Je ne peux pas m'empêcher de rire, c'est vrai que Terrie est un peu alcoolique sur les bords, moins que son frère, mais ça reste assez régulier de voir des archives d'elle avec une bouteille de bière ou une coupe de champagne à la main. Hors contexte, mon rire peut clairement passer pour du foutage de gueule, mais ce n'est pas grave, de toute manière, je préfère être naturelle, alors je ne compte pas m'empêcher de rigoler à cause de ça. Surtout pas face à des personnes avec lequel je m'entends étonnamment bien, ce qui est presque rare chez moi, mais ça peut sans doute s'expliquer par le fait que je les connais déjà, après tout, depuis sept ans je vois des photos et vidéos des membres du groupe régulièrement – c'est moi ou c'est définitivement flippant dit comme ça ?

— D'ailleurs en parlant d'alcool, Warren organise une fête samedi, si ça vous dit de venir, vous êtes toutes les trois invitées, remarque Terrie de manière absolument pas naturelle, comme si elle avait réfléchi à sa phrase depuis longtemps et qu'elle attendait seulement le bon moment pour la dire.

— Je sais, Warren m'a déjà invitée hier soir, presque juste après ton appel, affirme Ruth en souriant. Et bien sûr, j'y viendrai, après tout, ça peut être amusant.

— Moi, je suis cent pour cent pour, m'exclamé-je ravie, les soirées de Warren Century sont toujours exceptionnelles et excentriques.

Honnêtement, les archives qu'il en reste sont juste magiques et là, je vais pouvoir faire partie de la fête, c'est presque un rêve, même si je ne suis pas du tout fêtarde et que je n'ai même jamais été en boîte de nuit, j'ai quand même envie d'y aller, juste pour découvrir ce milieu.

Il y a juste que je me demande bien comment ma vie peut à la fois être triste et géniale dans les mêmes vingt-quatre heures. D'un côté, j'ai perdu mon père, le reste de ma famille est à l'hôpital, je passe une partie de ma journée à pleurer. Et d'un autre, je rencontre la chanteuse de mon groupe préféré, je suis même amie avec elle, je suis invitée à la soirée déjantée de son jumeau et j'ai du temps de répit pendant huit heures.

Tout ça dans la même journée et je n'arrive même pas à me sentir coupable de m'amuser, puisque je sacrifie uniquement une partie de mon temps de sommeil et que personne n'est au courant de mes agissements. Je sais que ce n'est pas bien pour autant bien, mais c'est tellement agréable, c'est comme un rêve dont je me souviendrais dans les moindres détails et ça n'a jamais fait de mal à personne de vivre sur un petit nuage durant la nuit.

J'ai vraiment l'impression de faire que ça de m'autoréconforter en ce moment, par rapport au voyage dans le temps, c'en est presque désespérant.

— Samedi, tu dis ? Je ne suis pas sûre de pouvoir venir... je ne sais plus si je suis de garde ou non... déclare Ann bien moins enthousiaste que moi.

Terrie regarde alors Ruth avec un sourire en coin – mais je n'ai pas la moindre idée de ce qu'il signifie, je n'ai jamais été douée en langage corporel – et elle affirme :

— Pas de problème, de toute manière, tu verras bien et je suis sûre que tu peux débarquer à l'improviste sans déranger. Et si tu viens, on pourra passer une soirée entre filles, voire fuir chez moi si tu veux.

Je crois qu'on peut presque appeler ça du chantage affectif pour que Ann vienne à la soirée organiser par les Jumeaux Century.

— Oui, mais si je bosse, je bosse, je ne peux rien y changer, je n'ai pas bien le choix, il y en a des qui travaillent dans ce pays.

Vu la réponse, le chantage n'a pas très bien marché. Ann reproche même à Ruth et Terrie de ne pas vraiment travailler. Heureusement, elle l'a clairement dit sur le ton de la rigolade et ça semble même être un délire entre elles trois, vu comme elles commencent à rire. Aussi, je pense que c'est assez compréhensible, si je ne me trompe pas, c'est la vétérinaire qui est la seule du groupe d'amies à travailler, c'est peut-être même la seule à avoir travaillé après ses études – mais ça je n'en suis pas sûre, je sais que Terrie était tout juste diplômée quand Her Majesty a commencé à être connu, mais pour Ruth, je dois avouer n'en avoir aucune idée...

Il faudrait presque que je vérifie les biographies des membres du groupe demain. Mais je ne suis pas sûre de le faire vu que dans un sens, j'aime bien les découvrir sans avoir trop de divulgâchage. C'est presque sûr d'ailleurs maintenant que j'y réfléchis, je pense que finalement, je ne le ferai pas, après tout, je ne regarde pas la biographie de mes amies, je ne vois pas pourquoi ce serait complètement différent, juste parce que les personnes en face sont célèbres.

Après un bon gros fou rire général, nous avons fini par discuter de nouveau de tout et de rien. J'apprends au fur et à mesure de plus en plus de choses sur elles – ce qui doit bien être la même chose par rapport à moi de leur côté, même si je parle moins, faisant très attention à ce que je dis pour ne pas parler de choses qui n'ont pas encore été inventées ou découvertes.

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— Ça fait du bien d'être de retour à la maison ! affirme mon frère quand nous franchissons le portail.

Je le comprends largement, il vient de passer presque une semaine à l'hôpital, lui qui ne supporte pas de rester enfermé, il commençait clairement à tourner comme un lion en cage, il ne pouvait même pas prendre l'air, les infirmières refusaient de lui donner un fauteuil pour pouvoir se déplacer avec son plâtre. J'ai bien essayé de lui servir de béquille pour qu'il puisse au moins aller sur la terrasse de la chambre, mais la baie vitrée a une sécurité pour ne pas s'ouvrir de plus de dix centimètres – sans doute pour éviter le suicide, mais c'est mal fait comme truc, pourquoi faire des terrasses si ce n'est pas pour y aller ?!

Une fois garée, je sors le fauteuil roulant de mon frère et je l'aide à s'y installer, après il se débrouille tout seul pour avancer, il ne veut pas de mon aide de toute façon.

Vu qu'il veut faire le tour des animaux de la maison, je l'accompagne, juste au cas où, surtout que la plupart des bêtes sont assez sauvages, alors mieux vaut éviter qu'il se fasse attaquer juste parce qu'il est différent de d'habitude. Et en plus, c'est agréable que me balader un peu au milieu des animaux, ça fait vraiment longtemps que je ne me suis pas promenée autour de chez moi, ce n'est même pas moi qui m'occupe d'eux pendant que ma mère est à l'hôpital, c'est une amie et salariée de la famille, qui est bien plus compétente que moi.

J'ai beau avoir été élevée au milieu d'animaux, je n'ai pas le même feeling que le reste de ma famille, je m'y connais juste bien. Et il faut bien avouer, quand tu n'as pas le feeling, tu te retrouves assez bête à côté d'un rhinocéros ou d'un éléphant, même si ces derniers sont habitués à la présence de l'Homme. Même au milieu d'un troupeau de buffles ou de céphalophes – une sorte de bovin –, tu peux avoir l'air très bête. Les seuls animaux de la maison dont je m'approche vraiment, ce sont les singes, les zèbres et les oiseaux, j'ai confiance en eux et je les connais bien.