Kakucho regarde Ayaka en silence, tandis que le regard de la jeune femme est ancré à ce couple à travers la fenêtre. Kakucho remarque quelque chose d'important. Ayaka s'est garée à une distance qui fait qu'ils peuvent les voir, mais que ce couple ne peut pas.

- Ils ont l'air d'un beau couple, hein ? Lâche finalement Ayaka.

- Plutôt, oui. Reconnaît Kakucho.

- Pourtant, ça fait des années que ce mec la cogne. Je suis même étonnée qu'elle soit toujours vivante.

- Comment tu sais ça ?

- Cette femme que tu vois, par la fenêtre. C'est ma sœur. Dévoile t'elle, dans une froideur qui lui est familière.

Kakucho ne s'attendait pas à ça. Cependant, en y regardant plus attentivement, il note une ressemblance plutôt évidente entre les deux femmes. Ayaka a un profond soupir et commence à s'expliquer.

- Ma sœur et moi, on a perdu nos parents il y a une dizaine d'années. On a vécut ensemble après ça. Puis, elle a rencontré ce mec. Au début, il était gentil, adorable même. Le mec idéal. Un putain d'enfoiré ouais. Rit elle, nerveusement. Ils se sont mariés rapidement. J'étais heureuse pour elle. Vraiment heureuse, je t'assure.

Elle raconte quelque chose de douloureux, mais c'est bien cette froideur de marbre dans sa voix, qui est la plus frappante pour Kakucho. Il porte toute son attention sur son récit, comprenant aisément que ce qu'il s'apprête à entendre, va être difficile à digérer.

- Un jour, elle est passée chez moi et... elle avait des bleus. Beaucoup de bleus. Je lui ai tiré les vers du nez et elle a finit par m'avouer, que c'était lui. J'ai essayé de la convaincre de ne pas rentrer. De rester avec moi. J'étais prête à la protéger s'il venait jusque chez moi. Mais... il s'est excusé. Il lui a offert des tonnes de fleurs, de bijoux, de restaurants. Même un voyage. Il lui a promit que ça ne se reproduirait plus. Cette idiote l'a cru. Pas moi. Selon moi, un homme qui te frappe une fois, recommencera à coup sûr.

- Je suis d'accord avec toi. Assure Kakucho.

Elle lui lance un regard entendu et reprend.

- Et il a recommencé. J'ai encore essayé de la faire fuir cet homme. J'ai essayé de lui expliquer que ce n'était pas de l'amour. Que ce n'était pas normal. J'ai tout fait pour qu'elle reste avec moi. Elle n'entendait rien. Pire. Elle le croyait, lui. Il a même réussit à la convaincre que c'était moi le problème. Que j'étais jalouse de leur bonheur. Quel bonheur au juste, hein ? Tu peux me dire où était le bonheur là dedans ?

Ce n'est pas une question qui appelle à une réponse, tant celle ci est évidente. Aucun bonheur ne peut se trouver dans cette situation.

- J'avais une telle haine contre lui, en moi. Je le détestais. Je le déteste toujours autant. Plus que je n'ai jamais détesté personne. Un jour, pour faire la paix, ce batard m'a invitée chez eux. Je l'ai vu la frapper. Il lui a donné une gifle tellement forte, qu'elle est tombée par terre. C'était trop. Je n'ai pas pensé une seule seconde à moi. La seule chose qui m'importait, c'était de sauver ma sœur. Je voulais qu'elle soit en sécurité loin de lui. Ma haine a explosé ce jour là. Je me suis jetée sur lui. Je n'ai pas vraiment de souvenir précis de ce moment là. C'était comme si... j'étais quelqu'un d'autre.

Kakucho comprend ce qu'elle veut dire. Il aurait sûrement réagit de la même manière qu'elle, s'il avait assisté à ça.

