32. Clan

Melek Ozkan

J'ai pas chialé, parce que je me suis dit que ça n'arrangerait rien à ma situation, mais putain je me suis retenue comme jamais.

Ça m'est tombé dessus comme un putain de coup de massue.

Et j'crois que ça m'a laissé KO.

Je savais pertinemment que ça risquait d'arriver, mais je me suis dis qu'après tout le mal qu'il m'a fait, Éric s'arrêterait. Dans tout les cas il pourrira en taule, ça ne lui apportait plus rien.

Rien à part me faire couler avec lui.

C'était si prévisible en faite. C'était tellement prévisible que ça me fout la gerbe d'avoir cru une seconde que les choses allaient bien se passer.

Les mains tremblantes je pose un coton imbibés de désinfectant sur le poing ensanglanté de Moh. Il a rien dit. Il s'est muté dans son silence, et ça me fait autant flipper que toute cette histoire. J'arrive pas à savoir ce qu'il en pense et ça commence à me faire paniquer.

Je crois que je vais vraiment finir par vomir tellement mon estomac est contracté.

- C'était vraiment une réaction débile, je marmonne en enroulant un bandage autour des compresses posés sur ses jointures.

Il fixe seulement son poing.

Est ce que ça le dégoûte d'être avec une fille comme moi?

Peut être qu'il regrette...

Je me mord l'intérieur de la joue pour retenir les larmes que je sens bien trop vite monter. Je peux pas craquer. C'est la guerre des nerfs et je dois tenir.

Dans le salon je range nerveusement quelques trucs qui traînent. J'ai vraiment envie de crier ma haine au monde entier.

J'me sens comme une bombe à retardement et c'est jamais bon.

J'ai les nerfs, je suis triste et énervée, et c'est un mauvais cocktail que j'ai trop souvent expérimentée pour savoir que tout mes choix douteux ont été fait dans ce genre de moment.

Je me suis toujours dis que ça aurait des conséquences dévastatrices si ça venait à sortir, je me suis toujours demandée comment je pourrai gérer un truc pareil. Ça a toujours été une source inépuisable d'angoisse, mais c'était fictif, simplement dans mes cauchemars.

Mais aujourd'hui mes cauchemars viennent de devenir réalité.

Et comme pour accentuer l'aspect dramatique de la situation, mon téléphone se met à sonner inlassablement pendant plusieurs minutes, les messages, notifications et appels défilent. La famille, le travail, même certains médias qui ont réussi à trouver mon numéro.

Je reste bloquée sur l'écran un long moment jusqu'à ce que la sonnerie devienne un bruit insupportable et strident qui me fait vriller. Il s'insinue dans mon esprit et me retourne le ventre, le cœur et la tête. Prise d'un excès de rage, je fracasse mon iPhone contre un mur. J'ai besoin que ça s'arrête. Et c'est le bruit de l'impact qui me fait définitivement perdre pied.

Je m'effondre. Littéralement. Je perd pied, et mes larmes m'apparaissent comme le dernier de mes soucis.

Ça me prend tellement les tripes que j'ai l'impression que l'air ne parvient plus correctement à mes poumons.

Ce matin encore j'étais presque persuadée que les choses iraient bien. Que je pourrais me reconstruire et grandir avec Moh à mes côtés.

Mais j'viens de tout voir se casser le gueule et c'est terrible.

- Mon cœur.

Deux bras viennent m'encercler et je sens le torse de la personne que j'aime probablement le plus sur cette planète de merde se coller contre moi. Il resserre sa prise sur mes épaules et reste plusieurs secondes silencieux.

J'ai l'impression que cette sale spirale de connerie ne s'arrêtera jamais.

Je suis un aimant à malheur.

Je me sens mal, tellement mal, et j'ai aucune idée de ce qu'il faut que je fasse. Il faut voir la réalité en face, demain matin à la première heure tout va dégénérer. Tout va s'accélérer, et je suis pas sûr de pouvoir tenir le coup cette fois ci.

