Chapitre 5

Arrivés à la lisière, la silhouette familière de l'église de Chérilé se dessina devant nous.

Jack gara le véhicule avec précaution sur le chemin de terre, éteignant les phares pour éviter d'attirer l'attention. L'église semblait toujours aussi imposante, malgré son apparente simplicité. Ses pierres noires absorbaient la lumière du clair de lune, la rendant presque invisible à moins de savoir où chercher. Seuls quelques reflets d'argent sur les vitraux indiquaient qu'il y avait bien quelque chose là.

Je descendis du véhicule et pris un moment pour admirer la structure. Elle avait cette aura mystique, presque irréelle, comme si elle appartenait à un autre temps ou un autre monde.

Alors que nous sortions du véhicule, Éric ne put s'empêcher de revenir sur l'incroyable coup de poker que nous venions de réussir. Ses yeux pétillaient encore d'une certaine incrédulité mêlée à de l'admiration.

"Je n'arrive toujours pas à croire que tu aies pu prendre le bracelet à l'impératrice aussi facilement," me lança-t-il, tout en secouant légèrement la tête.

Je haussai les épaules, un sourire amusé se dessinant sur mon visage.

- Moi non plus, pour être honnête. Je pensais que ce serait plus compliqué, mais bon, la chance était avec nous pour une fois.

Jack referma la portière avec un soupir et croisa les bras, son expression bien plus pragmatique.

- C'est bien beau tout ça, mais elle va bien remarquer qu'un de ses bijoux a disparu, fit-il remarquer, son ton empreint d'une certaine inquiétude.

Je levai un sourcil, confiante.

- Je pense pas, moi.

- Ah oui ? Et pourquoi, madame Je-Sais-Tout ? répliqua Jack, un sourire moqueur étirant ses lèvres alors qu'il croisait mon regard.

Je plissai les yeux, prenant un air faussement outré.

-  Eh bien, parce qu'elle en a une telle quantité qu'elle ne remarquera jamais qu'un bracelet manque. Elle doit en avoir des coffres pleins. C'est presque un miracle qu'elle ait remarqué celui que je lui ai donné !

Jack eut un éclat de rire narquois, avant de répliquer avec une légèreté teintée de provocation.

- Bien sûr, madame Je-Sais-Tout. Toujours une réponse pour tout.

Avant qu'il n'ait le temps d'ajouter quoi que ce soit, je tendis brusquement la main, l'attrapant par le col de sa veste. Mon expression trahissait un mélange de fausse exaspération et de jeu.

- Eh ! Je ne suis pas une madame Je-Sais-Tout, d'accord ?

Il leva les mains en signe de reddition, bien que l'espièglerie dans ses yeux ne disparût pas.

- Bien sûr que si, enfin, madame Je-Sais-Tout, insista-t-il avec un clin d'œil provocateur.

Éric, debout à quelques pas de nous, observait la scène en secouant la tête, amusé par notre échange.

- Vous deux, vous êtes vraiment insupportables parfois, marmonna-t-il, bien que son sourire trahît tout le contraire.Sinon cette église est toujours aussi sombre et discrète. C'est assez impressionnant quand on y pense, murmurai-je, plus pour moi-même.

Éric, qui venait de claquer la porte de son côté, hocha la tête avec un sourire.

- C'est vrai que ce truc est bien caché. Si je ne savais pas qu'elle était là, je pourrais passer à côté sans la remarquer.

Jack, déjà à quelques pas devant nous, se retourna avec un regard amusé.

- C'est le but. Une église cachée pour protéger ce qu'elle renferme. Pas très pratique pour une messe, mais parfait pour notre mission.

Je fis un pas en avant, mes bottes s'enfonçant légèrement dans le sol meuble.

- Ce n'est pas qu'une église. C'est un refuge, un lieu de pouvoir. Et franchement, elle en impose.

