CHAPITRE 3.

Noah adorait les cheveux d'Isaac. Contrairement aux siens, toujours en pétard mais fins et lisses, ils étaient épais et bouclés. Lorsqu'il l'embrassait comme il le faisait là, il était incapable de résister à l'envie de les caresser. Alors il le fit, glissa ses doigts dans sa tignasse bouclée et lui rendit son baiser, tandis que les mains fortes d'Isaac caressaient, elles, son dos et son visage.

Ils s'embrassèrent durant près de cinq minutes, étroitement enlacés et avides de caresser et sentir l'autre tout près. Ils reprirent leur souffle à plusieurs reprises, entre deux baisers ou sourires, et s'abandonnèrent à l'autre : cela faisait trop longtemps qu'ils ne s'étaient pas retrouvés ainsi et être enfin ensemble était comme un rêve. Amoureux, le baiser fit passer les messages évidents plus simplement que s'ils les avaient prononcés à voix hautes ; ils s'étaient manqués, ils s'aimaient, ils étaient fiers l'un de l'autre. Isaac se sentait enfin lui-même sous les mains de Noah et Noah, lui, était au paradis.

Ils furent forcés de se séparer, définitivement à bout de souffle. Ce fut Noah qui se recula en premier mais, contrairement à Isaac, il garda les yeux fermés. Le front contre celui d'Isaac, il inspira profondément et se mordit violemment la lèvre de plaisir. Ses doigts se resserrèrent sur les boucles de son petit-ami et il se sentit trembler de la tête aux pieds : l'extase, voilà ce qu'il ressentait. Aucun autre moment au monde n'aurait pu être plus beau et plus agréable que celui-ci. Isaac, lui, ne perdit pas une miette du spectacle et sentit son coeur exploser dans sa poitrine : Noah était magnifique. Noah était parfait.

— Tu m'as tellement manqué Noah... souffla-t-il.

Noah sentit ses joues s'empourprer et un sourire étirer ses lèvres. La chaleur qu'il ressentit dans son coeur, son thorax et son bas ventre trahit le bonheur qui le frappa alors : rares étaient les fois où Isaac était si démonstratif. Ce baiser qu'ils venaient d'échanger, les mots doux, le désespoir dans sa voix... Noah comprit aussitôt qu'Isaac ressentait la même chose que lui : il était lassé et souffrait de vivre dans un mensonge.

— Toi aussi tu m'as manqué...

La main de Noah glissa sur la nuque chaude et large de son petit-ami, qu'il papouilla un instant avant de déposer un dernier petit baiser sur ses lèvres. Lorsqu'il se recula un peu et prit le visage d'Isaac entre ses mains, toujours au creux des bras de ce dernier, son coeur se serra. Et si ses doigts gauches caressèrent la nuque d'Isaac, son pouce droit, lui, vint caresser ses lèvres pulpeuses et sa paupière. Son coeur se serra.

— Qu'est-ce qu'il s'est passé ?, murmura-t-il à la fois triste et énervé.

— J'me suis battu pendant le match.

Noah avait effectivement entendu parler d'une bagarre survenue lors du match des Moose, mais il n'était pas dupe : les joueurs portaient des casques et Isaac avait répondu si machinalement qu'il comprit qu'il avait préparé sa réponse à l'avance. De plus, il le connaissait par coeur. Il savait tout de sa vie, de ce qu'il traversait.

— Arrête..., l'implora-t-il.

Isaac baissa les yeux, honteux, tandis que Noah caressait du gras de son pouce son oeil au beurre noir ainsi que l'égratignure sur sa pommette. En voyant son attitude résignée, Noah eut aussitôt la nausée : ce n'était effectivement pas une blessure de guerre. Une fois de plus, son père avait levé la main sur lui. Une fois de plus, il avait marqué de ses poings le si beau visage de son amour. La colère qu'il ressentit alors s'abattît de tout son poids sur ses épaules et le fit trembler de rage.

— Mon amour...

Le souffle de Noah s'écrasa sur les lèvres d'Isaac tant il était proche de lui. Seulement, il ne l'embrassa pas – pas sur les lèvres du moins. Son visage toujours entre ses mains, il l'attira à lui et déposa un léger baiser sur sa joue, ainsi qu'un autre sur son oeil. Isaac se laissa faire, amoureux et apaisé par ce geste, et referma ses bras autour de Noah. Lorsqu'il l'avait contre lui, il se sentait invincible. Lorsque Noah l'embrassait, le touchait, lui souriait, il savait qu'il n'était pas qu'un incapable.