C'est trop.

- Respire, essaie de respirer calmement, murmure Moh contre moi.

Je pleure et tremble tellement qu'il doit penser que je suis en pleine crise d'angoisse. C'est peut être le cas en faite.

Il maintient l'un de ses bras contre mes épaules et pose sa deuxième main contre mon front, puis lentement il se met à fredonner quelques mots que je ne reconnais pas immédiatement. C'est une berceuse arabe.

Et bizarrement sa voix finit par m'apaiser.

Je sens mes muscles se détendre peu à peu, et il doit aussi le sentir puisqu'il finit par me faire pivoter vers lui pour mieux me voir.

- Je sais que c'est la merde, mais j'te promets qu'on va le gérer. T'es plus toute seule. Tu le seras plus jamais.

*

C'est le bruit d'une casserole et de quelques voix qui me réveillent. Je me retourne face à la place vide qu'occupe habituellement Moh.

Un sale mal de tête me frappe directement et je prends quelques minutes à me souvenir de la situation. D'Éric. De la vidéo.

Je me sens complètement vide. Je crois que j'ai tellement pleuré que je serai totalement incapable d'une larme pendant les six prochains mois. C'est bizarre cette sensation, de se sentir vide, pas de sentiments, pas d'énergie. Je me sens anesthésiée, et c'est peut être mieux. Hier c'était trop. Trop pour que je puisse le gérer.

Un peu fébrile, je finis par me lever. Mes yeux sont encore rouges et bouffie, j'ai vraiment une sale gueule.

J'entre dans le salon en me frottant les yeux, et percute un torse non identifié.

- Putain c'est...

Je prend quelques secondes a réellement assimiler le fait qu'Hakim, Idriss, Victoria, Lou, Ken se trouvent dans mon salon.

- Fais gaffe où tu fous tes pieds, grogne Hakim en me retenant par les épaules.

- Haks, marmonne Victoria, elle vient de se lever reste tranquille.

Le kabyle me fixe quelques secondes avant de lâcher mes épaules et m'indiquer la chaise restante à côté de Ken.

Je comprend pas vraiment pourquoi ils sont là, et je capte encore moins pourquoi Moh lui ne l'est pas. Idriss semble d'ailleurs capter mon regard.

- Il est au téléphone avec ton avocat. Ils essaient d'endiguer le truc et de lancer les procédures nécessaire mais c'est chaud à ce que j'ai compris. Éric a foutu des clauses de batard dans ton contrat qui font que tu peux pas l'attaquer sur grand chose au niveau de la vidéo .

Je m'en doutais de ça.

J'crois qu'il va essayer de me faire couler tant qu'il le peut.

- On a pensé que ça vous ferez du bien à toi et Moh d'être un peu entouré pour gérer tout ce bordel, ajoute Ken.

J'acquiesce simplement. Je sais pas vraiment si ça me fait du bien, mais je crois que ça me rassure un peu.

Les deux frères Akrour trafiquent je ne sais quoi dans la cuisine alors que Louna et Victoria essaie tant bien que mal de me changer les idées.

Mais tout ce que je veux moi, c'est Moh.

- Bouffe ça.

Sans aucune délicatesse Hakim me pose un plat de pâte sous le nez et me colle une fourchette dans les mains.

Je relève les yeux vers lui, prête à me plaindre de l'heure trop matinale pour un tel plat, mais son regard me fait vite comprendre que je n'ai pas intérêt à ouvrir la bouche.

Pas intérêt mais pas l'énergie non plus, alors je prend une bouchée sans rien dire.

C'est à ce moment que l'interphone se met à résonner.

- T'attends quelqu'un? demande Ken.

- Non, Moh il est...

- C'est pas lui il est sur le balcon, il me coupe en se relevant.

