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« La plupart du temps, je comprenais Ava, mais pas cette fois-là. Il m'était impossible de comprendre que l'on puisse faire face à un si grand manque de respect et demeurer en relation avec l'auteur de cet irrespect.
Cela m'était encore plus incompréhensible du fait qu'il s'agisse d'Ava qui, même enfant, n'avait jamais laissé personne lui être irrespectueux de quelque manière que ce soit. Elle avait beau me répéter qu'elle faisait ça pour de l'argent, je n'arrivais pas à la croire. Je ne la savais pas cupide. Je ne voyais que l'amour pour justifier un comportement aussi sordide.
Comme vous devez vous en douter, Zia Wiley n'en était pas restée à ce message. Elle en envoya plusieurs autres à Ava. Des missives de plus en plus virulentes, auxquelles ma sœur répondait par des publications de ses photos de couple accompagnées de doux textes.
La bataille a duré à peu près deux mois. Les choses se sont envenimées le 15 mai, le jour du mariage de mon cousin.
Ava était censée s'y rendre avec Tony. Habillée, maquillée et parfumée, elle attendait celui qui devait être son cavalier, quand elle reçut un SMS l'informant d'un imprévu. Tony en quelques mots la priait de ne pas l'attendre et s'engageait à la retrouver sur place.
Ava adore faire sensation. Alors, bien sûr, qu'elle a ragé d'arriver toute seule à une cérémonie à laquelle elle avait annoncé être accompagnée. Imaginez donc quelle était son humeur quand, trois heures plus tard, Tony n'était toujours pas arrivé.
Elle était furieuse.
Pour ne rien arranger, devinez sur qui elle tomba en essayant de joindre Tony ? Zia Wiley bien sûr !
Zia, qui n'allait certainement pas manquer cette occasion de prendre l'ascendant, se fit un plaisir de lui apprendre que Tony était avec elle. Et, comme si le coup porté n'était pas assez violent, elle ajouta en gloussant que ce cher Tony s'était tout de suite endormi après leurs ébats.
Postée à deux pas d'elle, j'entendis toute la conversation. Je n'eus donc pas besoin d'explication quand, après avoir rapidement raccroché, ma sœur envoya valser son téléphone contre le mur des toilettes de la salle de banquet.
Le lendemain même, Ava demanda bien évidemment des comptes à Tony. »
Les mains sur les hanches, la mine serrée, Ava se tenait devant un homme dont l'humeur détendue contrastait avec la sienne. Assis paisiblement sur un lit en acajou, Tony, qui ne semblait pas lui prêter la moindre attention, se roulait nonchalamment un joint.
— Qu'est-ce que c'est que cette histoire ? vociféra-t-elle. Que faisais-tu chez cette fille alors que t'étais censé être coincé au bureau ?
Profondément agacé par son intonation, le jeune homme interrompit la tâche qui l'occupait et leva vers elle un regard noir. Lequel, dans son langage qu'Ava parlait couramment, tenait lieu d'avertissement.
— Tu m'expliques comment ton ex s'est retrouvée à répondre à ton portable ? reprit la jeune femme sur un ton plus amène.
— Elle avait besoin de mon aide, annonça Tony désinvolte, alors je suis allé lui donner un coup de main. Après, puisque j'étais crevé, je me suis posé quelques minutes. J'ai dû m'endormir.
Réfrénant sa colère, Ava lui rappela que c'était son ex, ce à quoi il répliqua d'un ton placide :
— Et alors ? Nous nous sommes quittés en de bons termes. Je ne vois donc pas pourquoi je ne pourrais ni lui rendre des services ni passer la nuit chez elle.
— Je ne sais pas, fit son interlocutrice, peut-être parce que c'est l'ex que tu m'as décrite comme collante.
Tony, qui n'appréciait guère que l'on fasse de l'esprit, posa à nouveau sur Ava un regard sombre. Puis, à l'aide du briquet en argent, qui ne le quittait jamais, il alluma le joint qu'il s'était soigneusement préparé et en tira une bouffée.
— Si tu tiens vraiment à me garder pour toi toute seule, lança-t-il, tu devrais faire davantage d'efforts et te montrer plus combative.
« Quel culot ! Pour moi, la dernière phrase de Tony laissait clairement entendre qu'il y avait bien quelque chose avec cette Zia. Et, au lieu d'y mettre fin, il lui demandait à elle de se battre pour lui.
Je lui aurais volontiers mis mon poing dans sa gueule de connard si Ava ne m'avait pas interdit de m'en mêler.
Elle pensait avoir la situation bien en main, mais je voyais bien qu'elle s'enfonçait.
Elle n'était plus que l'ombre d'elle-même. Aussi bien au sens propre qu'au sens figuré. Elle avait perdu une bonne dizaine de kilos. Et, loin du mannequin qu'elle pensait être devenue, elle ressemblait, sans aucun mépris pour ces pauvres gens, à un malade du cancer en phase terminale.
Elle avait toujours l'air déphasée, ailleurs. Je soupçonnais l'alcool et la drogue d'en être responsables, même si elle jurait ne plus y avoir touché. Difficile d'y croire, quand on sait que Tony en avait une consommation régulière. Et que n'aurait pas fait Ava pour plaire à Tony et s'assurer de l'avoir pour elle ?
C'est certain, elle était amoureuse de lui. Même si elle avait du mal à l'avouer. L'Ava d'avant Tony n'aurait même, pour un milliard de dollars, consommé la moindre substance pouvant porter atteinte à son physique ou à ses neurones. Désormais, elle s'en foutait, il n'y avait que Tony qui comptait. »
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