19. Trop forte

Mohamed Khemissa

J'ai l'impression de me retrouver face à ce fils de pute d'Hugo, quatre mois plus tôt, dans cette merde de bar. J'arrive pas à m'arrêter et clairement j'en ai aucune envie. Ce mec mérite de se faire démonter la gueule salement.

Personne n'a le droit de parler aussi mal à une go. Encore moins à Mel.

Je pense pas être un mec violent, j'ai pas le sang chaud comme Nek ou même Haks, mais là je suis hors de moi et putain que ça me fait du bien de sentir son nez craquer contre mon poing.

Il a perdu connaissance mais ça me suffit pas.

Il a touché la mauvaise personne.

J'ai l'impression que mon sang boue.

Y'a plus rien à part ce sombre enculé qui pisse le sang.

J'vais le tuer.

- Moh arrête, elle a besoin de toi la petite.

Et c'est seulement à ce moment que j'entraperçois un sanglot étouffé derrière moi. Elle pleure? Mel pleure?

J'crois que c'est à ce moment que mon cerveau se reconnecte, et j'aperçois seulement à ce moment le mec sous moi, la gueule complètement défoncé. Une main sur mon épaule me fait lever la tête, c'est Ken.

- Tu devrais rentrer avec elle, on va gérer ça.

J'acquiesce.

Est ce qu'elle pleure beaucoup? Elle est dos à moi, je vois juste ses épaules bouger rapidement de haut en bas. Je crois qu'Hakim lui parle.

Putain c'est vraiment n'importe quoi ce soir.

- Chat, je murmure.

Elle se retourne si vivement que j'ai peur qu'elle trébuche. Elle pleure beaucoup quand même, elle a eu peur. D'un geste de bras elle essuie ses larmes avec la manche de son sweat noir, étalant le reste de maquillage qui n'avait pas encore coulé.

Ça me tord un peu le bide de la voir comme ça.

Envolée la grande gueule qui répond toujours, face à moi se trouve une gamine terrorisée.

Une gamine que j'ai bien trop envie de serrer dans mes bras.

Elle s'est tournée super vivement, pourtant elle n'a plus bougé. Ses yeux sont posés sur mes mains, et c'est seulement quand je baisse les yeux à mon tour que je remarque le rouge. J'crois que c'est le sang qui la perturbe.

- Chat, je souffle.

Ses iris bleus remontent vers mon visage. Elle est trop belle.

Elle ne dit rien, pourtant dans ses yeux j'aperçois clairement sa supplication silencieuse.

Un simple signe de tête fait comprendre aux gars qu'on rentre, et la mannequin a mes côtés me suit silencieusement, ses bras serrés contre sa poitrine. Pendant le trajet de retour, je l'entend renifler par moment. Elle a les yeux posé sur la vitre et se gratte l'intérieur de la paume. Elle le fait souvent.

Je suis pas doué pour réconforter, mais je supporte plus de la voir coincé dans ce mutisme, alors je finis par poser ma main sur sa cuisse.

Elle sursaute. Elle sursaute tellement fort que ça me fait sursauter aussi.

- Désolée.

- C'est ok, je souffle en reposant ma main sur le volant.

Je l'entend renifler une nouvelle fois quand j'éteins le moteur de ma vago. Quand elle détache sa ceinture je la vois jeter un coup d'œil vers l'entrée de son immeuble. Elle est encore un peu flippée. Putain c'est fou ce qu'a l'instant même elle peut être aux antipodes de tout ce qu'elle m'a montré jusqu'ici.

- Tu veux que je reste?

Elle hoche la tête sans pour autant parler.

Quand j'allume la lumière du salon, la brune se stoppe au milieu du salon.

- Ça va? je demande.

Très fin Khemissa, t'es un bon.

Putain mais va falloir apprendre à se comporter comme un bonhomme solide et réconfortant, parce là on est quand même sur un loupé lamentable.

Pourtant la brune face à moi, qui ne semble avoir aucune idée du bordel monumentale se jouant dans mon cerveau, réduit le peu d'espace entre nous pour nouer ses bras dans mon dos et caler son visage dans mon cou. Immédiatement quelques larmes mouillent le col de mon pull.

Mon cœur...

Elle renifle beaucoup, et je crois qu'elle tremble un peu même, alors je la serre un peu plus fort contre moi.

- Tu devrais prendre une douche, je souffle.

Elle acquiesce et se détache de moi avant de se traîner comme un zombie vers le couloir. Mais elle s'arrête et se retourne.

- Ça te dérangerais de... Tu... Tu peux rester avec moi? elle bégaye.

Je l'ai jamais vu aussi faible et ça me tord les tripes. J'ai envie de la prendre dans mes bras et de lui dire que j'suis là, j'suis prêt à exploser les genoux de tout les connards qui l'approche.

- Je... Je veux pas être seule.

Pas besoin d'en dire plus, je la suis jusqu'à la salle de bain. Mes mains sont toujours couvertes de sang séché alors je les frotte comme un con.

Le miroir me permet de la voir de dos, abandonner ses vêtements au sol avant d'entrer dans la grande douche à l'italienne.

Putain la mate pas comme ça connard.

J'peux pas faire le vieux mec en chien.

J'inspire pour me calmer, mais putain qu'elle est belle. J'ai jamais vu une femme aussi belle qu'elle, même avec ce noir sur ses joues.

D'un mouvement je fais passer mon pull par dessus mes épaules et rapidement mon pantalon se retrouve à ses côtés.

Quand je rentre à mon tour dans la douche, la mannequin est dos à moi, entrain de se frotter désespérément la peau avec du savon. Putain si je pouvais couper les mains de ce connard.

