Chapitre 5🪽
Tout était censé s'arranger. C'était ce que ce jeune soldat avait déclaré et elle l'avait cru. Certes, il n'y était pour rien si les kidnappeurs avaient pu s'en tirer et revenaient à la charge à présent, pourtant Alaynah ne pouvait s'empêcher de ressentir une sorte de rage intérieure.
Arken marchait à grands pas, la tirant par la main. Alaynah faisait son possible pour le suivre tout en maintenant la couverture sur son dos. Elle préférait avoir l'air d'une clocharde que d'un ange descendu du ciel. Cela attirerait sans doute moins l'attention.
— Tu sais où aller ? demanda-t-elle, lorsqu'au lieu de ressortir par le hall principale, Arken s'engagea vers l'arrière de l'hôtel.
— Pas vraiment, avoua-t-il. Mais il y a forcément une entrée de service à l'arrière.
C'était une déduction sensée.
Essayant de maintenir l'allure malgré ses sens qui la mettaient au supplice, Alaynah s'engouffra dans un mince couloir sous les récriminations du manager qui les avait si mal reçus. Alaynah se fit la promesse que, si un jour elle en avait l'occasion, elle reviendrait ici pour faire un scandale et faire virer cet énergumène.
— Là ! s'écria-t-elle soudain en s'arrêtant net et retenant la main d'Arken dans la sienne.
Sans l'attendre, elle prit la tête et il la suivit sans un mot. En quelques pas, il la doubla et ouvrit la porte qui menait vers l'extérieur. Il s'arrêta un instant, comme humant l'air et regardant en tous sens, puis reprit la route d'un air décider.
— Allons vers le port, décida-t-il.
Alaynah n'avait aucun avis sur la question et ne connaissait pas du tout la ville, raison pour laquelle elle le suivit volontiers.
Régulièrement, Arken se retournait pour vérifier que personne ne les pourchassait. Alaynah l'imitait sans jamais rien voir de suspect, mais elle doutait d'avoir le temps de bien voir. Courir en regardant derrière elle lui paraissait une très mauvaise idée, alors elle laissa cette responsabilité à Arken. En tant que soldat, même apprenti, il avait peut-être plus l'habitude de ce genre d'exercice.
Il bifurqua à plusieurs reprises, parfois à la dernière seconde, souvent dans la mauvaise direction et Alaynah imagina que c'était pour perdre un éventuel poursuivant. En l'occurrence, leurs poursuivants n'avaient rien d'éventuels, même si elle ne les voyait pas pour le moment.
Au bout de dix minutes de course, Arken ralentit enfin l'allure et se mit à marcher d'un pas beaucoup plus tranquille.
— Je crois qu'ils ne nous suivent pas, souffla-t-il à son oreille, alors qu'il entrait dans le Ruocco park, qu'ils avaient déjà longé une fois dans chaque sens.
— Alors on fait quoi ? demanda Alaynah qui espérait vraiment qu'il allait lui dire qu'ils allaient se rendre au poste de police le plus proche.
— On va monter dans un bateau, déclara-t-il à la place.
— Quoi ? Tu as un bateau ?
Il fit signe que non et l'entraîna vers la marina.
À cette heure de la journée, l'endroit était très fréquenté et ils n'eurent aucun mal à se fondre dans la masse de passants. Ils marchèrent d'un pas de promeneur le long des embarcadères, jusqu'à ce qu'Arken se décide sur un bateau de plaisance qui parut immense à Alaynah.
— Tu es sûr de toi ? demanda-t-elle tout en le suivant.
— Comment ça ?
— Tu veux voler un bateau, Arken...
Il se tourna vers elle et lui adressa un sourire.
— Fais comme s'il était à toi et tout se passera très bien, ajouta-t-il en la laissant passer devant pour grimper à bord.
Ce ne fut pas évident pour Alaynah de faire comme si de rien n'était. D'abord, parce que rien ne lui semblait naturel, dans toute cette entreprise. Elle n'avait jamais mis le pied sur un bateau, pas même un ferry ! Elle ignorait à qui était celui-ci, mais si le propriétaire se pointait, comme par hasard, cela leur attirerait des ennuis. Et puis, si Arken prévoyait de fuir en bateau, où comptait-il l'emmener ?