— J'ai fait de la merde aux derniers entraînements... avant une demi-finale, t'imagines bien l'ambiance...

Isaac laissa échapper un petit rire, résigné, mais bien conscient que rien dans ce qu'il vivait n'était normal. Seulement, il avait toujours connu ça et trouvait désormais ça... banal. Noah lui posa la question qu'il redoutait :

— Pourquoi tu restes chez les Moose ? Putain, Isaac... regarde ce qu'il te fait.

La larme qui roula sur la joue de Noah glissa dans son cou. Elle fut la seule à quitter ses yeux, mais brisa le coeur d'Isaac : il ne voulait pas voir Noah souffrir par sa faute.

— Admettons je les laisse tomber, dit Isaac. Je vais où ? Chez les Mullets, avec toi ? Tout le monde me déteste.

— Isaac...

— Non, Noah. J'suis pas comme toi. J'ai pas une thune, j'peux pas quitter Saint-Paul. Sans le hockey je... je ne suis rien, Noah. Si je veux passer pro — vrai pro — il faut que je joue. J'ai pas l'choix.

— Mais...

— On peut parler d'autre chose...?

La voix d'Isaac fut suppliante, voire implorante. Même si Noah avait envie d'en discuter sérieusement, il se tut. En effet, l'une des règles qu'ils avaient instaurées était la suivante : ne jamais parler de leurs familles, ni de hockey, lorsqu'ils étaient ensemble. C'était d'ailleurs pour cette raison qu'ils passaient de si bons moments ensemble. Seulement, si c'était d'habitude si facile de l'ignorer, cela ne l'était pas ce soir-là : il était impossible d'ignorer les traces de coups sur le visage d'Isaac. Noah baissa les yeux.

— Embrasse-moi.

Noah s'exécuta. Non seulement car il en crevait d'envie mais aussi parce que, lorsqu'Isaac lui parlait – le suppliait – comme ça, il était incapable de lui résister. Agrippé à ses cheveux, il déposa un tendre baiser sur les lèvres chaudes et pleines de son petit-ami. Il apprécia la douceur du baiser, l'intensité qui s'en dégagea et la chaleur d'Isaac contre lui. Lorsque ce dernier poussa contre ses lèvres du bout de sa langue, Noah ne lutta pas un instant et lui laissa l'accès à sa bouche : son coeur explosa dans sa poitrine, et un courant d'électricité sembla embraser son bas-ventre.

— J'ai quelque chose pour toi.

La déception pût se lire sur le visage de Noah lorsqu'Isaac le lâcha pour patiner, en arrière, vers la rambarde où était posée la lampe : il aurait aimé qu'il le garde dans ses bras pour toujours ou, de façon plus réaliste, plus longtemps au moins. Mais cette déception fut vite remplacée par un petit rictus curieux et, tout doucement, il rejoignit Isaac en patinant vers lui.

— Tadam !, s'exclama ce dernier avec fierté.

— Un panier ?

Noah pouffa de rire, perdu, les yeux rivés sur un énorme panier en osier posé sur la glace.

— Regarde ce qu'il y a dedans, l'invita Isaac.

Et il le fit. Il y avait des couvertures, une lampe à piles au desing des vieilles lampes à gaz, des boites de mets asiatiques pris à emporter au restaurant du coin, un matelas gonflable – même s'il était encore plat comme une crêpe – et, tout au fond, une boite de préservatifs. Noah ne put retenir les battements de son coeur qui devinrent endiablés et ses joues qui commencèrent à lui brûler.

— C'est trop cool.

— Je savais que ça te plairait, sourit Isaac en s'emparant du matelas. Prends le panier.