- Je l'ai frappé, jusqu'à ce qu'il ne bouge plus. Je me disais qu'en voyant ça... après ça en tout cas, ma sœur me suivrait et comprendrait. Il n'était plus une menace pour le moment, alors... elle n'aurait plus peur de le quitter. Qu'est ce que j'ai pu être conne, ce jour là.

Elle semble s'en vouloir. Pourtant Kakucho voit en sa manière d'agir, quelque chose de normal. Elle ne devrait pas se sentir coupable d'avoir voulu protéger sa sœur.

- Il a porté plainte contre moi. Agression, coups et blessures volontaires et toutes ces choses là. J'ai expliqué à la police que c'était parce qu'il frappait ma sœur, que je n'avais pas le choix. Quand ils ont interrogé ma sœur... elle a nié. Elle a dit qu'il ne l'avait jamais touchée et que je m'étais jetée sur lui sans raison. Alors... j'ai finit en prison. Ma propre sœur, m'a envoyée en prison alors que je voulais juste l'aider. Elle n'est jamais venue me voir en quatre ans. Pas une lettre, pas un signe de vie, rien du tout. J'étais toute seule.

Kakucho a un regard compatissant envers elle. Il comprend maintenant, sa réaction d'hier et son refus catégorique d'aider cette femme qui se faisait malmener. Elle a dû revivre ça en l'espace de quelques minutes.

- Je suis vraiment désolé, Ayaka. Assure sincèrement Kakucho.

- J'ai pas besoin de ta pitié Kakucho. Souffle t'elle.

- Ce n'est pas de la pitié. Ce qui t'est arrivé, c'est injuste. C'est dégueulasse.

- C'est ce qu'on récolte quand on veut aider les autres. Soupire t'elle. Quand je suis sortie de prison, je me suis jurée que plus jamais, on ne me trahirait comme ça. Qu'à partir de ce moment, je penserai uniquement à moi et à personne d'autre. Alors... je suis devenue celle que tu connais aujourd'hui. Si moi je ne fais pas attention à moi, personne ne le fera. Je ne ferai plus confiance à qui que ce soit. Comment je peux avoir confiance en quelqu'un, quand la personne qui était censé m'aimer plus que tout, m'a fait ça ? Comment je peux croire en un homme, quand il jure l'aimer et qu'il la frappe comme ça ? C'est l'amour qu'elle a pour lui, qui l'a rendue aussi bête. Hors de question que je sois comme elle.

Kakucho comprend pourquoi elle est devenu comme ça. On serait devenu comme elle, pour moins que ça. Néanmoins, quelque chose l'intrigue.

- Si tu ne fais confiance à personne, pourquoi me raconter tout ça ?

- Parce que je te connais. Tu aurais cherché de ton côté. Tu serais sûrement tombé sur quelques trucs et vu l'image que tu as de moi, tu en aurais tiré les mauvaises conclusions. Je préférais tout t'expliquer moi même.

- Quelle image tu penses que j'ai de toi ?

- Pour toi, je suis le poison qui va détruire la personne qui compte le plus pour toi. En fait, t'as la même image de moi, que celle que j'ai du mari de ma sœur. Mais... je n'ai aucune intention de détruire Izana. Ni Mikey d'ailleurs. Ils sont libres d'arrêter, si ça les fait souffrir. J'ai été claire là dessus.

Kakucho doit reconnaître qu'elle a raison. C'est un peu l'image qu'il avait d'elle jusqu'à aujourd'hui. Pourtant, il la voit différemment ce matin.

- Tu peux penser ce que tu veux de moi, Kakucho. Reprend t'elle. Ça ne me gêne pas. Je sais ce que je suis et je suis à l'aise avec ça. C'est contraire à tous tes principes, je le sais. Mais, de toutes façons, je ne m'imaginais pas qu'on puisse s'entendre toi et moi.

- Détrompes toi. On se ressemble sur certains points. J'aurai sûrement fait la même chose que toi, dans ta situation. Je serai sûrement... même allé plus loin.

Ayaka hoche la tête et reprend la parole.

- Tu vois cette voiture là bas ? Dit elle, pointant du doigt, l'arrière de la maison.

