21. L'homme sombre
Une nouvelle fois, désolée pour l'absence, j'ai même pas d'excuse valable, donc vous pouvez me taper sur les doigts pour le coup (c'est mes crises d'asthme aussi elles me fatiguent)
Melek Ozkan
- Vas t'habiller Moh, t'as du taf et ça avait l'air urgent.
Il fronce les sourcils, il doit se dire que je n'ai absolument rien écouté de ce qu'il vient de me dire. Pourtant si je l'ai entendu, trop bien même, mais j'ai pas envie qu'il mette des trucs importants pour lui, de côté, à cause de moi.
- Non je reste là, il répond.
- Khemissa va te laver la gueule et on part au studio.
- On?
C'est une idée qui ne lui avait apparement pas traversé l'esprit. Et il ne semble pas sûr de ce qu'il a entendu.
- T'es venu à Hawaï avec moi, à mon tour de découvrir ton truc.
- T'es sérieuse?
- J'ai l'air de rire?
D'un coup il se lève et s'excite comme un gamin, avant de partir en courant et s'enfermer dans la salle de bain. Vous êtes sur qu'il a 28 ans?
Non parce que des fois j'hésite vraiment.
A peine dix minutes plus tard il revient habillé, plus ou moins coiffé, prêt à partir. Je crois qu'il m'a oublié dans l'addition, pas que je ressente spécialement le besoin d'être très bien habillée et maquillée, mais quand même.
Et quand il s'en rend compte, il souffle avant de se laisser tomber dans mon grand canapé.
- Râle pas, ça te fais des rides juste là, je me marre en tirant l'extérieur de ses yeux.
- T'es vraiment une peste.
Je lui souris avant de partir me préparer. Un jean, un pull et une paire de bottine au pied, je le rejoins dans le salon.
- C'est relou quand tu mets des talons t'es plus grande que moi, il marmonne en rabattant sa capuche sur la tête.
Il commence a vraiment faire froid à Paris, et mon pull bien que large et chaud me parait bien trop léger.
- J'ai des talons bien plus haut.
- Sah, j'sais pas comment vous faites vous les meufs pour marcher avec ça, on dirait c'est limite votre sixième sens c'est ouf.
Il augmente le chauffage de sa voiture.
- Sauf Louna, elle c'est un cas désespéré j'crois.
La scène du lancement de l'album de Deen me revient en tête. Oui en effet c'est peut être un peu mort pour elle.
- C'est une part de mon taf, mais crois moi même les mannequins avec le plus d'expérience trébuche sur les podiums.
- Ça t'es déjà arrivé? il demande, un sourire en coin.
- Ouais, plusieurs fois, je suis même tombée une fois, j'ai jamais été aussi gênée de ma vie.
C'était l'un de mes premiers défilés, je devais avoir 17 ans, et j'avais eu si honte que je m'étais enfermée dans une des loges pendant des heures pour ne pas avoir à croiser quiconque. A cet âge je pensais tellement que c'était la fin de ma vie. Putain ce que j'étais innocente.
- Et toi, ça t'es déjà arrivé de faire quelque chose dont t'as honte et que t'as regretté? je demande en tournant ma tête vers lui.
Il réfléchit quelques secondes, les yeux rivés sur la route.
- Quand j'ai sorti Super, ça a été un méga flop, y'a eu tchi comme vente et je me suis fait déglingué sur les réseaux pendant des semaines. J'suis resté dans mon lit pendant cinq jours puis je me suis dit que ça restait mon taf et que si cette fois c'était pas passé, je pouvais que m'améliorer. Ça m'a donné la dalle. Alors non j'ai jamais regretté. Et j'ai pas non plus honte, c'est ce qui m'a fait.
Il a dit ça d'une manière si posée que je ne peux qu'en être admirative. On est loin de ma petite chute sur un podium, que seulement quelques cons trop concentrés sur les apparences ont pu voir. Puis j'étais encore nouvelle dans le monde de la mode, alors c'était passé assez inaperçu.
Quand on arrive au studio, je pénètre un peu dans un monde inconnu. J'ai pu voir pas mal de truc depuis que je travaille, j'ai côtoyé quelques plateaux télés, quelques tournages, mais jamais de studios.
Un mec est déjà installé près de la table de mixage, mais je suis pas sûr de le connaître. Il me le présente comme l'un des éléments essentiels de son album.
Je lui sers un sourire et une poignée de main avant de tourner un peu sur moi. C'est un peu le bordel, c'est pas étonnant, Sid, c'est sûrement le mec le plus bordélique que j'ai jamais vu.
- Y'a à boire dans le frigo là, et tu dois avoir des gâteaux ou des trucs comme ça à côté, fais comme chez toi, j'en ai pas pour très longtemps.
J'acquiesce.
Je suis pas venue ici pour m'empiffrer alors je m'installe sur le grand canapé rouge qui trône contre le mur.
Les deux hommes sont penchés sur l'ordi et parlent de truc dont je peine salement à comprendre. Mais ils sont tout les deux tellement à fond que ça en est drôle.