Noah s'exécuta en silence et patina, suivant le faisceau lumineux de la lampe que tenait Isaac à la main. Ce dernier s'arrêta dans un coin de la piste, derrière la ligne des buts et déploya le fin matelas qui, grâce à sa soupape, se gonfla seul en quelques minutes. Ils profitèrent de ce laps de temps pour installer une petite nappe sur la glace, extirpée du tas de couvertures, et d'y déposer la lampe et leur dîner. Lorsqu'ils s'installèrent finalement sur le matelas gonflé, emmitouflés dans les couvertures et éclairés par la faible lueur orangée de la lampe, tous deux ressentirent un bien-être indescriptible. Le moment était parfait.

— On fait quoi si la glace fond ?

Noah posa la question sur le ton de la plaisanterie mais, dans le fond, cela l'inquiétait assez : il ne voulait pas être responsable de la fonte de cette piste. Vu là façon dont ils s'étaient installés – et ce qu'il avait vu dans le fond du panier – il savait qu'ils passeraient certainement une bonne partie de la nuit ici, sur la glace, enlacés sous des couvertures.

— On s'en fiche.

Isaac ricana, puis lui vola un chaste baiser. Tous deux se munirent de leurs menus et commencèrent à manger, à l'aise avec leurs baguettes car ils en avaient l'habitude : c'étaient leurs plats préférés. Et même s'ils en avaient déjà dégusté ensemble, dans les gradins de cette patinoire ou même à des kilomètres de Minneapolis, c'était la première fois qu'ils se posaient ainsi ; eux, la glace, des couvertures et un dîner. Isaac adorait ça – il se sentait plus léger et fier – et Noah, lui, trouvait ça terriblement romantique.

— Tu regardes quoi sur Netflix en ce moment ?, demanda finalement Isaac sur le ton de la conversation.

— Rien, sourit Noah. J'ai pas le temps de regarder quoi que ce soit en ce moment. Et toi ?

— La nouvelle série de Ryan Murphy.

— Monster ?, demanda Noah et Isaac acquiesça. Elle est bien ?

— Bien je ne sais pas. J'aime trop Murphy pour être objectif.

Noah pouffa de rire devant la mine adorable d'Isaac. Il se souvint des longues nuits passées à regarder les séries de son réalisateur préféré ; bien que chacun dans leur chambre à des kilomètres l'un de l'autre, ils avaient dévoré, par exemple, Ratched. Leurs téléphones allumés sur FaceTime le temps des épisodes, cela leur avait permis de se sentir ensemble, normaux, comme s'ils ne vivaient qu'une simple relation à distance et non pas une relation interdite.

— Pourquoi t'as pas le temps ? C'est à cause de tes cours ?

Contrairement à Noah, Isaac n'était pas très studieux. Il comprenait les cours auxquels il assistait, avait même quelques facilités dans certaines matières, mais n'étudiait jamais une fois les portes du lycée passées. Il admirait son petit-ami pour l'énergie qu'il mettait, la plupart du temps et en plus du hockey, dans ses études et ce même s'il était beaucoup plus intelligent que lui. Noah était ce genre de garçon qu'Isaac enviait beaucoup, car il réussissait tout ce qu'il entreprenait et était extrêmement doué dans bien des domaines. Il se disait qu'il ne faisait pas le poids face à lui.

— Non, souffla Noah.

— Alors quoi ?, s'intéressa sincèrement Isaac.

Noah hésita à parler car la règle qu'ils s'étaient fixée trottait dans sa tête : ne pas parler de hockey, ni de leurs pères. Or, c'était pour ces deux raisons-là qu'il ne regardait plus Netflix - entre autres. Seulement, la main qu'Isaac glissa sur sa cuisse le poussa à avouer d'une voix basse et triste :

— Disons que... je passe plus de temps à patiner qu'à regarder la télé ces derniers temps.

— Tu t'entraines pour me battre ?, taquina Isaac.

— Non, sourit tristement Noah. Pour oublier.

Noah baissa les yeux sur sa boite désormais à moitié vide. Il planta ses baguettes dans ses nouilles, l'appétit coupé, et fixa la glace qui se situait entre le matelas et la nappe qu'ils avaient installés. Il y posa ses doigts un bref instant, amoureux de cette surface si particulière, si froide et si lisse, et sentit son coeur se réchauffer ; comme si la glace elle seule pouvait l'apaiser. Comme si elle avait une âme – il en était convaincu depuis tout petit - et était dotée d'empathie.

— Comment ça...?

