31. L'univers
Melek Ozkan
Je suis restée une petite semaine à l'hôpital, par mesure de sécurité. Être dans cette chambre aseptisée que j'ai tant détesté m'a quand même permis d'être éloignée de toute la folie médiatique qu'à suivie mes révélations sur Twitter. Mais putain je me suis prise la réalité en pleine gueule à peine sur le perron du bâtiment.
Je me suis habituée avec le temps aux journalistes intrusifs, mais là c'était un tout autre niveau. Des chaînes populaires attendaient ma sortie. Genre la première.
Comme si j'étais un président, Beyoncé ou je ne sais quel footballeur brésilien.
J'ai rien dit, pas de déclaration, je ne tiens pas vraiment à alimenter les commérages, tout ce que je veux c'est que la justice fasse son taf.
Et qu'au passage on me laisse tranquille.
Moh passe ses journées avec moi, même si je lui dis d'aller bosser, ou d'aller rejoindre ses gars, y'a rien à faire il veut pas me lâcher.
Et je trouve ça horriblement mignon.
Par contre ça l'est beaucoup moins quand il essaie de me goinfrer à coup de mcdo, pizza et autres plats ultra gras. Mais bon y'a qu'à voir comment il réagit quand quelqu'un d'autre m'approche, je crois qu'il est tout aussi traumatisé par les derniers événements voir peut être un peu plus que moi.
Et puis j'me sens bien près de lui.
Alors je le repousse pas vraiment, je me sens mieux quand il est dans les parages. Ça calme mes angoisses.
La tête posée contre les cuisses du rappeur, je fixe le plafond silencieusement. Je suis peu sortie ces deux dernières semaines, voir pas du tout. Au début mon comportement d'ermite ne me dérangeait pas, je pensais que ça suffirait à calmer les médias, mais il ne s'est pas passé une journée sans qu'une dizaine de nouvel articles débarquent sur le net.
J'ai vu personne à part Moh en faite. Et je crois qu'on avait besoin finalement de se retrouver que tout les deux.
Après tout on a passé les quatre derniers mois à se fuir, alors qu'on savait pertinemment qu'on s'aimait.
Mais bon je crois que c'est vrai, on se rend compte de ce qu'on a qu'une fois qu'on le perd. Et merde je compte plus le reperdre.
- J'ai envie de sortir un peu.
Je sens mon rappeur se relever légèrement sous moi, et son visage apparaît dans mon champs de vision.
- Dehors?
- Non dedans, je répond ironiquement à sa question idiote.
Il grimace avant de me pincer le nez.
- Il est quoi? je demande, 21h à peine. On se fera pas emmerder à une heure pareille, en plus il fait nuit noir. Dis oui, je murmure en caressant doucement sa nuque, j'ai vraiment envie de bouger, j'en peux plus de rester coincé ici. Et je suis sûr que toi aussi t'en peux plus.
Oui je joue clairement sur l'affectif, mais les gars, il faut savoir faire avec ce qu'on a. Et puis il faut au moins ça pour faire tomber les murs sur protecteur qu'il a mit en place autour de nous.
Un vrai daron.
- T'es pas trop crevé? Encore tout à l'heure t'étais pas bien, j'ai pas envie qu'tu me fasses un malaise au milieu de la rue parce que t'as trop forcé. C'est pas pru..
- S'il te plaît, j'te jure que si ça va pas je te le dis et on rentre direct. Allez Moh ça va être cool, on pourrait même prendre un ballon et...
- T'es beaucoup trop excitée pour une meuf convalescente, tu m'fais flipper tu le sais? il dit en se penchant vers moi.
Je lui répond seulement par un petit sourire. J'y peux rien, j'en peux plus des murs de mon appart, des journées à traîner au lit et sur le canapé, et de la dizaine de médicaments et de compléments alimentaires que je me tape matin, midi et soir.
Il passe un pouce sur ma joue avant de poser ses lèvres contre les miennes.
Waouw.
Ça m'fait toujours ce truc bizarre dans le ventre, peut être que finalement cette histoire de papillon n'est pas si débile que ça.
