C H A P I T R E 1

Musique : Anberlin - Enjoy The Silence 

***

PDV Aileen Creeg

Je fais des rêves étranges depuis que je suis toute petite. Ils sont flippant. Ça parle de fin du monde et de misère, de pleurs, de peines lourdes qui vous bouffent le ventre et le cœur, surtout le cœur. Ils vous font voir toute sorte de catastrophe, mais surtout le feu. Des forêts incendiées, des villes, la guerre, des morts. Des proches disparus ... En me réveillant, je me mets à pleurer et j'ai mal.

Dans mon rêve, je me force presque à faire sortir mes larmes, à pleurer de toutes mes forces jusqu'à ce que je me réveille et que je fonde en larmes. C'est désagréable et souvent, j'ai du mal à me rendormir après ça.

D'autres nuits encore où cette fois, ce n'est pas l'apocalypse, mais un homme que j'ai l'air de connaître et que je n'ai pourtant jamais vu. Un jeune homme au torse bombé, les cheveux rasés et le regard dur, mais rassurant, familier. Il ne me parle pas, mais me presse l'épaule, c'est agréable, il me réconforte.

Tout ça ne sont que des pensées désagréables qui me tourmentent pendant que j'attends patiemment allongée sur mon lit que mes amis viennent me chercher pour sortir. J'ai déjà rangé mes affaires dans un sac de randonnée, mis une bouteille d'eau dans une poche isotherme, et même un canif ! En fait, Ryan nous a suggéré d'aller camper en forêt, alors au cas où, mais surtout pour rassurer ma mère, j'ai pris un canif.

En cette période de l'année, je refuse catégoriquement de rester à la maison alors qu'il fait plus de trente degrés dehors. D'ailleurs en parlant de température, je sens tout d'un coup cette bouffée de chaleur qui n'a pas cessé d'apparaître depuis ce matin. Je passe ma main sur mes yeux et mes tempes pour enlever les quelques gouttes de sueur. Une chaleur qui a tout d'un coup envahi ma chambre, celle qui vous donne envie de vous laisser couler dans de l'eau froide. Cette pensée me soulage qu'un bref instant. Je me redresse et m'assois sur mon lit quand j'aperçois mon reflet dans le miroir : ma crinière rousse forme un tas de bordel sur ma tête, ils sont volumineux à cause de la chaleur, la brillance sur ma peau me montre l'abondance de transpiration. Heureusement que je n'ai pas mis de maquillage, mais d'un côté, je me dis que j'en aurais bien besoin.

Je n'aime pas la forme de mon visage  ; les boutons et autres petites et imperfection se voient. De plus, j'ai quelques formes au niveau des hanches  : je fais du sport, pourtant  ! Ou du moins, il me semble avoir fait des efforts avant les vacances pour muscler tout ça, mais il faut croire que ce n'était qu'une illusion. Je remercierai Grace de m'avoir traînée dans des salles de sport et de m'avoir fait suer pour rien ! Non, je ne m'aime pas comme je le voudrais. Il y a des fois où je me supporte et d'autres pas, alors ma mère tente de me rassurer en me disant que je ne suis certes pas parfaite, mais que je suis belle à l'intérieur, que c'est ça qui compte et que cela se reflète :

"- C'est normale à ton âge de te trouver des défauts, mais dis-toi que tu as des qualités bien plus importantes que ton physique. Les autres filles sont peut-être jolies, mais beaucoup sont de belles idiotes qui n'ont rien dans le crâne, pas aussi généreuses et intelligentes que toi." m'avait-elle dit avec sagesse il y a quelque mois.

Je sais que ses paroles rassurantes et gentilles ne me feront pas arrêter l'auto critique, mais j'aime les entendre.

J'arrête de me faire du mal pour de bon en soupirant un coup avant de me lever de mon lit. Je m'empare de mon téléphone pour aller faire un tour sur les réseaux sociaux quand il se met à vibrer dans ma main et affiche la photo d'une blonde au grand sourire avec son chapeau d'anniversaire. Le nom  ''Grace Donovan'' me fait sourire. Puis je décroche en prenant une voix assurée et presque aiguë :

- Bouillotte, j'écoute ?

- Bonjour ! Ici Iceberg, je viens aux nouvelles ! Tu es prête à partir chaton ?