Isaac, qui était toujours très sûr de lui, hésita cette fois. « Pour oublier » ; la fêlure dans la voix de Noah lui fit bien plus de mal que les coups de son propre père. Il mit très vite ces derniers de côté, ainsi que tout ce qui lui parasitait l'esprit, afin de ne se focaliser que sur Noah. Ainsi, il se traina de quelques centimètres sur le matelas afin de s'installer tout contre lui. Épaule contre épaule, le fils McGill baissa la tête et implora tout bas contre l'oreille de Noah :

— Parle-moi.

Le goût du sang provoqua une grimace sur le visage de Noah ; à se mordiller nerveusement l'intérieur de la joue, il se l'était entaillée. Honteux, les yeux baissés sur ses doigts qu'il triturait sur ses cuisses, il chercha des mots.

— C'est juste que... je suis fatigué de tout ça...

— Fatigué de quoi...?

Isaac, dans un geste tendre qui se voulut rassurant et encourageant, posa sa main sur celles de Noah. Du bout de son pouce, il en caressa le dos et entrelaça finalement ses doigts à ceux de son copain. La main de Noah était froide, car il avait touché la glace, et la rencontre avec la sienne si chaude sembla envoyer une décharge d'électricité dans son bras. Il esquissa un sourire, et l'écouta expliquer :

— De faire semblant. D'acquiescer quand tout le monde dit que t'es une pourriture alors que j'aimerais juste...

— Dis-moi.

Noah renifla et lutta pour ne pas pleurer. La fêlure qu'il distingua dans la voix d'Isaac lui fit comprendre à quel point ses mots le blessaient, indirectement : les gens – ses amis, coéquipiers, parents – le considéraient comme un garçon mauvais alors que, dans le fond, il ne l'était pas. Même s'il jouait de cette image de garçon fort et inébranlable, inatteignable, Isaac en souffrait : il aurait voulu être aimé de tous, comme Noah.

— ... j'aimerais être avec toi, souffla Noah. Et pouvoir montrer à tout le monde à quel point tu es génial. J'aimerais ne plus avoir à me cacher, à mentir... à faire semblant.

Les regards des deux amoureux s'accrochèrent. Noah eut l'impression de se noyer dans les iris bleus d'Isaac tandis que ce dernier, lui, eut l'impression de brûler sous ses iris fauves. Ils se sourirent, tendrement et longuement, avant que Noah ne baisse les yeux sur ces lèvres qui le tentaient tant.

— Je ne sais pas si ce serait une bonne idée, sourit Isaac naïf.

— Tu comprends pas...

Noah s'agaça, lassé de cette façon qu'avait Isaac de prendre la chose à la légère alors qu'il souffrait tout autant que lui de la situation. Il ne supportait plus l'entendre dire que c'était mieux ainsi et que cela finirait par s'arranger. Quand ? Dans quelques mois, un an, dix ans ? Quand ?

— ... je ne le supporte plus, Isaac. Ça me rend triste. Vraiment triste. Je passe mes temps libres sur la glace ; je patine même au lieu d'aller manger au self entre les cours. C'est la seule chose qui me permet d'oublier, de me faire sentir bien. Tu me manques, tout le temps, et à chaque fois que j'entends quelqu'un dire que tu es un connard, à chaque fois que je vais dans leur sens, j'ai l'impression qu'on m'arrache le coeur. J'ai même honte de moi, honte de dire ça, alors que c'est même pas vraiment de ma faute.

Isaac ouvrit la bouche pour parler mais se ravisa, simplement car les mots ne lui vinrent pas. Le regard larmoyant de Noah, la lueur brisée qui passa dans ses yeux et son menton qui se mit à trembler lui fit prendre conscience des choses : si lui souffrait de la situation, Noah en souffrait beaucoup plus. Et il ne supportait pas de le voir si mal à cause de lui.

— Noah...

— Je me suis même dit, à un moment, qu'on devrait peut-être rompre. Ça éviterait toute cette galère...

Noah vint poser sa main sur la joue d'Isaac, et caressa ses lèvres du bout de son pouce. Un petit sourire étira le coin de ses lèvres lorsqu'il vit l'air de panique passer sur le visage d'Isaac. Il s'empressa alors d'ajouter dans un murmure et avec un sourire :

— Mais j'peux pas te laisser... parce que je t'aime. Genre... je t'aime vraiment, Isaac. Ce qu'on a toi et moi... j'ai pas l'impression que ça s'éteindra un jour.