Et c'est peut être bien la meilleure sensation du monde même.
- Ok pour la promenade, il grogne contre mes lèvres.
- Et l'foot? je tente en faisant de petits yeux.
Un large sourire fend son visage. Il est tellement beau.
- Bien joué mais tu m'auras pas aussi facilement Ozkan. Allez enfile un manteau avant que je change d'avis.
Je roule des yeux avant de m'écarter, pestant sur le fait qu'il prenne bien trop son rôle au sérieux. Quel rôle, je sais pas vraiment. On a pas réellement mît de terme sur ce que nous étions. J'crois qu'on en a pas besoin, parce qu'on sait très bien tout les deux ce qu'on représente l'un pour l'autre.
Et c'est largement suffisant.
Il m'attend dans l'entrée, sa capuche rabattu sur sa tête et les mains glissés dans les poches de sa doudoune.
Le froid du mois de février me congèle instantanément le bout du nez. J'crois que j'aimerai bien vivre au soleil toute l'année.
Au soleil et avec Moh.
Ou juste avec Moh, ça m'suffit.
On longe un long moment la Seine, je lui raconte les quelques débilités qui me passent par la tête, il se contente de rire en me jetant des coups d'œil appuyés.
Il a peur pour moi, je le sais pertinemment. Mon séjour à l'hôpital lui a foutu un énorme coup, et je m'en veux d'être la source de ses angoisses alors je fais tout pour qu'il sente que je vais bien.
- Moh, je souffle en m'arrêtant.
- Qu'est ce t'as? Ça va pas?
Son visage un peu paniqué me fait mal au cœur.
Il y huit mois, je n'aurai jamais osé imaginer que ce mec à capuche, un peu chiant, au regard piquant et au sourire trop vrai serait encore là.
Pourtant il est là.
On aurait jamais du se rencontrer, je suis une mannequin, je passais pas vie à l'étranger, j'aurai même pas du être à Paris ce soir là. Pourtant j'y étais et lui aussi.
On vient pas du même milieu, on est loin d'avoir eu les mêmes enfances, les mêmes parcours.
J'aurai du sauter, lui passer son chemin, ignorer les autres comme on le fait tous. Pourtant il ne l'a pas fait.
Rien ne nous prédestinait à nous rencontrer.
Mais je crois que maintenant tout nous destine l'un à l'autre.
Et pour une fois j'ai envie de croire en l'univers et à toutes ces merdes.
- Je t'aime, je murmure en glissant mes mains sous son manteau.
Je pose mon menton contre son torse et relève la tête pour pouvoir mieux le regarder.
- Mais il faut que t'arrêtes de t'en faire pour moi, ça va.
- Je compte pas te lâcher, il s'offusque, t'as besoin de moi.
Je m'empêche de lui dire qu'en réalité c'est lui qui crée cette dépendance en me couvant comme une môme. Il fait tout ce qu'il peut et j'apprécie.
- Je te demande pas de me lâcher, je souffle en croisant ses yeux noisettes. Mais je veux pas que tu mettes tes projets en suspens pour t'occuper de moi. Hakim m'a dit que t'as retardé la sortie de l'album.
- Hakim? il demande avec un petit rictus.
Je souris aussi.
- Ouais, il est peut être pas aussi con que ce que je pensais. Il sait se rendre serviable par moment quoi.
Ce coup ci c'est un rire qui s'échappe de sa gorge, alors qu'il resserre ses bras contre moi.
- J'sais pas si ça va arranger nos papiers que vous vous entendiez maintenant, va plus y'avoir de place à la contradiction avec vous deux.
- Tu parles, je grogne, je le tolère ça veut pas dire que je suis d'accord avec lui.
Puis j'ai envie de lui dire que dans tout les cas, c'est de son côté que je serai. Mais ça me parait un peu trop niais alors je me retiens et me blottis seulement contre lui.
- Je t'aime aussi, il souffle avant d'embrasser le sommet de mon crâne. Et c'est pour ça que l'album peut attendre un peu.
Je mérite pas une personne pareille.