Nous nous approchâmes de l'entrée, une porte vitrée ornée de symboles anciens gravés avec une précision fascinante. Les motifs semblaient presque vivants sous la lumière lunaire, comme s'ils pulsaient doucement avec leur propre énergie. Jack posa une main sur la porte, déclenchant un éclat lumineux intense. La lumière blanche se propagea comme une onde, illuminant brièvement les alentours et révélant des détails subtils que l'obscurité masquait.

- Toujours aussi dramatique, marmonna Éric, se protégeant les yeux de l'éclat.

- C'est le prix à payer pour garder les indésirables à l'écart, répondit Jack en souriant, avant que la lumière ne s'éteigne doucement et que la porte ne s'ouvre dans un léger grincement.

-Tu trouves pas ça étrange le fait que tu puisses rester à côté de cette lumière sans griller comme les autres gardiens de l'ombre ? demanda-t-il, le regard légèrement plissé, observant attentivement mon visage.

Je m'arrêtai un instant, surprise par sa remarque. En réalité, je n'y avais jamais vraiment réfléchi. L'aura lumineuse émanant de l'église ne m'avait jamais affectée, alors que tout gardien de l'ombre normalement constitué aurait ressenti une douleur insoutenable, voire une brûlure instantanée.

- J'y ai jamais vraiment pensé, avouai-je, haussant les épaules, bien que la question commençât à faire son chemin dans mon esprit. Je ne sais pas pourquoi ça ne me fait rien, mais maintenant que tu le dis, je me le demande bien.

Jack, qui marchait à mes côtés, fronça légèrement les sourcils, réfléchissant à son tour. Puis, d'un ton calme mais intrigué, il proposa une hypothèse.

- Tu penses que ça pourrait avoir un lien avec le fait que tu as grandi ici ?

Je tournai la tête vers lui, surprise par la pertinence de son idée.

- Tu as peut-être raison. C'est une possibilité. Mais franchement, qu'est-ce que j'en sais ? répondis-je avec un soupir, tout en préférant balayer la conversation. Peut-être qu'on devrait juste se concentrer sur rentrer et éviter d'attirer plus d'ennuis.

Je repris ma marche, espérant détourner l'attention de cette interrogation qui, pour une fois, me mettait mal à l'aise. Éric et Jack échangèrent un regard, mais aucun d'eux ne sembla vouloir insister.

La lumière tamisée s'éteignit lentement, révélant une porte massive en titane. Jack la poussa avec facilité et nous traversâmes ensemble un long couloir baigné d'une lumière douce et apaisante. Les murs, d'un blanc pur, étaient ornés de nombreux tableaux, chacun plus impressionnant que le précédent. Chacun avait été peint à la main, probablement des siècles auparavant, et représentait soit un membre du Conseil, soit un gardien de lumière ayant marqué l'histoire de notre monde. Le couloir semblait regorger de siècles de savoir et d'héritage, chaque portrait racontant une histoire de courage, de pouvoir et de sacrifice.

Je m'arrêtais sans vraiment y réfléchir devant l'un de ces tableaux, comme je pouvais le faire de temps en temps, attirée par une image familière. Ce n'était pas la première fois que je m'attardais devant ce portrait précis. Il représentait la reine Miranda Hélios, la dernière reine des quatre mondes à avoir régné. Son visage, magnifiquement peint, semblait presque vivant sous la lumière. Ses cheveux bruns, longs et ondulés, étaient capturés dans un mouvement fluide, tombant autour de son visage radieux. Ses yeux, d'un marron profond et pétillant, dégageaient une sagesse et une bienveillance qui frappaient l'âme.

Je connaissais ce tableau par cœur, chaque détail, chaque nuance de lumière et d'ombre qui l'entourait. C'était un portrait de la reine lors de son couronnement, un moment historique après la mort de sa mère. À 22 ans, Miranda avait pris les rênes des quatre mondes avec une grâce et une force inégalées. Elle venait de se marier à un homme mystérieux, le roi Théo, un homme qui, bien que demeuré dans l'ombre, avait été immédiatement accepté et aimé par le peuple pour sa sagesse et sa bonté.

