30. #stopauxmonstres

Mohamed Khemissa

Assis à côté de Victoria sur la banquette arrière de la caisse de Mekra, je regarde le paysage défiler. Fin les immeubles pourris quoi.

Je suis mort. J'voulais pas la laisser toute seule à l'hosto, mais j'crois que j'avais vraiment besoin de changer un peu d'air. J'ai mangé, un peu, j'avais cette putain d'impression d'avoir l'estomac complètement serré. J'ai pris une douche et j'ai dormi. Juste une ou deux heures, pour me permettre de tenir.

Tout ce qui est entrain de se passer est juste...

Merde.

Elle mérite pas ça, cette fille mérite d'être heureuse. Elle mérite beaucoup plus que cette souffrance continu.

J'ai la haine contre tout ceux qui l'ont fait souffrir.

Je pourrai les crever si ils se retrouvaient en face de moi j'crois.

- Oh putain, couine Idriss assis sur le siège passager.

- Qu'est ce t'as? demande Victoria en s'avançant.

Il se tourne vers moi, le visage un peu paniqué, un peu choqué.

Et directement je sens mon coeur battre à 10000. C'est Mel? Putain pitié, dites moi qu'il ne lui est rien arrivé. J'aurai jamais du partir, putain. Je suis vraiment un connard et putain mais j'au...

- Calme toi, murmure Victoria en posant sa main contre mon épaule.

- Tu devrais aller voir sur son compte Twitter frère.

Sur son compte Twitter? Mais il est con ou quoi? Elle est à l'hosto, j'en ai rien à foutre de voir ce que les gens racontent sur elle.

- Fais le, répète Victoria.

Les mains encore un peu tremblantes, je tape son nom dans la barre de recherche, et clique sur son profil. C'est plusieurs photos de l'appli notes.

« Je m'appelle Melek Ayline Ozkan, et j'ai été victime d'un monstre.

Pendant des années, une personne de mon cercle très proche m'a harcelé et obligé à agir selon son bon vouloir.

Je n'ai pas été honnête avec vous. Je ne suis pas la personne parfaite que dépeigne les réseaux sociaux. J'ai mes failles, mes problèmes et mes insécurités. J'ai fait des erreurs, d'énormes erreurs dont j'aurai honte pour le restant de ma vie. C'est grâce à ça, que cette personne a réussi à me diriger, et j'ai toujours eu trop peur pour ma réputation, alors j'ai bêtement suivi. J'ai vécu ces dernières années sous la menace permanente que cela soit révélée au monde entier. Ça me terrifiait.

Parce que ce n'est pas l'image que je veux donner. Mais c'est la triste réalité.

Il y a trois jours, j'ai été victime d'un empoisonnement au DNP. Il s'est avéré que j'en prenais inconsciemment depuis plusieurs semaines. Les médecins ont été clair, j'ai eu beaucoup de chance.

La personne qui était supposément la garante de ma carrière mais aussi de mon bien être a décidé de me faire prendre ce produit, contre ma volonté, car maigrir m'aurait permis de ramener plus de contrats.

Ce n'est pas quelques kilos que j'aurai perdu, mais ma vie.

Ces derniers événements m'ont donné le courage de faire ce que j'aurai du faire depuis longtemps. Balancer mon monstre.

Les forces de l'ordre sont déjà en possession de l'enregistrement des aveux de Monsieur Éric Moretti.

Je laisse maintenant le soin à la justice d'agir.

Prenez soin des vôtres.

#stopauxmonstres

Melek Ozkan ».

Je reste plusieurs minutes à relire ce message, encore et encore.

Comment j'ai pas pu m'en rendre compte?

Comment j'ai pu la laisser seule avec un type pareil?

Et putain comment elle a obtenu ses aveux?

Rien que l'idée qu'elle se soit retrouvée seule face à lui me donne envie de tout péter. Ce connard sans race. Putain non mais qui est capable d'un truc pareil? Ça m'fout la mort.