J'aime bien voir Moh dans son élément, c'est une nouvelle facette que je découvre de lui, super concentré et appliqué.
Et quand il passe en cabine pour enregistrer un des couplets qu'il a décidé de modifier, c'est archi lourd. Sans mentir, je le trouve très fort, pourtant je l'ai déjà entendu à l'événement de Deen, puis j'ai aussi entendu ces sons, mais le voir là, à quelques mètres de moi, derrière cette grande vitre, à s'appliquer à poser son couplet, c'est quelque chose d'autre.
Puis je me sens aussi un peu privilégiée.
- Qu'est ce tu fous là?
La voix grave qui résonne derrière moi me fait sursauter. C'est un truc insupportable, mais toutes les choses que je n'ai pas anticipé ont tendance à me faire sursauter, que ce soit un bruit, un mouvement.
C'est con, mais c'est vraiment pas contrôlable.
- Salut Hakim, je répond simplement.
Il grogne un truc dans sa barbe, du genre pour toi c'est Mekra.
Putain ce mec est vraiment invivable, comment ils peuvent tous le kiffer autant?
Il salut le beatmaker avant de se tourner à nouveau vers moi. Il me jauge pendant plusieurs secondes avant de lâcher un soupir.
- Tu vas nous rester dans les pattes encore un moment non?
Ah. Bah c'est une façon de voir les choses oui.
- Vasy, lève toi on va faire un tour, il grogne.
- Mais..
- Sneazz va rester enfermé là encore un moment alors bouge toi, j'ai pas ton temps et tu dépasses déjà largement les limites de ma patience.
- Molo, je grogne en me relevant.
Il a raison, Moh est vraiment concentré sur ce qu'il fait, et je ne pense pas qu'il risque de bouger de là pendant un moment.
Je sais pas vraiment pourquoi je suis Hakim jusqu'à la terrasse de ce café, je l'aime pas, il m'aime pas, ça a pas de sens. Pourtant on se retrouve tout les deux assis l'un face à l'autre, à se mater comme si on pouvait détecter chez l'autre ce qui tourne pas rond.
- T'as l'air triste, je finis par dire.
Les quelques fois où j'ai pu le voir, j'ai perçu ce truc froid bien caractéristique du personnage, mais là c'est un peu différent. Il a l'air mal.
- Fait belek à c'que tu dis avant que j'te mette ta tête dans ton café.
- Sympa, je grogne. T'es toujours aussi agréable?
Vraiment je capte pas pourquoi il a voulu qu'on sorte si c'est pour rester sans rien dire et me fixer comme si je venais d'écraser son chat.
Il m'ignore complètement et se contente de me fixer.
Il est chelou ma parole.
Son portable posé sur la table sonne, et un rapide coup d'œil me permet de savoir que c'est une certaine Thylane. Si j'ai bien compris ce que Moh m'a raconté ils sont ensembles, pourtant je ne l'ai vu qu'une fois il me semble.
Son visage se teinte d'un truc assez sombre quand il rejette l'appel.
- Te gènes pas pour moi, je lance, c'est pas comme si on était au milieu d'une grande discussion.
Il me foudroie du regard.
- Fait belek t'ouvres trop ta gueule.
Peut être bien, mais lui il devrait l'ouvrir un peu plus, pas que je n'aime pas le silence, mais il commence à être gênant.
- Tu fais le gars bressom devant toutes les personnes qui approchent tes gars?
Un petit sourire étire son visage. C'est plus un truc moqueur, pas le genre de sourire qui vous donne envie de sourire à votre tour.
- Seulement les meufs pas trop nettes.
- J'suis pas trop nette d'après toi?
Il touille son café en me fixant.
- Je crois pas qu'tu sois une chienne à la recherche de la fame, t'as plutôt l'air de la fuir. Mais j'ai traîné avec assez de gens détruit pour savoir que tout ce que tu montres c'est faux. T'es triste, ça crèverait les yeux d'un aveugle. Pourtant t'as l'air un peu mieux quand Sneazz est dans les parages, et c'est ça le problème.
Sans vraiment le contrôler j'ai commencé à me gratter la paume de main.
- Il va essayer de tout gérer, de tout supporter, de prendre ta peine et c'est lui que ça bouffera au final.
Ça me serre le coeur d'entendre ça, mais il n'a pas tord. Et ça me fait encore plus mal de devoir le reconnaître.
- Je te dis pas de te barrer, de couper les ponts avec lui, ça lui niquerait le moral aussi.
- Qu'est ce que je dois faire alors? je demande.
Hakim me fixe plusieurs secondes, je crois qu'il réfléchit à la situation, et bizarrement, c'est la première fois qu'il ne me toise pas avec cet air supérieur.
Je crois qu'il essaie vraiment d'aider Moh.
- Mettre des limites à votre relation. Ne pas le laisser trop s'en mêler. Pas le laisser tomber amoureux non plus.
Je ne suis pas amoureuse de lui, mais putain rien que l'idée de devoir mettre de la distance entre nous ça me retourne le bide.
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