Pourtant, pour une raison qui lui échappait, Alaynah avait pleinement confiance en ce futur soldat et ne posa aucune question avant qu'il lui ouvre la porte du poste de pilotage. Il la fit ensuite passer vers ce qu'il baptisa le salon où se trouvait un canapé. Les rideaux étaient déjà tirés ce qui permit à Alaynah de se débarrasser de sa couverture. Aussitôt ceci fait, ses ailes se déployèrent sans qu'elle ne leur demande rien et elle se cogna à la fois au plafond, très bas, et contre Arken qui recula de deux pas, pour se retrouver de nouveau dans le poste de pilotage.
— Je suis désolée, déclara-t-elle en tentant de reprendre le contrôle de ses nouveaux appendices.
Cependant, plus elle essayait, moins elle y parvenait. Il fallut l'intervention musclée d'Arken pour qu'enfin ses grandes ailes arrêtent de bouger.
— Essaie de rester calme, dit-il doucement.
Alaynah le regarda droit dans les yeux. Avait-il l'impression qu'elle le faisait exprès ? Avait-elle l'air d'une hystérique ? Elle sentit la colère monter à une vitesse qu'elle n'avait encore jamais expérimentée, puis, sans prévenir, Arken attrapa ses deux mains. Ce contact, pourtant banal, la rasséréna immédiatement.
— Pardon, lâcha-t-il d'une voix calme. J'imagine bien que tu ne le fais pas exprès. Depuis le début, tes ailes restaient tranquilles, je suppose que c'est parce que tu ne bougeais pas les bras.
Alaynah réalisa qu'il avait sans doute raison. Elle resserra donc les coudes contre ses côtes et, comme en miroir, toutes ses ailes se rabattirent aussi. Alaynah lâcha un sourire. Elle ne comprenait toujours pas comment tout cela fonctionnait, mais elle saurait au moins éviter de tout casser autour d'elle dorénavant.
— Merci, soupira-t-elle en lâchant les mains d'Arken avant de se laisser tomber sur le canapé.
Il était vieux et usé, mais offrait un relatif confort malgré tout. Arken repassa dans la cabine de pilotage et entreprit de vérifier ce qui avait tout l'air d'un tableau de bord.
— Tu sais naviguer ? demanda-t-elle sans bouger de sa place.
— Seulement ce modèle, déclara-t-il sans se retourner. Dans vingt minutes, il fera nuit, je te propose qu'on prenne la mer à ce moment-là.
— D'accord.
Elle aurait voulu avoir une voix plus ferme pour répondre, mais la vérité était qu'elle s'inquiétait. Elle avait beau avoir confiance en ce garçon qu'elle venait de rencontrer, la partie analytique de son cerveau lui hurlait qu'elle ne devait pas. Elle ne savait rien de lui et, pour autant qu'elle en savait, il pouvait tout aussi bien être un serial killer ou un violeur.
Arken s'approcha alors d'un pas et se posta en face d'elle, de l'autre côté du minuscule salon. Il s'appuya contre la paroi et lui offrit un sourire qu'il devait imaginer rassurant.
— Je n'ai pas l'intention de te faire de mal, déclara-t-il ensuite.
Prise de court, Alaynah ne sut quoi répondre et garda les lèvres closes.
— On n'a pas assez de carburant pour remonter jusqu'à Los Angeles, poursuivit-il. En revanche, on a bien assez pour s'éloigner d'ici et définitivement semer tes poursuivants. Je pense qu'on doit pouvoir atteindre Encinitas sans problème. Peut-être même Oceanside. De là, on pourra contacter la police locale sans que ce sale type débarque avec son 4X4.
Elle se contenta de hocher la tête. Elle n'avait aucune notion de navigation. Elle connaissait Oceanside de nom, mais ignorait à quelle distance ils en étaient. Elle n'avait en revanche jamais entendu parler d'Encinitas.
— Tu sais pourquoi ils en ont après toi ? demanda soudain Arken.
— Pas vraiment, admit-elle en haussant les épaules, ce qui eut pour effet de faire bouger ses grandes ailes. Je pensais que c'était pour me tuer, vu qu'on est le treize, mais je ne sais pas.
