Hearsay (1)

Elle n'insiste pas après mon excuse pitoyable suite à mon fou rire et ça m'arrange honnêtement, je ne sais absolument pas comment j'aurais justifié mon acte sinon. Dans tous les cas, je me vois très mal lui dire que sa dernière phrase est dans l'une de leurs chansons qui n'est pas encore sortie et qu'en entendant les paroles de Hearsay, mes nerfs ont craquées parce que vraiment ils ont été mis à rude épreuve par Excuse Me Lady. En vrai, là, ma crise de nerfs était largement justifiée, déjà que ce n'est pas toujours facile de discuter avec une personne sans lui dire que tu viens du futur, mais là, avec la fatigue et les moments inattendus, je n'étais pas prête.

Aussi quelle personne normalement constituée se prépare dans la vie de tous les jours à tomber amoureuse de son idole vivant dans le passé ? Et là, pile au moment où tu t'y attends le moins, elle met une musique de fond qui s'avère être la chanson que tu chantais en boucle enfant sans que qui que ce soit ne sache d'où tu connais la musique ? Je ne savais même pas qu'il y avait un taux de probabilité pour que ça arrive, pour moi c'était tout simplement impossible, mais apparemment, je vais devoir envisager de rayer ce mot de ma vie si ça continue.

Nous continuons de discuter pendant le reste de la journée avec en bruit de fond différentes musiques, puisqu'elle veut apparemment tester ma culture musicale, heureusement, elle reste sur du connu : les Beatles, les Rolling Stones, Elvis Presley, les Jackson Five, Jimi Hendrix, Bob Dylan et The Who ainsi que quelques autres que je ne connais pas.

Mais elle ne m'en tient pas rigueur pour ceux qui me sont inconnus, puisque ce ne sont pas des groupes au succès mondial ni de véritables incontournables de la musique « actuelle », elle me conseille juste de les acheter un de ces quatre. Et je dois bien avouer que je le ferais pour ceux que je ne connais pas, ça fait tout de même partie de la culture générale et dans l'ensemble leurs musiques sont très cool, tout particulièrement celles de The Kinks, que je ne connaissais que de nom, mais qui l'ont l'air d'être un très bon groupe.

Et nous parlons, parlons, parlons, sans jamais se lasser, je l'écoute fascinée et elle m'écoute attentive. J'apprends plein de trucs sur elle, je ne savais même pas qu'il avait encore tant de choses à découvrir sur Terrie, mais maintenant, je ne suis plus étonnée de rien – même si je suis assez surprise de savoir que les Jumeaux Century ont une sœur, je ne savais encore moins qu'elle faisait le tour du monde. Mais au moins maintenant, je comprends beaucoup mieux les théories prétendant que Terrie était encore vivante parce que des journalistes avaient vu une femme lui ressemblant pendant sa crémation. Et elle de son côté ne relève ni les incohérences dans mes paroles, ni les anachronismes en série – bien que pour elle, je dois plus être une folle alliée qu'autre chose-, ni même les moments où je parle de quelque chose dont je ne devrais pas être au courant.

Mais surtout, j'avais l'impression de vivre à en perdre haleine, vivant comme si rien ne me retenait, comme si toutes les portes m'étaient ouvertes, comme si tout était possible. Même si j'ai très bien conscience que tout n'est pas possible, je ne peux pas aimer Terrie, je suis de son futur, elle est de mon passé, avant même que nous ayons formé un quelconque présent, c'est impossible entre nous, même avec toute la bonne volontiers du monde. Déjà qu'une relation à distance ce n'est pas facile, mais alors une relation dans le passé, c'est impossible, ce n'est pas la peine de se le cacher. Soit, je pourrais très bien tout lui dire, mais ça rendrait tout tellement plus étrange et compliqué que je n'ose pas, en plus, je n'ai aucune idée de la manière dont elle réagirait... alors je ne préfère pas prendre de risque et maintenir la magie de l'instant...

Malgré tout, je m'empêche peut-être de la toucher, d'être près d'elle, de l'embrasser, pour tenter de ne pas plus m'attacher que je ne le suis déjà, je ne m'empêche pas de vivre, ne voulant pas être fausse face à elle. C'est bien paradoxal vu que je ne fais presque que lui mentir, mais quand même, je veux quand même tout faire pour être naturelle, pour qu'elle me connaisse moi, moi et seulement moi, sans aucun artifice ni contre façon. Avec elle, je veux être la plus vraie possible, tout simplement, je veux rire à ne plus savoir s'arrêter, parler à ne plus savoir que dire, rêver à ne plus savoir qu'en faire, tant pis si tout ça est presque démesuré, je veux être moi avec elle et c'est tout.

Et à force, malheureusement, le temps passe à une vitesse assez épatante. J'ai l'impression que la journée est à peine entamée et pourtant, il est déjà tard et nous n'avons pas vu les heures s'écouler, même si nous n'avons fait que parler, nous ne nous sommes pas ennuyées une seule seconde. Pour preuve, nous nous rendons compte qu'il est tard, voire même très tard, seulement quand minuit est passé depuis longtemps. Un peu résignées et raisonnables, nous allons alors nous coucher, après que Terrie m'ait aidée à installer les draps dans la chambre d'ami improviser dans une pièce vide de la nouvelle maison de la chanteuse. Dès que je me suis couchée sur le clic-clac, je m'endorme, définitivement épuisée par cette journée même si je n'ai pas fait grand-chose d'autre que de discuter avec Terrie.

Le lendemain, je ne sais pas vraiment à quelle heure je me réveille, je suis bien incapable d'estimer un nombre, je n'ai aucun point de repère, je vois seulement que le soleil est levé. Je me doute bien qu'il ne doit pas être tôt, j'ai bien remarqué qu'ici le soleil ne pointait pas le bout de son nez avant huit heures passées.

