Entre Izana et Ayaka dans cette voiture, en route pour rejoindre les autres, le silence n'a jamais été aussi pesant. Pourtant, Izana décide qu'il est grand temps de le rompre.

- On... ne va pas parler des raisons qui t'ont poussée à faire ça, c'est ça ?

- C'est ça. Lui répond Ayaka, le ton froid et le regard fixement ancré sur la route.

Il soupire et Ayaka se sent obligé de se justifier.

- Ne le prend pas mal, mais je pense qu'avec ce qu'il s'est passé, une explication est superflue et... je n'ai pas le temps de me concentrer sur le superflux.

Elle est en train de faire le vide dans sa tête. Izana le comprend, parce qu'il l'a déjà vu faire ça. Une fois. La fois où elle devait arriver au dénouement de son plan contre Eiji et Mako. Cette fois où froidement, sans aucune émotion, elle avait exécuté Jonko Yamato et le lendemain en avait fini avec Eiji et Mako. Cette fois, où elle était partie.

Une certaine angoisse s'empare de lui en ce moment. Lorsque tout ça sera fini... du moins, si ça finit bien, que va t'elle faire ? Eux devront retourner au Japon c'est certain. Mais que décidera de faire Ayaka ? A en juger par son état en ce moment et l'expérience qu'il a d'elle, il y a très peu de chance qu'elle rentre avec eux.

Ce constat le sidère presque. Qu'est ce qu'il croyait ? Qu'après ça, tout redeviendrait comme avant ? Il se pense idiot de l'avoir envisagé.

Il n'a pas vraiment le temps d'y penser, qu'ils arrivent au niveau des autres. Lorsqu'ils descendent de la voiture et que Kakucho voit Izana sain et sauf, un immense soulagement l'envahit, mais aussi une immense gratitude.

Gratitude, qu'il essaye de transmettre à Ayaka dans un regard. Elle le remarque et hoche discrètement la tête.

A part lui et Sanzu, aucun d'entre eux ne sait vraiment pourquoi, Ayaka est arrivée ici avec Izana. Il est hors de question pour qui que ce soit de le révéler.

Alors qu'Izana rejoint Kakucho, c'est Mikey qui se précipite vers Ayaka, la serrant contre lui. Il a eu peur, il ne va pas mentir. La voir ici et en vie le soulage vraiment. Elle lui rend timidement son étreinte fixant pourtant le sol.

Izana, dans un réflexe incontrolable regarde ailleurs et Kakucho tient à lui rappeler quelque chose qu'il juge bon, qu'il n'oublie pas.

- C'est toi qu'elle a sauvé.

- Hm ? Fait Izana, se tournant vers lui. Pourquoi tu me dis ça ?

- Parce que ta réaction n'est pas justifié. Elle a choisit de te sauver. Elle a fait de toi sa priorité. Je pense que ça vaut plus que n'importe quel mot qu'elle pourrait te dire.

- T'as raison. Lui concède Izana, visiblement plus serein.

Après ce discret échange, Ayaka se détache de Mikey et prend la parole.

- Je vais avoir besoin d'une arme.

Revoilà la Ayaka dont ils ont l'habitude, celle pour qui, la mission est la plus importante.

Koko est satisfait de la voir ainsi. Quand elle est comme ça, la chance est de leur côté. Il s'avance vers elle et lui tant un pistolet bien particulier. Le premier qu'il lui avait donné lorsqu'elle avait intégré l'organisation.

Compter Ayaka parmi eux a toujours rassuré Koko. Il le reconnaît aisément, elle a des talents que personne n'a. Il est plutôt avare en compliments, mais veut bien lui concéder celui là : Aucune personne qu'il connaît n'a d'intelligence égale à la sienne. Une surdouée du crime, comme il aime l'appeler.

Alors, si une mission la touche personnellement, tout le monde sait qu'elle ira jusqu'au bout, sans aucun état d'âme.

De son côté, Nori entend son ravisseur dans la pièce voisine. Il a l'air dans une colère noire et prononce des mots, qu'Ayaka lui a toujours interdit d'employer.

- Comment est ce que cette pétasse a fait pour s'en sortir avec une vingtaine d'hommes dans ce hangar ? Hurle t'il, visiblement au bord de l'explosion..... Je m'en branle qu'elle ait fait partie des plus haut gradés de cette organisation de merde ! Ils étaient vingt ! Je n'ai engagé que des tocards ?! Ne leur cherche pas d'excuse ! Tu es de quel côté au juste ?!

- Du mien maintenant. Entend t'il, à travers le téléphone d'une voix suffisante mais surtout d'une voix, qu'il rêverait de ne plus jamais entendre.