Je me souvenais encore du jour où j'avais demandé à Kora de me raconter l'histoire de la reine, j'avais à peine 8 ans à l'époque. Kora m'avait raconté comment Miranda était parvenue à réunir les peuples des quatre mondes, surmontant les épreuves avec une détermination sans faille, tout en cultivant une immense gentillesse. Elle avait été un modèle de compréhension et de fermeté, guidant son peuple à travers des crises sans jamais se laisser abattre.

Son portrait, figé dans le temps, semblait continuer de transmettre cette même aura, rappelant à tous l'héritage d'une souveraine respectée, aimée, mais surtout admirée pour sa capacité à incarner à la fois la lumière et la force, un phare dans les ténèbres des âges passés. Un jour, peut-être, espérais-je pouvoir m'inspirer de son exemple, mais pour l'instant, je restais là, contemplant son visage, remplie de respect et d'admiration.

- Pourquoi tu t'arrêtes toujours devant ce tableau, râla Eric comme chaque fois, me sortant de ma bulle de pensées.

- Je ne m'arrête pas a chaque fois.

- Oh si crois moi, leva-t-il les yeux aux ciels. A chaque fois.

- Je sais pas vraiment.

- Il doit bien y avoir une raison particulière, non ? voulut savoir le brun en fixant à son tour la peinture d'un oeil appliqué.

- Peut-être, mais je ne sais pas pourquoi. J'aime juste cette toile.

- C'est sur que comparer à celle de la mère de Jack elle est splendide, ria-t-il en désignant la toile au fond du couloir..

Le portrait de la conseillère, accroché non loin de celui de la reine Miranda, dégageait une aura tout à fait différente. Contrairement à l'élégance apaisante de la reine, ce tableau imposait un malaise presque palpable. Fidèle à la réalité, il représentait une femme à l'apparence austère, ses traits sévères figés dans une expression qui semblait traverser le temps pour vous toiser.

Ses yeux, sombres et perçants, étaient l'élément le plus dérangeant du tableau. Peu importe où l'on se plaçait dans la pièce, on avait l'impression qu'ils vous suivaient, scrutant vos pensées, pesant vos actions, et, plus inquiétant encore, émettant un jugement silencieux. Ce n'était pas une illusion ; le peintre avait manifestement voulu capturer cette sensation pour rappeler à chacun que la conseillère ne manquait jamais rien.

Son visage, encadré par des cheveux gris rigoureusement attachés, exprimait un mélange de calcul et de froideur. Ses lèvres, minces et légèrement pincées, ne semblaient jamais avoir esquissé un sourire, du moins pas dans ce tableau. Sa posture droite et rigide, immortalisée dans une robe sombre ornée de broderies complexes, ajoutait à l'impression intimidante qu'elle dégageait.

Chaque détail du tableau était conçu pour transmettre une chose : le respect absolu, mêlé d'une crainte irrationnelle. Ce n'était pas seulement un portrait ; c'était une mise en garde silencieuse, un rappel de son rôle et de son autorité inébranlable dans les conseils des Lumières. Même ici, figée dans la peinture, la conseillère semblait exercer son contrôle.

- Bon c'est pas tous ça mais au lieu de s'attarder sur les délires les plus étranges de Kally, reprit Eric.

Il récolta alors un on coup de coude dans l'estomac de ma part.

- Je ne suis pas étrange.

- C'est pas ce que j'ai dis. Je l'ai seulement sous-entendu.

- C'est la même chose

- Pas du tout. Mais sérieusement on devrait donner ce bracelet à la conseillère pour enfin en finir avec cette histoire, proposa-t-il plus sérieusement et avec raison.

