, je ne me concentre que sur ce vieille homme allongé. Il a subit tellement de souffrance. C'est injuste. Il n'a aucunement besoin de cela. Au plus profond de moi je m'en veux, j'en veux à l'ordure qui a tué mes parents et qui a emporté mon grand-père par la même occasion. Je m'en veux de savoir que je suis incapable de réparer les choses, d'être encore trop vulnérable pour pouvoir tuer qui que ce soit. Du moins si je ne laisse pas le Phénix noir m'atteindre. Je me trouve inutile à ce moment précis de ma vie.

- Aileen ?

Une voix fébrile de femme me coupe dans mes réflexions et le discours d'Owen dont je n'ai pas entendu la fin. Je relève lentement la tête pour me retourner vers la porte. Tante Suzanne se trouve sur le pat, un gobelet plein de café venant de chez Starbucks. Son visage est rosie sur les joues en plus de ses poches sous ses yeux rouges et une traces d'oreiller sur le côté du visage. Elle n'a pas l'air très en forme, quant à sa coiffure elle n'est ni fait ni à faire, je devine qu'elle a piqué un somme avant de sortir acheter son café.

Nous restons tout les trois à nous regarder sans rien faire, je suis entre la colère et la peine. La bouche entre ouverte, je la ferme pour déglutir le peu de salive qui me reste avant de baisser les yeux. Je n'ai aucune idée de comment cet entretient va se passer, mais je le sens mal.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top