Chapitre 5

J'observais, consternée ce qui se déroulait devant mes yeux. De quels droits pouvaient-ils leur ordonner de partir ? Je repris mes esprits et je me précipitai vers les policiers pour tenter de leur expliquer. Malheureusement, le policier en question ne me vit pas arriver et se retourna au moment où j'arrivai. Son coude vint percuter ma mâchoire avec une telle violence que je restai quelques secondes à osciller d'un pied sur l'autre avant de tomber au sol. Un peu sonnée, je sentis qu'on me soulevait. C'était Laura qui essayait tant bien que mal de me faire tenir debout. 

-Ça va ? me questionna-t-elle, inquiète.

-Oui, oui merci. 

De nouveau, j'interpellai les policiers. Ils m'aperçurent et s'approchèrent de moi. Celui qui m'avait donné involontairement son coup de coude observa, un sourcil relevé, ma lèvre gonflée en se demanda d'où cela pouvait bien provenir. Je ne relevai pas et m'écriai :

-Vous ne pouvez pas obligés ces gens à partir. Ils viennent régulièrement ici, c'est l'un des seuls endroits où ils peuvent se retrouver et être au chaud !

-La gare n'est pas un refuge de claudos, ce sont les lois, dit l'homme d'un regard exaspéré.

-Enfin, vous pourriez essayer de comprendre, insistai-je. Cet endroit importe beaucoup pour eux !

-Ecartez-vous mademoiselle. Ce n'est pas notre problème, n'insistez pas. Vous devriez rentrer chez vous.

Je baissai les bras dépitée et Laura m'entraîna dehors.

-Ça sert à rien petite, notre présence a dû déranger certains voyageurs qui sont allés se plaindre. Tu n'y peux pas grand-chose.

-Interdit de revenir ! Compris ! cria un policier depuis l'intérieur de la gare.

Je serrais les points de rage. C'est à ce moment-là seulement que je remarquai la douleur lancinante qui se propageait de ma mâchoire à mon nez. Je contractai ma mâchoire ce qui ne fit qu'accroître la douleur. Je portai la main à mon nez, au moins je ne saignais pas. Je cherchais alors Sébastien du regard. Je plissais les yeux, il faisait sombre et de gros nuages menaçaient de se mettre à gronder. Je l'aperçus enfin, courbé en deux, la main sur son œil gauche. Je me précipitai vers lui et m'accroupis devant lui, il saignait.

-Sébastien, ça va, que s'est-il passé ?

-Mmm, j'ai reçu un coup...par accident. J'ai essayé de les séparer, pas réussi. 

-Laisse moi voir, dis-je en retirant la main de son œil.

Il poussa un grognement sourd. Son arcade sourcilière. était légèrement ouverte et saignait abondamment. Je sortis un mouchoir que je lui ordonnait de maintenir appuyé.

-Tu n'as même pas pu m'apprendre à jouer la dernière mesure du morceau, dit-il dans un sourire qui ressemblait plus à une grimace.

Comment cet home faisait-il pour rester joyeux en de telles circonstances ?

-Je t'apprendrai, en attendant viens chez moi, on va arranger ta blessure. Je ne peux pas te laisser comme ça.

Sébastien acquiesça sans rien dire et me suivit. J'avais perdu mon bonnet rouge et mes affaires étaient restées à l'intérieur de la gare. J'irai les récupérer plus tard, pensai-je.


Nous entrâmes dans mon appartement gelés jusqu'aux os.

-Voilà mon chez-moi, déclarai-je, ce n'est pas très grand ni très bien rangé mais bon.

-Oh non c'est très bien.

Je voyais que Sébastien n'était pas très à l'aise d'entrer dans l'intimité de ma vie personnelle.

-Fais comme chez toi Sébastien, je vais chercher de quoi faire un pansement.

