10. Les darons
Melek Ozkan
La tête posée sur le ventre de Sid, je regarde le plafond sans réellement réussir à en détourner les yeux. Il a placardé sur tout l'espace libre des affiches de films, pour la plupart des grands classiques du cinéma, comme La ligne verte, Le parrain, Forrest Gump ou encore certains des Stars Wars. Il y a quelques posters de séries, Game of Throne dans un coin, et Breaking Bad aussi.
Les bras derrière la tête, il se contente de faire comme moi silencieusement. On est dans cette position depuis presque une heure. Ce qui fait qu'il doit être 4h bien tassé.
À y réfléchir, ça fait un moment qu'il n'a pas bougé, il s'est peut être endormi.
- Sid? je tente.
Un grognement s'élève du torse du rappeur.
- Ça te déranges pas si je dors avec toi?
- Je comptais pas t'envoyer sur le canapé, mais si tu bouges trop j'aurai aucun scrupule à te foutre par terre.
- Charmant, je souris en me relevant sur les coudes.
Ses cheveux ont pas mal poussé depuis notre rencontre, ils sont toujours court bien entendu mais on peut y voir des début de boucle.
Je me retourne sur le ventre et pose mon menton sur son torse.
- Tu sais qui est mon père? je finis par demander après l'avoir longuement fixé.
- Ouais, il répond simplement, j'ai directement fait la connexion.
J'acquiesce. Mon père, c'est un requin dans les affaires. Il est connu pour ça. Je sais pas vraiment si c'est une qualité ou un défaut. Plus jeune j'aurai été tenté de dire une qualité, mais plus je vieillis plus certaine de ses manières de faire m'irritent.
Il ne voit plus rien à part l'argent, et il en a plus vraiment grand chose à faire des petits employer qui triment comment des fous pour nourrir leur famille.
- Je déteste être assimilée à lui, je murmure, pourtant quand j'étais gamine c'était mon héros.
C'était mon héros jusqu'a ce que je comprenne que je ne serai jamais à la hauteur. Ça a été violent à réaliser pour une adolescente en soif de reconnaissance de son paternel.
- Les darons, il grogne, c'est vraiment un délire.
La joue maintenant posé contre son torse, je le laisse continuer.
- C'est juste ma mère, ma sœur et moi.
- Tu le connais pas? je demande alors qu'il glisse une main dans mes cheveux.
- Si en coup de vent, je l'ai pas vu depuis des années. Il s'est barré quand ma sœur est née, j'avais trois ans je crois.
- Ça à dû être dure, je murmure.
- On ressent pas le manque de quelque chose qu'on n'a jamais eu.
Cette simple phrase me rend infiniment plus triste que ce qu'aurait pu provoquer des larmes ou je ne sais quelle manifestation de tristesse.
Je suis pas d'une grande empathie mais pour le coup ça me pique un peu le cœur de savoir qu'il n'a jamais eu de figure paternelle.
Il passe sa grande main dans mes cheveux en inspirant, son torse se soulève légèrement au passage.
- On est pas nos darons heureusement.
- Heureusement, je murmure.
Sa peau chaude et douce contre ma joue me berce. Lentement je laisse mes paupières se fermer.
Finalement, c'est pas si désagréable.
*
Mon objectif grasse mâtiné a tourné court quand je me suis faites réveiller par un invité indésirable.
J'étais entrain de passer une des meilleures nuit depuis longtemps quand un mouvement a ma gauche m'a réveillé. Je pensais que c'était Sid qui bougeait simplement, alors je l'ai ignoré et j'ai prié pour retourner direct dans mon rêve. Mais un petit bruit et une pression soudaine sur mon ventre m'ont vite fait comprendre que ce n'était pas le rappeur.
Et c'est en ouvrant difficilement les yeux que j'ai fait la rencontre en tête à tête d'un petit chaton.
- Mais d'où tu sors toi? je murmure en caressant le petit animal.
Pour réponse un petit ronronnement.
- Me dit pas que t'es à l'autre idiot, je pouffe en me relevant doucement pour éviter de réveiller le rappeur, t'es beaucoup trop mignon pour une sale tête comme lui.
Le chaton dans les bras, j'entre dans la cuisine à la recherche d'un bol et d'un peu de lait. Quelques secondes plus tard, je regarde le petit chat se délecter de son petit dej.
Je pose mon menton sur mes deux mains jointes et le regarde en souriant.
Autant j'aime pas trop les humains, autant les chats ont tout mon coeur.
- Comment tu peux bien t'appeler? je murmure en caressant sa petite tête.
- Garfield.
Je me retourne en sursautant vers Sid qui vient d'entrer dans la cuisine, toujours torse nu, les yeux à moitié clos.
Il se frotte le crâne avant de fouiller dans ses placards.
- T'as vraiment appelé ton chat Garfield? je ris.