Le grec traverse mon grand salon jusqu'à l'interphone vidéo posé près de la porte d'entrée. Il l'actionne et je vois immédiatement son visage se froncer.

C'est une voix légèrement grésillante qui emplit l'espace.

- Bonjour, Coralie Mariot de Closer, qu'avez vous à dire sur le scandale des vidéos? Allez vous vous exprimer? Sont-elles vraies? Êtes vous allez en centre de désintoxication? Peut être que c'est au programme? Et quelles drogues avez vous consommés? Est ce en rapport avec la mort de votre...

- Arrête ça putain, je hurle en me relevant.

Ken sursaute mais éteint immédiatement l'interphone.

- Si elle est là, ça va pas tarder à grouiller de fouille merde, marmonne Hakim en jetant un coup d'œil par le balcon.

- Mais comment elle a pu avoir ton adresse? demande Ken.

Un sale rire me secoue les épaule alors que je me frotte les yeux.

- Éric, je souffle. Je partage pas trop mon adresse de peur que ce genre de truc arrive. Il a leaké les vidéos, mon adresse c'est presque rien à côté. Putain c'est vraiment...

C'est un cauchemar.

Les cinq présent dans l'appartement se mettent à pester.

Deux petites semaines de répits c'était vraiment pas assez, je me sens déjà à bout de nerfs.

Au même moment, Moh entre dans la pièce, la tête baissée sur son téléphone. Il porte l'un de ses grands sweat et un jogging. Il a de nouveau laissé ses cheveux un peu plus long, ils bouclent légèrement et j'avoue que je trouve ça vraiment attirant.

Mohamed Khemissa est définitivement attirant.

Quand il finit par lever les yeux, il me cherche immédiatement du regard. Il est quand même terriblement beau.

C'est con de penser à ça maintenant, mais putain ce que j'aurai aimé le connaître plus tôt.

- T'as réussi à dormir? il demande en fronçant les sourcils.

J'acquiesce simplement. Je crois que j'aimerai bien qu'il me prenne dans ses bras.

- Y'a moyen que son adresse est fuité, lance Idriss.

Mon rappeur tourne vivement la tête vers moi pour jauger ce que vient de dire son ami. J'acquiesce de nouveau la tête.

Je crois que mon corps est inerte. Mon cerveau aussi au passage. Je me sens tellement... Je sais pas, c'est compliqué à décrire comme sentiment. J'ai l'impression que toute ma vie s'effondre.

Il marmonne un truc incompréhensible en se frottant le crâne.

- Va faire tes affaires, on va bouger chez moi.

Les garçons approuvent, et Moh me fait signe de le suivre. Mais c'est la voix bégayante de Louna qui nous coupe.

- Mel, c'est normal qu'il y ait autant de monde dans ta rue?

Un coup d'œil par la fenêtre me confirme qu'une trentaine de personnes s'agglutinent à l'entrée de mon immeuble.

- Les enculés, grogne Idriss.

Quand est ce que tout ça va s'arrêter? Plus les minutes passent plus j'ai l'impression d'être oppressé.

- On passera jamais inaperçu.

Ça c'est sûr, quatre rappeurs et une mannequin c'est pas le plus discret.

- C'est pas possible, je murmure en reculant.

Immédiatement Moh se place derrière moi et cale l'un de ses bras autour de mes épaules avant d'embrasser mon crâne.

Ça me calme un peu.

- On va trouver une solution, ils vont pas camper ici toute la nuit.

- Tu les connais pas, je murmure. Je suis désolée de vous entraîner dans ça, vraiment je...

Ken me regarde presque offusqué, mais c'est Idriss qui décide de prendre la parole.

- T'es une reuss Mel, on se sert les coudes dans la mif c'est tout.

Les autres acquiescent et je sens mon coeur se gonfler d'un sentiment que je n'arrive pas vraiment à nommer.

Alors c'est ça, d'avoir une famille?

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