28. DNP
Mohamed Khemissa
Je comprend pas, je comprend pas putain, elle allait mieux. Putain cinq secondes avant elle était dans mes bras, elle dormait et j'me disais que j'étais le mec le plus chanceux, et quelques secondes plus tard elle était inconsciente par terre.
Je comprend pas ce qui s'est passé, on était là et... plus rien.
J'ai que des bribes de souvenirs, je me rappelle à peine d'avoir appelé les pompiers, je me souviens juste de l'avoir serré si fort contre moi en chialant. Je me souviens même pas du trajet en ambulance putain.
Ils l'ont mise sur un brancard et ils sont partis dans une salle sans me laisser entrer. Sans rien me dire putain.
J'ai les mains qui tremblent, j'arrive vraiment pas à me calmer. J'ai l'impression d'avoir vu ma vie défiler sous mes yeux. Putain.
J'aurai du la forcer à aller consulter.
Putain je suis vraiment un connard.
Elle allait pas bien ça se voyait, et moi je l'ai laissé en faire qu'à sa tête. Et si il faut elle va...
Putain je me sens vraiment pas bien, je crois que j'vais béger.
- Monsieur?
Une infirmière se tient devant moi, une plaquette et des feuilles dans les mains. Je me relève un peu trop vite pour mon propre bien, mais rien à foutre. J'ai juste besoin de savoir qu'elle, elle va bien.
- Vous êtes bien arrivée avec Mademoiselle Ozkan?
J'acquiesce vite la tête et la presse de continuer.
- Les médecins sont entrain de lui faire un lavage gastrique, une substance à fort potentiel toxique a été détecté dans son organisme, une équipe travaille déjà sur son cas pour comprendre au plus vite quel drogue a été consommé.
Drogue?
- Elle... Elle va bien?
- Elle était inconsciente, elle a du être intubé. Les médecins font tout ce qu'ils peuvent pour que Mademoiselle Ozkan aille mieux.
Elle m'a dit qu'elle n'avait plus rien pris depuis longtemps, elle a pas pu me mentir, pas sur ça, pas à moi.
- Monsieur s'il vous plaît, j'ai besoin que vous vous concentriez, me rappelle à l'ordre l'infirmière. Avez vous déjà vu la patiente consommer une quelconque drogue?
Je secoue négativement la tête. Putain non je l'ai jamais vu dans un état second. Ça peut pas être vrai.
- D'accord, je reviendrai vers vous après que nous ayons fait les tests nécessaires. Vous devriez peut être appeler quelqu'un, la journée va être longue.
Non c'est pas possible. Je suis en plein cauchemar putain. C'est pas possible. Elle a pas pu faire ça. Non putain c'est pas possible.
Putain je sais plus quoi faire, je comprend vraiment pas ce qui se passe.
Elle m'aurait pas menti sur ça, elle essayait d'être sincère. Jamais elle m'aurait parlé de Cameron et de la drogue si elle en prenait encore, c'est impossible, ça n'a aucun sens.
A moins qu'elle est prit des trucs pour... Non putain. Elle pourrait pas me faire un truc pareil.
Elle a pas envie de crever. Putain. Putain.
J'flippe ma race, j'suis paniqué, j'ai peur pour elle, j'ai peur de découvrir ce qu'il s'est passé, j'ai peur qu'elle ait eu envie de partir. J'ai peur putain, j'ai jamais eu aussi peur de toute ma iev.
C'est mille fois pire que quand Vicky s'est retrouvée ici. Idriss a du vivre l'enfer.
J'envoie qu'un seul message. J'sais que les nouvelles vont vite circuler, et j'ai pas la foi de faire plus.
C'est des bruits de pas qui me sortent de ma transe, et le visage inquiet de Ken qui me fait définitivement perdre les pédales.
- J'comprend pas frère, je murmure la gorge serrée alors qu'il me prend dans ses bras.
- On est là gros, ça va aller, il souffle.
Idriss, Théo et Hakim se tiennent derrière lui. Ils la connaissent pas vraiment, et je sais qu'ils sont là pour moi plus qu'ils ne le sont pour ma brune mais ça me fait du bien.
- Qu'est ce qui s'est passé? demande Théo.
- J'sais pas, j'pige rien, elle était pas en forme hier, elle avait de la fièvre, et ce matin elle a béger comme une malade avant de perdre connaissance. Ils sont entrain de lui faire un lavage d'estomac, ils disent qu'elle a pris un truc, mais putain c'est pas possible...
Idriss et Théo se jettent un regard entendu. Non ils peuvent pas croire qu'elle a fait ça.
- Ça va aller frère j'suis sur, y'a forcément une explication , reprend Ken.
Théo jette un coup d'œil à son téléphone, avant de relever la tête.
- Jasmine garde la petite, mais elle pense fort à toi.
Ken, Théo et Idriss tentent de me rassurer à coup de grandes déclarations et de petites vannes qui ne font que me tendre un peu plus. Deen et Victoria finissent par nous rejoindre quelques temps après.
- Monsieur? demande l'infirmière.
Encore une fois je me relève vite. Victoria me tient la main, je crois qu'elle aussi elle est inquiète.
Elle ne l'a connaît pas vraiment, mais elle m'a déjà dit au détour d'une soirée que j'avais l'air bien avec elle. Et elle avait raison.
- Nous allons lui faire plusieurs tests pour vérifier que le lavage gastrique a fait effet mais vous pouvez aller la voir avant, elle vous a demandé.