Arken pencha légèrement la tête de côté, comme pour l'analyser sous un autre angle.
— Tu ne penses pas que ça a plutôt un rapport avec... tes ailes ? proposa-t-il.
C'était possible, bien sûr, seulement elle imaginait mal que ces gens aient pu être au courant qu'elle avait des ailes aussi rapidement. Ils avaient débarqué presque au même moment que ses nouveaux appendices. Elle secoua la tête négativement.
— Je ne les avais pas cinq minutes avant de me faire enlever, ajouta-t-elle. C'est pas possible que ce soit pour ça.
Arken ouvrit de grands yeux, mais se garda de poser plus de questions. Elle en fut soulagée, mais ne fit aucune remarque pour ne pas le tenter. Un court silence s'imposa entre eux qu'il brisa après quelques secondes.
— Tu es née le treize février ?
— Je ne sais pas, grimaça-t-elle.
Elle lui expliqua que sa date de naissance officielle était le quinze, mais qu'on l'avait trouvée au domicile de sa mère, morte d'une overdose. Comme il fallait s'y attendre, cette révélation jeta un nouveau froid.
— C'est pas grave, déclara-t-elle pour essayer de détendre l'atmosphère. Enfin, si, c'est grave, mais je veux dire, j'ai vingt ans maintenant. C'est du passé et je vais bien.
La grimace d'Arken, même s'il tenta très vite de la masquer, lui fit comprendre qu'il n'en croyait pas un mot. Elle ne pouvait pas l'en blâmer. Après tout, elle était suivie par un psy depuis presque toute sa vie.
— Toi, reprit-elle après un court instant, tu as un genre de pouvoir, non ?
— Qui te l'a dit ? se récria-t-il comme pris en flagrant délit.
Excellente question. C'était compliqué à expliquer et elle-même avait beaucoup de mal à y croire. Avec beaucoup de difficulté, se reprenant plusieurs fois pour essayer d'être claire dans ses propos, elle expliqua qu'elle avait vécu une sorte de connexion étrange, lorsqu'il l'avait sortie de la voiture. Juste avant, en réalité. Elle avait été assaillie, pendant quelques secondes, avec des quantités d'images issues d'une vie qui n'était pas la sienne. Il ne lui avait pas fallu longtemps pour comprendre que c'était celle de cet inconnu face à elle à ce moment. Dans ses visions, parmi quantité d'images, elle avait aperçu Arken s'entraîner à propulser des objets plus ou moins lourds par la force de son esprit.
— J'ai eu aussi ce genre de vision, souffla-t-il, ce qui rassura Alaynah autant que cela l'inquiéta.
Qu'avait-il bien pu voir de sa vie ?
— Mais ce n'est pas avec la force de mon esprit que je fais ça, corrigea-t-il. En tout cas, je ne crois pas. Ce sont des ondes de choc qui manquent de précision, d'ailleurs. J'appelle ça mon psychocanon, sourit-il. J'ai lu ça dans une BD un jour et j'ai trouvé le nom cool.
— C'est vrai, ça l'est, sourit Alaynah.
— Le gars qui te poursuit aussi à un pouvoir, je crois.
— Il y a d'autres gens qui me poursuivent, avoua-t-elle à demi-voix. Deux filles, dont une qui peut lancer des flammes.
— Elles sont avec le gars qui assèche les gens ? s'inquiéta Arken.
— Je ne crois pas. Ils se sont battus à Soka, avant de m'enlever. Les deux filles ont tiré sur moi, je crois qu'elles voulaient me tuer plutôt que de m'enlever.
— C'est de mieux en mieux, grinça Arken. Il faut vraiment qu'on s'en aille.
Joignant le geste à la parole, il repassa du côté du poste de pilotage et ouvrit une trappe avant d'extirper un petit couteau de sa poche et... à vrai dire, Alaynah ne distinguait pas ce qu'il faisait, mais avait vu suffisamment de films pour comprendre qu'il allait faire démarrer le bateau de façon non conventionnelle. En effet, quelques secondes et un juron plus tard, le moteur se mit en route.
— Je vais désamarrer et ensuite on y va.
Elle hocha la tête tandis qu'il sortait sur le pont.
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