Painting My Life (2)
Et la situation précaire dans laquelle se trouve Warren semble empirer un peu plus à chaque instant, comme si chaque minute de débandade passée, sa vie s'approchait d'un dangereux précipice qu'il aurait mieux valu éviter, puisqu'une fois au fond du gouffre, il est impossible d'en ressortir, même avec toute la bonne volonté du monde. Mes comparaisons m'inquiètent en ce moment, mais c'est ce qui décrit le mieux la situation générale...
Même si je ne peux pas le forcer à m'écouter et encore moins à se calmer, je peux au moins lui servir de bouée de sauvetage et le surveiller de loin. Ce n'est peut-être pas grand-chose, mais c'est déjà ça. C'est sûr que je ne peux pas le suivre dans ses soirées, encore moins demander à quelqu'un de le surveiller à ma place puisqu'il n'y va jamais avec des personnes en qui j'ai confiance. Mais au moins, dans certains lieux où il a ses habitudes, je peux demander à des employés serviables de me prévenir en cas de problème. De toute manière, il n'y a pas besoin de connaître Warren pour le repérer et c'est encore plus vrai quand il est complètement défoncé. En plus, je suis sûre que je dois arranger les barmans du bar où il traîne tous les midis quand je viens le chercher avant qu'il soit complètement dans les vapes.
Peu à peu, je commence à désespérer très sérieusement sur le cas de mon jumeau, je ne sais pas s'il est sauvable, je ne sais pas non plus s'il veut être sauvé, encore moins s'il a conscience qu'il a besoin d'aide. Dans tous les cas, ça empire de plus en plus, quand je pense que c'est bon, qu'il a touché le fond, que maintenant il va enfin commencer à remonter à la surface, il arrive à couler encore plus, aussi invraisemblable soit-il. Je ne sais même plus quoi faire pour lui. Je n'abandonne pas, sûrement pas, jamais je ne le laisserai tomber, mais je me résigne un peu quand même à force.
Et quand il m'annonce qu'il va partir deux mois, peut-être plus, aux Pays-Bas avec un groupe de dix fêtards comme lui avec lequel il a ses habitudes en soirée, je commence à très sérieusement à penser que la bataille est finie même si je ne poserai jamais les armes. Là-bas, je n'aurai aucune emprise sur lui. Il ne rentrera pas dans la maison à côté de chez moi. Il pourra enchaîner autant de fêtes qu'il veut. Il pourra tester toute la débandade que propose le pays. Il pourra avoir de nouveaux « amoureux ». C'est presque la fin ce voyage.
Même si je le pense vraiment, je ne l'empêcherai pas de partir, je suis presque résignée maintenant, j'espère juste que je pourrai profiter de sa présence dans ses dernières années, au moins un peu plus que pendant les deux dernières années... Ce sera sans doute tout ce qu'il me reste de lui-même si je n'ai pas enfin une idée avant qu'il m'abandonne à jamais. Je ne sais pas comment je pourrais vivre normalement sans mon frère... Pas une seule fois, nous n'avons été séparés plus d'un mois, alors déjà ce voyage sera dur à supporter pour moi, mais ne plus jamais le voir, je ne sais pas si ce sera rien qu'envisageable de le supporter malheureusement... Mais je n'aurai pas le choix de toute façon, je serai juste devant le fait accompli...
Mais du jour au lendemain, sans prévenir et sans le moindre signe avant-coureur, Warren rentre seul frais comme un gardon après avoir passé tout l'après-midi dans son bar préféré. Il n'est même pas un tout petit peu bourré ou défoncé, il est vraiment normal, comme s'il n'avait rien pris durant les six dernières heures. Alors que normalement, à quatre heures, c'est plutôt l'heure où je suis appelée pour venir le ramasser à la petite cuillère.
C'est plutôt un miracle, je ne sais même pas comment c'est possible, ça fait tellement longtemps que je ne l'ai pas vu rentrer normal que je n'en crois pas mes yeux. Je le rejoins dehors, presque pour voir s'il est vraiment clean ou s'il ne titube juste pas autant que d'habitude. Mais il est vraiment normal, il ne sent pas les relents d'alcool, il n'a pas les yeux injectés de sang. Il est normal avec sa bonne vieille odeur de cigare qui n'est pas recouverte par d'autres, plus forts.
Je ne crie pas victoire pour autant, il a peut-être tout simplement passé l'après-midi avec Roman et du coup, il n'a rien pris, ce n'est pas impossible, mais c'est quand même énorme. En temps normal, même quand il voit Roman, il se prend au moins un verre, alors que là, il n'a vraiment pas l'air d'avoir pris quoi que ce soit de la journée.
— Hey Terrie, ça va bien depuis toute à l'heure ? me demande-t-il comme d'habitude, mais je le trouve plus enjoué qu'en tant normal, il est peut-être même plus souriant.
— Très bien et toi ? l'interrogé-je à mon tour presque réticente, mais déjà de bien meilleure humeur que tout à l'heure.
— Au top !
Ça me fait vraiment plaisir de le revoir « au top ! » j'espère presque que ça dure ou qu'il va être de nouveau comme ça plusieurs fois.
Et étonnamment, le lendemain, c'est la même chose, comme s'il avait eu un déclic. C'est ainsi plusieurs jours de suite, sans qu'il n'ait l'air d'avoir pris ni de la drogue ni de l'alcool, j'en hallucine clairement. Le soir, il ne va plus sur des fêtes, alors qu'il y allait plusieurs fois par semaine. Et même une fois, j'ai cru qu'il y retournait, comme si ça y est, il avait replongé, après tout, ce serait normal, le sevrage, c'est souvent difficile. Mais pas du tout, il revient avant minuit, après avoir soit bu quelques coupes de champagne, mais rien provenant d'une soirée.
