25. Damoclès
Melek Ozkan
J'ai laissé Moh, je suis rentrée chez moi et j'ai pleuré. C'était il y a trois mois.
Il ne m'a jamais appelé. Pendant les premières semaines je me suis dit qu'il était sûrement occupé, après tout moi aussi j'étais surbooké. Je me suis aussi dit qu'il avait sûrement besoin de prendre du recul sur tout ça, comme je l'avais fait. Puis les jours ont commencé à défiler, puis le mois, puis un second, et presque un troisième. C'est à ce moment là que j'ai compris qu'il avait abandonné.
Et j'ai pas réussi à réellement lui en vouloir, il voulait se protéger. Jasmine me l'avait dit, il a souffert en amour, il fait pas confiance.
Alors j'ai doucement abandonné l'idée qu'un jour peut être je réussirai à être heureuse avec lui.
Il a fait son choix, je ne peux que le respecter, même si c'est l'un des trucs les plus douloureux que j'ai ressenti. Je m'en veux de me dire ça, de le mettre à une place si importante dans ma vie. Une déception amoureuse c'est loin d'être aussi violent que la perte d'un proche, pourtant ça me fait aussi mal.
J'ai vu en Moh une bouée de sauvetage, un truc qui me donnait une raison de me battre, de ne pas tout lâcher. Et depuis qu'il est sorti de ma vie j'ai un peu de mal à gérer tout ce qui m'arrive.
Les choses sont vraiment devenus compliqué quand j'ai vu des photos de lui et d'une fille sur Twitter. J'ai jamais été le genre de grande stalkeuse à suivre tous les faits et gestes d'un mec sur les réseaux, j'y suis tombée dessus par hasard, et j'aurai mille fois préféré ne jamais les voir.
Pourtant il n'y avait rien de plus qu'une main posé sur l'épaule et d'apparents éclats de rire, mais ça a suffit à totalement me déstabiliser.
A partir de ce moment là j'ai désactivé mes réseaux sociaux, je n'arrêtais pas de flipper à l'idée de découvrir autre chose. J'ai laissé le relai à Éric pour qu'il gère mon compte Instagram.
Je me suis coupée de ma vie en France, j'ai passé beaucoup plus de temps à New-York, et mes quelques passages éclairs à Paris se sont résumés au travail et à Ali.
Mais ce soir je suis de retour pour un gala de charité de l'UNICEF dont je suis l'une des nouvelles ambassadrices. Je me suis pas mal engagée dans diverses causes ces derniers mois, et si à ma modeste échelle je peux attirer la lumière sur le travail et la nécessité de cette agence, je m'estimerai contente.
- Regarde ce qu'on nous a envoyé, cette parure t'iras magnifiquement bien.
J'hausse un sourcil face à Éric, entrain de s'extasier sur une parure en diamant qui doit coûter probablement plus qu'un bel appartement en plein Paris.
- Ça fait trop, je répond. Mon but c'est de récolter des fonds, pas de faire là pub pour Swarovski.
Hors de question que je me promène avec des bijoux monstrueusement cher dans ces conditions là. Ça serait se foutre de la gueule du monde.
- Tu mettras ça Melek, t'as signé le contrat.
- J'ai signé une campagne télé, pas sur des événements. Je peux pas me présenter à une soirée caritative avec un truc pareil, c'est hors de question, c'est pas l'image que je veux donner.
Pas l'image de la riche héritière.
J'entend Éric s'agacer derrière moi, rien à faire. Il a qu'à le porter lui si ça lui tient tant à coeur.
- Il va vraiment falloir que t'arrête de te comporter comme ça Melek.
- Parce que c'est moi le problème? je demande en me tournant vers lui.
- Le problème, il répond, c'est que tu n'obéis à aucune des choses que je te dis. C'est moi et moi seul qui gère ta carrière et il va falloir que tu te plies à mes conditions, sinon ça va très mal tourner et tu le sais.
- Tu me menaces?
- Non. C'est un conseil. N'oublie pas ce que j'ai sur toi.
Je me mord l'intérieur des joues pour ne pas commencer à hurler. Je le déteste. Il me met dans de tels états de nerfs que j'en ai du mal à me contrôler.
- Sors de cette pièce, je finis par grogner.
Ce n'est qu'une dizaine de minutes plus tard que j'arrive à contrôler les tremblements de mes mains. Je me sens si mal en ce moment.
Je savais que j'allais souffrir si Moh quittait ma vie, mais j'étais loin d'imaginer que ça fasse si mal. Ce n'est même pas dans le coeur que j'ai un trou béant, c'est dans tout mon être. C'est bizarre comme sensation, mais je me sens vidée.
Toute façon en ce moment rien ne va.
Prise d'un coup de chaud, je vide une demie bouteille avant de réellement réussir à me calmer. Je deviens anxieuse très rapidement en ce moment, j'ai vraiment du mal à gérer la pression.
