Chapitre 4

Caleb nous guidait sans hâte, ses pas résonnant dans les couloirs sombres et silencieux. Tandis que nous marchions, Jake, son air habituellement un peu moqueur remplacé par une curiosité sincère, se rapprocha un peu plus de moi. Ses yeux ne cessaient de scruter Caleb en avance, comme s'il était à la fois fasciné et méfiant.

— J'arrive pas à croire qu'il nous emmène voir l'impératrice sans rien demander, me murmura-t-il, une pointe de scepticisme dans la voix.

Je ne lui répondis pas tout de suite, préférant garder mon regard droit, fixant l'ombre de Caleb qui avançait avec une allure presque détachée.

— Il est toujours comme ça, l'informai-je enfin, mon ton ferme, mais sans colère.

Jake sembla un peu plus intrigué, se rapprochant encore, comme s'il espérait en apprendre davantage.

— Et comment ça se fait ? m'interrogea-t-il, cette fois avec un faux air d'indifférence, mais je pouvais entendre la curiosité dans sa voix.

Je savais que Jake aimerait comprendre, qu'il n'était pas du genre à accepter les choses sans explication. Je jetai un coup d'œil furtif à Caleb devant nous, avant de commencer mon récit.

— Pendant une mission chez les humains avec Éric, on devait juste découvrir la planque d'une meute de loup-garous clandestine, expliquai-je, mon regard toujours droit, mais un léger sourire aux lèvres en repensant à l'incident.

Jake haussait les sourcils, visiblement intrigué mais encore un peu perdu.

— Ok. Euh... je vois pas le rapport, fit-il, en haussant les épaules, tentant de masquer son étonnement.

Je pris une grande inspiration, sachant que je devais lui expliquer en détails.

— J'y viens. On était à deux doigts de découvrir leur cachette quand des vampires nous sont tombés dessus. Je n'en avais jamais vu avant, mais j'avais lu tellement d'histoires sur eux et leurs pouvoirs. C'est pour cela que je m'attendais à être envoûtée par leurs charmes comme tous les autres. Mais quand un vampire s'est approché pour m'envoûter, il ne s'est rien passé. Alors, je l'ai frappé de toutes mes forces, et au lieu de réagir comme tous les autres, il n'a pas cherché à me blesser. Il a... commencé à me draguer.

Jake laissa tomber quelques pas en arrière, son regard s'éclairant d'une compréhension amusée.

— Essaye de deviner qui était ce vampire, ajoutai-je avec un sourire en coin.

— Ce ne serait pas Caleb par hasard ? répliqua-t-il, un éclat de rire dans la voix.

Je le regardai avec un air de défi.

— Dans le mille, répondis-je, un léger rire nerveux échappant à mes lèvres alors que je voyais Caleb s'éloigner un peu plus devant nous, implacable dans sa démarche.

Jake secoua la tête, visiblement amusé par cette rencontre inattendue.

— Le type n'a vraiment aucune limite, marmonna-t-il, avant de se concentrer à nouveau sur notre chemin. Alors depuis tu le manipules, dit Jake, un sourire moqueur au coin des lèvres, comme s'il pensait que la situation entre Caleb et moi avait pris une tournure plus stratégique de ma part.

Je le fusillai du regard un instant, avant de lui répondre, décidée à remettre les choses en place.

— Pas du tout. Caleb est souvent venu me revoir, et je n'ai cessé de lui dire que je ne l'aimerais jamais, expliquai-je, les mots prononcés avec une fermeté qui ne laissait guère de place à l'interprétation. Mais il m'a toujours répondu qu'il ne faut jamais dire jamais, et il continue de flirter avec moi, ajoutai-je, un léger soupir d'agacement s'échappant d'entre mes lèvres.

À cet instant, une voix suave et calme interrompit notre échange. Caleb, bien entendu, avait dû entendre chaque mot grâce à son ouïe surdéveloppée. Il s'était faufilé silencieusement jusqu'à nous, son sourire malicieux se dessinant déjà avant même qu'il ne parle.

— Et je continuerai jusqu'à ce que tu craques, déclara-t-il d'une voix enjouée, le ton de défi persistant dans ses mots.

Je levai les yeux au ciel, un rictus moqueur sur le visage, prête à couper court à sa tentative de charme.

