15. Bonhomme

Melek Ozkan

Un gros sweat sur les épaules, un vieux jogging et une paire de converse un peu détruite au pied, je regarde silencieusement Ali jouer dans le parc.

Samir m'a proposé de le garder cette après-midi, et j'ai pas pu refuser.

C'est mon neveu après tout, il est temps que je sois la tatie qu'il mérite. Puis j'avais rien à faire cette après-midi de toute façon.

Je me suis prise la tête avec Éric. Il est passé hier à l'appartement pour la pesée. Je lui ai dit d'aller se faire foutre, et que je comptais pas perdre plus. Ça a fait pas mal d'étincelle. Il m'a traité de tout les noms et je lui ai bien rendu. Puis au final il s'est barré en me maudissant.

Rien à foutre. Sans moi il est sur la paille, alors c'est moi qui décide maintenant.

Ça m'importe pas plus que ça. J'ai l'image de Sid qui me revient en tête, et dans un sens je crois que j'ai pas envie de le décevoir.

Je ne l'ai pas vu ces trois derniers jours, il est parti faire quelques concerts dans le sud. Ça m'a permis d'un peu réfléchir à tout ce qui se passe en ce moment. Je vais pas mentir, je suis un peu paumée, je sais pas vraiment ce que je ressens, mais ça me fait un peu peur.

- Titi, main sale.

Ali me sort de mes rêveries, les mains tendus vers moi. Il a opté pour titi au lieu de tatie, et je trouve ça horriblement niais.

- Viens là bonhomme, je dis en frottant ses petites mains. Voilà, t'es tout propre.

- Ali tout prope, il répète.

- Propre mon coeur, je corrige.

Il hausse les épaules avec son air de gosse fatigué qu'on le corrige, et repars en courant vers deux autres momes. Il va avoir un caractère sympathique celui là à l'adolescence.

Il essaie de parler à une petite blondinette qui n'en a rien faire et part sans même lui adresser un mot. Il se retourne vers moi, la bouche à moitié ouverte et je lui fais un petit signe du pouce en l'encourageant à retenter.

Ouais je suis une tatie indigne. J'apprend ok.

- Salut.

Je me retourne vers une femme avec une poussette. Rapidement son visage me revient en tête, elle était là au stade. C'est la femme de Théo il me semble.

- Salut, Jasmine c'est ça?

Je prie intérieurement pour ne pas me planter.

Elle sourit et s'installe à côté de moi. Elle est vraiment très jolie.

- Je me promenais avec Juliette et je t'ai vu, je ne savais pas que tu avais un petit, elle me dit en portant un sourire adorable vers Ali.

- Oh non non. C'est pas mon... Fin c'est mon neveux, Ali.

- Oh d'accord, elle répond. Il est vraiment très beau.

- C'est déjà un tombeur, je répond en souriant. Mais il a encore besoin d'un peu d'entraînement, j'ajoute en le voyant courir derrière la petite blonde.

Elle rit en berçant sa fille contre elle. Alors c'est elle la fameuse Juju. Elle doit avoir 5 mois je pense, fin je sais pas trop, je suis pas trop calé en matière de gosse.

- Vous êtes parties vite avec Moh la dernière fois, elle tente.

- Oh ouais. J'avais un truc de prévu tôt le lendemain.

Aucune envie de m'étaler sur ce qui s'est passé.

- Ça doit être compliqué de vous voir avec vos emplois du temps respectifs j'imagine.

Elle croit qu'on est ensemble?

Face à mon visage un peu paumé elle reprend.

- Je sais que vous n'êtes pas ensemble, mais t'es la première fille qu'il nous présente depuis longtemps. Il a un peu morflé avec les femmes alors c'est agréable de savoir qu'il t'a toi et que vous vous entendez bien. Tu sais Moh il a l'air avenant et tout quand tu le connais, mais il sélectionne pas mal ces relations, et il prend du temps à s'ouvrir. Il se cache pas mal derrière des blagues et des conneries. Alors on est tous content qu'il traine avec toi, il a l'air heureux ces derniers temps.

Le visage d'Hakim me revient en pleine tête. Lui il est pas très content.

- Et pour Hakim, il te teste juste, il s'en veut par rapport à tout ce qui s'est passé avec Vic et Fram.

Mais elle est extralucide cette fille?

- Par rapport à sa maladie? je demande.

Elle a l'air surprise que j'aborde le sujet.

- Moh t'en as parlé? En faite il s'est pas du tout méfié de Vic, je crois qu'il l'aimait bien, mais quand il a capté qu'elle cachait des choses à Idriss, en l'occurrence sa maladie, il a vrillé. Il cherche juste à protéger ses frères. Ça le rend un peu imbuvable mais c'est pas une mauvaise personne, c'est même le plus loyal de tous.

- Ça explique pas mal de chose, je souffle.