Une larme roula sur la joue d'Isaac qui se mordit violemment la lèvre : jamais personne ne lui avait dit une aussi belle chose. Jamais auparavant il ne s'était senti aussi aimé, respecté et désiré. Comment Noah pouvait-il être si... parfait ? Lorsque ce dernier cueillit la larme qui avait coulée sur sa joue du bout de son pouce, Isaac sentit son coeur exploser dans sa poitrine et laissa ses larmes couler : il ne voulait plus se cacher. Noah méritait qu'il combatte ses peurs et s'ouvre à lui : il méritait de savoir – de voir – que son amour aussi était réciproque.

Ils s'embrassèrent alors, le mouvement amorcé par Isaac. Noah ferma les yeux et sourit contre les lèvres de son amoureux avant qu'il ne l'embrasse vraiment. Il glissa sa main libre dans sa chevelure bouclée et s'agrippa à ses mèches, pendu à ses lèvres. Lorsqu'Isaac se pencha légèrement vers lui, afin de s'en approcher, Noah se mit à genoux, renversant au passage sa boite de nouilles sur la nappe, et grimpa à califourchon sur les cuisses d'Isaac. Les poils se dressèrent sur leurs bras lorsque leurs bassins se rencontrèrent. Le baiser qu'ils échangeaient, et même s'il y en avait eu beaucoup d'autres avant, fut d'une rare intensité.

— Noah...

Noah trembla lorsqu'Isaac s'empara du bas de son hoodie. Lorsqu'il le souleva, la froideur de la patinoire s'engouffra entre le tissu et son dos, ce qui le fit trembler.

— Déshabille-moi...

Avide et impatient, Noah leva les bras pour appuyer son souhait. Isaac ne se fit pas prier et lui retira son hoodie, qu'il déposa à cheval sur le panier – car il se serait mouillé s'il l'avait posé sur la glace. Le matelas gonflable couina lorsque le bouclé bascula en avant, allongeant Noah sous son corps, au milieu des couvertures. Il abandonna ses lèvres, même s'il aurait aimé les embrasser pour toujours, et déposa une pluie de baisers sur la peau douce du cou de Noah. Noah, lui, se mordit la lèvre et s'agrippa à ses cheveux. Dans sa poitrine, il avait l'impression que son coeur était sur le point d'exploser. Il cessa de respirer lorsqu'Isaac lui retira son jean, suivi de son boxer.

— Noah...

L'instant sembla suspendu dans le temps. À leurs yeux, plus rien ne sembla exister ni même importer. Lorsqu'Isaac cessa tout mouvement afin de dévorer son petit-ami du regard, à la faible lueur de la lampe, tous deux eurent le sentiment que ce qui était en train de se passer était unique ; ce qu'ils ressentaient, au plus profond d'eux, était inédit. C'était puissant, magique, grandiose. Ainsi exposé au regard d'Isaac, nu et vulnérable, Noah sût qu'il était à sa place : aucun autre moment de sa vie n'était aussi bon que celui-ci — pas même la glace. Il en allait de même pour Isaac ; comme s'ils étaient liés de toutes parts, ses pensées étaient identiques à celles de Noah.

— Je peux...?

Noah rougit malgré lui, ses doigts fermement refermés sur les revers du maillot des Leafs. Il hésitait toujours à déshabiller Isaac, et ce même s'il savait qu'il en crevait d'impatience. Dans le fond – et il n'en avait pas conscience – il posait la question pour se donner du courage à lui-même : il n'était jamais suffisamment préparé à ce qu'il découvrirait.

— Oui, vas-y.

La voix d'Isaac trembla, non pas de gêne mais d'appréhension : il savait. Lorsque son t-shirt passa la barrière de ses épaules, de sa tête, et qu'il vit le regard de Noah changer son coeur se serra. La honte s'empara de lui et il ferma les yeux, car ne voulait pas voir ce regard ; cette lueur de tristesse et de colère dans les yeux de Noah qui lui rappelait toujours qu'il n'avait pas le courage de confronter son père.

— Mon coeur...