— Tu peux toujours rêver, répondis-je d'un ton glacé, mais suffisamment confiant pour qu'il comprenne que ses efforts étaient en vain.

Caleb haussait simplement les épaules, nonchalant, comme si ma réponse ne faisait que renforcer son amusement. Son sourire s'élargit alors que ses yeux brillaient d'une lueur espiègle.

— Tu es incorrigible, Kally, dit-il avec un soupir faussement dramatique. Nous y sommes.

Devant nous se dressait une porte massive et brillante, comme un obstacle imposant entre nous et l'ultime objectif de notre mission. La porte était sculptée dans un métal sombre et poli, sa surface luisante capturant la lumière ambiante et la renvoyant dans une lueur presque irréelle. Elle semblait être l'incarnation parfaite de l'égo surdimensionné de leur impératrice : grande, imposante et dénuée de toute modestie. Des gravures complexes ornaient le métal, formant des motifs de créatures mythologiques et de symboles anciens qui semblaient se mouvoir sous nos regards, comme si la porte elle-même était vivante. Ses poignées, décorées de motifs d'ailes déployées, brillaient d'une teinte métallique froide.

Eric, toujours prudent, observait avec suspicion la porte, ses yeux scrutant chaque détail de son aspect étrange. Il semblait peser les risques, analysant chaque possibilité. Jack, quant à lui, restait sur ses gardes, croisant les bras et ne lâchant pas Caleb du regard.

- Donc c'est derrière cette porte que l'on trouvera votre impératrice, s'assura Eric.

- Exacte.

-Et qu'est ce qui nous le prouve, fit valoir Jack toujours plus sur la réserve. Ça pourrait être un piège, après tout les vampires sont connu pour leur espièglerie non?

Caleb, de son côté, avait pris un air détendu, presque amusé. Il se rapprocha de Jack d'un pas léger, son regard perçant et son sourire en coin comme une invitation au défi. Il ne se pressait pas, savourant chaque instant, comme s'il savait que le temps était de son côté.

Lorsque Jack souleva la question du piège, Caleb le regarda longuement, son sourire légèrement carnassier s'élargissant. Puis, sans un mot, il se détourna de lui pour s'approcher de moi. Il se tenait à une distance juste suffisante pour capter mon attention, son visage éclairé par une lueur malicieuse. Le son de sa voix, suave et tranquille, se fit entendre dans l'espace silencieux :

- Certes, mais je ne ferais jamais de tort à ma douce, dit-il, son regard fixé sur moi avec une insistance familière. Sa voix était douce, mais la fermeté sous-jacente se sentait, comme s'il attendait que je réagisse à ses paroles. Son attitude décontractée trahissait une confiance déconcertante, mais son sourire était plein de sous-entendus.

Puis, voyant que j'essayais en vain d'ouvrir la porte, il se rapprocha encore, son corps presque tout près du mien. Je me tournai alors vers lui, un sourire en coin, et lâchai un léger rire avant de lui dire :

- Il faut être un vampire pour ouvrir cette porte.

Sa réaction fut immédiate, et il s'appuya nonchalamment contre la porte avec un air de supériorité. Il semblait presque fier de sa réponse, se délectant de la situation, de la tension palpable entre nous tous. Son sourire s'étira davantage, satisfait d'avoir l'ascendant. Ses yeux brillaient d'un éclat insistant, et une lueur d'amusement dansait dans ses prunelles.

- Tout à fait, répondit-il, sa voix teintée d'un flegme presque déconcertant. Il semblait autant apprécier l'effet que la porte avait sur nous que la position dans laquelle il nous plaçait tous. Il savait ce qu'il faisait, et il prenait plaisir à chaque seconde de notre impuissance face à ce détail.

Bon à savoir.

Caleb, avec son sourire en coin, s'avança d'un pas assuré vers la porte. D'un geste fluide, il la poussa, et dans un instant, une force invisible sembla se déchaîner dans la pièce. Les garçons furent immédiatement plaqués contre le mur, leurs corps semblant se coller contre la pierre froide. Éric et Jack étaient prisonniers de cette force, figés et incapables de réagir. Quant à moi, je n'avais rien ressenti. Aucun changement, aucune pression. Comme si la force qui avait touché les garçons m'avait épargnée, ou que j'étais protégée par quelque chose que je ne comprenais pas.

