20. L'après
Melek Ozkan
- C'est normal que je me sente comme un putain de connard? grogne Moh à côté de moi.
Je relève un peu ma tête en fronçant les sourcils. J'ai juste envie de dormir, d'oublier une partie de la soirée et d'avancer, mais il n'arrête pas de se tourner et retourner dans le lit.
J'ai l'impression d'être à côté d'un asticot.
Et moi ça me fait encore plus monter en pression.
Je réussis à peine à contrôler les tremblements de mes mains.
- De quoi tu parles? je finis par lâcher en m'asseyant.
Il se relève à son tour et fixe le mur face à nous.
- Ce mec il t'a... Fin y'avait pas de consentement et moi j'arrive et je t'embrasse comme ça et putain c'est vraiment un comportement de gros enculé. Je suis désolé.
Je crois que c'est bien la première fois qu'un homme s'excuse de m'avoir embrassé, et je trouve ça touchant.
- C'est rien, je répond alors.
- Ouais mais putain j'ai été trop con j'aurai jamais du faire ça c'est vraim...
- Arrête ça, je le stoppe. J'ai pas besoin que tu commences à t'auto flageller d'accord?
- Mais j'veux pas que tu penses que j'ai profité du..
- Moh stop. Temps mort.
J'aurai pété les plombs à coup sûr si c'était quiconque d'autre, mais pas lui. Puis, si il ne l'avait pas fait, je l'aurai probablement fait. Parce que j'ai beau mettre toute ma volonté, je n'arrive pas à rester loin de lui.
- Je vais bien, c'est ok. Maintenant dors.
Il se laisse retomber en arrière en soufflant. Il arbore la même expression depuis qu'il nous a stoppé alors que les choses commençaient à devenir un peu plus intense, vous savez cette tête du « j'ai fais une énorme boulette ».
Je sais pas trop quoi en penser...
C'est un peu la guerre dans ma tête.
Mais je ne regrette pas non plus le goût de ses lèvres contre les miennes, parce que c'est de loin la meilleure sensation que j'ai pu ressentir.
Et ça m'a permis pendant un petit instant, de ne pas penser.
Il tourne un moment sur lui même avant que sa respiration devienne calme et régulière. Ça devrait m'apaiser pourtant à chaque fois que je ferme les yeux, j'ai l'impression de sentir les mains du mec sur mon ventre, qui remonte. Ça me donne envie de gerber.
C'est con de faire une fixette sur ça alors que quelques instants plus tôt je me sentais bien, mais le silence me hurle dans les tympans et me ramène dans les mains de ce type.
Je resserre un peu mes poings pour stopper les tremblements.
Putain j'ai vraiment l'impression d'avoir ses mains râpeuses collés à la peau.
Ferme les yeux et dors Mel. Ferme les yeux.
Je me mords les lèvres et me griffe l'intérieur des paumes de mains, tout pour me concentrer sur autre chose que la voix du mec bourré qui résonne bien plus fort que la respiration du rappeur à ma gauche.
J'arrive plus à contenir mes tremblements.
Putain Mel tu peux pas réagir comme ça, il y a bien plus grave dans le monde. C'est pas un petit con qui t'a foutu un coup de pression qui va réussir à te déstabiliser.
C'est ce que je me répète en boucle, minute après minute, pour tenter de me calmer. Mais ça n'a aucun effet.
Alors je finis par sortir de la chambre, je veux pas réveiller Moh. Je crois qu'il m'a assez vu au pire depuis qu'on se connaît. Puis il va croire que c'est de sa faute, qu'il m'a bousculé.
Même allumer une clope me parait tout un challenge face à mes tremblements.
J'hésite un moment à prendre quelque chose de plus fort, je sais qu'il doit m'en rester quelque part dans un sac, mais j'ai peur que ça fasse plus de mal qu'autre chose. Pourtant putain ce que j'ai besoin d'un anesthésiant. Un truc bien puissant qui me ferait zappé même mon prénom.
- Chat.
J'écrase ma cigarette en entendant la voix endormie de mon rappeur.
- Je voulais pas te réveiller, j'ai dû faire un peu trop de bruit. Désolée.
- Non, non. Je t'ai senti te lever. Ça va?
Je sais qu'il flippe, c'est presque écrit sur son front. Ça me rend triste de savoir que c'est à cause de moi.
- J'ai du mal à dormir, je souffle en glissant mes mains dans les poches de mon sweat. Je crois que je vais regarder une série ou un truc comme ça, retourne dormir t'en fais pas.
Il répond par la négative et se laisse glisser sur mon canapé. C'est sa manière de dire qu'il est là, et ça me suffit largement.
Ça me rassure même un peu.
Alors on s'installe tout les deux devant un film absolument quelconque qui devient très rapidement pour moi un moyen de rester éveillée et près de lui. Il fait des petits cercles dans ma nuque qui m'apaise un peu.
Mais encore une fois mes mains se remettent à trembler et je sens mon coeur se comprimer. Et mes yeux s'embuent.
