Two Amorous Queens (1)
Ne me sentant vraiment pas bien après ma nuit blanche, j'ai failli faire demi-tour et remonter dans ma chambre après avoir été agressée par la lumière de jour. Mais finalement, j'ai eu raison de ne pas le faire puisqu'un vrai petit déjeuner anglais m'attend dans la cuisine dans une poêle encore chaude, avec un petit mot de mon frère sur le couvercle :
« Salut Terrie, je me suis dit que ce matin tu n'allais pas être suffisamment d'aplomb pour te préparer un petit déjeuner. Du coup, je t'en ai fait un comme tu les aimes, ne t'en fais pas, j'ai fait quatre tranches de bacon et je ne les ai pas trop fait cuire. J'espère par contre que ce sera encore chaud quand tu te réveilleras... j'ai hésité à te réveiller avant de partir, mais je n'ai pas eu le cœur, je suis sûr que tu mérites un peu de sommeil. Dans tous les cas, ne me cherches pas, je suis parti faire un tour en ville pour acheter deux/trois trucs.
J'espère que tu vas un peu mieux ce matin, même si je sais que ça fait mal les chagrins d'amour, je sais aussi que tu arriveras à t'en remettre et ce n'est pas à cause d'une petite briseuse de cœur que tu vas t'effondrer, tu es bien plus forte que ça même si tu n'en as pas forcément conscience.
À plus tard et bon appétit, je devrais être de retour vers midi
P.-S. ça ferait un super titre de musique Heartbreaker, une petite chanson contre les chagrins d'amour dénonçant les personnes qui jouent avec le cœur des autres, il faudrait que je réfléchisse plus aux paroles, mais sois sûre que je te ferai une musique de réconfort, un de ses quatre, tu verras, elle sera parfaite. »
Finalement, j'ai dû somnoler au moins quelques minutes, sinon, j'aurais entendu mon jumeau. C'est dommage, j'aurais bien aimé le remercier directement, il est vraiment trop gentil par moment, je ne sais pas comme il fait pour avoir toujours des petites attentions comment ça. Malheureusement, il doit déjà être parti... Par acquit de conscience, je vérifie tout de même la présence de sa voiture par la fenêtre. Mais avant d'avoir réellement vérifié, je vois une personne juste devant chez nous. Pendant quelques secondes, je crois à une hallucination, mais même après avoir cligné des yeux plusieurs fois, Déborah est toujours dans le village, à deux pas de ma maison !
J'enfile alors rapidement des chaussures et un manteau par-dessus mon t-shirt de nuit et je me précipite presque dehors pour la rejoindre.
— Qu'est-ce que tu fais là ? m'étonné-je ravie de la revoir, même si je ne comprends pas bien sa présence.
Mais elle est là, c'est tout ce qui compte, peut-être qu'elle s'est aperçue qu'elle m'aimait et qu'elle a fait demi-tour ! Dans tous les cas, j'espère que ce soit ça, sincèrement. Pourquoi donc serait-elle là sinon ? Après tout, son avion était hier soir, elle a bien dû le rater pour une bonne raison ! Et quand bien même elle l'aurait simplement raté, si elle revient vers moi, ce n'est pas pour rien non plus.
— Honnêtement ? Je ne sais pas trop... Hier, j'ai fait demi-tour sur un coup de tête... Je m'en voulais de t'avoir laissé sans rien dire... Et du coup, je suis venue pour m'excuser, je suis tellement désolée, je ne voulais pas te faire du mal, je ne sais même pas pourquoi je suis partie si vite, c'était horriblement bête... J'espère que tu me pardonnes...
Même sans son air désespéré, je sais que je lui pardonnerai. Même sans son discours d'ailleurs, elle a quand même raté son avion pour moi. Je sais que c'est bête, surtout vue comme elle m'a repoussée hier soir, mais j'ai envie de lui pardonner, j'ai envie de croire qu'elle me comprend... Je voudrais tellement la prendre dans mes bras, ressentir sa présence. Mais j'ai encore trop peur, trop de crainte et trop de souvenirs de la veille, alors je ne le fais pas. Je ne le fais pas bien-sûr, j'aurais trop peur de la faire fuir, même si je pense qu'il n'y a plus beaucoup de risque maintenant.
— Je ne t'en veux pas ne t'en fais pas, remarqué-je tout naturellement, malgré mes peurs, c'est une évidence pour moi, elle est là, devant moi après tout. En plus, ta réaction était normale vu ce que je t'ai dit, beaucoup de personnes réagiraient pareil.
— Je m'en fous... affirme-t-elle en tendant une main vers moi, mais elle l'a fait retomber avant de me toucher.
— De quoi ? m'inquiété-je ne comprenant pas ce qu'elle veut dire.
— Que tu sois trans, je m'en fous... J'ai réagi fort parce que j'étais surprise et déboussolée, avant-hier, je ne savais même pas que j'aimais les filles ! Je ne suis pas partie à cause de ce que tu m'as dit, je voulais plutôt remettre au clair mes idées et comprendre mes sentiments. Mais, j'aurais quand même dû prendre le temps de te parler, j'étais tellement bête, si je pouvais le refaire, je le ferais autrement.