L'eau ruisselle le long de ses cheveux et de son dos, et j'utilise tout mon sang froid pour ne pas sauter sur elle comme un gros dalleux. À la place, je la fais pivoter vers moi. Elle est tellement concentrée sur le fait de se frotter le ventre que des plaques rouges sont déjà apparus.

Elle est tellement perdue dans ses pensées que le fait qu'elle soit totalement nue et moi presque ne semble même pas lui effleurer l'esprit.

Putain penses pas avec ta bite Moh.

J'expire une nouvelle fois, avant d'attraper ses mains tremblantes. Elle relève le visage, et les traces noirs de son maquillage me rappelle instantanément pourquoi je suis là.

- Laisses moi faire, d'accord?

Après m'avoir fixée de longues minutes elle hoche la tête.

Doucement je prend le gant sur lequel elle s'acharnait quelques secondes auparavant, et avec le plus de calme et de tendresse possible je nettoie son ventre, ses jambes, ses épaules, son dos, ses hanches. Par moment je la sens sursauter un peu, mais elle ne fuit pas le contact. Et elle finit même par m'arracher le gant des mains pour venir se blottir contre moi.

L'eau nous ruisselle encore dessus, mais ça n'a pas l'air de la déranger. Elle reste juste là, contre moi. Avec moi.

Je pourrai la mater, putain je pourrai clairement me rincer l'œil, mais ses petits tremblements et la façon dont elle essaie de retenir ses pleurs me troue le cœur et me rappelle qu'un putain de fils de pute que j'aurai du achever à faillit la briser.

On reste comme ça très longtemps jusqu'à ce que je l'enveloppe dans une grande serviette.

Elle me regarde avec ses grands yeux bleus, elle est vraiment trop belle.

Puis soudain elle semble capter que mon seul sous vêtement est trempe puisqu'elle me regarde bizarrement.

- J'ai un sac avec des sapes dans ma gova, j'explique.

- Ok, j'vais aller te le chercher.

Elle disparait quelques minutes, qui me permette de me calmer, avant de réapparaître en pyjama, et mon sac dans les mains.

- Merci.

Elle hoche la tête et disparaît une nouvelle fois.

Putain Moh, mec, calme toi. On dirait un puceau.

*

Elle est allongée sur le dos, les yeux plaqués au plafond quand je la rejoins.

- T'as mangé un truc?

Melek relève la tête et m'indique un plat de pâte posé sur la table de chevet.

- C'est du réchauffé. Je t'ai pas attendu, mais je t'en ai laissé un peu.

- Merci.

Je m'installe au bout du lit et commence à engloutir l'assiette de pâte. Je vois un petit sourire se dessiner sur ses lèvres.

- Pourquoi tu souris? je demande.

- T'es beau, elle répond simplement.

On se fixe plusieurs secondes. Putain c'est cette sensation que ça fait?

À nouveau elle sourit en me voyant un peu beuguer, quelle peste.

- C'est marrant, tu te vantes dans tout tes sons mais un compliment te fous mal à l'aise, elle souffle toujours en souriant.

- Je suis pas mal à l'aise.

- Ah bon? elle demande, alors pourquoi t'as ta fourchette en l'air depuis deux minutes.

Je roule des yeux et part de la chambre de la brune pour déposer mon assiette dans le lave-vaisselle. Cette fille va me rendre barge. Sérieusement j'ai jamais été aussi attiré par une fille, et c'est loin d'être un truc purement physique. Elle a un truc.

Un vrai truc.

Les deux mains posées sur le rebord de l'évier, je fixe un petit post-it collé au mur. C'est un numéro et un prénom. Tristan.

Au même moment deux mains entourent ma taille et je sens Mel poser sa joue contre mon omoplate.

- Qu'est ce que tu fais? elle souffle contre moi.

- Rien, rien.

Je me retourne et son chignon au sommet du crâne et sa dégaine de gosse dans son gros sweat rouge me donnent affreusement envie de l'embrasser.

Mais je peux pas, pas ce soir en tout cas, je veux pas passer pour le gros forceur qui cherche à la choper à tout prix.

Faut que j'me retienne, je peux pas.

- T'es câline ce soir, je remarque alors pour penser à autre chose.

Elle acquiesce seulement avant de refondre dans mes bras.

C'est inhabituel ça. Mais j'vais pas m'en plaindre, j'aime bien l'avoir contre moi.

- Comment t'as su tout à l'heure? elle finit par demander.

C'est Jasmine qui a réussi à attraper son téléphone et à appeler. Au début Théo entendait rien, nos soirées c'est tout le temps le zoo, il a poussé une gueulante phénoménale pour qu'on ferme nos gueules. Et quand on a entendu ce mec parlait si salement des filles, spécialement de Mel, on a vrillé, y'en avait pas un pour rattraper l'autre. Même Hakim qui passe son temps à tacler ma mannequin a pété un plomb et s'est chauffé à mort.

- Jas' a téléphoné, on a vite capté qu'il y avait un truc pas net.

Elle hoche la tête en soupirant.

Un doigt contre son menton, je lui fais relever la tête. Elle est trop trop belle. Une de mes mains s'aventurent dans sa nuque alors que mon pouce caresse doucement ses lèvres.

J'vais pas réussir.

J'crois que je suis trop faible face à ces grands yeux bleus.

- Si tu savais comme je me sens toujours mieux quand t'es là, elle murmure en me fixant.

Et merde.

Toute façon c'était de la merde j'savais que j'arriverai jamais à me retenir. Elle est trop forte pour moi. Et ses lèvres sont bien trop douces pour ne pas être embrassées.

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