La voix faussement niaise de mon amie produit presque des ultrasons dans le téléphone. Je souris avant de répondre :

- Je vous attends depuis quinze minutes, mais je ne vous en veux pas ! À quelle heure arrivez-vous ?

- Treize heures, très chère !

Je regarde mon radio-réveil qui affiche treize heures une, puis en gardant le même sourire aux lèvres, je me dirige vers la fenêtre et distingue le pick-up bleu foncé à travers les feuilles des arbres. Grace, qui est encore au téléphone, vient d'en descendre en agitant le bras avec son sourire éclatant et ses dents alignées. Je fais de même en lui renvoyant mon sourire et en lui montrant que j'allais raccrocher le téléphone puis m'écarte de la fenêtre pour prendre mon sac, une veste en jean et mes clefs avant de partir. Je descends les escaliers aussi vite que je le peux jusqu'au salon en informant mes parents de mon départ ; du couloir, j'entends des "amuse-toi bien !" ou encore "Fais attention à toi, ne t'éloigne pas de tes amis ...'' Ce genre de chose qu'ils me disent toujours avant que je parte quelque part.

~

Sortir me fait du bien. Je reste souvent seule avec mes parents chez moi, n'ayant ni frère, ni sœur, je m'ennuie bien vite.

Quand j'étais en primaire et au collège, c'était pareil, seule différence avec la maison  : les moqueries incessantes et répétitives. Pourquoi ? Parce que j'étais – et je suis encore - rousse. C'est pourtant ce que j'aime le plus chez moi, la couleur de mes cheveux, un roux un peu clair, presque blond vénitien. Ces moqueries n'ont pas durées bien longtemps, car en fin de quatrième, je suis tombée sur Grace et avec elle, on s'est tout de suite bien entendue. Elle est devenue depuis la troisième - même un peu avant - la fille populaire. C'est la grande blonde au trait fin, aux yeux verts et au teint bronzé que tout les garçons rêvent d'avoir, mais elle n'y prête pas attention.

Avant cela, j'étais quelqu'un de réservée, de timide et je ne parlais à personne. Lorsqu'on a commencé à se connaître, elle m'a aidé à m'affirmer et à ne pas rester dans mon trou, et je l'en remercie très souvent. C'est une adorable personne qui a aussi été mon mentor, en quelque sorte. Mes parents ne m'ont pas appris à me défendre, alors je ne disais rien. Puis elle m'a présenté Ryan, qu'elle connaissait depuis plus longtemps. Ce n'est pas le genre de fille populaire à être entourée par ses sbires. Elle ne méprise personne, mais n'est pas naïve pour autant, loin de là. En revanche, elle ne nous cache pas son goût pour les vêtements et les chaussures.

Je me retiens sur le rebord de l'arrière du pick-up quand Janis Owens semble remarquer quelque chose avant d'attraper mon poignet droit.

- Dis-moi Aileen, comment as-tu fais pour convaincre tes parents de te faire un tatouage ?

J'ouvre la bouche pour répondre, mais Ryan me devance depuis le siège conducteur.

- Elle ne l'a pas fait faire ! Elle l'a depuis qu'elle est née. 

Janis me regarde avec ses grands yeux marron.

- Comme... une tache de naissance ? Ça me parait trop bien fait pour que ce ne soit qu'une tache...

Janis Owens, jeune fille de dix-huit ans d'un mètre cinquante-quatre, la peau couleur caramel et les cheveux crépus mais parfaitement bien lissés, est un peu la nouvelle du "clan-des-trois". Elle vient de Seattle et nous l'avons connue cette année ; elle a tout de suite accroché avec nous. Bien sûr, nous ne la connaissons pas aussi bien que nous autres, mais elle fait partie du groupe et Grace l'a, comme moi, bien intégrée à l'établissement et à la ville. Je ne lui ai jamais fait remarquer mon "tatouage", car comme Ryan l'a dit, ce n'en est pas vraiment un. Il est sur mon poignet depuis ma naissance, et même mes parents n'ont pas plus de réponses que moi. J'ai commencé à le remarquer vers mes dix ans et je me suis focalisée dessus pendant quelques jours puis j'ai fini par m'y habituer.

- Je ne saurais pas trop t'expliquer... Il est la depuis que je suis née mais j'ignore totalement ce que c'est, réponds-je avec un sourire.