Il le remarque très vite, je crois même que tout ce temps il me regardait, tentant de jauger mon état.
Il attrape mes mains, et instantanément je fond en larme.
- Je... je... désolée, je bégaye. Je veux pas... je veux pas pleurer, j'arrive pas à me contrôler.
- C'est ok, il murmure, t'es en état de choc, ça va aller.
La dernière fois où j'ai autant pleuré remonte probablement à l'un des pires jours de ma vie, sûrement le pire même.
Putain on est quand même pas sur la même échelle de gravité.
- Viens là, il souffle en ouvrant ses bras.
Je suis à moitié allongée sur lui, j'ai l'air d'une môme terrorisée, et la vérité c'est que ça s'en rapproche plutôt bien. Ses bras m'entourent et je garde mon front posé contre son cou. Il fait de long et doux mouvement dans mon dos qui m'apaise un peu.
Je le serre un peu plus contre moi, j'ai juste besoin de le sentir un peu plus près.
Juste un peu plus proche.
- Quand je ferme les yeux, je finis par murmurer, j'ai l'impression de le sentir.
Il se tend contre moi et sa respiration accélère un peu.
Je ne sais pas ce que j'ai fait pour avoir Moh à mes côtés, mais une chose est claire, j'aimerai qu'il soit là pour toujours.
Y'a pas de meilleur endroit que près de lui. J'crois que même au milieu d'une tempête ça resterait la meilleure place.
- Lève la tête.
Je m'appuie un peu contre lui pour me relever sur mes coudes.
Il est beau. Il est vraiment beau. Je sais pas pourquoi ça me frappe si fort à ce moment précis, je l'ai toujours trouvé mignon, mais là ça me frappe avec une telle violence. Mohamed Khemissa est définitivement trop beau.
D'un mouvement de pouce il efface les dernières traces humides présente sur mes joues.
- Je laisserai jamais ce connard t'approcher.
J'ai envie de lui répondre que ça, il ne peut pas en être sûr, il ne sera pas toujours là, il l'a dit lui même. Mais je me retiens, il essaie juste de me rassurer, et ça marche un peu.
*
J'ai fini par m'endormir contre lui. Et je me suis réveillée quand son téléphone a sonné super fort juste à côté de moi. Enfin on s'est tout les deux réveiller en sursautant sous les assauts terrible de son réveil.
- Faut que j'aille au stud, il grogne en se laissant tomber en arrière.
Je m'étire, j'ai mal partout d'avoir dormi recroquevillé sur le canapé, et lui n'a pas l'air beaucoup plus frais que moi.
Je sais pas vraiment comment je me sens, c'est bizarre.
Un café dans les mains, je regarde sans trop capter Moh s'exciter au téléphone. Fin s'exciter sur un jeu. Il y a deux minutes il sautait partout parce qu'il allait être en retard, mais là il est entrain de taper sa meilleure partie de Subway Surfers. Sérieusement qui joue encore à ce jeu?
J'crois qu'il a pas trop le sens des priorités.
- Tu devais pas être en retard? je finis par demander.
- Pas grave. J'y vais pas enfaite.
Ah bon? C'est nouveau ça?
- Mais tu devais pas voir un dernier truc pour l'album? Je t'ai entendu en parler hier avec Hugo.
Il relève la tête de son écran et un petit sourire s'étend sur son visage.
- T'écoutes mes discussions maintenant?
- J'étais à côté, je me justifie.
Ok j'ai peut être les oreilles qui traînent un peu.
- Arrête de me mater comme ça, tu fais que gueuler quand tu parles tout le monde t'as entendu.
Il secoue la tête avec un petit rictus avant d'attraper ma tasse et la porter à ses lèvres.
- Tu prends trop tes aises, je grogne. Bon pourquoi t'y vas pas?
Il ignore délibérément ma question et attrape une clémentine posé dans la panière à fruit. Il la pèle même sans m'adresser un regard, super concentré sur sa tâche.
- Allo, je lance en agitant mes doigts devant lui. Y'a un problème?
- Nop.
Il est bizarre ma parole.
- Pourquoi t'es encore là alors? Pas que je veuille pas te voir, mais t'as sûrement plus important à faire que passer ta journée à traîner sur mon canapé. Comme finaliser l'album sur lequel tu bosses depuis des années entre autre.
Il me calcule toujours pas, concentré sur son fruit.
- Moh!
J'attrape sa clémentine à moitié pelé, et lui fait les gros yeux.
- Eh qu'est ce tu fous? J'avais presque fini, il grogne.
- Pourquoi tu vas pas au studio?
Il soupire.
Oh excuse de m'inquiéter pour toi, excuse.
- T'es chiante, il râle. Je reste avec toi aujourd'hui c'est tout, l'album il peut attendre encore un jour.
C'est mon cœur qui vient de taper si fort?
J'ai rien fait pour mériter un gars pareil, mais putain, jamais je le lâche croyez moi.
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