Le sentiment d'être aimée et d'aimer en retour n'est pas quelque chose que j'ai réellement eu la chance d'expérimenter dans ma vie. Avec ma famille c'était quelque chose de très pudique, jamais de grandes embrassades, mon père n'en parlons même pas.
J'ai cru être amoureuse de Cameron.
Mais quand Moh est à mes côtés je me rend compte de ce qu'est réellement l'amour et putain ça n'a rien avoir avec la relation malsaine dans laquelle je me suis perdue quelques années plus tôt.
Notre soirée se finit dans le petit square où je l'ai emmené le soir de notre rencontre.
Je prend des vidéos de lui entrain de faire l'idiot, à chanter de vieille chanson que seuls nos darons devraient connaître.
- Tu m'casses les oreilles, je pouffe en zoomant sur sa tête.
Je suis posée contre son torse et il en profite pour me pincer les côtes avant de reprendre.
- Bébé arrête ça.
J'me marre en me bouchant les oreilles alors qu'il chante plus fort. Il vaut vraiment mieux qu'il reste dans son domaine sérieusement, le rap c'est suffisant.
- Stooooop mes oreilles saignent, je grogne en plaquant ma main contre sa bouche.
Il marmonne un truc incompréhensible contre ma paume avant de décider que me mordre est une manière adaptée pour que je le lâche.
- Putain tu m'as pris pour ta pizza ou quoi!
- C'est toi t'étouffes mon talent là!
C'est moi qui m'étouffe oui, quel talent?
- Vasy j'veux même pas savoir c'que tu penses, il râle en se relevant. Franchement c'est ouf comment tu m'apprécies pas a ma juste valeur. Y'en a plein qui vendraient leurs darons pour m'avoir cinq minutes.
- Oh mais je peux te les vendre, je répond, mais j'suis pas sûr que mon père soit l'un de tes grand fan.
Le cirque de sa visite a l'hôpital me revient en tête. Ça me donne un peu envie de vomir. J'pensais pas que ça pourrait encore autant m'affecter, après tout ils ont déjà fait bien pire, mais ça reste les parents. J'aurai toujours ce petit espoir.
Moh s'aperçoit de mon petit malaise et relève ma tête vers lui.
- Eh, il souffle, si ça peux te rassurer, je suis pas fan de ton daron non plus.
Sa phrase a le mérite de m'arracher un sourire.
Sur le chemin du retour, son téléphone vibre à de nombreuses reprises.
- Tu devrais répondre, c'est peut être important.
Il peste un moment avant de voir le numéro de Victoria sur l'écran. Il décroche immédiatement, et plus les secondes passent plus son visage se transforme. Où se décompose.
Il commence à se ronger les ongles et a nerveusement regarder le sol, alors que je commence à m'imaginer tout ce qui pourrait provoquer cette réaction.
J'espère qu'il n'est rien arrivé aux garçons, ou à Louna et Jasmine.
Ça devrait pas me tendre autant, mais Moh les aime tellement que ça m'ferait vraiment chier qu'il leur arrive quelque chose.
C'est des bonnes personnes.
Mon rappeur finit par raccrocher et alors que je m'apprête à lui demander des explications, son poing vient se fracasser contre le mur à notre droite.
- Putain qu'est ce qu'il te prend? je m'exclame en l'éloignant du mur où il s'apprêtait à coller une nouvelle fois son poing.
Son visage est fermé à mort, et je ne l'ai vu qu'une seule fois dans cet état. C'était quand avec Jasmine on s'est fait coincé dans la rue. Quand il a démolit ce sale type.
Il tourne sur lui même, à l'air complètement perdu, furax, j'ai l'impression de voir un fauve en cage. Et quand je le vois une nouvelle fois s'avancer je m'interpose encore entre lui et le mur.
- Taper dans ce mur changera rien au problème à part te faire mal, alors arrête ça de suite.
Il ne semble m'apercevoir à nouveau qu'à ce moment là. Et quand ses yeux se posent contre les miens, je comprend immédiatement.
Les vidéos.
Les vidéos ont fuité.
Le monde entier a accès à des vidéos de moi entrain de me droguer.
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