Chapitre un : 🩸

~Trois ans plus tôt, village d'Artémis~

Je me réveille, les yeux larmoyants, et les poumons en feu. Une main me tire par le bras, et je crois entendre un hurlement de terreur avant qu'une voix caverneuse me hurle.

-Artémis ! Debout, le village est attaqué ! Vite, habille toi, et cours aider ta mère à repousser nos assaillants !

Mon père semble effrayé. Jamais, je dis bien jamais, je n'ai vu mon père avoir peur ! Je sens qu'il se passe quelque chose de bien différent des autres attaques.

Je me redresse difficilement, et je peux voir que le feu à pris possession des meubles de ma chambre. Le son d'une corne de brume se fait entendre entre les hurlements et les bruits d'armes qui s'entrechoquent, signe que nos lignes de défense faiblissent. L'ennemi est aux portes de la ville, ils ne vont pas tarder à y entrer. Ils nous ont pris par surprise, nous ne nous y attendions pas.

La rage dévore mon corps, et je dévale l'escalier de chez moi. J'évite autant que je peux les flammes qui me lèchent les bras, tenant d'une main mon épée, de l'autre mon écharpe, plaquée sur ma bouche. La fumée est épaisse, et mes yeux brûlent, j'ai du mal à trouver la porte de sortie.

Quand, enfin, je sors, l'effroi me saisit. Le village s'écroule, emportant des familles avec lui. Je peux entendre des cris de nourrisson sous les décombres de la maison voisine de la mienne. Je cours aussi vite que je peux sauver le pauvre enfant, qui est allongé dans son berceau, le plafond miraculeusement encore en place au dessus de lui. En essayant retrouver le bambin, j'enjambe les cadavres de sa famille, surpris trop tard par l'attaque. Je ne prends pas le temps de les plaindre que le plafond grince, menaçant de s'écrouler sur l'enfant.

Je bondis, esquive les gravas qui s'écroulent autour de moi, récupère le nourrisson, et m'extirpe de la maison écroulée. Je prends quelques secondes de répit, puis cache l'enfant dans le puit vide en promettant de revenir vivante le chercher.

Ma mère, sur la place principale, se bat contre trois barbares. Je me place à ses côtés, et elle me gratifie d'un regard qui veut tout dire. Elle faiblit. Je ne peux lui répondre qu'une épée jaillit sous sa cage thoracique. Son regard se baisse vers l'arme, avant de remonter sur mon visage et de me sourire une dernière fois. Elle tombe.

Les combats font rage autour de moi, je n'ai le temps de pleurer ma mère. Un chevalier ennemi me menace du tranchant de sa lame, et je réplique comme je peux.

De fil en aiguille, mes semblables pleuvent sous les attaques ennemies. D'un instinct de survie, je me résous à abandonner ce qu'il reste de survivants pour avoir l'espoir de rester en vie. Je trouve, à l'extérieur du cercle d'habitation, une petite grotte, que je bouche à l'aide de quelques pierres.

Une heure passe. Puis deux. Puis trois. À partir de cet instant, je perd toute notion du temps. Je ne sais combien de temps est passé, mais au bout d'un moment qui m'a parut interminable, je jette un coup d'œil à l'extérieur de mon abri de fortune.

Tout est désert. Aucun bruit, aucune plainte à l'horizon. Et d'un coup, comme s'il m'avait entendu, un son perce le silence assourdissant. Des pleurs, venant du puit vide. L'enfant ! Je m'extirpe difficilement de mon refuge pour me rendre compte de l'horreur autour de moi.

Des corps. Du sang. Un douloureux sentiment naît en moi. Une peine écrasante. Elle s'infiltre dans mon corps pour venir prendre l'espace de mes poumons. L'air a de plus en plus de mal à passer dans ma trachée. Ma peine est si lourde que rien ne parvient à mes oreilles. Mes jambes peinent à me retenir debout, mon corps s'écroule sur le sol poussiéreux. Pendant de longues minutes, je suffoque. Seul les gémissements du bambin encore dans le puit parvient à me sortir du semblant de transe qui m'habitait.

Je me redresse, fébrile, les membres tremblants, et essaye tant bien que mal de faire abstraction du spectacle effroyable qui m'entoure. Je récupère le nourrisson en pleurs, qui se calme immédiatement au contact de ma chaleur. Je regarde son petit visage, si vivant, sur un sol rouge de sang. Je m'avance, le bruit de mes pas pour seul son, et pose mes doigts sur le visage ensanglanté de mon père.

Une unique larme coule sur ma joue, que j'essuie rageusement.

Pleurer, c'est être faible. Tomber, c'est s'avouer vaincu.

Et jamais je ne tomberais.

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