Elle doit me trouver étrange sur le moment, car moi-même, après tout ce temps et cette discussion je trouve toujours cela bizarre. Quand Janis me demande si je sais ce qu'il signifie, je reste muette un petit moment sans savoir quoi lui répondre alors je me contente de le décrire : il y a la lettre "C" avec à l'intérieur une forme d'oiseau, comme une ombre que l'on ne peut pas bien détailler. Je pince les lèvres un peu mal à l'aise.

Pendant tout le reste du trajet, nous avons allumé la radio. Nous sommes déjà dans la forêt et la musique : Enjoy the Silence d'Anberlin, couvre presque les chants des oiseaux et les bruits des insectes. Pendant ce temps, les filles et moi prenons des photos de nous. En me le prenant hâtivement des mains, Grace se place derrière Ryan en le prenant par surprise par les épaules avant de se prendre en photo avec lui pendant qu'il roulait. Le pick-up déambule et traverse un gros trou, ce qui nous fait basculer Janis et moi. Une légère montée d'adrénaline monte en moi et par réflexe, je m'agrippe au rebord en crispant mes muscles avant de ricaner nerveusement.

Ce que j'apprécie en ce moment même, c'est l'air et l'odeur de la nature qui emplissent mes narines. Les arbres sont verts avec quelques feuilles séchées par le soleil et la déshydratation.

Nous passons dans un chemin étroit et bossu où les pierres qui sont enfouies sous la terre font basculer la voiture qui avance lentement jusqu'à une petite clairière. Le chauffeur décide de s'arrêter sous un gros arbre pour protéger la voiture du soleil. Nous descendons de celle-ci, les sacs sur le dos. Nous avons beau être à une certaine altitude, il fait quand même drôlement chaud. De là où on est, il y a un peu moins d'arbre et nous pouvons déjà avoir une brève idée de la vue. Nous marchons jusqu'à un ruisseau qui descend le long de la forêt montagneuse. Il y a des conifères et des sapins partout, ainsi que des rochers et des chemins caillouteux. On se croirait dans le décor d'un film fantastique, je n'ai jamais autant apprécié la forêt de Washington jusqu'à aujourd'hui  !

Un quart d'heure plus tard, nous nous trouvons dans un chemin légèrement en pente. La chaleur nous fait transpirer à grosse goûte et le temps semble ralentir. J'observe Ryan s'arrêter pour se retourner vers nous ; même lui, qui est un grand amateur de sport et joue dans l'équipe de Baseball du lycée, semble presque aussi épuisé que nous.

- Je sais où il y a un endroit sympa, mais il va falloir marcher encore quelques minutes.

- Tu t'es arrêté pour ... nous dire qu'il va falloir ... encore marcher ?! 

Grace respire fort en s'appuyant contre un arbre.

- On devrait peut-être boire un coup avant de continuer.

Il est vrai que la chaleur commence à monter étrangement. Plus nous marchons, plus cela devient presque insupportable. Je sors la bouteille d'eau qui a déjà presque perdu sa fraîcheur malgré qu'elle soit dans une poche isotherme de mon sac. Je la passe sur mon cou puis mon front et ma nuque avant de boire trois bonnes gorgées et de la passer à mes amis qui reproduisent les mêmes gestes avant de me la repasser pour que je puisse la ranger. J'ai tout de même l'impression d'être moins essoufflée qu'eux, je ne ressens pas le besoin de m'asseoir, même si la chaleur m'envahit.

- Il n'y a pas vraiment d'endroit à l'ombre, remarque Janis après avoir reprit son souffle.

Elle qui va souvent dans les endroits chauds et passe tous ses étés sur les îles Caraïbes, il ne devrait y avoir aucun problème pour elle. Si là, elle ne se sent pas très à l'aise, c'est qu'il y a quelque chose d'anormale.

~

Nous nous sommes finalement arrêtés en dessous d'un grand arbre quelques minutes plus tard. L'ombre y est, et mes amis n'ont qu'une envie : s'écrouler par terre et prier pour qu'il y ait de la pluie. Ryan déballe son sac pour sortir sa bouteille d'eau pas fraîche et un paquet de chips pendant que Grace s'apprête à enlever ses chaussures pour masser ses pieds. De son côté, Janis sort son éventail en effectuant des mouvements rapides de gauche à droite face à son visage.

La vue est surprenante : nous sommes sur une falaise en hauteur, avec vue sur les quelques milliers de sapins qui recouvrent les montagnes.