Je l'aime, c'est fou comme je l'aime ! C'est épatant ! Je ne conteste pas que ça m'a fait mal de croire qu'elle était partie définitivement. Mais en attendant, elle est là maintenant et elle est vraiment trop gentille, elle arrive même à chasser tous les doutes que la nuit a créés. Je sais bien qu'elle ne pourra pas rester éternellement, dans cinq jours c'est Noël, elle rentrera sans doute en Côte d'Ivoire avant, c'est évident. Et je sais aussi qu'au long terme ce ne sera peut-être pas possible entre nous, elle a une vie dans son pays, j'ai ma carrière et il y a aussi toutes ces personnes qui ne sont pas prêtes pour voir une relation entre deux filles. Mais je ne préfère pas trop y penser, pour l'instant, elle est là et c'est tout ce qui compte, c'est tout ce qui m'importe.
— Merci... dis-je n'osant pas en dire plus, je n'ai pas envie de faire le premier pas cette fois.
Je ne sais même pas vraiment pourquoi je ne veux pas le faire, quelque chose me retient, peut-être la peur d'avoir mal ? Je n'y comprends plus rien, je suis perdue au milieu de mes sentiments et de mes réactions, j'ai besoin de plus de temps pour mieux comprendre.
Et pour l'instant, je ne « peux » peut-être pas la prendre dans mes bras ou l'embrasser, mais je la vois sourire et ça me fait déjà vachement plaisir.
Le silence s'installe entre nous, mais rien de gênant, nous nous regardons juste l'une l'autre en souriant, peut-être sans trop savoir quoi se dire, mais ça ne me gêne pas réellement.
Après quelques secondes, c'est elle qui fait le premier pas, s'avançant un peu vers moi et me prenant la main. Encore plus souriante, je l'entraîne chez moi, il ne fait pas chaud dehors et je ne suis pas vraiment habillée avec uniquement un pyjama et en manteau sur le dos.
— D'ailleurs, tu repars quand ? demandé-je en voulant chasser cette incertitude de mon esprit tout de suite.
— Le vingt-trois décembre au matin.
Dans trois jours donc, c'est court d'un certain côté, mais hier, je ne pouvais même plus espérer trois heures, alors trois jours, c'est énorme, plus que ce que j'aurais pu espérer, je pourrais la voir trois journées en plus.
— Installe-toi, affirmé-je ne sachant pas vraiment si je dois me réjouir des trois jours devant elle ou non.
Pendant deux petites secondes, je m'apprête à enlever mon manteau, mais l'instant d'après, je réalise que c'est une très mauvaise idée, dans la précipitation, je n'ai mis qu'un manteau au-dessus de mon pyjama et ce dernier est non seulement miteux, mais en plus, il est presque trop court... définitivement pas présentable. Si j'avais été maline, j'aurais pris la peine de m'habiller avant de sortir. Mais vraisemblablement, le mal est fait.
— Je te laisse deux secondes, il faut que je m'habille.
Elle me regarde un peu bizarrement, avant d'approuver mon choix, comprenant sans doute très bien pourquoi je veux le faire, après tout, mon manteau est peut-être long, mais je pense que la nudité de mes jambes est suffisamment claire pour deviner que je ne suis pas très vêtue. J'ai honte, vraiment ce n'est pas grave grave, mais j'ai quand même un peu honte. Mais pour ma défense, elle a débarqué à l'improviste, elle aurait prévenu, je ne me serais pas pris une cuite hier, je n'aurais pas non plus fumé et ce matin, non seulement je me serais réveillée plus tôt, mais en plus, je me serais habillée et j'aurais sûrement les idées plus claires qu'avec un fond de mal de tête. Je ne lui reprocherais pas de débarquer à l'improviste, mais par contre, je ne me reprocherai pas non plus de ne pas être présentable.
Je monte alors les escaliers assez rapidement et gagne directement ma chambre. Là, mes vêtements n'étant pas encore tous rangés, je prends vraiment ce qui me tombe sous la main, je ne vais pas faire la difficile et passer dix minutes à trouver la tenue parfaite. Une robe basique à fleurs, ça va très bien, je ne vais même pas m'embêter à trouver des collants allant avec, je ne compte pas passer du temps dehors.
— J'arrive peut-être un peu tôt, remarque-t-elle quand je redescends.
— Tu serais arrivée dix minutes plus tôt, je dormirais encore, mais là, je suis debout, alors c'est bon et ça me permet de me secouer les puces, ça ne me fait pas de mal non plus.
Ce que je regrette par contre, c'est mon beau petit déjeuner que m'a préparé mon frère... J'espère qu'elle a déjà mangé parce que je n'ai pas franchement envie de partager.
Elle rigole, elle est tellement belle quand elle rigole, avec ses mèches qui ondulent autour de son visage au rythme de son rire.
— Alors j'ai bien fait de traîner, j'ai failli arriver une heure plus tôt !
— Ça tombe bien effectivement ! D'ailleurs, tu es toujours au même hôtel ? l'interrogé-je en pensant soudain que c'était les organisateurs du son concours qui l'ont logée toute la semaine.
— Euh non... Il faut encore que je trouve un endroit où dormir avec le peu de sous qu'il me reste, j'ai tout dépensé pour venir jusqu'ici... Mais je trouverai, ne t'en fais pas.
— Oh merde... Tu aurais dû appeler tout simplement au lieu de venir... Ah oui c'est vrai que je ne t'ai pas passé mon numéro, je suis bête... Et tu es sûre que ça va aller ? Parce que sinon tu peux dormir ici... Warren a un clic-clac chez lui, c'est simple de l'installer quelque part... voire même que tu passes tes nuits chez lui, ça ne lui posera pas de problèmes, je le connais.
En plus, comme ça, pour une fois, on écoutera nos parents, ce sera presque une première, rajouté-je en pensée.
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