L'homme devient blême. Sa respiration se coupe. Impossible. Avec tous les obstacles qu'il a mit sur sa route, comment peut elle, ne serait ce que respirer encore ? Comment a t'elle fait pour se retrouver chez Matthew Johnson ?

- Espèce de sale pute ! S'exclame t'il.

- Remettons les flatteries à un autre moment tu veux ? J'ai un marché à te proposer.

- Ne fais pas la maline avec moi ! Je te rappelle que j'ai ton neveu !

- Et si tu lui fais quoi ce soit, tu passeras à côté de l'opportunité d'enfin m'avoir à ta portée. Je te proposerai bien de l'argent, mais... on a un gars ici qui est un peu trop proche de ses sous. Alors voilà mon marché. Échange Nori contre moi et peut être qu'enfin tu auras ta vengeance. Enfin... si tu es meilleur que moi bien sûr.

Comment ? Comment a t'elle fait ? Son plan était parfait ! Se débarrasser d'Izana, de Sanzu, les affaiblir pour qu'elle se retrouve sans grand soutien... elle les a tous sauvés ? Cette femme n'est pas humaine. C'est un démon, un véritable démon. Comment se fait il que maintenant, il soit à sa merci ?

Il est hors de question qu'il meurt de la main de cette femme. Pourtant, il doit accepter son marché. Il n'a plus aucun homme et le seul qui lui restait est à présent en compagnie de ce gang de malheur. Qui sait si elle n'a pas un autre tour dans son sac, pour s'assurer qu'il ne fera rien à Nori ? Le voilà maintenant effrayé par une moins que rien.

C'est donc quinze minutes plus tard en compagnie de Matthew Johnson qu'Ayaka et les autres arrivent à l'adresse qu'il leur a indiqué. A peine la porte ouverte, Ayaka voit Nori se précipiter vers elle et quand elle lui ouvre ses bras, il l'enlace si fort qu'il l'étoufferait s'il avait une force d'adulte.

- C'est fini. Lui assure Ayaka.

- Il est partit. Les informe Nori.

- Quoi ? Fait Kakucho dans l'incompréhension.

- Il... il m'a laissé ici et il est partit. Explique Nori, ne s'étant toujours pas détaché d'Ayaka.

Tous se regardent ne sachant pas que croire.

- On va faire le tour. Assure Ran, suivit par son frère.

Alors qu'il s'en vont, Nori regarde enfin Ayaka. Il doit lui demander... il a besoin de savoir.

- Tu sais... il m'a dit quelque chose.

- Qu'est ce qu'il t'a dit ?

- Est ce que... c'est toi, qui a tué mes parents ?

Ayaka reste interdite. C'est comme si on venait de la frapper. Elle secoue la tête, mais n'arrive pas à répondre. Contre toute attente, c'est Koko qui intervient.

- Non. Dit il fermement, s'accroupissant à la hauteur de Nori. Ta tante n'a pas fait ça. C'est un menteur.

Ayaka le regarde dans l'incompréhension la plus totale. Pourquoi a t'il fait ça ? Ce qui la ramène à la réalité, est l'immense et évident soulagement que ressent Nori en cet instant.

- Je savais que tu n'avais pas fait ça. Lui dit il, l'enlaçant une nouvelle fois.

Voyant le regard de la jeune femme toujours posé sur lui, Koko lui signifie d'un geste qu'ils en parleront plus tard.

Les Haitani reviennent et confirme ce que dit Nori. Il n'y a aucune trace de qui que ce soit d'autre ici. Il s'est tout bonnement enfuit.

- Quel lâche ! Peste Sanzu. Où est ce qu'il peut être ?

C'est Mikey qui répond partiellement à sa question, lorsqu'il passe un coup de fil à ses hommes restés au Japon, leur disant de se méfier les jours à venir en attendant qu'ils reviennent.

Mikey semble avoir vu juste. Il y a de grandes chances que cet homme pense à rentrer pour les détruire.

Alors, se dit Ayaka, c'est chez eux que tout se terminera. Il est inutile d'essayer de l'arrêter ici. Puis en finir au Japon, leur donnerait un avantage de taille. Ils ont bien plus d'alliés là bas que dans un pays étranger.

C'est donc la dernière nuit qu'il passeront dans leur QG provisoire. En effet, ils doivent trouver une solution pour Nori. Ils ne peuvent pas l'emmener avec eux pour le moment.

Et puis, il y a Matthew Johnson, lui non plus ne peut pas être laissé sans surveillance. Bien qu'il ait assuré qu'il ne ferait rien, ils préfèrent s'en méfier.

Pour le moment, ils l'ont laissé chez lui, avec sa femme et son fils. La peur n'est pas encore redescendue. Il ne fera rien contre eux ce soir c'est évident. Il a sûrement encore le souvenir de l'arme d'Ayaka fermement posée contre sa tempe.