- Bah ouais carrément!
- Mais il est même pas roux c'est pas logique.
Le rappeur se retourne vers moi en haussant un sourcil.
- Et alors tu t'appelles bien Melek, ange en arabe et pourtant t'es le sheitan doublé d'une peste quand tu t'y mets.
Victoire par KO, Sid vient juste de me laminer.
- Il est vraiment trop méchant ton maître, je râle en m'adressant à l'animal.
Pour réponse le chaton lève la tête du bol et court vers Sid pour se blottir contre lui à la recherche de caresse.
- Ah les hommes, je m'exclame faussement offusqué.
Rapidement on se retrouve tout les deux, ou plutôt tout les trois du coup, sur le canapé, à regarder Netflix.
Le chaton posé sur le ventre et la tête sur les cuisses du rappeur, j'ai le cerveau qui bouillonne. Des fois j'aimerai bien trouver le bouton off, histoire de pouvoir juste apprécier le moment.
Les pouces de Moh font de petit mouvement circulaire conte mon cuir chevelu. C'est agréable.
- Il se passe quoi dans ta petite tête?
- Et toi? je demande.
Je lève les yeux vers lui et le voit froncer les sourcils.
- T'as l'air aussi paumé que moi, t'es ailleurs depuis qu'on s'est levé.
Un petit sourire déforme son visage alors qu'il retire sa main de mes cheveux pour se frotter le visage.
- Allez crache le morceau.
Il me fixe avec un air amusé.
- Moh.
Ce coup-ci il écarquille les yeux et fasse à mon incompréhension il reprend.
- C'est la première fois que tu m'appelles comme ça.
- Bah c'est ton prénom non? Arrête avec tes yeux de poisson là, j'ai l'impression d'avoir dit une connerie. Puis arrête de détourner le sujet là.
- Calmos le tigre, il répond avec un petit sourire.
Je roule des yeux avant de le fixer, histoire qu'il comprenne que c'est le moment de parler. Il ouvre la bouche puis la referme. Et l'ouvre à nouveau.
- Élite m'a dit ce qu'il s'est passé avec Mekra ce matin.
Oh.
Je ferme les yeux quelques secondes, réfléchissent à ce que je peux bien dire. Son pote est un con, aucun doute sur ça, mais je suis pas une adepte du changement non plus, alors en soit je crois pouvoir comprendre qu'on n'apprécie pas forcément une fille qui débarque de nulle part, encore plus en le connaissant seulement à travers les médias. Pourtant lui aussi est un personnage public, il devrait savoir que c'est qu'un tissu de connerie romancé.
- Te prends pas la tête pour ça, je finis par dire. Ton pote me kiffe pas, c'est réciproque, point final.
- Ouais mais il a été dure, il répond, ça me fait chier qu'il le prenne comme ça. Il casse les couilles à se braquer à chaque fois qu'il voit une nouvelle tête.
- Hey, c'est bon tranquille, ça va. T'aurai peut être eu la même réaction si on s'était rencontré dans ces conditions.
Il me fixe quelques secondes sans rien dire, semblant réfléchir à ce que je viens de lui dire. Son front se fronce légèrement puis finit par se détendre quand son pouce retrouve le chemin de mes cheveux.
- Ça m'fait quand même chier.
- On dirait presque que t'es inquiet, je plaisante en lui faisant un grand sourire.
- Je suis inquiet pour Mekra ouais, il sait pas dans quel merde il se lance.
*
Un gros sweat et une capuche sur le dos, accompagnée d'une fidèle paire de lunette, j'attend tranquillement dans un petit café parisien. Je touille mon café sans grande motivation, j'ai un peu quitté Sid à reculons il y a quelques heures après avoir reçu un message important.
J'aurai pu choisir un autre lieu, qu'un café, mais je crois qu'on a encore besoin d'un terrain neutre. Se rencontrer chez lui, ou même chez moi, c'est encore trop compliqué.
J'ai besoin de cloisonner les choses pour pouvoir gérer mes émotions.
Et là, j'ai vraiment besoin de tout séparer dans différentes petites boites pour ne pas m'effondrer.
- Melek.
C'est un murmure, je pourrais presque jurer ne pas l'avoir entendu. Pourtant il se tient juste devant moi.
Il a pris un coup de vieux, il a l'air fatigué. Sa barbe n'est plus aussi bien taillé qu'avant, et ses yeux ont perdu ce petit éclat qu'il avait toujours avant.
- Salut, je murmure.
J'arrive pas à détourner mes yeux de lui, on reflète tout les deux la même tristesse. On a implosé ensemble.
Et plus je le vois, plus je la vois.
Je sens mes yeux picoter, j'inspire en priant pour que cela suffise à faire s'évaporer les larmes qui menace de tomber.
J'ai été débile de penser que je pourrai le voir sans me noyer à nouveau.
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