12. Mal maîtrisé

Melek Ozkan

- Non ça va pas du tout là, t'as vu tes hanches un peu? Tu rentreras jamais dans rien comme ça! Putain mais c'est fou, combien de fois je t'ai répété de faire attention?

Éric fait les cents pas dans mon salon, moi je l'écoute même plus, c'est toujours la même chose à l'approche des défilés.

- Je veux plus te voir grignoter, tu passes au régime sec. Je vais te caler quelques heures de muscu.

Ma manucure me semble mille fois plus intéressante que la tonne de connerie qu'il peut débiter à la minute.

Il me fait un de ces mal de tête.

- Tu commences à m'énerver à toujours planer comme ça!

- T'as fini? je demande en relevant la tête.

- Non.

Ça m'aurait étonné tiens.

- Il faut que tu me perdes au moins 5kg avant Londres.

- C'est dans 6 jours Éric, je répond, je peux pas perdre autant.

- J'en ai rien à faire, tu te débrouilles comme tu peux, tu te tues au sport, tu manges plus, tu prends des médocs, j'en sais rien mais tu me perds ces kilos, tu seras jamais sur les podiums de la prochaine saison si tu cartonnes pas là.

- C'est n'importe quoi, j'ai pas bougé de poids depuis la dernière, et ça s'est très bien passé.

Un sale rire le secoue alors qu'il enfile sa veste.

- T'avais l'air énorme comparé aux autres Melek, rien que t'es bras peuvent en témoigner, il répond. Tu me perds ces kilos avant lundi, point final.

Je le déteste. Je le déteste putain.

- Connard, je grogne.

Il a déjà claqué la porte d'entrée. Putain que je rêve de l'étriper.

Je laisse tomber ma tête en arrière, lessivé par les deux derniers jours à Madrid et le comportement abusif et insupportable d'Eric. Quand je pars en déplacement il ne me lâche pas d'une semelle, et c'est éreintant.

Quelques coups à la porte interrompent mes pensées, je me lève, bien décider à dire à Éric ce que je pense de lui.

- Putain Éric j'te jure que je vais t'écla... Sid? Merde, désolée je pensais que c'était...

- Éric? Ouais j'ai entendu, il répond avec un petit sourire. Je l'ai croisé dans l'ascenseur. Il a vraiment une tête de con.

- M'en parle pas, je souffle en le laissant entrer.

Il porte un survêtement comme d'habitude et a encore sa capuche sur la tête.

- Qu'est ce que tu fais là?

- Cache ta joie, il répond.

Un roulement de yeux plus tard, le rappeur a la tête dans mon frigo, à la recherche du moindre truc comestible.

- Putain mais t'as vraiment rien à graille chat!

- J'ai pas eu le temps de faire les courses, je suis arrivée y'a une heure, je m'attendais pas a avoir un estomac sur patte si vite dans le salon.

- Rappelles moi de pas compter sur toi pour me nourrir la prochaine fois, t'es vraiment pas utile comme meuf.

J'hausse un sourcil face à son cinéma, il a sérieusement traversé tout Paris en croyant que j'allais le faire manger?

J'ai déjà du mal à gérer ma vie, alors faut pas compter sur moi pour celle des autres.

- Bon c'est pas grave, on s'arrêtera graille un truc en partant, il finit par dire après avoir méticuleusement fouiller mes placards. Va enfiler un jogging, ils nous attendent.

Il me parle de quoi là?

- Ils?

- Bah les gars, il répond. Allez bouge toi Mel, tu traines là.

Est ce que j'ai loupé une information importante? Non parce que là mon cerveau ne fait pas les connections nécessaire je crois.

- Action, il râle en tapant des mains.

Et c'est comme ça, que je me retrouve dans sa voiture, à presque 20h, un jogging et un gros sweat sur les épaules, sans savoir où je vais. Il monte le son du poste radio, un son de rap US résonne dans l'habitacle de la BM.

- On va où? je demande pour la énième fois.

- T'avais qu'à m'écouter le week-end dernier quand je te l'ai dit, maintenant t'attends.

- Je te déteste, je grogne.

Un petit rictus lui secoue le corps, alors que je garde les yeux rivés sur la route et les bras croisés sur la poitrine.

- Tu m'aimes.

- Non je te déteste.

- Si tu m'aimes, il répond.

Je finis par tourner la tête vers lui et le sourire narquois qui trône sur son visage finit par me faire sourire à mon tour. Il est trop fort.

Il se reconcentre sur la route, mais moi je garde mes yeux sur lui.

C'est mal d'autant estimer une personne après si peu de temps?

Quand il finit par couper le moteur, nous sommes sur le parking d'un petit stade de quartier, éclairé par quelques projecteurs encore allumés.

Ce n'est qu'en sortant de la voiture que je remarque les garçons déjà au milieu du terrain, balle au pied.

- Sérieux? je demande sans cacher mon sourire.

Il acquiesce.

Rapidement on rejoint ses potes, dont le nom de certains m'échappe encore. Victoria est là aussi, assise sur un banc avec Louna et une troisième que je n'ai jamais vu, une belle métisse.

- Vous avez fait quoi de ma Juju? demande Sid.