Surprise, je n'eus pas le temps de réfléchir que je me mis en mouvement. Je courus vers eux, mais rien ne pouvait les libérer de cette prise. Ils étaient collés au mur, figés, comme si une barrière invisible les maintenait en place. Mon cœur s'accéléra, mais il n'y avait rien à faire. Ma tentative était vaine.

Soudain, une voix grave et autoritaire fit écho dans l'air, brisant le silence de la pièce.

- Pourquoi es-tu là jeune fille?

Je me retournai brusquement, mes yeux rencontrant ceux de l'impératrice.

Elle était là, dans toute sa splendeur. Assise sur un trône majestueux en or, qui semblait avoir été sculpté pour l'accueillir, elle dégageait une aura de puissance indescriptible. Tout autour d'elle, des plateaux disposés par milliers, remplis de fruits aux couleurs éclatantes et à l'air juteux, ajoutaient à l'impression d'opulence qui régnait dans cette salle. La pièce était baignée d'une lumière tamisée, l'atmosphère lourde d'une majesté sinistre.

L'impératrice portait une robe blanche éclatante, qui contrastait magnifiquement avec la pâleur de son teint. Les tissus semblaient scintiller légèrement, comme s'ils étaient imprégnés de lumière propre. Sa peau était d'une blancheur glaciale, presque éthérée, mettant en valeur ses yeux noirs, aussi profonds et insondables que la nuit elle-même. Ses lèvres étaient d'un rouge sang éclatant, ajoutant un contraste saisissant à sa pâleur, accentuant une beauté glacée et menaçante.

Ses longs cheveux bouclés, d'un noir aussi profond que ses yeux, cascadaient sur ses épaules, donnant l'impression que l'ombre elle-même s'y était entremêlée. Elle était d'une beauté qui frôlait l'irréel, mais dans ses traits se lisait aussi une autorité indiscutable.

Ses yeux se posèrent sur moi, et je sentis son regard pénétrer dans mon âme. La froideur de son expression ne laissait place à aucune discussion. Elle n'était pas là pour des banalités, et sa question, simple mais tranchante, m'intimidait.

- Je suis l'impératrice Scarlet et j'exige une réponse.

L'impératrice Scarlet s'imposa d'une manière souveraine, sa voix résonnant comme un ordre indiscutable. Il n'y avait aucune place pour l'hésitation ou la rébellion dans ses paroles. Elle ne se contenta pas d'une simple interrogation, elle exigeait une réponse, et la tension dans l'air se fit presque palpable. Ses yeux noirs comme la nuit, perçant et intrusifs, ne me lâchaient pas, scrutant chaque mouvement, chaque inflexion de mon visage, cherchant sans doute la moindre faille.

Je savais que répondre à son interrogation n'allait pas être aussi simple que de dire mon nom. Il fallait manier les mots avec soin, ne pas trop en dire, mais ne pas sembler évasive non plus. Mon esprit travaillait à toute vitesse pour choisir les mots justes, en essayant de ne pas me montrer trop vulnérable ni trop sûr de moi. Je m'inclinai doucement, juste assez pour marquer mon respect tout en conservant une certaine dignité.

- Je m'appelle Kally, répondis-je calmement, en croisant son regard. Je fais partie de la communauté des lumières.

L'impératrice Scarlet ne sembla pas surprise par ma réponse, mais son regard s'intensifia, comme si elle essayait d'analyser mes paroles. Un silence s'installa, lourd et oppressant, avant qu'elle ne pose une nouvelle question.

- Et d'où exactement ?

Je savais que cette question allait être un tournant. Si je mentais ou disais trop de choses, elle pourrait devenir méfiante. J'avais opté pour une réponse précise, mais sans trop dévoiler. "De la communauté de Chérilé," répondis-je, en espérant que ce nom suffirait à la satisfaire, tout en sachant qu'il fallait que je sois préparée à tout.

Cependant, son regard ne se relâcha pas. Ses yeux scrutaient chaque détail de mon expression, semblant déchiffrer mes pensées les plus profondes. Puis elle réagit, sa voix douce mais tranchante comme une lame.

- Hum... à Chicago, vous n'avez pas l'air très... lumineuse ? Ses mots étaient à la fois une observation et une critique. Il était évident qu'elle ne se contentait pas de ce qu'elle entendait ; elle mesurait, elle pesait chaque mot, cherchant à savoir si je lui racontais la vérité.

