Chapitre 9

Le cimetière de Lovegood ressemblait à tous les autres cimetières que l'on voit dans les récits sombres. Sombre, sinistre même, et enveloppé d'un silence oppressant qui semblait s'alourdir à chaque pas. Pourtant, ce qui nous accueillit en arrivant était bien pire que cette atmosphère familière : une dizaine de corps étendus sur le sol, alignés comme des figures brisées. Tous des gardiens de lumière, à en juger par leurs uniformes imprégnés de ce halo éteint qui semblait encore les entourer.

Je descendis lentement du véhicule, le cœur lourd mais le visage figé. Autour de moi, tout le monde semblait submergé par le chagrin. Les pleurs se mêlaient aux sanglots étouffés. Même Éric, toujours si moqueur et désinvolte, avait les yeux rouges et brillants. Il connaissait certains d'entre eux, probablement des camarades de classe ou de formation. En revanche, moi, je ne connaissais aucun de ces gardiens. Cela aurait pu me rendre insensible, mais non. Ce spectacle m'écoeurait profondément. Non, je n'étais pas un monstre.

La seule exception au deuil ambiant semblait être la famille Soros. Jack et sa mère arboraient ce même masque stoïque, impénétrable. Je ne savais pas si c'était de la froideur ou une habitude forgée par les tragédies passées.

À peine avais-je posé un pied devant l'autre qu'une silhouette familière, énergique malgré l'atmosphère, se précipita vers moi. La conseillère. Elle m'attrapa presque aussitôt par le bras, me forçant à lui faire face, ses yeux brillant d'une détermination farouche.

- Mademoiselle Flory à vous de jouer.

Je peinais encore à croire qu'elle ait pu me cacher une chose aussi importante : l'existence d'autres gardiens de l'ombre. Une information qui me concernait directement, tout de même. Cette femme me dégoûtait depuis toujours, mais là, c'était un sommet d'hypocrisie et de mépris. Un mépris qu'elle semblait déployer avec une élégance acérée, comme une arme.

— Que voulez-vous que je fasse, chère conseillère ? dis-je avec une voix faussement respectueuse, un sourire hypocrite collé à mes lèvres, aussi faux que poli.

J'accompagnai mes mots d'une légère inclinaison de tête, un geste aussi contraint qu'inutile. Sérieusement, je devais sourire et m'incliner devant elle ? Quelle farce grotesque. Jack, silencieux, ne me quittait pas des yeux. Je sentais son inquiétude, ou peut-être sa méfiance, bien que je ne savais pas exactement laquelle dominait.

Elle m'entraîna, Jack sur mes talons, jusqu'au centre du cimetière. Là, une vision aussi fascinante qu'inquiétante nous attendait : une immense tâche d'ombre incrustée dans le sol, pulsant de reflets bleus et violets. L'aura qu'elle dégageait était presque palpable, une force sourde et vibrante qui semblait aspirer la lumière environnante.

— Je vous laisse. Faites-moi un rapport par la suite, ordonna-t-elle en reculant vivement, s'éloignant de l'ombre comme si elle risquait de se faire avaler.

Évidemment, elle n'allait pas rester dans les parages. Pourquoi affronter quoi que ce soit quand on peut donner des ordres et rester en sécurité ?

— Bien, madame, répondis-je d'un ton neutre, presque moqueur, tout en observant cette étrange substance.

Je m'accroupis près de la tache d'ombre, mon regard rivé sur sa surface ondoyante, presque vivante. Lentement, je levai mes mains au-dessus de cette obscurité étrange, prête à invoquer ce que certains appelaient mes "dons." Personnellement, je ne savais pas si c'était un don ou une malédiction, mais peu importait à cet instant.

Kora m'avait un jour expliqué le mécanisme : je pouvais capter l'énergie émise par l'ombre et, d'une certaine manière, la relier à une personne ayant une essence similaire. Honnêtement, je n'y comprenais pas grand-chose. Ces explications abstraites sur l'énergie, les essences et les connexions me dépassaient. Moi, je ne réfléchissais pas, je le faisais. Je le sentais, c'était tout.

Mes doigts frémirent tandis que je plongeais dans cette sensation. L'énergie noire vibrait doucement sous mes mains, un courant froid qui se glissait en moi comme un murmure inquiétant.

