17. Brûle
Désolée pour l'attente, j'étais au Garorock ce week-end, je me suis dépêchée d'écrire ça ce matin, mais j'en suis pas spécialement satisfaite...
Melek Ozkan
Vous savez, dans la vie il existe des moments dont on sait que le souvenir ne nous quittera jamais, et c'est un de ces moments que je suis entrain de vivre.
Moh est assis sur une petite scène monté avec quelques planches un peu pété, il porte une chemise à fleur, typiquement hawaïenne, et tient dans ses mains un ukulélé. Il essaie d'enchaîner quelques notes mais les sons qui émanent de l'objet sonnent horriblement faux, pourtant il met tellement de passion et d'envie que ça en est agréable. Les locaux aussi semble apprécier le spectacle. Ils l'encouragent, certains chantent, les gosses dansent au pied de la petite estrade.
Et Moh sourit. Il me sourit et je crois comprendre à ce moment là quelque chose de très important.
C'est ça le bonheur.
C'est ces petites choses toutes simples. C'est ce rappeur adulé, assis à l'autre bout de la terre au milieu d'inconnu, à tenter quelques notes sur un instrument qu'il n'a jamais touché.
C'est ces gens heureux et souriant.
C'est moi qui ne me suis jamais sentie aussi bien qu'à ce moment précis.
- Regarde ce que j'ai chopé, s'exclame Moh en posant une couronne de fleur sur ma tête. Alors, tu me mets combien? il demande en s'installant à côté de moi.
- 3 pour l'effort.
- Sur 5 ou 10? il grimace.
Tellement innocent.
- Sur 20, je pouffe.
Il déglutit et commence à râler en disant que les gens ont bien aimé son petit numéro, et que je suis pas objective parce qu'apparemment je suis jalouse de son talent. J'ai faillit m'étouffer avec mon cocktail durant cette partie là.
- Et puis de toute façon t'es pas capable de reconnaître les bonnes choses, la preuve tu m'as pas reconnu quand on s'est rencontré, il ajoute.
Quand j'allais me jeter d'un putain de pont dans la Seine.
C'était il y a 3 mois, et en réalité peu de choses ont changé dans ma vie, je me sens toujours aussi triste, j'ai toujours aussi mal au coeur, ma famille est toujours merdique et Éric toujours un sale con, mais Moh atténue un peu ces petites douleurs.
Sauf que je peux pas me servir de lui comme un pansement, c'est injuste et égoïste.
Pourtant tout mon être me crie de me la jouer petite égoïste, et de saisir le réconfort là où il se trouve.
En l'occurrence avec lui.
- Eh ça va?
Je sursaute en tournant la tête vers lui. Atterrissage un peu brusque pour Melek. J'hoche la tête.
- Tu planes chat.
- On peut rentrer? Je dois me lever tôt demain.
Il acquiesce et on rejoint assez rapidement notre hôtel. J'en profite pour rapidement me glisser sous la douche. Le soleil il rigole pas ici.
Je reste un moment sous l'eau froide, comment on met son cerveau sur pause?
J'ai l'impression qu'un millier de pensées déboulent dans mon crâne, sans aucun pré avis. Et c'est quand je me laisse attraper par ces milliers de questions que je me perd.
- Mel?
- Ouais? je demande en frottant mes cheveux dans une serviette.
- Je peux entrer?
Je bloque quelques secondes, en me fixant dans le miroir.
Merde, ça fait deux jours qu'il te voit en maillot tous les jours, c'est quoi cette réaction nulle.
Je resserre la serviette autour de ma poitrine avant d'accepter.
Il est torse nu. Je sais pas trop combien de temps il passe à la muscu, mais je confirme, ça fait son effet.
- Faut qu'on parle d'un truc tout les deux, il commence.
- Ah bon, ça peut pas attendre que je sois habillée? je répond en serrant la serviette contre moi.
- Non. Tu crois que j'ai pas capté que ça allait pas? Tu m'as pas adressé un mot depuis qu'on est rentré, pourtant t'es pas une grande silencieuse à ce que je sache.
Je m'appuie contre la paroi de douche, derrière moi, les bras toujours croisés.
- Ça va, je suis juste fatiguée.
- Vraiment? il demande. T'es si prévisible Mel. Je voulais pas te forcer à en parler, parce que ça regarde que toi, mais là ça te fous mal et je supporte pas, alors on va en parler.
Il veut parler de nous? Enfin, est ce qu'on peut dire nous? Est ce qu'un baiser c'est suffisant pour créer un nous?
- Il faut qu'on parle du pont.
Quoi? Pause? Non. Pas possible.
- Non, je répond. Je parlerai pas de ça avec toi.
- Melek, il grogne.
- Non, c'est mort, on peut parler de beaucoup de trucs tout les deux mais pas de ça. T'as pas le droit de me demander un truc pareil.