Je me sentais soudain un peu plus vulnérable sous son regard acéré. La lumière n'était pas une chose facile à définir, et la communauté de Chérilé, tout en étant partiellement lumineuse, n'était pas exactement le symbole d'une pureté éclatante. Mais je ne pouvais pas tout lui expliquer, ni la laisser penser que ma propre identité était floue ou instable.

C'était compliqué, effectivement. Plus compliqué que ce qu'elle pouvait imaginer. Je pris une profonde inspiration, ne lâchant pas son regard, et répondis avec calme, mais sans entrer dans les détails :

- C'est compliqué, me contentai-je de dire, en espérant qu'elle n'insisterait pas davantage.

Je n'avais pas menti, mais je n'avais pas tout dit non plus. Il fallait qu'elle ressente que ma réponse était à la fois honnête et suffisamment vague pour ne pas la pousser à m'interroger davantage.

L'impératrice Scarlet se redressa lentement, son regard toujours aussi perçant, comme si chaque parole, chaque geste de ma part devait être jugé et pesé avec une précision glaciale. Elle écouta ma demande d'une oreille attentive, mais son expression resta impénétrable, presque dédaigneuse. À ses côtés, l'air semblait plus lourd, comme si le simple fait qu'elle prenne la parole ou agisse imposait une certaine forme de domination. Lorsqu'elle fit un geste de la main, c'était un signe non seulement de son pouvoir mais aussi de son indifférence, comme si mes demandes étaient aussi insignifiantes qu'un souffle de vent.

- Hum... bien que, me veux-tu ? Qu'on en finisse, dit-elle d'un ton presque ennuyé, son mouvement de la main indiquant qu'elle ne comptait pas perdre plus de temps. Sa voix, calme et douce, dissimulait une menace implicite, un contrôle absolu de la situation. Elle n'avait pas besoin de dire plus pour que chacun comprenne qu'elle n'accordait que peu d'importance à mes désirs.

Je pris une inspiration, tentant de rester calme face à la situation. J'avais demandé pour mes amis, mais je savais aussi qu'elle n'allait pas me faciliter la tâche. Toutefois, je ne pouvais pas laisser passer cette occasion, même si je n'avais pas l'intention de la provoquer inutilement. Je gardai ma voix respectueuse, mais il était essentiel que ma demande soit claire.

- Eh bien, j'aimerais d'abord que vous libériez mes amis. S'il vous plaît, votre Altesse.

Le titre "votre Altesse" coula naturellement, même si je savais qu'elle ne le méritait pas réellement. C'était plus un moyen d'instaurer une forme de respect, ou du moins de faire semblant d'être à la hauteur de la situation. Je pouvais presque sentir l'amusement subtil qui flottait dans l'air, comme si elle savait qu'elle n'aurait qu'à lever un doigt pour tout changer.

Scarlet resta silencieuse pendant quelques secondes, les yeux toujours fixés sur moi, épiant chaque détail. Elle semblait peser ma requête, comme si elle évaluait les risques de la satisfaire ou de me répondre d'une manière plus... brutale. Finalement, après un instant d'intense réflexion, elle fit un geste fluide et dédaigneux. D'un simple mouvement de la main, les garçons furent soudainement relâchés, leurs corps se détachant de la paroi invisible qui les maintenait prisonniers. Il n'y eut ni éclat de magie, ni bruit. Ce fut comme si une simple pensée de l'impératrice suffisait à les libérer.

Je ne perdis pas de temps et me précipitai immédiatement vers eux, mon cœur s'allégeant légèrement en voyant qu'ils étaient toujours en vie, bien que visiblement affectés. Le soulagement me traversa, mais je savais qu'il ne fallait pas s'attarder trop longtemps. Il fallait partir, et vite.

- Vous allez bien ? demandai-je en m'approchant d'Éric et Jack, mes yeux scrutant leurs visages pour déceler un signe quelconque de douleur ou de mal-être. Mon ton était plus doux, mais une certaine inquiétude marquait mes mots.

Jack me répondit le premier, secouant la tête avec un léger sourire qui tentait de masquer la fatigue et l'ennui qu'il ressentait.