Et avec Éric qui n'arrête pas de faire planer sur ma tête une épée de Damoclès, ça n'arrange rien.
- Melek t'es là? J'ai ramené ta robe, tu sais celle qu'on a sélectionné la semaine dernière.
L'une de mes assistantes Katie entre dans la pièce et pose la grande housse dans la penderie.
- J'ai vu avec Éric, il m'a parlé d'une queue de cheval très tiré, ça te va?
J'acquiesce simplement, je ne compte pas me brûler les ailes pour une question de coiffure.
Quelques heures plus tard, je me retrouve au milieu d'une grande réception, à sourire et répondre le plus calmement aux questions de diverses personnes.
Une flûte de champagne dans les mains, je cherche du regard Éric. J'ai envie de m'échapper, je supporte plus ces mondanités.
- Ah t'es là, je te cherchais. On nous attend pour les photos.
Je me mord l'intérieur de la joue quand la main de Cameron se pose sur ma hanche.
Je le déteste.
Et je déteste encore plus qu'il se permette de me toucher.
Je sais pas si je pourrais réellement qualifier Cameron d'ex. Je l'aimais bien, j'étais sincère, lui il jouait. Je lui ai consacré pas mal de temps de ma vie pour apprendre de la bouche d'Eric que c'était un coup de génie pour booster nos popularités.
Un nouveau coeur brisé.
Et ce soir, c'est encore un « coup de génie » d'Eric. Il a appelé ça le retour des ex, ou quelque chose comme ça. Quelques photos qui passeraient dans les magazines, un petit buzz, et le tour est joué.
Je me suis opposée à ça, mais j'ai rien pu faire. Saleté de Damoclès.
- Sourie chérie, murmure Cameron face aux photographes.
- M'appelle plus jamais comme ça, je grogne en souriant faussement.
Il passe à nouveau son bras contre ma taille pour me tirer plus près de lui. Je savais pas ça humainement possible d'avoir autant envie de vomir près d'un humain.
- T'aimais bien quand je t'appelais chérie il y'a quelques années.
Discrètement j'écrase mon talon contre son pied. Il sursaute et tente de garder son sourire face aux photographes.
- Ne m'appelle plus jamais comme ça, ou c'est pas sûr ton pied que je vais écraser mon talon mais sur tes couilles.
Je m'écarte de lui et traverse la salle sans me retourner. J'en peux plus de cette mascarade, c'est trop.
L'air de ce mois de janvier me glace le sang, pourtant je me sens infiniment mieux seule dehors qu'entourée de tout ces gens.
J'suis au bout de mon énergie.
- Melek?
Une voix m'interpelle.
- Oh punaise il me semblait bien que c'était toi! Tu es superbe. Ça fait vraiment longtemps que je t'ai pas vu, j'espère que tu vas bien.
Louna. Pourquoi Louna est ici?
Est ce que ça veut dire que les autres sont là?
Est ce que.... Moh est là?
La petite blonde se tient face à moi tout sourire dans son tailleur blanc. Elle me parle mais j'ai du mal à me concentrer sur les mots, j'essaie de scruter l'intérieur de la grande salle à la recherche d'une personne, d'une seule.
J'sais même pas si j'ai envie de le voir en faite.
Je sens mon coeur s'emballer sous la pression. Et ce n'est que quand je l'aperçois, entrain de me fixer, que je comprend que je suis en colère.
En colère qu'il nous ait laissé tombé si vite, en colère qu'il ne se soit pas battu, qu'il ne m'ait pas donné la chance de tout lui expliquer. Mais plus que tout en colère qu'il m'ait abandonné.
- Mel, tu m'écoutes? demande Louna en s'agitant face à moi.
- Je... Je suis désolée, faut que j'y aille, je m'excuse avant de disparaître dans la foule.
Je n'arrive plus à respirer, j'ai l'impression qu'un truc me comprime la poitrine et me lacère les entrailles.
Mes talons claquent contre le sol alors que je descend les grandes marches menant à l'extérieur. Le seul avantage d'être en plein hiver, c'est que personne n'est là pour assister au spectacle lamentable de ma crise de panique.
Personne sauf lui.
- Encore tu fuis.
Trois mois. Trois mois que je n'ai pas entendu sa voix. Elle me fait l'effet d'un éclair dans la nuit.
Et ça m'écrabouille un peu plus le coeur.
- T'as pas le droit, je répond en me tournant vers lui. T'as fuis juste comme moi, alors que j'essayais.
Il est tellement beau dans son costume. Il se tient quelques marches plus haut, les mains dans les poches.
Putain c'est pas lui cet air dédaigneux.
- T'as lâché alors que j'essayais vraiment alors putain non Moh tu peux pas dire que je fuis, pas quand tu m'as laissé trois mois sans aucune nouvelles. Pas quand tu me lâches alors que je viens juste de te dire que je t'aime.
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