J'acquiesce et Victoria me presse un peu pour entrer. J'ai la pression.
Je crois que j'ai un peu peur de la voir.
L'odeur aseptisé de la petite chambre me donne immédiatement envie de faire marche arrière. Les hôpitaux putain.
L'infirmière me tient la porte et quand mes yeux finissent par se poser sur ma brune, j'ai instantanément un haut le cœur. Elle est blanche, elle est vraiment très pale. Elle est allongée sur le côté, et pas mal de fils la relie à différentes machines qui bipe.
Elle a l'air éteinte.
- Chat, je souffle.
Elle relève les yeux et un mince sourire s'affiche sur son visage avant de laisser place à une grimace à peine masqué.
- Hey, elle murmure.
Je sais pas quoi faire alors je reste planter là comme un con, à deux mètres d'elle.
- J'ai rien pris j'te promets, je me drogue pas. Elle murmure d'une voix à peine audible.
Je sais plus quoi penser.
Il s'est passé beaucoup trop en peu de temps, j'crois que mon cerveau ne veut plus rien assimiler. Il est bloqué sur le mode gros coup de flippe.
- Tu me crois? elle demande, la gorge serrée et les yeux larmoyants.
- Je...
Je n'ai le temps de rien dire, une infirmière entre dans la chambre pour faire une prise de sang. Melek ferme instantanément les paupières et serre les mâchoires, comme pour éviter de sentir quoi que ce soit.
A cet instant on dirait une enfant, une môme affolée et terrorisée par ce qui est entrain de se passer.
Quand l'infirmière recule, la brune ré ouvre les yeux.
- Je déteste les aiguilles, elle grommelle.
Son air ronchon m'arrache un petit sourire alors qu'elle grimace de nouveau.
Je n'ai pas le temps de plus la voir, elle est rapidement emmenée pour faire une radio du thorax et je ne sais quel autre examen.
Rapidement mon clan me rejoint. Je sais pas ce que je ferai sans eux. La vie m'a offert tellement plus de frères et de sœurs que ceux de sang, que des fois j'ai du mal à réaliser à quel point je suis chanceux.
J'ai passé ma vie entouré de bonnes personnes, et les quelques traîtres n'ont fait que nous souder encore plus.
Mel, elle, elle est seule depuis des années.
J'crois que j'ai jamais mesurée à quel point elle souffre.
Mais c'est fini, j'serai toujours là. J'vais être son équipe.
Assis sur l'un des fauteuils, je n'arrive pas à m'empêcher d'imaginer le pire. J'aurai du capter que ça allait vraiment pas.
- Arrête de te prendre la tête, ça va rien changer, grogne Hakim.
Les autres ont un peu parlé, ont essayé de détendre l'atmosphère, lui il a juste fixé silencieusement ces baskets.
J'ai jamais parlé avec lui du fait que j'ai croisé Melek en montant chez lui. J'avais grave les nerfs de voir qu'elle était avec lui alors que tout ce que j'attendais c'était un putain de message de sa part.
J'sais pas ce qui s'est passé, mais j'ai confiance en mon kho. Et je crois que j'ai aussi confiance en elle.
- Elle est paumée, mais j'met ma main à couper qu'elle a pas consciemment pris un truc, il rajoute les yeux rivés sur la fenêtre. Elle t'kiffe, elle aurait jamais fait une connerie pareille.
Mais ils savent pas, ils savent pas tout ce que je sais. Ils savent pas qu'on s'est rencontré alors qu'elle allait sauter d'un pont, ils ne connaissent pas non plus son passif avec la drogue.
Putain ça me retourne le bide de douter à ce point d'elle.
- Détend toi gros, j'suis sûr qu'il y a une explication logique, ajoute Ken.
Au même moment, un homme, sûrement un médecin au vu de sa blouse et de son air sérieux, entre dans la pièce. Il parait un peu choqué de voir tant de monde dans la chambre mais très vite il se concentre sur l'essentiel.
- Nous avons trouvé une dose conséquente de dinitrophénol dans l'organisme de Mademoiselle Ozkan.
- Du quoi? demande Victoria en fronçant les sourcils.
- C'est un produit chimique qui agit en accélérant le métabolisme dans l'organisme. Il était utilisé dans les années 30 pour maigrir mais il a été très vite retiré du marché. En fait, il court-circuite le processus naturel de production d'énergie et réoriente le fonctionnement de la mitochondrie qui, au lieu de produire de l'ATP, produit de la chaleur. Alors effectivement ce processus favorise l'utilisation des corps gras et brûle des calories.
J'ai rien compris.
- Donc... C'est juste un produit pour perdre du poids? demande Deen.
- Non c'est un produit extrêmement toxique et dangereux. Avec une telle production de chaleur, c'est tout le métabolisme qui se dérègle avec une augmentation de la température corporelle, des problèmes cardiaques, respiratoires, et de nombreux autres effets secondaires.
C'était ça, la crise de vomissement, la fièvre, la fatigue, l'essoufflement. Putain.
Ok.
Ok.
Je flippe ma grosse race là.
J'crois qu'on est tous un peu sur le cul, et c'est Théo qui finit par poser la question fatidique.
- Comment elle a pu se retrouver avec ça?
- Nous pensons que votre amie a pris ce produit en toute connaissance de cause, pour perdre du poids. Il est encore tôt pour envisager réellement la suite, mais il faut que vous vous prépariez à l'éventualité que Mademoiselle Ozkan souffre d'anorexie mentale.
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