— Comment tu fais au juste ? demanda Jack d'une voix curieuse, brisant le silence.

Je tournai légèrement la tête vers lui. Il était assis sur un rocher non loin, son regard rivé sur moi, mais il n'interrompit pas son observation pour autant. Ses coudes reposaient sur ses genoux, son visage sérieux malgré sa question innocente.

— Chut, sifflai-je, tentant de maintenir ma concentration.

— D'accord, c'est bon, je me tais, répliqua-t-il, une pointe de malice dans la voix, bien qu'il se redressa légèrement, respectueux de ma demande.

Je reportai mon attention sur l'ombre, cherchant à ignorer sa présence, à me connecter pleinement à cette essence mystérieuse. Les ténèbres semblaient s'étirer vers mes paumes, comme une invitation silencieuse à en découvrir davantage.

Je fermai les yeux pour m'isoler, mes doigts picotaient tandis que l'énergie sombre se glissait autour de mon poignet, serpentant doucement, presque avec une intention propre. Une froideur inquiétante m'envahissait, mais je restai immobile, tentant de sonder cette obscurité. Cependant, je ne pouvais ignorer la sensation persistante du regard de Jack sur moi. Cela perturbait ma concentration.

— Tu fais un peu peur av... commença-t-il à dire.

Je levai brusquement la tête, le fusillant du regard.

— Chuuuuut ! m'exclamai-je, une irritation plus marquée dans la voix.

Il leva les mains en guise de reddition, mais pas avant de me lancer un regard faussement vexé et d'arborer une moue enfantine. Malgré moi, un sourire furtif étira mes lèvres. Ce garçon avait le don de me faire perdre pied, même dans les moments les plus sérieux.

Mon amusement fut de courte durée. Une vibration étrange se fit sentir dans l'ombre. C'était comme un changement dans sa texture, quelque chose d'inconnu et potentiellement dangereux. Instantanément, je reportai mon attention sur la tâche devant moi. Je laissai mes doigts s'enfoncer plus profondément dans cette énergie troublante, mes sens aux aguets, prête à déceler ce qu'elle tentait de cacher.

L'air se chargea d'une tension palpable lorsque l'ombre sembla prendre vie. Elle ondulait, presque liquide, avant de s'enrouler autour de mes doigts et d'aspirer une partie de mon énergie. La sensation était dérangeante, glaciale, comme si une main invisible tentait de m'arracher une partie de mon être.

— Jack ? l'interpellai-je, mon regard fixé sur cette masse mouvante.

— Non, je te boude, répondit-il, obstiné et sans détourner les yeux de moi.

— Non, sérieux, Jack, tu ferais mieux de partir, insistai-je en me redressant, reculant d'un pas prudent. Mon instinct me hurlait que cela allait mal tourner.

— Pourquoi je devrais...

Il n'eut pas le temps de finir sa phrase. Une énergie brutale jaillit de l'ombre, instable, explosive. Sans réfléchir, je bondis sur lui, le plaquant violemment au sol.

Un souffle sourd accompagna notre chute, suivi d'un silence oppressant. Jack me dévisagea, partagé entre surprise et incompréhension, mais mon attention était ailleurs. Devant nous, la masse obscure s'élevait, se contorsionnait, jusqu'à prendre une forme vaguement humaine. Une silhouette sans visage, sans traits, mais terriblement menaçante.

Puis, soudain, elle se jeta sur un gardien à proximité. L'homme poussa un cri rauque, son corps se tordant sous l'impact comme une marionnette désarticulée. Des convulsions violentes le secouèrent avant qu'il ne s'immobilise, les yeux soudain vides.

Quand il se redressa, ce n'était plus lui. Son regard était glacé, inhumain, et une aura noire pulsait autour de lui. Il hurla, un cri guttural qui résonna dans tout le cimetière, avant de se précipiter sur les gardiens les plus proches, attaquant avec une sauvagerie effrayante.

Jack, encore sous moi, murmura d'un ton incrédule :

— Qu'est-ce que... c'est que ça ?

Je n'eus pas le loisir de répondre. L'urgence s'imposait, écrasante.