Et je déteste le fait qu'elle se soit mise en danger, putain elle aurait du m'en parler, pas agir tête baissée.

Je n'ai même pas besoin de demander à Hakim d'accélérer, j'crois que mine de rien cette histoire l'a un peu secoué. Ça secouerait n'importe qui.

- J'y crois pas, murmure Victoria en se tordant les doigts. C'est horrible...

- Tu savais qu'c'était un tarba pareil ce mec là? grogne Idriss.

- Ouais. Fin non. Putain j'ai été trop con merde, j'savais qu'il lui foutait la pression à mort et qu'c'était archi tendu mais je pensais pas qu'il pouvait faire ça... Je l'ai ignoré les trois derniers mois, je murmure.

- T'as fait c'que t'avais à faire, répond Hakim. Vous étiez entrain de vous bouffer, elle était pas bien et toi t'aurai forcément fini par en payer le prix. Et elle le sait crois moi. Si il faut elle prenait cette merde depuis encore plus longtemps en plus.

Il a peut être raison, mais ça ne m'empêchera pas de m'en vouloir. Et putain pourquoi j'ai pas capté qu'elle avait vachement maigri au gala, elle était en robe putain, j'aurai du le voir.

Quand j'arrive devant la porte de sa chambre, un officier de police en sort en me jetant un sale regard.

Connard.

Ma brune est assise en tailleur sur son lit, son ordinateur posé devant elle. Quand elle finit par relever les yeux, ils s'embuent immédiatement.

Jamais j'tiendrai face à une meuf pareil.

- Je suis désolée, elle murmure alors que je la serre contre moi. Je voulais pas te faire peur, mais je voulais vraiment mettre fin à tout ça et j'étais presque sûr que c'était...

Un sanglot la coupe alors que je la sens serrer un peu plus ses bras contre moi. Elle renifle un peu contre mon cou et quelques larmes finissent par mouiller mon pull.

- Ça va aller, j'te promet que maintenant ça va aller.

Ses yeux brillants me donnent envie de chialer. Elle est retournée, et putain c'est normal.

- Moh, elle souffle alors que j'essuie ses joues.

Je grogne pour lui signifier qu'elle a toute mon attention. Elle l'a toujours eu depuis que j'ai croisé son regard de toute façon.

J'crois que j'ai été pris au piège au moment précis où elle m'a balancé de me barrer.

- Est ce que je peux t'embrasser? elle murmure.

Sa voix un peu cassée et ses joues rouges lui donnent un air de gosse perdue, pourtant son regard, lui, raconte quelque chose d'autre.

Alors, parce que c'est tout ce dont je crève d'envie, je hoche la tête, et les lèvres de ma brune se posent contre les miennes.

Ses mains glissent dans mes cheveux et je la sens se rapprocher un peu plus de moi.

Je devrai pas flipper autant pour elle, mais putain je vous jure dès que ça la touche ça me fout un putain de noeud dans l'bide. Elle est forte, j'en ai aucun doute, mais même la personne la plus forte du monde peut plier face à autant de connerie.

Putain il l'a empoisonné.

C'est le genre de truc qui arrive dans les séries, pas dans la vie réelle. Fin c'est ce que je croyais.

Plus personne la touchera jamais, c'est mort.

- J'aurai du faire ça il y a un moment.

Elle s'éloigne un peu, et le petit sourire accroché à son visage me réconforte un peu. Je veux vraiment qu'elle aille bien.

Mais j'sais pas vraiment comment on va faire.

- Qu'est ce qu'il va se passer maintenant?

Elle tourne la tête vers son ordinateur, il est ouvert sur un mail. Je crois que c'est son avocat, ou du moins un service juridique.

Je peux pas m'empêcher de me dire qu'à l'heure actuelle elle devrait simplement se reposer et reprendre des forces, pas gérer un scandale médiatique en préparation.

- J'ai contacté une connaissance, elle est avocate, elle va lancer toutes les procédures contre Éric. J'suis un peu paumée dans tout ça, j'ai aucune idée de ce qu'il faut faire alors elle va gérer pour moi.