- Moi ça va, dit-il d'un ton qui n'était pas entièrement rassurant, mais il tenta de masquer l'épuisement dans sa voix. Et toi, Éric ? ajouta-t-il en se tournant vers son ami, visiblement plus préoccupé par le bien-être d'Eric.

Eric, de son côté, semblait déjà reprendre sa posture habituelle. Son sourire était plus narquois, moins inquiet, bien qu'il n'eût pas échappé à l'atmosphère tendue qui régnait autour de nous. Il haussait les épaules en signe de nonchalance.

- J'ai connu pire, répondit-il d'un ton qui aurait pu paraître presque amusé, si ce n'était pas pour la lueur fatiguée dans ses yeux.

J'observai chacun d'eux un moment, leur état me rassurant partiellement, mais je savais que le plus dur restait à venir.

L'atmosphère dans la grande salle se tendit un peu plus lorsque l'impératrice Scarlet croisa les jambes avec un air nonchalant, comme si elle était parfaitement consciente du pouvoir qu'elle exerçait sur nous tous. Son regard perça l'air autour d'elle, glacé et inquisiteur. Elle nous observait, s'attendant à ce que l'on dévoile nos intentions, mais son comportement demeurait presque enjoué, une curiosité étrange dans ses yeux sombres comme la nuit.

- Bien que, me voulez-vous maintenant ? demanda-t-elle avec un ton assuré, chaque mot mesuré, comme si elle attendait une réponse qui devrait être à la hauteur de son statut.

Je pris une grande inspiration, sachant que la situation allait très vite devenir délicate si je ne manœuvrais pas habilement. Je jetai un rapide coup d'œil à Jack et Éric, espérant qu'ils comprendraient rapidement la direction que je comptais prendre. Un clin d'œil discret suffit à leur transmettre l'idée : je n'avais pas de plan, pas d'issue, et j'étais sur le point d'improviser quelque chose de risqué.

Je pris la parole, faisant de mon mieux pour paraître calme et déterminée. Mais la vérité, c'est que je me sentais loin d'être sereine. Une vague d'incertitude m'envahit alors que je commençais à parler.

- Nous voulions simplement vous offrir un symbole en remerciement de la part de nos dirigeants.

À ces mots, l'impératrice arqua un sourcil, son expression devenant plus froide et plus calculatrice. Elle attendait une explication, et elle n'était pas prête à se contenter de réponses floues. Elle savait, tout comme moi, que des remerciements aussi soudains et vagues n'étaient pas sans arrière-pensée.

- En remerciement ? En remerciement de quoi ? son ton était devenu plus tranchant, sa curiosité se transformant en scepticisme. Elle n'était pas du genre à accepter des justifications fumeuses.

Je cherchais frénétiquement dans ma tête la meilleure manière de répondre, mais la vérité, c'était que j'étais prise au piège. Je n'avais pas prévu d'improviser un discours diplomatique. C'est alors que Jack, observant mon hésitation, prit les choses en main, réagissant plus rapidement que je ne l'aurais cru.

- Et bien parce que les attaques de vampires ont diminué ces derniers temps, dit-il d'un ton qui semblait tout à fait crédible, un sourire en coin qui ne laissait rien paraître de la tension sous-jacente.

Son intervention fut rapide, nette, et surtout, parfaitement adaptée. Il jouait sur l'argument que la situation était bénéfique pour tout le monde, en insinuant que nos "dirigeants" étaient satisfaits de l'ordre et de la stabilité que, prétendument, l'impératrice avait instaurés. C'était un pari risqué, mais il fallait espérer que cela fonctionne.

L'impératrice ne répondit pas immédiatement. Elle se redressa légèrement sur son trône, ses yeux noirs brillant d'une lumière calculatrice. Elle nous scrutait, pesant chacun de nos mots. Une part de moi savait qu'elle n'était pas dupe, mais en même temps, il était évident qu'elle aimait l'idée d'être vue comme un facteur de paix et d'ordre, même si c'était loin d'être la réalité. Elle finit par sourire, mais son sourire n'était en rien rassurant.

- Hmm... Je vois... dit-elle lentement, sa voix devenant plus douce, mais toujours pleine de méfiance. Mais vous me surprenez, vous autres. Les attaques diminuent, dites-vous. C'est intéressant.