Toujours à terre, une prise de conscience soudaine me frappa : j'étais littéralement allongée sur Jack, nos corps pressés l'un contre l'autre dans une position qui, dans d'autres circonstances, aurait pu prêter à sourire. Un léger rougissement me monta aux joues, mais je n'avais pas le temps de m'y attarder. Je me redressai d'un bond, m'éloignant rapidement, tout en évitant soigneusement de croiser son regard.

D'un mouvement fluide, je fis apparaître deux dagues, l'éclat sombre de leur métal trahissant l'énergie d'ombre que je leur avais infusée avant notre départ. Elles vibraient légèrement dans mes mains, comme impatientes d'être utilisées. Mon souffle était court, mais je n'hésitai pas une seconde.

— Reste ici, ordonnai-je à Jack sans même le regarder, mon ton plus autoritaire qu'à l'accoutumée.

Sans attendre de réponse, je me lançai à l'assaut. La créature possédant le gardien était enragée, se déplaçant avec une rapidité et une férocité inhumaines. Je devais agir vite. Concentrant mon énergie, je pris un élan déterminé, mes pas légers mais calculés, pour finalement lancer mes deux dagues en pleine course.

Elles sifflèrent dans l'air, filant droit vers leur cible. L'une se ficha dans l'épaule du démon, l'autre dans sa cuisse. Une lueur sombre jaillit des impacts, l'énergie contenue dans les lames se déversant dans le corps possédé.

La créature s'arrêta net, un hurlement déchirant s'échappant de sa gorge. Elle se convulsa violemment, comme si les dagues s'attaquaient à son essence même. Mais elle n'était pas encore vaincue. Un rire guttural, sinistre, résonna, et elle se retourna lentement vers moi, ses mouvements tordus mais terriblement menaçants.

— Tout le monde sur vos gardes, un démon ! hurlai-je à l'intention des gardiens présents, espérant les faire réagir avant qu'il ne soit trop tard.

Pour une fois, ils semblèrent m'écouter. Dans un chaos maîtrisé, chacun s'élança vers les voitures, un mélange de peur et de prudence les guidant. De mon côté, je me concentrai à nouveau sur la créature qui avançait inexorablement. Je fis réapparaître l'une de mes dagues et, avec une précision calculée, la lançai droit dans le torse du démon. La lame vola dans un sifflement rapide et précis, se fichant exactement là où je l'avais visée.

Mais rien. Pas de réaction, pas d'impact. Le sourire victorieux que j'avais laissé naître sur mes lèvres s'effaça instantanément. La dague s'enfonça lentement dans son corps fait d'ombre, comme absorbée par une masse informe et insatiable. Puis elle disparut entièrement, avalée comme si elle n'avait jamais existé.

— Génial, murmurai-je avec amertume. Évidemment, c'est un démon... Mes armes ne lui font rien.

La créature semblait s'en nourrir, grandissant à mesure qu'elle absorbait ce qui devait la blesser. Elle s'approcha davantage, son ombre menaçante s'étendant autour de moi comme un linceul vivant. Je reculais d'un pas, cherchant frénétiquement une solution dans ma tête, mais avant que je ne puisse agir, un sifflement perça l'air. Une flèche lumineuse jaillit de nulle part et se logea précisément à l'endroit où ma dague s'était enfoncée un instant plus tôt.

L'éclat lumineux provoqua un rugissement furieux du démon, son ombre se tordant de douleur. Je savais exactement d'où venait cette flèche. Je me retournai en quête de mon allié, et comme prévu, je vis Jack. Il se tenait à quelques mètres de là, un sourire confiant sur le visage, déjà en train de préparer une autre flèche dans son carquois.

Avec un mouvement fluide, il me lança mon arc, que j'avais laissé près du sien dans la voiture avant de descendre. Je l'attrapai au vol, surprise par la précision et l'assurance de son geste.

- Économise tes pouvoirs, utilise plutôt ça, lança-t-il avec son sourire habituel, celui qui pouvait à la fois rassurer et exaspérer.

Je hochai la tête, un sourire naissant sur mes lèvres malgré moi. Le combat venait de prendre un tournant.

Pour une fois, je pris le temps de l'écouter. Inspirant profondément, j'effaçai de mon esprit le chaos environnant et me mis en position. Mon arc tendu, je pris une flèche, la nettoyai rapidement de toute trace d'ombre en utilisant un fragment de mon énergie, puis la calai contre la corde. La tension s'intensifiait dans l'air, tout comme celle dans mes muscles.