- Tu as raison. Allons voir ma mère fit-Jack en se dirigent vers la sortie du tunnel.

- Je me demande en quoi il va bien pouvoir leur servir.

Je baissai les yeux sur mon poignet, fascinée par le bracelet que j'avais réussi à subtiliser à l'impératrice. Sous les lumières claires du couloir, ses détails semblaient encore plus captivants : le métal argenté finement ciselé, les gravures délicates qui évoquaient d'anciennes runes, et surtout la pierre centrale, d'un bleu profond, presque hypnotique.

Curieuse, je passai un doigt hésitant sur la pierre. À l'instant où ma peau entra en contact, une décharge parcourut tout mon corps. Ce n'était pas douloureux, mais c'était étrangement envahissant, comme un frisson électrique qui se propageait lentement, atteignant chaque extrémité. Mes jambes fléchirent légèrement sous l'intensité, mais je restai debout.

Puis, tout changea.

Devant mes yeux, des tâches brunes apparurent, comme si mon regard s'obscurcissait. Bientôt, ces tâches formèrent une image. Une vision. Moi, vêtue d'un simple pyjama, assise auprès d'un lit dans une pièce que je ne reconnus pas tout de suite. Sur le lit reposait une jeune femme, ses cheveux blonds étalés sur l'oreiller, son visage paisible dans un sommeil profond. La princesse.

La scène était d'une clarté troublante, comme si j'y étais réellement. Puis, tout aussi rapidement qu'elle était apparue, l'image disparut, et je me retrouvai à nouveau dans le couloir, entourée des tableaux.

Je respirai profondément, essayant de calmer mon cœur affolé.

— Wo, c'était quoi ça, murmurai-je en passant une main nerveuse dans mes cheveux.

Jack, qui marchait devant moi, s'arrêta net et se tourna, son visage marqué par une inquiétude sincère.

— Qu'est-ce qu'il y a ? Ça va ?

Je secouai la tête, forcée de sourire pour masquer mon trouble.

— Non, rien, rien d'important, répondis-je en évitant son regard.

Mais à l'intérieur, je bouillonnais de questions. Qu'est-ce que c'était que cette vision ? Pourquoi le bracelet m'avait-il montré cela ? Et surtout, qu'est-ce que cela signifiait pour la princesse... et pour moi ?

Nous continuâmes à avancer dans le long couloir, les murs désormais presque invisibles à mesure que la lumière déclinait. Plus nous approchions du centre de l'église, plus l'atmosphère devenait lourde, empreinte de murmures et d'une tension palpable. Devant nous, une vaste salle circulaire se dévoila, baignée d'un faible éclat lumineux provenant d'un lustre imposant suspendu au plafond.

Tous les membres de la communauté de Chérilé étaient rassemblés ici, leur attention captée par notre arrivée. Au centre, se tenait la conseillère Soros, une femme imposante aux traits sévères, accompagnée de Kora, dont le regard pétillant trahissait une certaine curiosité.

Soros s'avança lentement, ses talons claquant sur le sol marbré. Ses yeux sombres balayèrent chacun de nous avant de s'arrêter sur moi, ses sourcils arqués d'agacement.

— Vous voilà enfin. Vous en avez mis du temps, lança-t-elle d'une voix autoritaire, fidèle à son habitude de ne jamais perdre une occasion de nous réprimander.

Eric, toujours prêt à répondre avec désinvolture, leva son poignet pour vérifier l'heure.

— Moi, je trouve qu'on est allé plutôt vite, dit-il avec un sourire narquois.

— Moi aussi je trouve, mère, ajouta Jack en haussant les épaules, visiblement amusée.

Madame Soros ignora leurs remarques d'un revers de main, son regard perçant se durcissant.

— Peu importe. Où est le bracelet ? demanda-t-elle sèchement, son ton trahissant une impatience difficilement contenue.

- Juste ici, dis-je en désignant mon poignet avec le bracelet.