Alors que nous reprenons nos forces, je décide de faire une petite photo de groupe pendant qu'ils sont tous en train de se remettre des vingt-cinq minutes de marche. Leur mine dépitée et leur visage rouge me font pouffer de rire alors que je prends une première photo d'eux que j'imprimerais volontiers en rentrant ! En entendant le "clic" de l'appareil, Grace lève aussi tôt les yeux en fronçant les sourcils.

- Arrête ça ! Contrairement à toi, nous sommes É-PUI-SÉS !

Sa remarque m'étonne, car en effet, je n'ai même pas remarqué que je n'aie aucun signe de fatigue physique ou mentale. Je vais parfaitement bien. Je décide de ne rien dire et de m'installer de façon à pouvoir voir le ciel bleu et les montagnes derrière en effectuant la mise au point de l'appareil.

- Vous êtes prêts ?

- Tu ne veux pas être dessus ?

- Qui va tenir l'appareil ?

-Tu n'as qu'à le mettre sur le rocher.

Je regarde devant moi et remarque effectivement un petit rocher blanc. Je m'exécute, stabilise l'appareil en mettant le retardataire pour dix secondes et vais m'installer avec mes amis, entre Ryan et Grace. Janis est assise par terre devant nous. Nous nous rapprochons en nous efforçant de faire croire qu'il ne fait que vingt-cinq degrés alors qu'il en fait quarante, puis nous attendons le "clic". Une fois la photo prise, je prends l'appareil dans mes mains pour regarder le résultat. Elle est géniale, seulement quelque chose attire mon regard. Au-dessus de nous, il y a une petite lumière qui se détache du ciel bleu clair. Je lève la tête et cette même lumière est toujours là, au même endroit, mais elle semble bouger, plus précisément, elle se rapproche petit à petit.

- Alors ? On a l'air crédible sur la photo ?

Je ne réagis pas, je reste bloquée sur place, les yeux fixés sur cette lumière qui s'accompagne d'une traînée de fumée, tentant d'identifier une quelconque forme. Je remarque Grace se déplacer jusqu'à moi pour me toucher le bras, mais je ne réponds pas et je n'arrive plus à bouger ; cette lumière qui commence à prendre forme m'hypnotise. Mon regard bloqué vers le haut incite les autres à regarder aussi dans la même direction.

- Qu'est-ce que c'est que ça ?

Ils fixent tous la même chose, bloqués sur place et pourtant, nous avons tous la même envie : celle de partir à toute vitesse. La lumière prend une forme de plus en plus claire. On aurait dit un rocher de feu, comme une comète en beaucoup plus petite mais bien plus grande que moi. Je me mets à penser à plein de choses en même temps : ranger l'appareil photo que je tiens encore entre mes doigts, courir le plus vite possible jusqu'à la voiture qui semble trop loin, me réfugier chez moi. Mais pendant ce temps, cette petite comète se rapproche encore et encore. C'est comme une espèce d'énorme boule de feu, qui s'écrase sur la colline où nous sommes.

Janis pousse soudain un cri qui me fait à peine réagir tandis que Grace me tire le bras pour me faire bouger. Mais les secousses trop importantes ont fait décoller nos pieds du sol pour nous projeter vers l'arrière jusqu'à ce que ma tête heurte un rocher.

Ma vue devient trouble. Je ne vois que des ombres, de la lumière, tout est devenu flou. Un sifflement retentit dans mes oreilles et de la fumée noire nous entoure, recouvrant presque l'endroit ou nous sommes. Ma tête est lourde, j'ai l'impression de porter un énorme casque, je sens que l'on me porte et me secoue dans tous les sens, je n'entends que les battements rapides de mon cœur qui raisonnent jusqu'à mes tempes. Puis une douleur me lance à m'en faire perdre l'équilibre, je tombe sur les genoux. J'ai mal à la cheville droite et quelque chose coule le long de mon front. Lorsque je pose ma main, je sens ce liquide chaud et épais. Du sang ? Comment me suis-je fait ça ? En me cognant, peut-être. Mon dieu, j'ai un sacré mal de tête...

