Première perle - 29 novembre 2050


Dans le fond de la salle, une créature à l'apparence humaine se tenait recroquevillée sur une chaise bancale. C'était moi. Avant.



Sa chevelure de jais et sa peau mate soulignaient ses origines espagnoles. Que n'aurait-elle pas fait pour échanger sa place avec celle de sa grand-mère, cultivant les vignes avec son grand-père sur un lopin de terre au fin fond de la Catalogne ?


Beaucoup. Mais ce n'était pas son cas. Elle se trouvait dans un hangar rempli de vieillards vantant à leur public de fervents pratiquants de la pêche à la sardine, le contenu de leurs filets. Parmi eux, son père. Un quinquagénaire à la moustache rousse, tombé amoureux de la Normandie.


Surface lisse, épurée, saine. D'une éclatante blancheur, d'un grain régulier. Parfaite. Elle la caressait, y déposait des particules de carbone afin de lui confier son âme, son don, sa passion. Elle ferma les yeux. Se concentrant sur la beauté de la voix grave et mélodieuse du chanteur dans ses oreilles, elle faisait ainsi abstraction de l'odeur des petits corps argentés si précieux aux yeux Ludovic, son père.


Vibration. Son portable. Sa poche. Sa mère. Le dîner. Vite. Elle devait faire vite. Les invités. Le repas. Le supermarché. Debout. Ses pieds. Son vélo. Les pavés. La pluie. Le magasin. Le panier. Les œufs. Le fromage. Les serviettes. Le noir. Les protestations.


"Mais qu'est-ce que c'est que cette affaire, ronchonna le caissier et gérant de la supérette. C'est la troisième fois qu'ils nous font le coup cette semaine, poursuivit-il, ils pourraient avoir remis le courant une bonne fois pour toutes, oui ?"


En effet, c'était la troisième coupure subite de courant cette semaine, et la cinquième ce mois-ci. Les habitants du Havre ne voyaient pas d'un bon œil cette défaillance et râlaient vis à vis de l'incompétence de certains de leurs ouvriers.



Raphaëlle, quant à elle, trouvait la vie trop courte pour se consacrer à de telles futilités, comme elle l'aurait dit elle-même. À quoi bon parler du mauvais temps, de ses résultats scolaires, de l'accident du chien de la voisine, du métier de ses rêves ? Qu'importe ce que l'on dit, il n'y a que les actes présents qui comptent. Et elle, ce qu'elle voulait faire dans l'immédiat, c'est partir de ce magasin, de cette rue mouillée, de cette maison trop calme, prendre son sac, ses baskets et aller se réfugier dans la cave de la bibliothèque. Je suis certaine que vous trouverez cette idée disons... saugrenue. Mais pour la jeune fille, la bibliothèque n'est qu'un prétexte. Rien de tel qu'une petite promenade dans les canalisations de sa ville pour s'extirper de son quotidien assommant. C'est ça qui la fait vibrer, enfreindre les interdits tacites dictés par la société.

Mais, en gentille petite fille, elle rentrerait à la maison, apporterait les vivres à sa mère, irait dormir après s'être assurée d'avoir salué gaiement les amis de ses parents. En excellente faussaire, falsifiant son expression faciale afin de paraître la plus innocente, la plus exemplaire des petites filles. Pour que papa et maman soient contents d'elle.


La même petite fille, 16 ans, avant son rendez-vous journalier avec son édredon, penserait à son doux rêve. A cet aveu qu'elle n'a pas encore su extérioriser. Ah comme la Norvège est un beau pays lui murmure Morphée à son oreille...


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Le premier chapitre est paru

Je souhaite que ce dernier vous ait plu

Que vous appréciez le principe

A présent, que le mystère se dissipe !

Et que vous puissiez vous immerger

Dans cet univers que j'espère singulier




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