Je partis fouiller dans la salle de bain. Je mis dix bonnes minutes avant de réussir à trouver ma boîte de pharmacie que je soulevais d'une main victorieuse. J'entrai dans le salon où Sébastien s'était installé à la table à mange, jonchée de feuilles de cours éparpillées ça et là. 

-Ah oui, ce sont mes cours que j'ai tendance disperser partout dans l'appartement, dis-je en riant.

Sébastien releva la tête d'une fiche de cours :

-C'est très intéressant en tout cas. Tu as le temps de tout lire ? Questionna-t-il en désignant mes étagères remplies de livres.

-Oui ! Il faut que j'en connaisse une bonne partie. Ces auteurs-ci sont passionnants, ce n'est pas difficile, dis-je en soulevant le recueil des œuvres poétiques de Rimbaud.

-La poésie, c'est ce que je préfère, ajouta Sébastien. C'est la littérature qui se rapproche le plus de la musique par son style et sa musicalité.

-C'est mon avis aussi. Approche-toi que j'arrête le saignement.

Je m'emparai d'un coton et je m'approchai du visage de Sébastien. La blessure n'était pas belle à voir, cependant, il ne nécessitait heureusement pas de point de suture. Avec une infini douceur, je tamponnai l'entaille. Le coton s'imprégna rapidement de sang. Je me saisis d'un pansement que j'appliquai délicatement sur le sourcil. Je me rendis alors compte de la proximité inhabituelle dans laquelle nous étions. Je sentis le regard de Sébastien posé sur mon visage et nos yeux se rencontrèrent subitement. Je rougis et Sébastien recula sa tête d'un mouvement vif. Décontenancée, je l'observai se lever et observer comme si de rien n'était les photos de famille posées sur mon piano. Il s'arrêta quelques secondes devant celle où je posais, sur le dos de mon grand-frère, entourée de mes deux parents main dans la main. Une brève lueur de mélancolie passa dans son regard avant qu'il ne se concentre sur la partition posée sur le pupitre. 

-C'est celle que je t'apprends à jouer, précisai-je.

- « All of Me », de John Legend, lit-il à voix haute.

-Prends là si tu veux, tu en auras plus besoin que moi et tu pourras t'entraîner comme ça.

-Parfait,

Mais avant que Sébastien puisse terminer sa phrase, la porte de l'appartement s'ouvrit en fracas.

-Helody, t'es là ?

Je n'eus pas le temps de répondre non plus et Gaspard fit irruption dans le salon.

Il y eut quelques secondes de flottements puis il s'écria en levant les bras en l'air :

-Qui est-ce ? Que fait-il ici?!

-C'est un ami, un sans-abri que j'ai rencontré, il y a eu une altercation avec des policiers...

Mais Gaspard ne m'écoutait pas  et imposa d'une voix que je ne lui reconnus pas :

-Hors d'ici.

Sébastien aussi interloqué que moi reprit ses esprits. Il releva le menton, son regard s'était durcit. Il s'avança vers la porte de sortie. Désemparée, je m'écriai :

-C'est un ami, tu ne peux pas le chasser comme ça ! Il est juste venu parce qu'il s'est blessé !

-Je m'en fiche ! C'est chez moi ici.

-C'est chez moi aussi !

-Laisse Helody, je m'en vais.

-C'est ça, déguerpis !

Sébastien se détourna et sortit. Un violent sentiment de dégoût, de haine envers Gaspard me saisit. Mon visage était marqué de mépris lorsque je déclarai :

-Comment peux-tu être aussi violent et incompréhensif ?

-Je crois pas avoir signé pour que cet appartement devienne un refuge de claudos.

Ce fut la goutte de trop. Mes yeux se remplirent de larmes. Je n'arrivais plus à réfléchir, je suffoquais, j'étouffais. Ma gorge était comme prise dans un étau. Je m'emparai de mon manteau, mon écharpe et avant que Gaspard ait pu m'en empêcher, je sortis de le l'appartement en claquant la porte.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top