Noah pensait que son amour pour Isaac ne pourrait jamais être plus fort qu'il l'était déjà. Seulement, lorsqu'il le vit là si vulnérable et le torse marqué de coups, il eut l'impression de tomber amoureux une fois de plus. Pire, il eut l'impression de s'écraser littéralement au sol, si fort que tous ses os se seraient brisés à l'impact. Son ventre se tordit, ses muscles se tendirent et son coeur, lui, se serra dans sa poitrine.

— Ce n'est rien...

Isaac tenta de se rassurer. C'était un automatisme chez lui que de minimiser les choses graves ou importantes, que ce soient ses comportements au hockey, sa scolarité ou les conflits avec son père. Et même si Noah avait envie de lui hurler « non ce n'est pas rien, putain ! » il n'en fit rien ; à la place, il posa sa main gauche sur sa joue, caressa ses lèvres, et vint frôler du bout de ses doigts le torse de son petit-ami. Il se mordilla la lèvre lorsqu'Isaac vint blottir sa joue contre sa paume, comme s'il voulait être un peu plus proche de lui encore.

— J'aimerais tellement pouvoir les faire disparaître...

Les doigts de Noah parcoururent avec légèreté et prudence le torse sous ses yeux. Il apprécia la peau douce et chaude, brûlante, qu'il sentit sous ses pulpes. Là où les vestiges des coups étaient apparents, il sentait la différence : c'était gonflé, plus dur et plus tendu. Les bleus, tantôt jaunâtres tantôt violets, semblaient pour la plupart être sur le point d'exploser. Il y en avait sur ses pectoraux, ses clavicules, son ventre, sa taille, et Noah imagina que d'autres se trouvaient sur son dos.

— Tu peux pas... c'est comme ça.

— Je sais...

Noah se redressa et déposa un baiser sur les lèvres pleines d'Isaac. Ce dernier lui rendit son baiser, frissonnant de la tête aux pieds lorsqu'il sentit la main chaude de Noah se poser sur sa fesse, laquelle il pressa tendrement avant de soupirer contre ses lèvres.

— Je te veux...

Ils avaient déjà fait l'amour, plusieurs fois, mais cette nuit s'annonçait différente. En effet, ce qu'ils ressentaient-là était totalement différent des fois passées ; plus en osmose, plus amoureux, plus désespérés aussi. Ils se voulaient, corps et âmes, et leurs érections trahissaient le désir ardent qui les animait alors. Isaac sourit :

— Moi aussi... tellement...

Ils se volèrent un baiser avant qu'Isaac ne s'attaque à déposer baisers et morsures dans le cou de Noah. Sa bouche glissa ensuite sur ses pectoraux, sur lesquels il suçota avec gourmandise ses tétons. Noah soupira d'aise, couina même, tandis que ses doigts tremblants d'impatience luttaient pour déboutonner et abaisser la braguette du jean de son partenaire. Lorsqu'il le lui retira, et accueillit son corps nu et fort entre ses cuisses, il eut l'impression que ses neurones venaient de griller : il se sentit fou. Fou d'amour pour lui, pour ce garçon si brisé, si fort, si parfait. Il aurait été prêt à tout pour lui à cet instant précis.

— Viens..., supplia-t-il.

Isaac s'empara d'un préservatif dans le panier, que Noah lui arracha bien vite des mains. Le regard en feu et les mains tremblantes, le jeune Banks déchira l'emballage, le jeta sur la glace et glissa des mains entre leurs bassins. Étant donné qu'ils ne s'étaient pas encore touchés là, Isaac ne put retenir le gémissement qui monta de sa gorge en sentant les doigts froids de Noah sur sa virilité, gorgée de sang, sensible. Il laissa Noah lui mettre le préservatif, et le dévora des yeux lorsqu'il écarta ses cuisses.

— Tu..., hésita-t-il.

— Non... viens.

Malgré la chaleur de leurs corps, Noah fut soulagé de sentir qu'Isaac, désormais installé entre ses cuisses et son torse contre le sien, rabattait une couverture sur eux. Il lui sembla alors être dans un cocon, protégé par la chaleur et ses bras protecteurs, et il ferma les yeux : il le voulait. Maintenant. Ils avaient suffisamment fait l'amour auparavant pour se sentir serein à l'idée de l'accueillir directement, sans préliminaires. Cependant, prévenant, Isaac lubrifia son entrée de sa salive, du bout de ses doigts forts, et ancra son regard au sien ensuite.