Profitant du fait que Kakucho ait décidé de s'occuper de Nori quelques instants, Ayaka en profite pour aller voir Koko.

- Pourquoi tu lui as mentit ? Lui demande t'elle.

- Parce qu'il n'a plus que toi, Aya. Tu es la seule personne qui lui reste. Il ne peut pas se permettre de te perdre. Alors... pour son bien, il va falloir que tu t'arranges avec ta culpabilité. Ne le prive pas de la seule famille qu'il lui reste. Et puis... il n'avait pas besoin d'entendre la vérité. Il avait besoin d'entendre qu'on lui avait mentit. Il a assez vécu d'horreur sans en rajouter tu ne crois pas ?

Elle hoche la tête et la surprenant grandement, il lui ébouriffe les cheveux.

- Mais qu'est ce que tu fais ?! S'agace t'elle, se recoiffant comme elle peut.

- C'est bon de refaire équipe avec toi idiote. Rit il un peu.

Elle secoue la tête dans un petit rire silencieux. Koko est bien le seul à n'avoir eu aucune rancœur envers elle.

La nuit tombée, Nori s'est enfin endormi dans l'une des chambres. Ayaka pensait qu'il aurait eu du mal après tout ça, mais l'épuisement à eu le dessus. Aussi, la promesse qu'Ayaka dormirait avec lui.

- On ne peut pas emmener Nori. Je ne peux pas rester ici non plus. Commence Ayaka. Pas tant que ce batard sera en vie.

- Tu as raison. Confirme Izana. Ce serait trop dangereux de le garder avec toi.

- Il faudrait qu'il reste ici. Intervient Mikey. En si peu de temps, je nous vois mal trouver des personnes de confiance pour le garder ici.

- Il y a un internat dans son école non ? Intervient Kakucho.

- Oui... mais... les inscriptions sont closes. Déplore Ayaka.

- Tu sais... avec un peu d'argent et de la persuasion, ça m'étonnerait qu'ils te disent non. Explique Mikey. Puis au moins il aura toujours ce repère de l'école.

C'est instinctivement vers Koko qu'Ayaka se tourne.

- Ça va... je suis pas le pire des rats ! Bien sûr qu'on peut payer.

Un petit rire échappe à Ayaka.

- Puis, Rindou et moi on doit rester ici pour surveiller Matthew Johnson jusqu'à ce que ce soit régler. L'informe Ran. Alors... on veillera sur lui.

- Toi ? Veiller sur un enfant ? Fait Ayaka, arquant un sourcil.

- Hey ! J'ai élevé Rindou ! C'était pas une mince affaire ! Conteste Ran.

- Je te remercie. Souffle Rindou.

C'est la meilleure des solutions en si peu de temps. Ayaka le sait très bien. Pourtant laisser Nori est vraiment dur pour elle, encore plus après tout ça.

- Je te promet que tout ira bien. Dès que ce sera fini, on vous rejoindra et tu retrouvera Nori sain et sauf. Je n'ai qu'une parole Aya. Lui assure Rindou.

Elle le croit. Rindou ne lui a jamais donné de raison de douter de lui. Elle se résigne et accepte.

- Je vous remercie. Dit elle. Merci pour tout.

Ils hochent tous la tête. L'aider n'était même pas discutable pour eux. Malgré tout ce qui a pu se passer, elle est et restera une des leurs.

Quand le lendemain matin, Ayaka explique à Nori ce qu'il va se passer, le petit garçon a une réaction assez inattendue.

- Tu es sûre qu'on peut leur faire confiance ?

- Bien sûr pourquoi ? Lui répond Ayaka.

- Tu as vu leur cheveux ? Lui demande t'il, très sérieusement.

Cette réaction provoque un rire chez beaucoup d'entre eux.

- Oh oui. Répond Ayaka. On peut leur faire confiance, mais pas pour le bon goût.

- Espèce de... Commence Rindou.

- Il y a un enfant Rindou. Le coupe Ayaka. Tu ne peux pas dire tout ce que tu veux !

Revoilà les rires. Honnêtement, Ayaka avait perdu l'habitude de ce genre de moment avec eux. Ce sera difficile avec Nori, après tout ça. Il ne réalise pas encore ce qu'il s'est passé. C'est pour ca qu'il accepte tout ça sans broncher. Qu'il est aussi docile. Quand il le fera, elle sait qu'il vivra une période compliquée. Mais elle sera là pour lui. Quoi qu'il puisse se passer, elle sera cette personne sur qui il pourra toujours compter. Elle se le jure.

Sur le départ, Ayaka voit quelque chose qui la préoccupe encore plus, dans le regard de Sanzu. Ils vont devoir discuter.