Le lendemain, quand je lui demande ce qu'il avait fait la veille, il me répond tout naturellement qu'il avait eu un rendez-vous galant. Ce qui explique sa métamorphose radicale, il a enfin trouvé quelqu'un de sérieux, une personne assez saine pour le pousser loin du précipice et il est suffisamment sous le charme pour se laisser faire. Maintenant, il ne me reste plus qu'à espérer que ça dure, ce serait fantastique.
Et à peine deux semaines après son premier jour de sevrage, il m'annonce que finalement, il n'ira pas aux Pays-Bas, qu'il y irait plus tard avec son nouvel ami qui est originaire de là-bas et qui pourra ainsi lui montrer le véritable folklore du pays. Je commence enfin à retrouver mon frère, je ne m'étais même pas aperçue qu'il s'était autant perdu, mais maintenant que je le revois comme plusieurs années auparavant, ça me saute aux yeux. Il m'avait manqué, j'ai retrouvé mon Warren, même s'il ne peut pas être le même qu'à vingt ans, il est au moins lui-même et ça, c'est exceptionnel. Je suis presque impatiente de rencontrer son copain, même s'il ne l'appelle pas encore comme ça, pour le remercier de tous les changements qu'il a créés chez mon jumeau.
Moins d'un mois plus tard, Warren me présente enfin le fameux Tom après m'en avoir beaucoup parlé. Je suis même étonnée qu'il ne me l'ait pas présenté avant tant il en parlait pendant plusieurs heures à chaque fois.
Mais quand je le vois arriver avec mon frère, je le reconnais presque immédiatement avec sa peau trop bronzée pour être anglais et ses cheveux brun déjà poivre et sel, c'est le serveur dans le pub où Warren a ses habitudes depuis les huit derniers mois.
— Hey, ça me fait plaisir de te voir enfin, Warren m'a beaucoup parlé de toi, affirme-t-il en me serrant la main quand je rejoins le nouveau couple devant chez moi.
— Moi aussi ça me fait très plaisir de te rencontrer, il m'a aussi beaucoup parlé de toi, mais je ne sais pas si beaucoup est un adverbe assez fort.
Mon jumeau me regarde indigner comme il sait si bien le faire, mais sourit et rougit tellement en même temps que son regard outré ne fonctionne pas vraiment. Il m'a l'air tellement heureux, comme sur son petit nuage, c'est exceptionnel et ça me fait si plaisir, je n'en reviens pas. Nous nous installons chez Warren pour discuter et nous parlons pendant longtemps de tout et de rien, comme au bon vieux temps, comme quand Déborah avait la place de Tom et que Warren lui posait plein de questions comme je suis en train de le faire. Je finis d'ailleurs par poser la question fatidique, celle qui me trotte dans la tête depuis que je l'ai reconnu :
— Et depuis quand vous vous êtes rencontrés déjà ?
Warren me lance alors un regard un peu étrange que je n'arrive pas à comprendre, presque comme s'il me soupçonnait de quelque chose, mais je ne sais pas quoi.
— Ça doit fait huit mois non ? Mais dans les faits, on a commencé à se parler depuis à peu près un mois, avant Warren m'ignorait un peu, je n'ai d'ailleurs toujours pas compris pourquoi il a commencé à me parler, révèle Tom.
Je ne sais pas pourquoi, mais je l'aurais parié, ça me paraît presque évident et je commence à très bien comprendre ce qu'il s'est passé. Mon frère n'est pas du genre à avoir un brusque revirement de situation, quand quelqu'un lui tape dans l'œil soit il va lui parler directement, soit il pense n'avoir aucune chance et il n'y va jamais. Mais il ne change pas de point de vue en cours de route, encore moins si Tom ne lui a envoyé aucun signal supplémentaire, il n'aurait jamais osé.
Là, c'est quelqu'un qui lui a dit que la voie était libre. Et je ne sais pas pourquoi, j'ai le pressentiment que ce quelqu'un c'est Déborah, je pense peut-être ça parce qu'elle n'a pas quitté mes pensées de la journée. Mais ça colle étonnamment bien, après tout, je me suis toujours demandée pourquoi Déborah gardait trois voyages, elle en gardait un pour sa famille, un au cas où, par contre le dernier, je n'en ai jamais connu l'utilité, elle m'a seulement sous-entendu que c'était indirectement pour mon bien. Et franchement, sauver mon frère, c'est sans doute le meilleur cadeau qu'elle aurait pu me faire et il me plaît bien qu'elle veille sur moi depuis le futur un peu comme un ange gardien, je trouve ça beau si c'est la vérité et j'espère presque que ce le soit.
Et le temps file de nouveau, mais de manière beaucoup moins brutale, bien plus agréable, presque tout est réuni pour que tout soit parfait. Nous vivons notre rêve et il ne s'essouffle pas une seule seconde. Warren est heureux et amoureux. Moi je commence à l'être aussi en voyant de plus en plus les points positifs dans notre situation et en commençant à me construire vraiment.
Je suis épanouie presque sur tous les plans. J'ai une famille en or même si des liens de sang ne m'unissent pas à chacun des membres. J'ai une carrière fantastique. Tout autant ma carrière musicale, mon succès ne diminue pas, il augmente même, maintenant, ce sont plusieurs générations qui viennent nous écouter. Que ma carrière scientifique, je finis même pas publier plusieurs théories, dont une qui rencontre un franc succès sur la théorie des cordes et qui me mène même, pour la première fois de mon existence, sur la scène d'une conférence scientifique. Et même si ce n'est pas le plus important, c'est aussi agréable d'avoir assez d'argent pour se permettre des folies.
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