16. Swag de loup-garou
Melek Ozkan
Je ne sais pas comment on en est arrivé là, sur un coup de tête je crois, pourtant c'est l'une des meilleures décisions que j'ai prise récemment. Cette dernière semaine je n'ai pas cessé de me remémorer sa phrase « Tu veux pas m'amener avec toi à Hawaï? Ça me tente bien un peu de soleil ».
Et un soir, alors que j'attendais mon vol à l'aéroport de Londres-Heathrow, je lui ai envoyé un message.
« T'as toujours envie de soleil? Parce que je crois que j'aimerai bien t'y voir ».
Directement j'ai eu mal au bide, je crois que c'était un mélange de stress, et de peur de me prendre un ouragan monumental. Pourtant quelques minutes plus tard il m'a répondu.
« Je réserve mon billet ».
Ça m'a instantanément fait sourire. Et je suis montée dans mon avion le coeur un peu gonflé. Le très long trajet me semblait soudainement moins insupportable.
A l'hôtel, je me suis un peu installée, j'ai déballé quelques fringues, je me suis prise la tête avec Éric aussi qui fait parti du voyage. Il n'a que cette histoire de kilos à la bouche. Mais très rapidement j'ai pris un taxi dans l'autre sens, et je suis retournée à l'aéroport.
Et quand j'ai vu sa petite tête au milieu des centaines d'autres passagers je n'ai pas pu m'empêcher de sourire.
J'ai pas couru vers lui en lui sautant dans les bras, c'était trop cliché, mais j'aurai pu le faire. Parce que c'était un peu irréel qu'il soit là, à l'autre bout du monde, sur un coup de tête, pour moi.
Je lui ai seulement servi le plus grand sourire que je n'ai jamais fait.
- J'suis venu pour le soleil, crois pas que je viens de me taper 20h d'avion pour ta gueule hein.
Ça me suffit pour réduire les derniers mètres et me caler dans ses bras. Un petit rictus soulève son torse alors qu'il me serre à son tour contre lui.
- C'est cool que tu me l'ai proposé, fait trop gris sur Paname.
- Ravie de te faire prendre des couleurs.
- J'pourrais te dire que je viens pour me rincer l'œil, mais j'ai peur que ça te plaise pas trop, il se marre alors que je lui ai déjà pincé le dos. Aïe putain t'es vraiment pas reconnaissante!
- Et toi t'es un gros goujat.
Il me fait un grand sourire avant de jeter un coup d'œil derrière moi.
- Y'a des mecs qui prennent des photos, il grogne.
J'aime pas ça, mais j'ai l'habitude. Et puis je doute qu'ici, à part d'éventuelles touristes francophone, quelqu'un reconnaisse Moh. Ça sera des photos perdus dans la masse des réseaux sociaux.
- Viens on s'tire, j'ai plein de truc à te montrer.
- Maintenant? J'suis claquée par le vol, tu veux pas juste aller dormir? il grogne alors que je le tire vers la sortie.
- Tu dormiras demain pendant que je shoot promis. Allez arrête de râler, tu vas voir c'est fou.
Il me suit un peu réticent, il a vraiment l'air explosé par le trajet. Ça me faisait ça au début, puis je pense que mon corps s'est habitué à ce rythme de vie. Je ne m'endors jamais deux semaines d'affilée sur le même continent.
Dans le taxi, j'arrête pas de le regarder.
Je crois que je déteste l'apprécier, parce que je sais qu'au final, dans cette histoire, l'un de nous va y laisser des plumes. Pourtant j'arrive pas à faire sans lui. Il a pris une place si importante dans ma vie que ça pourrait en être écoeurant.
Il est trop bien.
- Sid.
Un raclement de gorge me répond alors qu'il a les yeux tourné vers le paysage qui s'offre à nous.
- Tu veux que je te réserve une chambre? J'ai rien fait parce que je savais pas trop ce que tu préférais.
Ça serait peut être mieux qu'on soit dans deux chambres séparés non?
- Tu préfères quoi? il demande en se tournant vers moi.
Moi?
Oh merde.
J'crois que je le veux lui.
Il me regarde plusieurs secondes hésiter, et me perdre dans mes pensées. Sa main qui se glisse doucement contre la mienne me ramène sur terre. Sur terre avec lui.
- Si tu bouges j'te fous dans la salle de bain compris?
Et il me sourit comme un con. Ah ce sourire.
Je charge un employé de déposer la valise du rappeur dans ma chambre avant de le tirer par la main.
Je suis déjà venue plusieurs fois à Hawaï, et tout le temps dans cet hôtel là, alors je connais quelques petits coins sympas aux alentours. Ça m'est déjà arrivé plusieurs fois de disparaître pour la nuit et de traîner dehors. Ça fait enrager Éric, du coup moi ça me fait plaisir.
Il fait déjà noir quand on arrive au bord de grandes falaises sur lesquelles s'abattent les vagues. Je laisse le rappeur se délecter du spectacle.
Ça me donne toujours des frissons.
- La vie d'ma daronne que si j'pars sans avoir surfé j'suis un gros shlag, il lâche après plusieurs minutes.
- Tu sais surfer toi?
Il se tourne vers moi en haussant un sourcil.
- Tu me sous estime tellement chérie c'est incroyable.
C'est une embardée que mon coeur vient de faire là?
Respire Mel, respire. C'est rien du tout.
- Si t'avais connaissance du dixième à peine de l'ensemble de mes talents tu serais complètement dingue de moi.
