- Et je lui dis quoi à cet enfant si on va jusqu'au bout hein ? Je suis ta tante et j'ai envoyé tes parents en enfer, tu m'en veux pas trop, dis ? Lance Ayaka à Rindou et Kakucho, sur le chemin du retour.

- J'imagine que c'est compliqué. Répond Kakucho. Mais... est ce que tu te sentirai bien, si on ne faisait rien ?

- J'en sais rien ! J'en sais rien du tout ! Je me sentirai mal, quoi qu'il arrive. Mais... cet enfant... il a rien demandé... il a rien fait à personne. C'est juste un enfant ! Je... je suis pas comme ma sœur. Je... je ne serai jamais comme ma sœur. Je ne ferai pas les mêmes choix qu'elle.

Il y a autre chose là dessous que la découverte de cet enfant. Les deux jeunes hommes le sentent. Depuis ce matin, elle est complètement bouleversée. Bien avant d'avoir vu cet enfant, quelque chose n'allait pas.

En effet, depuis ce matin, l'image de l'expression de Mikey quand il s'en est prit à elle, la hante. Une telle noirceur dans son regard, une telle violence dans ces gestes, elle ne pensait pas qu'il lui arriverait un truc pareil.

C'est arrivé à sa sœur. Ça ne peut pas lui arriver à elle. Elle ne l'acceptera pas. Elle n'est pas comme elle. Ce n'est pas une victime. Jamais elle n'acceptera ce que sa sœur a accepté.

"Je ne suis pas comme elle !"

Elle se répète cette phrase en boucle. Elle tente elle même de s'en convaincre. Parce qu'au fond d'elle, il y a cette petite voix, à peine audible, qui lui dit que Mikey n'avait peut être pas l'intention de lui faire du mal.

Est ce que c'est ce que Mako entendait ? Est ce que cette voix était plus forte que le reste ? Non. Elle doit la faire taire. Elle ne finira jamais comme Mako. Avec un homme qui la frappe, quand il est énervé.

Mikey avait l'air tellement sincère pourtant, quand il s'est excusé. Il avait même l'air perdu. Est ce qu'Eiji était pareil quand il frappait Mako ? Est ce que c'est comme ça, qu'il l'a attendrit ?

Mikey n'a pas été aussi violent qu'Eiji, pourtant. Mais, Ayaka ne peut pas lui pardonner ça. Qui sait ce qu'il serait capable de faire si elle pardonne ça ?

- Écoute. Intervient Rindou. On n'a qu'à faire une pause et te laisser le temps de réfléchir. Qu'est ce que tu en dis ?

Elle hoche simplement la tête et se concentre sur la vitre, laissant son regard errer sur la route défilant sur le côté.

Kakucho et Rindou à l'avant de la voiture, se lancent un regard préoccupé. Il n'est vraiment pas communs de voir Ayaka douter lors d'une mission. Au contraire, elle est plutôt du genre à ne pas se soucier des conséquences.

Cette situation est certes différente, mais la voir faire preuve d'autant de retenue et d'hésitation est presque déstabilisant pour eux. Ils pensaient qu'elle trouverait rapidement une alternative. Au lieu de ça, elle est presque prête à abandonner.

Durant le reste de la journée, Ayaka reste cloîtrée dans ses appartements. Voilà des heures qu'elle joue nerveusement, avec l'origami que lui a donné Niro, affalée en travers de son lit.

C'est la première fois de sa vie, qu'elle n'a aucune idée de ce qu'elle doit faire. Ce petit garçon lui ressemble tellement. Il a ses yeux et son sourire aussi. Les mêmes que Mako.

Son regard se baisse vers ses poignets. Ils commencent à être parsemés de marques.

"Il a vraiment serré si fort ?"

"Qu'est ce que je croyais de toute façon ? Je suis dans un gang. La violence, c'est le quotidien ici. Pourquoi ça m'étonne ?"

"Je ne mérite pas mieux apparemment."

"Je ne suis qu'une idiote."

Cette nuit non plus elle ne dormira pas. Elle ne se torture pas autant l'esprit d'habitude. Mais c'est beaucoup trop à encaisser en si peu de temps.

Le lendemain, épuisée, Ayaka assiste à une réunion dans le bureau de Mikey. Elle a soigneusement évité n'importe quel regard qu'il a essayé de lui lancer. Elle préfère se concentrer sur l'objet de ce rassemblement.

- Selon quelques sources... Commence Izana. Un mec fait son trafic dans les rues qui nous appartiennent. Il place ses sbires et récupère de l'argent qui nous revient. Il faut qu'on aille voir ce qu'il se passe là bas et qu'on mette fin à ça. J'ai l'intention d'y aller aujourd'hui. Sanzu m'accompagne. Quelqu'un d'autre veut se joindre à nous ?

Instantanément Ayaka se désigne. Ce n'est pas le genre de mission auxquelles elle prend part, en général. Mais, elle a besoin, vraiment besoin de sortir d'ici.

- A moins que ça ne vous gêne. Termine t'elle.

- Non, ça nous gêne pas. Précise Sanzu. C'est juste... inattendu.

- Va te préparer dans ce cas, on décolle dans une heure. Conclut Izana.

Elle hoche la tête et sort de ce bureau rapidement, sans plus un mot.

Les autres prennent congés aussi et Sanzu arrête Izana dans un des couloirs.