Ma vue s'éclaircit petit à petit quand un bruit qui sonne comme un ultrason dans mes oreilles me fait grimacer. On aurait dit mon prénom répété plusieurs fois. Quelqu'un m'appelle. Je ferme les yeux, n'arrivant pas à m'habituer a mes blessures lancinantes et à ma vue qui passe du net au flou... Je les rouvre et regarde autour de moi en tentant de différencier l'ombre des arbres et celle d'un humain. Je ne réussis qu'à percevoir une mince silhouette et des cheveux blonds attachés en arrière. Elle m'attrape le bras pour m'aider à me relever, mais je finis par trébucher une nouvelle fois. Soudain, une autre explosion, encore une de ces grosses boules de feu qui s'est écrasée, puis une violente secousse. Elle doit être proche de nous. Une autre silhouette, masculine cette fois  : Ryan. Il me soutient par l'épaule qui me fait aussitôt mal quand il me touche. Je grimace de douleur pendant que je l'entends crier :

- Il faut courir !!

J'entends à présent beaucoup mieux, ce qui me surprend. Je regarde mon interlocuteur et lui réponds en hochant la tête. Puis c'est au tour de ma vue de se stabiliser. En réalisant qu'il se passe quelque chose de grave, je tente de reprendre mes esprits. Mes amis ont l'air épuisés, la panique et l'incompréhension se lient sur leur visage. Ils crient, me disent de courir, me tirent par le bras, mais j'ai du mal à avancer à cause de ma cheville. Tant pis, il faut y aller, on risque de mourir, alors autant courir et tenter le tout pour le tout... Les arbres sont en feu et j'ai du mal à voir plus loin que trois mètres à cause de la fumée qui me fait tousser chaque fois que je respire. Je cours en craignant de me prendre un arbre ou une branche en pleine figure. Les bruits de crépitements des flammes, des branches - ou des troncs, sans doute - qui craquent, qui tombent et qui brûlent sont les dégâts que provoquent les boules de feu qui s'écrasent autour de nous.

Je me sens seule. Je tente de retrouver mes amis à travers cette fumée qui me piquent les narines et la gorge alors que les flammes me réchauffent. Je plaque ma main sur ma bouche et mon nez, mais cela ne m'empêche pas de tousser et j'ai l'impression d'avoir encore plus chaud qu'avant. Je ralentis quand j'aperçois à quelques mètres des ombres bouger. Ils ne sont plus très loin et je veux les appeler, mais j'arrive à peine à sortir un son. Leurs cris sont couverts par les bruits des arbres qui sombrent et les boules de feu qui s'écrasent. En regardant plus loin, je peux voir qu'une partie de la forêt n'est pas touchée et ils ne sont pas loin de cet endroit. Je ne veux pas me séparer plus que ça, alors je cours plus vite pour les rejoindre. Je ne sens presque plus ma cheville étrangement, mes jambes commencent à accélérer toute seules. Je garde les yeux grands ouverts en retirant la main de ma bouche pour pouvoir m'élancer.

Je saute par-dessus un arbre et me surprends moi-même de cet effort. L'adrénaline, peut-être. Je me suis enfin rapprochée de mes amis quand nous nous donnons la main afin de rester groupés. Nous sommes apeurés, fatigués, mais nous ne nous arrêtons pas. Je leur fais signe de partir vers la droite, car il n'y avait pas de danger par là et aucune de ces comètes n'a frappé cette partie de la forêt, ce qui me semble étrange, si une espèce de pluie de météorite tombe pourquoi elle ne s'est pas plus étendu ? Plusieurs fois, nous avons manqué de tomber à cause des grosses branches ou des troncs d'arbre qui nous barrent la route. Une fois que nous avons évité l'endroit, nous continuons de courir pour nous éloigner le plus possible. Mais la minute d'après, elles reviennent encore. C'est incroyable, mais surtout effrayant. La surprise nous fait nous séparer et en un rien de temps, nous nous sommes encore éparpillés. Je ne me rends pas compte tout de suite que je suis de nouveau toute seule.

Je sens mes muscles lâcher ce qui me fait ralentir et mon souffle s'accélère tandis que l'effet de l'adrénaline se dissipe. La chaleur est lourde. Très lourde. Et chaque fois qu'une boule s'écrase, des brindilles et de la poussière viennent me fouetter et me brûler le visage. C'est alors que je comprends que ces petites météorites ne s'écrasent pas à un endroit aux hasard... Lorsque je repère de nouveaux les autres je remarque qu'ils sont hors de danger. Je tente de les suivre mais la fumée étant devenue trop abondante, elle couvre encore le chemin que j'ai devant moi et me suit partout où je vais. Je continue de marcher, ou plutôt tituber. 