Je balayai la pièce du regard, cherchant quelque chose qui pourrait rendre mon histoire plus crédible. Puis, mes yeux tombèrent sur mes mains et, en un éclair, une idée germa dans mon esprit.

D'un geste rapide, je retirai le bracelet que Kora m'avait offert il y a longtemps. Ce bijou semblait avoir une certaine valeur sentimentale, mais je savais qu'il serait parfait pour mon petit stratagème. Avec un sourire faussement confiant, je tendis le bracelet en direction de l'impératrice, tout en murmurant :

- Oui, alors notre Conseil a demandé à ce que nous vous apportions, euh... et bien... Je laissai planer le suspens avant de sortir l'objet. ...ce bracelet en guise de notre gratitude.

L'impératrice observa le bijou qui captait la lumière ambiante, créant de petites éclats scintillants. Elle ne semblait pas déstabilisée par l'improvisation. Au contraire, son regard s'alluma d'un intérêt sincère.

- Oh, un bracelet qui brille. J'adore tout ce qui brille. Venez me le mettre, je vous prie, dit-elle avec un sourire presque charmeur, s'inclinant légèrement pour tendre son poignet vers moi.

Je me préparai à m'avancer, sachant qu'il était essentiel de ne pas hésiter. Mon cœur battait plus fort à mesure que je faisais un pas en avant. Tout en le faisant, je scrutais la silhouette de l'impératrice, son éclatante robe blanche attirant mon attention. C'est alors que, du coin de l'œil, je remarquai un autre bracelet scintillant, accroché à la robe de Scarlet, juste sous son épaule, presque invisible à première vue. Mon instinct de chapardeuse se réveilla immédiatement.

Avec une rapidité discrète, je glissai ma main vers ce bracelet et, dans un mouvement fluide, je l'attrapai sans que personne ne puisse remarquer ce geste furtif. Tout en accédant à ma prise, je m'assurais de ne pas laisser traîner le bracelet dans ma main trop longtemps. Subtilement, je le plaçai dans ma poche, avant de reprendre le bracelet destiné à l'impératrice et de l'attacher à son poignet.

Mon mouvement était rapide et précis, et une fois que le bracelet brilla sur son poignet, je me préparai à reculer et à sortir discrètement de la pièce. Cependant, au moment où je me tournai pour partir, une poigne ferme se referma sur mon bras. Je me figeai, sentant la prise de Scarlet. Un frisson traversa ma peau alors que je réalisais que, pour la première fois, l'impératrice ne m'avait pas laissée m'échapper si facilement.

- Attendez, murmura-t-elle, ses sourcils se fronçant légèrement, signe d'une réflexion profonde.

Je dois bien l'avouer : la peur s'insinua en moi. Instinctivement, une bille obscure commença à se former dans ma paume. Mon pouvoir, toujours prêt à jaillir pour me défendre, vibrait doucement, un rappel de ma capacité à me battre si nécessaire. Mais Scarlet ne semblait pas préoccupée par cela. Au contraire, elle affichait un air d'intrigue mêlé à une fascination presque dérangeante.

- Vous êtes différente, prononça-t-elle enfin, ses yeux rouges devenant presque hypnotiques alors qu'ils scrutaient chaque détail de mon visage.

- Je vous demande pardon ? répondis-je, ma voix légèrement tremblante malgré moi.

La bille d'ombre dans ma main disparut lentement, comme si mon corps avait instinctivement compris que cette confrontation ne nécessitait pas encore de violence. Je relâchai mes épaules et pris une inspiration discrète, essayant de retrouver mon calme.

- Votre odeur est différente, continua Scarlet, penchant légèrement la tête comme un prédateur curieux. Et votre regard aussi.

Un silence pesant s'installa, les garçons derrière moi toujours immobiles, observant la scène avec nervosité. Jack fit un mouvement comme s'il allait intervenir, mais je levai discrètement une main pour l'arrêter. Scarlet n'avait pas fini de parler.

- Quoi ? Comment ça, différente en quoi ? demandai-je, ma voix un peu plus ferme cette fois, cherchant à comprendre où elle voulait en venir.

- Je ne sais pas, répondit-elle, ses lèvres fines s'étirant en un sourire énigmatique. Mais c'est sûrement cela qui vous permet de ne pas succomber au charme de mes vampires, ma chère Kally.