- Vous avez réussi à trouver le bracelet de visions, se réjouit-elle légèrement.

- Et ouais on est les meilleurs, s'exclama ravi Eric.

Je me raclai la gorge afin de le mettre en garde.

- Bah quoi ?

Je levai les yeux aux ciel devant son incapacité à me comprendre.

- Bref on a le bracelet que vous vouliez et maintenant, repris-je en me concentrant sur la conseillère.

- Et bien maintenant nous avons l'intention d'utiliser ce bracelet afin de résoudre un problème qui relève de la responsabilité du Conseil seul.

- Un problème ? Quel problème ? l'interrogea son fils.

- Oh rien de grave, ne t'en fait pas mon fils.

- Si vous le dites mère, répondit-il déçu comme à chaque fois que sa mère le mettait à l'écart.

Madame Soros tendis ensuite sa main vers moi afin de recevoir le bracelet, mais quand j'essayais de l'enlever de mon poignet je ne réussis pas.

- Et bien j'attends, qu'attendez vous pour me donner le bracelet ?

dit-elle, son ton impérieux.

Je baissai les yeux sur mon poignet et attrapai le bracelet pour le retirer. Mais, à ma grande surprise, il ne bougea pas d'un millimètre.

— J'aimerais bien vous le donner, mais... je n'arrive pas à l'enlever, rétorquai-je en forçant davantage sur l'attache du bijou, mes sourcils se fronçant sous l'effort.

Le regard de Kora se figea tandis qu'elle se précipitait vers moi, visiblement alarmée.

— Comment ça, tu n'arrives pas à l'enlever ? paniqua-t-elle, ses yeux passant rapidement du bracelet à mon visage.

— Eh bien... il est comme... collé à mon bras, expliquai-je en continuant de tirer, en vain.

— C'est tout bonnement impossible, lâcha Madame Soros, sa voix teintée de scepticisme, bien qu'une ombre d'inquiétude passa dans son regard.

— Voyez plutôt, répondis-je, tendant mon bras pour qu'elles puissent constater par elles-mêmes.

Les membres de la communauté se rapprochèrent pour observer, leurs murmures se transformant en un bourdonnement inquiet. Jack et Éric échangèrent un regard avant de venir à la rescousse. À tour de rôle, ils tentèrent de retirer le bracelet, tirant avec force, utilisant des outils improvisés, mais leurs efforts restèrent vains.

— Ce bracelet n'a pas bougé d'un millimètre, constata Jack en reculant, essoufflé.

— Mais... comment est-ce possible ? demanda Éric, l'air abasourdi.

— Je n'en ai aucune idée, répondis-je en secouant légèrement le bras, sentant la pression étrange du bracelet contre ma peau. Il semble... comme fusionné avec moi.

Le silence tomba dans la salle, tous les regards braqués sur moi. Soros fronça les sourcils, ses yeux brillants d'une inquiétude qu'elle peinait à dissimuler.

— Cela pourrait être une conséquence des propriétés magiques du bracelet, murmura-t-elle, presque pour elle-même. Mais pourquoi toi ?

La question resta suspendue dans l'air, laissant place à une tension grandissante tandis que chacun cherchait des réponses.

- Bon... euh... Kora ? intervint la conseillère.

- Oui, madame la conseillère ?

- Vous n'auriez pas une idée par hasard ?

- Non je n'en vois aucune désolé, ce bracelet n'a pas l'intention de se défaire du poignet de Kally, déclara-t-elle après avoir analysé de plus près mon bras.

- Comment je fais moi, je vais garder ce bracelet combien de temps.

La conseillère Soros croisa les bras et me scruta de haut en bas, ses yeux étincelant d'une contrariété à peine voilée. Elle prit une profonde inspiration, comme pour contenir son irritation, avant de parler.

— Pour l'instant, rien, déclara-t-elle d'un ton sec mais mesuré. Je vais en toucher deux mots au Conseil et reviendrai vers vous.