- C'est pas ta Juju c'est la mienne, répond Deen en le saluant. Et t'es en plutôt bonne compagnie je trouve tu vas pas toute les piquer.

- Naaaah personne égale Juju, surtout pas ce truc, il lance en me regardant avec un sourire en coin.

Bien entendu il hérite d'un bon coup dans le bras et de quelques vannes de ses potes.

- Voila j'le disais, personne égale Juju, elle au moins elle me tape pas, il se plaint.

- Parce qu'elle est trop petite, répond Théo, sinon avec ta tête de con t'aurais aucune chance. Maintenant soit gentil et fous tes crampons au lieu de bader sur ma fille.

- Zéro reconnaissance pour le baby-sitting, râle Moh en en ajoutant des tonnes.

Il est pas marseillais sur les bords lui un peu?

Les mains enfoncés dans mon sweat, je regarde toute la petite bande se chambrer, sans vraiment trop savoir quoi faire. J'aimerai rester collé à Sid, mais ça serait un peu suspect non?

Je suis vraiment une handicapé de la sociabilité c'est effarant.

- Bon on s'le fait ce match ou merde? demande Idriss en attrapant le ballon. Tu joues Melek?

- Oh que oui elle joue, répond Sid à ma place. Vous êtes pas prêt pour le sale qu'elle va vous faire.

Toujours plus. Il est vraiment dans l'excès c'est incroyable .

- J'te prends avec moi alors, Ken et Louna c'est trop des bras cassés, j'veux pas une équipe de vaincu moi, lance Idriss en me tendant un chasuble orange.

Je suis vraiment obligé de mettre ce truc? Non parce que j'ai le souvenir de ces vieux trucs puants quand on faisait handball au collège.

Et même, comment ils ont ça eux?

- Je faisais du foot ici quand j'étais tipeu, le gérant c'est un ami de la famille, m'explique Moh en enfilant le sien, jaune. Du coup on a les clés du local.

- T'as du passé beaucoup de temps ici alors, je souffle en imaginant un mini Moh courant partout.

- Tous mes mercredi après-midi et les weekends. J'ai même chopé ma première meuf derrière les gradins.

- Charmant, je pouffe en attachant mes cheveux.

Il me fait un clin d'œil qui me fait marrer. Il est trop fort.

- Eh Mel sympathise pas avec l'ennemi, il va te corrompre cet enfoiré de Sneazz! cri Idriss de l'autre côté du terrain, soutenu par le reste de l'équipe composé de Ken, Louna, Alpha, Doums, Hugz et Théo.

Un petit rire secoue mes épaules et je marche à reculons en narguant Sid.

- Prêt pour ta deuxième raclée?

- Sale peste.

Un rapide débrief de l'équipe orange permet d'établir notre positionnement. Doums décide d'aller au cage, de mon côté je me place en milieu de terrain avec Ken, Hugz et Théo, tandis que Louna et Alpha assure la défense et Idriss l'attaque.

Après une petite dispute entre les frères Akrour  concernant l'arbitrage, le match démarre. Et très rapidement les gars n'ont aucun problème à venir au contact et ça me plait bien.

Le plus drôle c'est Doums qui hurle sur tout le monde depuis ses cages, c'est un sketch, et je passe plus de temps à me marrer qu'à courir derrière le ballon.

- Mais cours Framaaaaaal! C'est ta touffe qui te ralentis ou quoi? Oh eh putain Ken on est pas dans Barbie rentre dans le tas. Ah ouais t'es chaud frère! Lounaaaaaa mais qu'est ce tu fous, putain mais les buts ils sont de l'autre côté!

Un de ses regards désapprobateur me dissuade de continuer à me marrer dans mon coin, alors je me remet un peu dans l'action. Et quand Sid arrive, vers moi, balle au pied, je prend un malin plaisir à lui subtiliser le ballon, et repartir dans le sens inverse. Une passe vers Théo plus tard, l'équipe célèbre le deuxième but.

Quand je redescend pour me positionner, Moh tape volontairement dans mon épaule.

- J'te laisse juste un peu d'avance chat.

- C'est ce qu'on va voir, je répond en le narguant.

Et il ne mentait pas, puisque quelques secondes après il marque l'égalisation, et en profite pour bien se vanter au passage.

Il s'en tirera pas comme ça.

Rapidement le jeu reprend, et je suis obligée de vite descendre en défense, face à une attaque bien motivé des jaunes. Quand Moh se retrouve presque face à moi, balle au pied, je tente de lui subtiliser le ballon, mais dans un tacle pas vraiment contrôlé on finit tout les deux au sol.

Lui sur moi.

Moi sous lui.

Sur le coup, ma respiration se coupe, peut être sous l'effet du choc, ou tout simplement parce que c'est lui.

Je crois que mon coeur s'emballe un peu quand il pose sa main juste à la droite de ma tête. On se fixe plusieurs secondes et un sourire finit par éclairer son visage. Il a un beau sourire.

Sa tête a quelques centimètres de moi, et son souffle contre mon visage me serre les entrailles.

D'un coup de main il fait passer une mèche rebelle derrière mon oreille, avant de se mordre la lèvre.

- Ça va ta tête?

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