Une fois prête, je tirai avec une précision calculée. La flèche fendit l'air dans un sifflement aigu et alla se planter à quelques centimètres de celle de Jack. Les deux projectiles, saturés d'une lumière pure, semblèrent réagir l'un à l'autre. Une étincelle se forma, puis une explosion soudaine dispersa l'ombre dans toutes les directions.

L'onde de choc me fit reculer d'un pas, tandis que les volutes d'ombre se dissipaient dans l'air. Quand tout redevint calme, je baissai lentement mon arc et observai le sol. Là où se trouvait le démon quelques secondes plus tôt gisait désormais le corps inanimé d'un gardien de lumière.

Je déglutis, l'émotion me serrant la gorge.

— Bien joué, murmura Jack à mes côtés, sa voix emplie d'un mélange de soulagement et de respect.

Mais je n'étais pas certaine de partager son sentiment. Le gardien n'était plus possédé, mais il semblait mort... et ce n'était pas une victoire que je souhaitais célébrer.

— Wouhou ! s'exclama Éric en accourant vers nous, la conseillère sur ses talons. Vous avez assuré tous les deux !

Son enthousiasme me fit esquisser un léger sourire, mais celui-ci s'éteignit rapidement lorsque je croisai le regard perçant de la conseillère.

— C'est vrai que mademoiselle Flory n'a pas été totalement inutile pour une fois, lâcha-t-elle avec son éternel mépris ancré dans chaque syllabe.

Gnagnagna, sérieusement... Retenez-moi ou je risque de perdre mon calme et faire quelque chose que je pourrais peut-être regretter. Peut-être.

— Bien, que s'est-il passé, mademoiselle ? reprit-elle, son ton sévère indiquant qu'elle attendait une explication immédiate.

Je déglutis, un peu prise au dépourvu.

— Euh... eh bien, je n'en sais rien, déclarai-je honnêtement, en me redressant pour croiser ses bras avec mes mains encore tremblantes.

— Comment ça, vous n'en savez rien ? s'emporta-t-elle, son visage se durcissant davantage.

— Eh bien, je contrôlais cette ombre comme vous me l'avez demandé, mais... elle n'était pas normale, disons. Il y avait... quelque chose qui clochait. Je ne saurais pas trop comment expliquer, tentai-je maladroitement, cherchant mes mots sous son regard qui me transperçait. Puis cette énergie folle s'est échappée et a pris le contrôle d'un gardien... avant qu'on ne comprenne ce qui se passait.

La conseillère plissa les yeux, clairement peu convaincue par ma réponse. Derrière elle, Éric haussa les épaules et Jack, toujours stoïque, restait silencieux.

— « Quelque chose qui clochait », répéta-t-elle, exaspérée. Votre imprécision est inquiétante, mademoiselle Flory. Vous êtes censée avoir une affinité particulière avec ces ombres, non ?

— Oui, mais ça... c'était différent, répliquai-je en insistant, mon ton un peu plus ferme cette fois. Vous avez vu ce qui s'est passé, non ? Ce n'était pas une simple ombre, mais autre chose.

Elle me dévisagea un instant, puis détourna le regard avec un soupir agacé.

— Nous discuterons de cela plus tard, finit-elle par dire sèchement. Pour l'instant, rassemblez vos affaires et rejoignez les autres. Il est évident que cette situation nous échappe... et que nous ne pouvons pas compter sur des explications claires de votre part.

Oh, si elle savait comme je me retiens de lui en balancer une réplique bien sentie...

Jack, toujours aussi calme et méthodique, rangea son arc dans son dos avant de prendre la parole, sa voix posée mais chargée d'un sérieux inhabituel :

— Il était comme possédé, mère. Une sorte de zombie de l'ombre.

Sa déclaration fit mouche, mais la conseillère n'en laissa rien paraître. Elle hocha simplement la tête en signe de compréhension avant de se tourner vers le reste des gardiens.

— Bien. Nous allons prévenir la famille de ce gardien pour leur annoncer la terrible nouvelle. Nous partons, annonça-t-elle d'une voix forte pour que tout le monde l'entende. Je vous laisse gérer ici et retourner enfin auprès de mes congénères.