Trouvant inutile de traîner plus longtemps au lit, je me lève et m'habille avec mes vêtements de la veille, ayant « oublié » de demander à Terrie de m'en prêter hier. En vrai, je ne suis même pas sûre de le faire à un moment, je dois avouer que j'ai déjà un peu honte de squatter chez elle, alors si en plus je lui emprunte des affaires... limites, je préfère presque garder mes vêtements sales.

Quand je suis prête, je sors de la pièce, je vois de la lumière en bas, alors je descends rejoindre Terrie, mais elle n'y est pas, pourtant, je suis presque certaine qu'elle est réveillée puisque les ampoules sont allumées ainsi que la radio. En concluant qu'elle doit être à l'étage ou chez son frère, je reste en bas à l'attendre en écoutant de la musique, ce sera tout aussi bien. Je n'ai même pas le temps d'entendre une chanson entière que Terrie réapparaît déjà dans les escaliers, sans doute fraîchement sortie de la salle de bain.

En vrai, il y a vraiment quelque chose d'épatant avec Terrie, c'est qu'elle est toujours belle, même en pyjama avec les cheveux noués en chignon improvisé au-dessus de sa tête et sans aucun maquillage, elle arrive à être belle et à dégager quelque chose. Et je ne dis pas ça parce que je suis vraisemblablement amoureuse d'elle, non, c'est la vérité, elle est belle en toute circonstance. En plus, je ne suis pas la seule à l'avoir remarqué, tous les fans du groupe ont déjà remarqué que les Jumeaux Century étaient beaux ou au moins charmants sur toutes les photos d'eux – et ce alors que l'ère du numérique n'existait pas encore et qu'il y avait des images ratées.

— Tu es déjà réveillée, rigole-t-elle en me rejoignant. Moi qui croyais être lève-tôt.

— Pourquoi il est tôt ? demandé-je plus par curiosité qu'autre chose.

— Non, neuf heures, mais on a quand même été se coucher à quatre heures de matin hier, alors ça ne fait pas beaucoup de temps de sommeil.

Je n'en reviens toujours pas que nous nous soyons couchées si tard en étant juste occupées à discuter, c'est épatant, je crois que nous nous sommes crues à une soirée pyjama ratée – enfin ratée... ça dépend clairement des points de vue parce que pour moi, c'était plutôt une soirée parfaite – à deux seulement.

— Tu veux manger quoi d'ailleurs au petit déjeuner ?

— Aucune préférence, je ne suis pas compliquée, je prendrai ce que tu as à me proposer.

— Viens voir par toi-même, je ne sais même plus vraiment ce que j'ai en stock.

Je ne peux pas m'empêcher de rire, c'est quand même la troisième fois en moins de vingt-quatre heures qu'elle ne sait pas ce qu'il y a dans son propre frigo, c'en est presque inquiétant ! Je la suis tout de même avant de la regarder ouvrir le réfrigérateur. Elle inspecte alors le contenu avec une moue dubitative, paraissant définitivement ne pas être convaincue par ce qu'elle y voit.

— Mais il y a définitivement rien c'est effrayant ce stade-là, je n'ai même pas un seul yaourt ! J'ai honte... Attends reste là, je vais chercher des trucs chez mon frère... ajoute-t-elle avant de partir en me laissant seule.

Cette fille est épatante, elle n'a même pas à manger chez elle. D'un autre côté, elle avait peut-être juste assez pour tenir jusqu'à demain ou après-demain, mais pas avec une bouche de plus – si c'est ça, je suis définitivement trop envahissante comme personne. Ou alors elle fait de base du troc de bouffe avec son frère, c'est possible aussi après tout, ils sont quand même voisins et ils ont presque toujours vécu ensemble.

— Alors comme ça ma sœur ne donne pas à manger à son invitée ? demande Warren en débarquant avec Terrie et de la nourriture. Il faut te plaindre, tu sais ? ajoute-t-il tandis que sa jumelle me regarde désespérer en hochant la tête de désapprobation. En attendant, moi, je vais me plaindre ! Je suis sérieux, il est tôt et en plus il fait froid dans ce pays ! Si ça continue comme ça, on va avoir de la neige avant Noël, ce serait bête quand même, on ne pourrait même pas bouger de chez nous !

J'adore Warren, il m'éclate à chaque fois quand il fait un cinéma pour pas grand-chose comme ça, c'est trop marrant. En vrai, je ne sais pas s'il est vraiment comme ça ou non, j'ai déjà lu plusieurs fois que quand on apprenait à le connaître, il n'était plus autant comédien, mais maintenant, j'ai un peu de mal à y croire, ça a l'air d'être une seconde nature pour lui d'être presque toujours en train de faire son cinéma. Dans tous les cas, ça m'éclate alors ce n'est pas gênant, ça fait une très bonne distraction.

— Warren Century, futur présentateur météo, soupire Terrie en rigolant.

— Ta météo est foireuse en plus, la neige ne tombe pas si facilement que ça, remarqué-je alors.

— Ça c'est ce que tu crois, en vrai, il neige facilement de ce pays, je te promets que demain, ce sera tout blanc si les températures restent comme ça.

— Je confirme, il était présentateur météo dans une vie antérieure, rajoute Terrie toujours aussi moqueuse.

— Toi, arrête de te foutre de moi, parce que méfie-toi, je te promets que s'il neige demain, tu vas te retrouver avec un seau de neige dans ton lit ! avertit-il en retour en pointant un doigt menaçant sur elle.

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