- D'après ce que j'ai entendu il a été dur à la soirée de Deen, ne le prend pas personnellement, il est très con quand il se borne sur un truc.

- Ouais j'ai vu, je répond avec un sourire forcé.

Elle me fait un sourire compatissant alors qu'Ali revient vers moi et cherche sans préambule à s'installer sur mes genoux. Je le soulève et le pose contre moi et instantanément il se cale contre ma poitrine.

- Titi suis fatigué moi.

- On va rentrer bonhomme, papa ne va pas tarder à rentrer.

Il acquiesce et instantanément se relève.

Mon œil qu'il est fatigué.

J'hisse à nouveau ma capuche sur ma tête, simple précaution, et attrape la petite main d'Ali qui s'impatiente un peu.

- Ça m'a fait plaisir de te croiser, je tente, j'espère qu'on se reverra bientôt.

- Moi aussi. Attends tu devrais me donner ton numéro de téléphone, ça sera toujours plus pratique que de passer par ce grand couillon de Moh.

C'est quelque chose que j'évite en général, mais cette fille n'a en aucun cas l'air d'une menace. Puis je dois faire des efforts, et ça inclut entrer dans le monde de Sid. Et donc connaître ses amis.

Sur le chemin du retour je reçois un message de Moh, comme quoi quand on parle du loup. Il me demande si il peut passer. Je lui répond par l'affirmative, en ajoutant bien sûr une petite pique du genre qu'il est vraiment accro.

Ali traîne un peu au bout de quelques minutes alors je le prend dans mes bras.

- Pouh tu pèses ton poids mon grand, je lache en poussant la grande porte de mon immeuble.

- Veut dire quoi? il demande en tirant une mèche qui échappe à ma capuche.

- Ça veut dire que papa et maman ils font bien à manger, je répond en appuyant sur le bouton du 5e étages.

- Bof. Papa il fait pas trop bien à manger. Maman elle râle toujours.

Tu m'étonnes, si il est aussi bon cuisinier que moi alors il vaut mieux commander deliveroo.

Quand je finis par sortir de l'ascenseur, j'aperçois Moh, déjà là, appuyé contre ma porte.

Il a l'air crevé.

Je vois son visage se froncer quand il aperçoit mon neveu dans mes bras.

- Bah tu m'as pondu un gosse dans la nuit ou quoi?

- Un truc comme ça, je répond en pouffant. Moh je te présente Ali, mon neveu. Ali, bonhomme, ça c'est Moh, tu lui fais un bisou?

Le petit garçon toujours dans mes bras se penchent vers Moh pour lui faire un bisou sur la joue gauche avant de s'arrêter à quelques centimètres de son visage et le fixer.

- T'es chéri de Titi? Papa y dit Titi a plus chéri et elle est triste.

Pourquoi les momes ça parle autant?

- C'est pas mon chéri, Ali. Moh c'est mon ami, comme tes copines à l'école, j'explique.

- Mais mes copines c'est mes chéries, il répond.

Ça y est Moh se marre.

- Et t'en as combien de chérie, petit? demande le rappeur en entrant dans l'appartement.

Mon neveu regarde ses doigts, semble compter approximativement avant de nous montrer ses deux mains.

- Quel charo se petit, il me souffle alors que je le pose par terre. C'est bien bonhomme, t'as tout compris.

Je roule des yeux, cette remarque ne m'étonne même pas.

- Elles font quoi tes valises là? il demande en plissant les yeux.

La bordélique que je suis à laissée traîner deux grosses valises au milieu du couloir. Je déteste les préparer, pourtant je les fais plus que ce que je fais le ménage.

- J'pars les trois semaines prochaines, je répond en mettant Les mystérieuses cité d'or à Ali sur le grand écran.

- Ah ouais? Tu t'casses où encore?

- Première semaine Londres pour la fashion week, après 4 jours à Hawaï pour une campagne de maillot de bain, et le reste à New-York pour quelques rendez vous.

- Lourd, il répond en s'installant à côté d'Ali. Tu veux pas m'amener avec toi à Hawaï? Ça me tente bien un peu de soleil.

- T'as pas un album à finir? je répond en m'installant de l'autre côté d'Ali.

Un grand sourire traverse son visage.

- J'ai enregistré le dernier son hier soir.

- Tu me le fais écouter? je tente.

- Toujours pas, t'auras la surprise.

- T'es vraiment un putain de vieux mec, je souffle.

Ali relève la tête vers moi et instantanément je sais que j'aurai du la fermer.

- Maman elle dit que faut pas dire putain, c'est un vilain mot. Mais toi tu le dis, c'est plus un vilain mot alors?

Ça y est Moh se marre encore. Putain c'est pas un mais deux gosses que je garde là.

- Si c'est un vilain mot, et il faut pas le dire, mais des fois, y'a des personnes tellement désespérante que ça sort tout seul.

- Moh il est déspérante?

Presque bonhomme, presque.

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