Ses yeux se fixèrent sur le bracelet à mon poignet, puis remontèrent vers mon visage, me jaugeant une dernière fois. Son expression trahissait son agacement, visiblement peu enchantée à l'idée que ce soit moi, une novice à ses yeux, qui porte désormais la responsabilité de conserver un objet aussi précieux.

— Bien, dans ce cas, au revoir, mère, formula Jack avec une douceur inhabituelle, s'approchant pour l'embrasser sur la joue.

Madame Soros adoucit son regard, un éclat inattendu de tendresse maternelle illuminant ses traits. Elle posa une main légère sur l'épaule de son fils avant de répondre :

— Au revoir, mon fils.

Elle lui rendit son baiser avec une chaleur rare, un sourire discret adoucissant l'austérité habituelle de son visage. Puis, sans un mot de plus, elle tourna les talons et disparut dans le tunnel d'où nous étions arrivés plus tôt, ses pas résonnant dans le silence pesant de l'église. Deux gardes, vêtus de lourdes capes sombres, se fondirent dans l'ombre derrière elle, presque invisibles jusqu'à cet instant. Ils la suivirent avec une précision militaire, leurs visages demeurant cachés sous leurs capuchons.

Je laissai échapper un soupir de soulagement une fois qu'elle eut disparu. La tension qui pesait dans l'air se dissipa légèrement, bien que le poids du bracelet sur mon poignet me rappelât que tout n'était pas réglé.

- Je pense que vous devriez tous vous reposer, après cette journée, suggéra ma tutrice.

- Moi aussi, s'accorda à dire Eric en baillant, bon bah bonne nuits à tous.

- Je vais y aller aussi bonne nuits gardienne Kora, s'inclina poliment le garçon.

- Bonne nuit à toi Jack, le remercia-t-elle.


Jack s'approcha doucement, un sourire réconfortant sur son visage. Il posa une main ferme mais chaleureuse sur mon épaule, son geste empreint de soutien.

— Bonne nuit à toi aussi, Kally. Et ne pense pas trop à ce bracelet, fit-il avec un clin d'œil rassurant.

— Ouais, bonne nuit, répondis-je, un léger sourire se dessinant sur mes lèvres malgré la fatigue.

Je le regardai s'éloigner, suivant Éric qui marchait déjà en direction des chambres situées à l'ouest du bâtiment. Leurs pas résonnèrent dans le silence de l'église, une mélodie de fin de journée qui s'estompa doucement.

Quant à moi, je pris le couloir opposé, me dirigeant vers ma chambre à l'est, prête à enfin me reposer après cette longue journée.

— Toujours très poli, ce garçon, fit remarquer une voix familière avec une pointe d'amusement.

Je tournai légèrement la tête pour voir Kora, qui m'avait discrètement suivie. Elle souriait, son expression douce et maternelle apaisant un peu l'agitation qui pesait encore en moi.

— Oui, c'est son truc, répondis-je avec une pointe d'affection dans la voix. Être gentil et aider les autres.

— Vous avez ça en commun, ajouta-t-elle avec un nouveau sourire dans la voix.

Je haussai les épaules, légèrement gênée.

— Si tu le dis.

Kora s'approcha de moi, posant délicatement ses mains sur mes épaules avant de déposer un baiser sur mon front.

— Jack a raison, ma chérie. Repose-toi, et ne te prends pas la tête avec cette histoire de bracelet. Tu l'as bien mérité.

Je fermai un instant les yeux sous son geste réconfortant, sentant une vague de chaleur et de répit m'envahir.

— Je te promets d'essayer, en tout cas, murmurai-je avant de continuer mon chemin.

Dans le calme du couloir, ses paroles résonnèrent encore dans mon esprit, me rappelant qu'il y avait toujours un moment pour laisser tomber les armes, même pour une nuit.

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