Il lui confirme qu'il l'a aperçu, par un hochement de tête.

- Le jour de ma libération, il a demandé une protection à la police. L'argent peut tout acheter hein ? Quand j'aurai trouvé le moyen de le faire sans me faire chopper.... je tuerai ce fils de pute.

- Je t'aiderai, tu as ma parole. Assure instantanément Kakucho.

- Je préfère ne pas y compter.

- Je me doute. Mais... tu fais partie du même gang que moi, Ayaka. A ce titre, je t'aiderai toujours. Je ne suis pas homme à revenir sur la parole que je t'ai donné.

- Peut être. Soupire Ayaka. Tu sais... depuis qu'Izana m'a ramenée avec vous, je sais pas... je me sens... moins seule... comme si j'étais... en sécurité.

- Tu l'es. Et tu le resteras. Tu peux compter sur moi.

Elle a un petit rire. Elle ne sait pas vraiment si elle doit le croire. Elle lui inspire de l'aversion, malgré ce qu'il peut dire. Alors, selon elle, si une de ses actions ne lui plaît pas, il la trahira. C'est une éventualité, qu'elle préfère ne pas ignorer. Pourtant, elle aurait presque envie de le croire, tant il a l'air sincère. Mais, elle ne peut pas. Elle ne peut plus croire en personne.

Pendant que Kakucho et Ayaka s'expliquent, Sanzu est dans le bureau de Koko. Il est sur les nerfs et Koko se demande pourquoi.

- Ce batard d'Izana. Gronde Sanzu. Il a fait exprès de dire ça devant tout le monde. Pour atteindre Mikey. Puis, qu'est ce qu'elle cherche Ayaka ? S'emporte t'il.

Koko a un rire suite à ses paroles. Rire qui fait s'énerver encore plus Sanzu.

- Quoi ? T'es d'accord avec ce qu'elle fait ?

- Moi, je suis d'accord pour que tout le monde fasse ce qui lui plaît. La seule raison pour laquelle, ce que fait Ayaka ne te plaît pas, c'est uniquement parce que Mikey est impliqué. Si ça avait été l'inverse, que Mikey avait trouvé deux femmes prêtes à accepter cette situation, tu l'aurais félicité et tu aurais pensé que c'était une idée de génie. Moi, j'ai choisit de penser la même chose pour Ayaka. Elle ne les force à rien. Ils sont assez grands pour prendre leurs propres décisions. S'ils ne disent rien, c'est que quelque part, ils y trouvent leur compte.

- Oui, mais tu as vu l'état de Mikey, ça l'a vraiment blessé ! Izana a fait ça uniquement pour le blesser !

- C'est vrai. Mais, ils doivent savoir que ce sera un combat de coq à la fin de toutes façons. Lâche l'affaire Sanzu. Ça ne regarde qu'eux.

Sanzu n'en démord pas. Mikey avait vraiment l'air touché et ça ne lui plaît pas. Mikey est très important pour Sanzu. Sûrement autant qu'Izana l'est pour Kakucho. Koko veut bien essayer de le comprendre, mais il a un autre point de vue. Selon lui, leur relation à tout les trois, ne regarde personne.

- Puis, franchement dormir avec Izana alors qu'elle ne l'accorde pas à Mikey, c'est pas juste ! Lance Sanzu.

- Elle n'a pas réfléchit comme ça. Tu n'étais pas là, hier soir ! Elle n'était vraiment pas bien. Si Mikey avait été à la place d'Izana, elle aurait sûrement fait la même chose. Et Mikey aurait fait la même chose qu'Izana, uniquement par égo. Peut être que si tu étais objectif, tu le comprendrais. Soupire Koko.

Il y a une part de vérité, dans ce que dit Koko. Elle aurait agit de la même manière quelque soit celui des deux qui était avec elle. Parce qu'à ce moment là, Ayaka n'a pensé qu'à elle et à ce dont elle avait besoin.