Mes soupçons s'avèrent exact lorsque je vois mes amies un peu plus loin me regarder, sans qu'aucune météorites ne les percute. Alors c'est ça ? Il faut que l'une d'elles me touche pour que tout s'arrête ? Pourquoi ?! Qu'est-ce que j'ai fait ?

J'entends des cris, puis je revois Rayan, Janis et Grace courir vers moi. Ils m'ont repéré. Je tente de leur faire un signe des bras en leur disant de ne pas s'approcher ; je me rends compte que je me suis arrêtée. Je vois Ryan courir vers moi puis je crie en levant les mains vers lui :

- STOP !!!

Il s'arrête net en me dévisageant. Je dois rester où je suis et il ne faut surtout pas qu'il s'approche. Je l'avertis encore :

- Éloignez-vous de moi !

Puis tout d'un coup, son expression change en regardant au-dessus de moi.

- Aileen attention !!!

J'ai juste le temps de me retourner pour voir cette énorme boule de feu me percuter violemment...

TROU NOIR

Le calme est revenue. Je ne peux ni bouger, ni parler, ni respirer, mais le silence est là. Ainsi que le noir totale. Je ne peux que penser sans savoir vraiment comment. C'est une sensation si étrange. Je sais qui je suis et le souvenir des événements me reviennent en mémoire : Le feu, les explosion, la forêt détruite... Les hurlements. L'impact. Et le silence. 

Je ne ressent aucune souffrance mais... Je crois que je commence à bouger. Je suis toujours dans le noir quand soudain une lueur, au départ infime puis grandissante de couleur orange scintille devant moi. Elle éclaire ma vision en luisant sans m'éblouir. Je la regarde, elle me détend. Est-ce que c'est cette fameuse lumière au bout du tunnel ? Est-ce que je suis entrain de mourir ? Si c'est le cas, pourquoi est-ce qu'une silhouette s'avance vers moi ? Une silhouette masculine dont je ne perçois pas encore le visage à cause de cette lumière qui devient de plus en plus grande et qui à l'air de prendre une forme d'oiseau déployant ses ailes. Elle continue d'avancer puis s'arrête à un mètre de moi. 

- Bonjour Aileen, articule l'ombre dont je ne perçois pas le visage. Bienvenue dans notre monde. 


Je me réveille brusquement en prenant une grande respiration, les yeux grands ouverts, comme si cela faisait un siècle que je ne m'étais pas réveillée. Je reste allongée, mes yeux fixant le ciel gris. J'ai l'impression d'être venue au monde. Une renaissance. Ma respiration est tellement forte, mon cœur bat tellement vite, que je ne contrôle rien. Cela me fait presque mal à la poitrine et je suis tellement instable et effrayer que j'en avais les larmes aux yeux. Instable intérieurement, mais immobile.Je continue de respirer puis je tousse. Je tousse encore et encore, de la fumée et des cendres sortent de ma bouche comme une fumée de locomotive.

Il ne se passe que quelque minutes avant que je reprenne mes esprits et possession de mon corps. Je ne sais ni où je suis, ni quel jour on est. je me souviens à peine de qui je suis sur le moment ou de ce qui m'est arrivé. J'ai perdu toute notion du temps. J'essaye de me relever, mais n'ose pas. Je crains de bouger ne serait-ce que le petit doigt, de peur d'avoir mal. Cette sensation d'être comme un nouveau-né me déstabilise. Pour moi, tout semble nouveau. Ma respiration ralentit et redevient normal, alors j'essaie de bouger les yeux, puis tourner ma tête lentement... Vers la gauche, ça va. Puis la droite. Ouf... Aucun mal. Ça va. Tout va bien, tu n'as rien de grave. Enfin, je crois... Quelque chose semble différent. Tout est clair et pourtant si sombre. Il n'y a aucun soleil, aucun ciel bleu. Je suis sur un grand terrain détruit qui baigne dans un nuage de fumée grisâtre. Les ombres des branches et des arbres détruit rende l'atmosphère froid et peu apaisante. 