Elle se mit à marcher vers les véhicules, mais Jack, décidé à ne pas la laisser s'en tirer ainsi, la rattrapa en quelques foulées.

— Mère ?

— Oui, Jack ? répondit-elle en s'arrêtant et se retournant, l'air légèrement impatient.

— Kally m'a sauvé la vie aujourd'hui, dit-il d'une voix claire, son regard franc et direct.

Je restai figée sur place, stupéfaite qu'il dise cela. Pourquoi prenait-il la peine de le préciser, et surtout, pourquoi maintenant ?

— Ah oui ? Mais c'est son devoir après tout, répondit-elle avec son ton habituel de dédain. Elle se doit bien de risquer sa vie pour sauver les lumières, ajouta-t-elle, comme si c'était la chose la plus évidente au monde.

Le sang commençait à me monter aux joues. Vraiment ? C'est tout ce qu'elle trouve à dire ?

— Mère, reprit Jack avec plus de force dans la voix, sans elle, c'est peut-être moi que cette ombre aurait atteint, et non cet autre gardien. Vous pourriez être plus sincère et reconnaissante envers elle, insista-t-il avec une ferveur que je ne lui connaissais pas.

La conseillère resta silencieuse un instant, visiblement surprise par la hardiesse de son fils. Finalement, elle esquissa un sourire crispé, qui n'avait rien de sincère.

— Je vous remercie, dit-elle, sa voix dénuée de chaleur. Puis, après un bref regard dans ma direction, elle tourna les talons et s'éloigna rapidement, comme si cette simple phrase lui avait coûté un effort immense.

Je ne savais pas si je devais rire ou m'énerver. Jack, de son côté, me lança un regard complice avant de revenir à mes côtés.

— Tu n'étais pas obligé de faire ça, murmurai-je en le remerciant d'un regard.

— Si, je l'étais, répondit-il simplement, avec un sourire léger.

Nous nous dirigions enfin vers la voiture, Éric déjà à l'intérieur, visiblement épuisé par les événements. Jack et moi avancions en silence, les pas lourds de fatigue. Alors qu'il tendait la main pour ouvrir la portière du conducteur, je l'interpellai doucement :

— Jack ?

Il se retourna, légèrement surpris, mais toujours calme.

— Oui ?

Je pris une inspiration, hésitant un instant.

— Merci de me défendre... mais j'ai l'habitude. Des critiques, du manque de reconnaissance... surtout venant d'elle, dis-je, un sourire amer étirant mes lèvres.

Jack fronça les sourcils, visiblement contrarié par mes paroles.

— Elle ne devrait pas agir comme ça, répondit-il d'une voix posée, mais ferme. Tu m'as sauvé, et c'est tout ce qui compte. Et ce n'est pas la première fois, ajouta-t-il en baissant légèrement la tête, comme pour cacher une émotion qu'il ne voulait pas dévoiler. Je te jure de te rendre la pareille un jour ou l'autre, conclut-il avec un sourire, cette fois sincère et chaleureux.

Un éclat de rire nerveux s'échappa de mes lèvres.

— Tu m'as aussi sauvé tout à l'heure, fis-je remarquer en pensant à la flèche qui avait transpercé l'ombre, m'épargnant probablement des blessures graves.

Jack releva les yeux vers moi, un éclat de tendresse brillant dans son regard vert.

— Tu aurais trouvé un moyen, j'en suis sûr. Tu t'en sors toujours, Kally. T'es exceptionnelle comme fille, dit-il simplement, sa voix pleine de sincérité.

Avant que je ne puisse répondre, il leva sa main et la posa doucement sur ma joue. Ce geste, à la fois inattendu et réconfortant, fit battre mon cœur un peu plus vite. Puis, comme si de rien n'était, il détourna les yeux et contourna la voiture pour ouvrir ma portière avec une élégance discrète.

— Monte, lança-t-il en souriant, retrouvant son air légèrement taquin.

Je m'installai, encore troublée par ses mots, tandis qu'il refermait ma portière avant de rejoindre son poste de conducteur. Jack, toujours égal à lui-même, démarra le moteur avec la maîtrise tranquille qu'il avait en toute chose, et nous prîmes enfin la route du retour, laissant derrière nous cette nuit éprouvante.


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