J'crois que j'serai probablement aussi paumé qu'elle.

- Louna taf dans le droit, elle a fini ses études l'année dernières, peut être qu'elle peut t'aiguiller sur certains trucs, je lui demanderai.

Elle acquiesce en jouant nerveusement avec une de mes mains.

- J'ai éteins mon téléphone, il arrêtait pas de sonner, je crois que j'aurai pas du poster ça sur les réseaux.

J'attrape ses mains et elle relève le visage.

- Ce connard mérite amplement de bashing médiatique, t'as pas à regretter ça.

- C'est pas forcément ça, elle murmure, en faisant ça j'me suis mise sous les projecteurs, ça va tellement jaser...

- On va gérer, je la coupe, j'te jure qu'on y arrivera.

Un nouveau petit sourire illumine son visage. C'est pas humain d'être aussi belle, encore moins dans ces conditions, pourtant elle brille. J'crois qu'elle illuminerait même une sale ruelle au milieu de la nuit.

C'est fou.

Elle s'apprête à dire quelque chose quand la porte s'ouvre d'un coup, nous faisant au passage sursauter.

Un homme et une femme d'une cinquantaine d'années se tiennent dans le pas de la porte.

Et je n'ai pas besoin de me creuser les méninges pour comprendre qui c'est. Ils ont les mêmes yeux.

- Qu'est ce que vous faites là? elle demande la gorge serrée.

Je sens sa main se resserrer contre la mienne, alors je me rapproche un peu d'elle. Elle est tendue à mort.

- Il faut un scandale médiatique pour que j'apprenne que ma fille est à l'hôpital. Mais qu'est ce qui t'as pris de rendre une affaire pareil publique? T'as pensé à ce que nos investisseurs vont penser?

- Papa, elle tente.

- Tu ne prendras définitivement jamais conscience de tes actes et de ses répercussions. Tu penses à la société?

Mais quel enculé. Et sa daronne dit rien, elle reste derrière lui, et ose à peine regarder sa môme qui a frôlé la mort.

J'vais vriller.

- Ça ne devrait même pas m'étonner, tu ne réfléchis jamais. T'as toujours agis comme une gamine écervelée, au moins ta sœur, elle, elle...

La pression contre ma main s'accentue tellement que j'ai presque envie de geindre comme un gosse, mais quand je remarque à quel point Melek fulmine, je me lève pour intervenir.

- Monsieur vous allez devoir sortir de cette chambre.

Il semble me remarquer pour la première fois à ce moment.

- Qui êtes vous jeune homme pour me demander de quitter la chambre de ma fille?

- Quelqu'un qui tient assez à elle pour ne pas vous laisser près d'elle. Alors maintenant sortez avant que j'appelle la sécurité.

Son père s'avance vers moi et me toise à seulement quelques centimètres.

Tu peux jouer au paon mec, j'bougerai pas.

- Murat, intervient sa femme, on y va.

Il me fixe encore plusieurs seconde avant de tourner les talons. Mais avant de quitter la chambre, il crache une dernière fois son venin.

- Tu ramènes la honte sur la famille, Melek.

La brune serre les mâchoires pour ne pas répondre.

Comment une meuf aussi mignonne qu'elle peut être la fille d'un enculé pareil.

Elle ne se détend que plusieurs minutes plus tard, en posant sa tête contre l'oreiller. Elle tient toujours ma main, et tire un peu sur pour que je m'installe à côté d'elle, ce que je fais de bonne grâce.

Elle pose sa tête sur mon torse, et je caresse doucement sa nuque.

- C'est la première fois que je les revois depuis, je sais pas, peut être un an et demie, et là seule chose qu'il trouve à dire c'est que je lui fais honte, elle murmure.

Mon cœur.

Si elle savait à quel point moi, je suis fière d'elle.

Et à quel point je suis complètement dingue d'elle.

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