En me concentrant sur les détailles, je perçois les brindilles de cendre, la poussière, les insectes voler. Je vois comme sur un écran haute définition. Aucun détail ne m'échappe. Je tente de m'asseoir. Devant moi, c'est vide. Tout est gris, blanc, noir. Je peux voir les petites flammes qui ne sont pas encore éteintes. Tout ça alors que ce n'est même pas à quinze mètres de moi. Je me frotte les yeux alors qu'il y a de la terre dessus, ça me pique aussitôt. Pourtant, cela ne m'empêche pas de voir à quel point c'est incroyable comme ma vue s'est développée. Quelques larmes coulent le long de ma joue, mais je ne pleure pas. Je me concentre ensuite sur les sensations. C'est bizarre... J'ai l'impression d'être... Oh !! Nue !! Merde !! Mes vêtements ! En me regardant, je me retrouve avec... Rien ! Je replis mes bras au tour de ma poitrine en me recroquevillant très légèrement. Il n'y a personne, mais tout de même ! Quelque chose me distrait. Je sens, en dessous de mon pied gauche, toutes les matières qui s'y trouvaient. La terre était douce et chaude. Des restes de la comète et des feuilles effleurent le bout de mes doigts de pied et me chatouillent.

Un léger vent me parcourt tout le long du corps et fait bouger mes cheveux sur mon visage. Les odeurs de cendre et de bois brûlés accompagnent le vent. J'hésite un moment avant de me lever, sachant que je risque d'avoir un mal de chien, car je sais que mes jambes risquent d'être un peu engourdies et qu'en plus, j'ai les bras au tour de ma poitrine et je n'ose pas les enlever. Mais je m'exécute quand même, doucement, étudiant chaque mouvement que je fais, appréhendant une quelconque douleur. J'ai l'impression d'être au ralenti, que tous mes membres pèsent. Je prends donc tout mon temps pour me retrouver dans la position accroupis et n'ai finalement pas trop de mal à y arriver. 

J'inspire un coup avant de me lever. Je regarde autour de moi et vois la partie non touchée de la forêt, cent mètres plus loin. Je me retrouve enfin sur mes deux jambes, l'équilibre étant difficile à trouver au début, je titube, mais arrive à me stabiliser rapidement avant d'observer ce qui se trouve autour de moi. En voulant me retourner, je sens un muscle se tendre et me faire mal. J'avais encore des courbatures un peu partout, et pourtant, lorsque je m'examine, je ne remarque aucune blessure externe. Je suis totalement guérie. Je n'en reviens toujours pas, et cela me fait peur. Un vertige me prend, ce qui a faillit me déséquilibrer et me faire tomber. Je ferme les yeux et respire un grand coup. Je ne me sens pas bien, pas à l'aise comme ça, à moitié nue et je me souviens à peine de ce qui m'est arrivée... En regardant mes bras, mes mains, je peux constater que je suis couverte de suie, je me sens sale... Je prends mes longs cheveux roux épais pour couvrir ma poitrine tout en voyant qu'ils ont l'air, eux aussi, différents.  Je passe mes mains sur mon visage, je ne sens aucune griffure ou quelque chose d'anormal. J'attends tout de même de me voir dans une glace. Et en rejetant un coup d'œil autour, tout en essayant de me souvenir de ce qui a bien pu se passer, des flashs apparaissent dans ma tête. Du feu. Des cris. Courir, et courir encore... En rouvrant les yeux, j'aperçois un petit rayon de lumière pas loin de là où je suis. Je me sers de ma vue désormais ultra HD pour mieux voir une forme rectangulaire rose. Mon appareil photo ! Je commence à vouloir courir, quand soudain, en seulement un millième de seconde, je me retrouve juste à côté de l'objet. Ne comprenant pas ce qu'il venait de se passer, je me retourne vers l'endroit où je me trouvais il y a deux secondes, puis là où je suis. Merde alors ! Je viens de me déplacer plus vite que ma propre pensée ! Je me mets tout d'un coup à respirer plus rapidement que d'habitude. Calme-toi ! Calme-toi ! Je m'accroupis vers mon appareil photo et le prends délicatement. Encore quelque chose d'étrange : il est chaud, trop chaud. Voir brûlant. Et ça ne me fait rien. Je trouve cela supportable. C'est tellement bizarre que je laisse tomber mon appareil. Je le reprends en douceur. Toujours rien. Comment peut-il encore exister après tout ça ?? Bon... Après tout... Je tente de le rallumer, et, surprise ! Il marche encore. J'ai envie de rigoler, tellement ça a l'air absurde. Est-ce que je rêve ? Je tombe alors sur la photo prise avec mes amis... D'abord, je souris, puis ma mémoire me revient d'un coup et une angoisse me prend aussi tôt l'estomac.

Où sont-ils ?

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