L'ego des rappeurs, phénomène assez incroyable.
- J'vais te péter tes grosses chevilles Moh.
Et il me sourit. Et je lui souris. Et on reste là pendant un long moment, à regarder les vagues se briser contre la roche.
- J'croyais que t'allais jamais me demander, il lâche soudainement.
- Te demander quoi?
- De venir avec toi.
Je lâche la brindille avec laquelle je jouais pour le regarder. Il a l'air un peu paumé dans ses pensées, ça lui ressemble pas vraiment.
J'aimerai bien être dans sa tête pour savoir ce qui s'y joue.
Je sais pas trop quoi dire, j'aimerai lui dire plein de choses, mais en même temps j'arrive pas vraiment à mettre de mots dessus. C'est un peu le bazar.
- Tu sais, je le vois bien que quelque chose te rends triste. J'aimerai pouvoir t'aider.
- Je suis pas triste quand t'es là, je souffle.
Un sourire triste transperce son visage.
- Mais je serai peut être pas toujours là chat, tu dois pas rendre ton bonheur dépendant d'une seule personne.
- Qu'est ce que ça veut dire? je demande en fronçant les sourcils.
- Bah les gens et les relations sont pas éternels. Tu vois, peut être qu'un jour je devrai partir, ou peut être que ça sera toi, peut être que ça sera même contre nos volontés, mais le délire c'est que tu peux pas dépendre d'une seule personne. Tu devrais même pas dépendre de quiconque, t'es tellement forte.
Il dit ça en replaçant une mèche derrière mon oreille.
- Vis pour toi Melek, et seulement pour toi.
J'ai jamais vécu pour moi. Tout ce que j'ai toujours fait à été un moyen d'impressionner, de rendre fière, parfois de faire enrager, mais je crois que je n'ai jamais rien fait pour moi.
Jamais avant Moh.
Parce que derrière lui il y a aucun contrat, aucun ordre, pas d'intérêt monétaire, rien.
Y'a juste mon coeur qui bat toujours un peu trop vite pour ce rappeur trop sûr de lui.
*
J'ai du partir tôt ce matin, Éric ne s'est pas gêné de toquer comme un enculé à la porte, mais par je ne sais quel miracle Moh ne s'est pas réveillé. Il est tombé comme une mouche quand on est rentré, il rigolait pas, il était vraiment claqué.
J'ai shooté une bonne partie de la collection toute la journée, c'est assez pénible sous cette chaleur, mais tout le monde a beaucoup travaillé sur ce projet alors je peux pas me la jouer petite diva insupportable.
J'ai du boire je ne sais combien de litres d'eau, j'ai l'impression de dessécher.
Je suis d'ailleurs entrain de vider une énième bouteille qu'Eric m'a filé, pour une fois qu'il est utile, quand j'aperçois Sid assis un peu plus loin.
Je m'assure d'avoir bien fini avant de le rejoindre.
- T'es parti tôt ce matin, il lance.
- Je suis pas en vacance moi.
Un petit sourire illumine son visage.
- Tu crois que c'est des vacances de devoir te supporter?
- Petit con, je grogne en lui donnant un coup d'épaule. Allez bouge toi, j'ai rêvé de la piscine toute la journée.
Quand je finis par plonger dans cette même piscine, j'ai l'impression d'enfin être bien. La chaleur a été écrasante toute la journée.
- Bon tu viens? je demande à l'idiot de rappeur qui est concentré sur son téléphone.
- Calmos le tigre, je poste un truc.
- Allez mon petit bébé au swag de loup garou, bouge ton cul, elle est vraiment trop bonne tu vas voir.
Ma référence à l'un de ses anciens post Instagram le fait marrer. En même temps il avait une sacrée cabine marmot.
- Je savais que j'étais pas le seul à stalker.
- Je stalke pas, je m'informe c'est différent. Qu'est ce que tu fais? Putain non saute p...
Trop tard, avec toute la délicatesse qui le caractérise, il vient littéralement de me sauter dessus. Et moi je viens de boire une énorme tasse.
Je remonte à la surface en toussant.
- Putain je te déteste, je vais t'éclater.
- T'y arriveras pas, il se marre avant de me faire basculer une nouvelle fois sous l'eau.
Mais qui m'a foutu un mec pareil dans les pattes sérieux?
- J'vais te bu...
Ce coup ci je n'ai même pas le temps de finir ma menace que j'ai à nouveau la tête sous l'eau. Je vais le tuer.
- Putain arrête, je grogne en me cramponnant contre lui. T'es vraiment une plaie Khemissa.
J'ai mes jambes serré autour de sa taille et les bras derrière sa nuque. La soudaine proximité doit probablement me faire rougir, je sens mes joues chauffer. Je suis tentée de l'embrasser, une nouvelle fois, mais ma conscience me dit que ce coup ci je n'arriverai pas à m'arrêter. Alors après l'avoir fixé longuement, mon visage a quelques centimètres du sien, je descend de ses bras.
- T'es un insupportable gosse, tu le sais ça? je demande en sortant dans la piscine. J'ai bu l'équivalent de la mer morte à cause de toi.
J'entends vaguement ses explications, trop concentrée sur un post Instagram qui vient de s'afficher sur mon iPhone.
Aimé par jas_toledo, deenburbigo et 18 071 autres personnes.
sneazzysneazzy wallah j'rentre plus jamais à paname.
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