Je traverse la salle de bain, mais il me barre le passage. C'est la première fois que j'ai envie de me retrouver loin de lui. Et c'est idiot, parce qu'il a tout les droits de me demander ce qui m'a poussé à faire ça. Mais c'est trop frais. Ou douloureux, je sais pas.
Et putain je déteste qu'on me voit comme une petite gamine flippé et instable.
- Arrête de fuir.
- Je fuis pas, je répond en me plantant devant lui.
On se fixe pendant plusieurs secondes. Je ne compte pas baisser les yeux, lui non plus.
- Dis moi ce qui se passe dans ta tête.
- Et toi? je répond.
Il a le visage étonnamment sérieux. Je l'ai jamais vraiment vu comme ça, même pas le soir de notre rencontre.
- Tu me fais péter les plombs, il lâche. Et je peux pas t'aider si tu m'ignores.
- J'ai pas besoin de ton aide. Si tu restes par charité tu peux te tirer, je me débrouille très bien seule.
Un sale rire lui secoue le torse.
- Tu crois vraiment que je suis là par charité?
Je ne répond rien.
J'ai le coeur qui pique.
- T'es tellement à côté de la plaque, il finit par lâcher.
Il a l'air si déçu.
Il tourne les talons et j'entend la porte claquer. Putain. Je suis un tel désastre. J'ai envie de lui courir après, mais y'a ce truc qui me retient. Tout me parait a double tranchant, un peu comme l'effet kiss cool.
Je me fais mal maintenant, ou je lui en ferai plus tard.
Pendant un long moment, je reste assise à même le sol. J'aimerai trouver des solutions à tout, lui parler un peu de moi, sans que ça me catapulte dans une spirale que je connais trop bien, j'aimerai être avec lui, lui dire que j'ai confiance, vraiment, mais j'ai peur des conséquences. Je crois qu'un peu tout me fait flipper.
Parce qu'avec lui tout me parait trop. Trop fort, trop important, trop vite.
Trop tout.
Et si j'ai peur de souffrir, j'ai encore plus peur de le faire souffrir.
Pourtant je finis par me perdre dans les grands couloirs de cet hôtel à la recherche d'une tête brune.
C'est assis sur le rebord d'une des piscines, les pieds dans l'eau, que je le retrouve.
- Je suis horrible, je souffle.
Il ne relève même pas la tête, alors je m'installe à sa droite. Je n'arrive pas à m'arrêter de gratter l'intérieur de ma main.
Je suis terrifiée par les vrais discussions.
- Je... Il... Oh merde, je déteste tellement ça, je souffle.
Je sais pas me livrer. J'ai l'impression de passer pour une idiote. Mais je me lance.
- Ma famille est dans les affaires, tu le sais. Mon père, c'est quelqu'un de très exigeant, et je me suis jamais réellement sentie à la hauteur. J'ai toujours été le vilain petit canard de la fratrie, j'ai toujours été en décalage avec mon frère et ma... Fin j'ai grandi dans un milieu qui m'a appris à ne pas faire confiance, à 16 ans j'étais seule dans un appart à l'autre bout du monde. Je suis une solitaire, et ça me va, je souffle.
Mes yeux sont bloqués sur les petits remous de l'eau.
- J'ai toujours préféré me tenir à l'écart des gens, le peu de relation que j'ai eu, qu'elles soient amicales, familiales ou amoureuses, se sont cassés la gueule si violemment que ça me fait flipper d'être aussi proche de toi.
Respire Mel, respire.
- J'ai vraiment peur d'un tas de trucs, et je préfère me tenir éloigné des gens. Mais toi t'es... T'es toi. Ce que j'ai dit c'était injuste. Je te fais confiance.
Et je lui fais même trop confiance, et il est peut être là le problème.
Je ne rajoute rien pendant plusieurs minutes. J'ai l'impression d'être paralysée. Je sais pas faire ce genre de truc.
- C'est pas le pont, c'est moi. Je suis complètement terrifiée par ce que tu me fais ressentir.
Ce coup ci son visage pivote vers moi et je sens mon coeur accélérer bien plus que de raison. J'ai l'impression que ses iris me brûle la peau.
Putain j'ai été si loin des autres que près de lui je brûle.
J'ai vécu tellement de temps sans sentiment que j'ai l'impression de tout me prendre en pleine face violemment. C'est un peu trop pour moi.
Et je donnerai beaucoup pour faire taire cette envie qui monte en moi de me jeter dans ses bras.
- T'es tellement belle, il finit par souffler.
Je relève la tête vers lui, les sourcils froncés.
Pourquoi il dit ça? Et pourquoi ça me fait ce truc dans le bide?
Gênée, je tourne la tête et fixe mon regard sur l'horizon. J'ai mal au ventre. Je crois que mes mains tremblent un peu même.
C'est la voix un peu tendue du rappeur qui me tire de ma torpeur, alors que sa main se fraie un chemin contre la mienne.
- Moi aussi ça me fait peur.
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