- Tu sais ce qu'elle a ?

- Hm ? Fait Izana, fronçant les sourcils.

- Ayaka. Depuis quand elle se propose pour ce genre de mission ? Surtout... depuis quand elle est si... docile ?

- C'est Mikey, son mec maintenant. Vois ça avec lui. Moi j'en sais rien.

Lui aussi la trouve bizarre. Mais, il n'a aucune confiance en Sanzu. Alors, il préfère garder pour lui son inquiétude, se promettant tout de même d'essayer de comprendre pourquoi elle est ainsi.

De son côté, Ayaka vient de finir de se préparer. Elle a fait attention à porter une veste assez longue pour cacher les marques sur ses poignets. Elle ne veut pas de question. Surtout, elle ne veut aucune pitié. Elle en est persuadée maintenant, c'est de sa faute.

Mikey a vu la même faiblesse en elle, que celle qu'Eiji a vu en Mako. Plus jamais, il n'aura cette occasion. Plus personne ne pourra la penser faible.

C'est d'ailleurs Mikey qu'elle croise en sortant de sa chambre. Il a besoin de lui parler. Il a besoin qu'elle lui pardonne et qu'elle arrête de l'ignorer. Si elle veut lui hurler dessus ou le frapper qu'elle le fasse si ça peut l'aider.

Il voit l'appréhension dans le regard de la jeune femme quand elle l'aperçoit. Il reste à une distance raisonnable. Il ne veut pas l'effrayer d'avantage.

- Je... je ne voulais pas Aya. Je... je ne sais pas ce qui m'a prit.

Elle hoche simplement la tête en réponse. Elle semble tétanisée. Pourtant, elle aimerait plus que tout partir d'ici, le fuir.

- Je sais que rien de ce que je te dirai, ne changera ce qu'il s'est passé. Mais... ça me rend dingue que tu aies peur de moi. Tout le monde... a toujours peur de moi. C'était pas ton cas. Tu sais que je ne suis pas... comme ça normalement.

Il aimerait arriver à mieux s'exprimer. Lui expliquer qu'il n'a pas pu se contrôler. Que c'est quelque chose en lui, qui le ronge et qui est plus fort que lui. Elle ne le croira pas. Il est conscient qu'elle ne lui fera plus jamais confiance.

- Je... je t'aime, Aya. Lâche t'il dans un soupir désespéré.

Comment il peut l'aimer et lui faire du mal ? C'est ce que se demande Ayaka. Il serait capable de lui mentir, avec un mensonge aussi éhonté ? Elle reste silencieuse et continue de le fixer.

- Je ne sais pas quoi faire. Avoue t'il. Si... si j'essayais de me faire soigner... je sais pas... tout ce que tu veux, pour que tu n'aies plus peur.

- Je... j'ai pas mon mot à dire là dessus. Fait... ce que tu veux. Je sais pas si ça changera quelque chose.

- Je n'ai jamais voulu te blesser, je te le jure....

- Je te crois. Le coupe t'elle sèchement. Je veux juste... que tu t'en ailles pour le moment, s'il te plaît.

- Désolé, je dérange ? Fait Izana, venant d'arriver.

Quand Ayaka le voit, son visage se détend.

- Non. Répond t'elle, un soulagement évident dans la voix. Pas du tout. On peut y aller.

- Vous n'avez pas une discussion à terminer ? Demande Izana, perplexe.

- Vous allez prendre du retard. Intervient Mikey. Faites attention à vous. Dit il, avant de s'en aller.

Quand il disparaît Ayaka reprend ses esprits et emboîte le pas à Izana.

- Tu crois qu'on peut... lui confisquer les produits qu'il vend si on trouve ce mec ? Demande innocemment Sanzu à Izana, dans la voiture.

- Tu changeras jamais. Soupire Izana.

- T'es vraiment pas marrant Izana. Râle Sanzu.

- Je suis surtout plus sérieux que toi. C'est pas difficile remarque.

- Va te faire foutre.

- Restons concentrés. Lance Ayaka. On est bientôt arrivés.

En effet quelques minutes plus tard, ils arrivent dans un des quartiers leur appartenant. Ils observent les alentours et Ayaka remarque deux hommes, adossés contre un mur d'une ruelle, regardant nerveusement par dessus leurs épaules.

- Eux là bas. Dit elle, les désignant de la tête. Ils sont des nôtres ?

- Non. Jamais vu. Répond Izana.

Leurs trois regards s'attardent sur eux. Après qu'il ait reçu un coup de téléphone, un des deux hommes se saisit d'un sac dissimulé derrière lui et s'éloigne.

Ayaka décide de sortir de la voiture pour le suivre discrètement.

- Où tu vas ? La retient Sanzu.

- Une femme ça se remarque pas. Je sais être discrète. Explique t'elle. Vous deux... vous faites peur. C'est pas un reproche, hein ?

- Non pas du tout. Ironise Sanzu, avant de la laisser partir.

A la fin de sa filature, Ayaka se retrouve planquée derrière un mur et devant cette scène devant elle, elle étouffe un rire victorieux. L'homme qui reçoit ce sac, n'est autre que Jonko Yamato. L'associé d'Eiji.

Enfin se dessine dans l'esprit d'Ayaka, un moyen de parvenir à ses fins. Surtout elle réalise que tout le gang dont elle fait partie va pouvoir l'y aider, sans même le savoir.