— Tu es prêt mon coeur ?

En guise de réponse, Noah lui sourit. Il adorait lorsqu'Isaac lui donnait ce genre de surnoms – car c'était rare qu'il le fasse – et était toujours fier de voir à quel point il était doux. Lui seul connaissait cette facette de lui – sa prévenance, sa tendresse, son intérêt sincère pour les autres – et il s'en sentait privilégié : Isaac était une merveille. Un garçon incroyable. Il aurait aimé que le monde entier puisse le voir tel qu'il le voyait lui, sincère et délicat, plutôt que bourru et puéril comme il s'efforçait de l'être.

— Oh...

Les deux garçons soupirèrent d'aise ; l'un se sentant à l'étroit et l'autre délicieusement rempli. Leurs corps, comme s'ils avaient été faits pour ne faire qu'un, s'emboîtèrent à la perfection. Tandis qu'Isaac marquait un temps d'arrêt afin d'offrir à Noah quelques secondes d'adaptation, ce dernier vint poser ses mains sur ses fesses : elles étaient douces, musclées, bombées. Il adorait les sentir sous ses paumes, pouvoir les presser entre ses doigts, les caresser durant de longues minutes. Lorsqu'Isaac amorça un premier va-et-vient, il s'y agrippa tout en venant prendre ses lèvres. Le baiser fut long, lent et hypnotique.

— Ça m'avait tellement manqué..., souffla Noah.

Les dernières semaines avaient été compliquées. Focalisées sur les playoffs, ils avaient chacun subi les humeurs respectives de leurs pères et passé plus de temps à la patinoire où à réviser leurs tactiques de jeu dans le garage qu'à se retrouver. Ainsi enlacés, heureux ensemble, ils se promirent mutuellement de ne plus jamais passer autant de temps sans se voir, ne serait-ce que le temps de quelques minutes.

— Noah...

En temps normal, Isaac détestait lorsque Noah caressait du bout des doigts ses blessures. Il savait à quel point cela le rendait triste et voulait, au moins le temps de l'amour, lui faire oublier tout ça. Lui procurer seulement du plaisir et du pur bonheur. Seulement, les bleus ce soir-là étaient beaucoup plus nombreux et sombres que les fois précédentes, vestiges d'une soirée de calvaire passée sous les poings d'un père trop exigeant, et il était impossible de les ignorer – autant pour lui que pour Noah. Seulement, et contrairement à d'habitude, le geste de Noah lui retourna le coeur : ses doigts, forts mais légers, caressaient son torse avec tant de douceur et de précaution qu'il se sentit... unique.

Noah le regardait comme s'il aurait pu se briser. Il avait peur de lui faire mal, à toucher ainsi la constellation bleutée sur sa peau si belle. À travers ce geste, ces caresses, il lui montrait silencieusement que ce que ce torse devait ressentir, pour toujours, c'était la douceur de l'amour. De ses doigts admiratifs, fiers et amoureux, il espérait lui faire oublier la douleur de la violence.

— Mon amour..., souffla Noah..

Isaac ferma les yeux, mais quelques larmes s'échappèrent malgré ça. Il ne respira plus et ne gratifia plus Noah de ses délicieux coups de reins. Tétanisé, alors que son petit-ami venait de déposer un baiser sur le plus gros et douloureux des hématomes, il ne put qu'avouer :

— Je t'aime, Noah.

Et Noah aussi laissa échapper une larme : car, depuis qu'ils étaient ensemble, c'était la première fois qu'Isaac lui disait l'aimer.


.   .   .


Hey ! Bon alors encore une fois je poste à l'arrache avant d'aller au lit et après avoir écrit les 3/4 du chapitre sur mon portable : donc désolée s'il y a quelques bugs (coquilles, fautes de frappe, etc). J'écris avant tout cette histoire pour le plaisir, mais je vous avoue que je n'ai plus le temps de rien ces derniers temps donc... aux oubliettes la relecture. J'aimerais beaucoup avoir votre avis sur ce chapitre ; sur Noah, sur Isaac et sa relation avec son père. Je vous dis à bientôt pour la suite xo

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