Cette affirmation me fit l'effet d'un coup de tonnerre. Ne pas succomber au charme vampirique ? C'était donc cela qui m'avait toujours distinguée des autres. Mais comment Scarlet pouvait-elle le savoir ? Et surtout, pourquoi cela semblait-il l'intriguer autant ?

- Vous dites ça comme si c'était quelque chose d'exceptionnel, fis-je remarquer, essayant de garder mon ton neutre.

Scarlet se redressa légèrement sur son trône, sa robe blanche scintillant sous la lumière tamisée de la pièce. Elle croisa les jambes avec une élégance naturelle, ses doigts ornés de bijoux jouant distraitement avec le bracelet que je venais de lui offrir.

- C'est plus qu'exceptionnel, Kally. Cela fait de vous une anomalie, un mystère, déclara-t-elle, son sourire s'élargissant. Et j'aime les mystères.

Je déglutis, sentant le poids de son regard sur moi. Scarlet n'était pas simplement intriguée, elle était captivée. Et cela n'était pas forcément une bonne nouvelle.

Les yeux de Scarlet, qui avaient auparavant la teinte abyssale du noir, virèrent soudainement à un jaune éclatant, semblable à un lever de soleil infernal. Cette transformation inattendue me prit de court. Surprise, je reculai brusquement, mes talons heurtant un plateau doré posé près du trône. Dans ma panique, je perdis l'équilibre et emportai avec moi le plateau, renversant une cascade de fruits juteux sur le sol.

Un tumulte s'ensuivit alors que les fruits roulèrent dans toutes les directions. L'air fut empli du parfum sucré et lourd de ces offrandes éclatées. Scarlet se redressa légèrement sur son trône, un sourcil levé dans un mélange d'amusement et de curiosité.

- Oh non ! Excusez-moi, je suis tellement maladroite, bredouillai-je rapidement, m'inclinant légèrement pour tenter de rassembler les fruits éparpillés. Mon cœur battait la chamade, non pas à cause des fruits, mais de la lueur jaune dans ses yeux, une couleur que je n'avais jamais associée aux vampires.

Jack et Éric saisirent immédiatement l'occasion. Tandis que Scarlet semblait focalisée sur mon acte embarrassant, ils se déplacèrent subtilement, se rapprochant de la sortie ou, du moins, d'une position plus avantageuse. Éric ramassa un fruit tombé près de lui, comme pour participer au nettoyage, mais j'aperçus son regard furtif, calculateur.

- Ce n'est pas grave, répondit Scarlet d'une voix étonnamment douce, ses lèvres esquissant un sourire amusé.

Elle se leva avec une grâce surnaturelle, sa robe blanche ondulant comme une rivière sous la lumière. En un instant, elle était à mes côtés, ses yeux jaunes brillant encore plus intensément, éclairant légèrement son visage d'un éclat presque irréel.

- Vous êtes pleine de surprises, Kally, murmura-t-elle en me tendant une main pâle pour m'aider à me relever. Mais ne vous inquiétez pas pour ces fruits. Ils ne sont qu'une distraction éphémère.

Ses mots étaient énigmatiques, et son ton légèrement moqueur. Tandis que je reprenais mon équilibre, je remarquai que ses doigts, bien que fins et élégants, dégageaient une force qui ne pouvait être ignorée. Elle ramassa un fruit écrasé du bout des doigts, le scrutant comme s'il contenait une vérité cachée, avant de le jeter négligemment.

Scarlet, toujours assise avec une posture digne et imposante sur son trône doré, tourna lentement son regard jaune flamboyant vers Jack lorsque celui-ci osa l'interrompre. Un léger sourire effleura ses lèvres, presque imperceptible, mais suffisant pour faire frissonner l'air autour de nous.

- Votre Altesse, je ne voudrais pas vous presser, mais nous devrions vous laisser maintenant, insista Jack, sa voix bien plus assurée qu'il ne devait le ressentir intérieurement. Il avait l'air calme, mais je pouvais voir la tension dans ses épaules.

Sentant que je devais apaiser la situation, j'ajoutai rapidement :

- Mon ami a raison, et encore désolé pour les fruits. C'était maladroit de ma part. J'espérais que mon ton humble désarmerait toute méfiance de Scarlet.

Elle fixa le bracelet scintillant à son poignet, ses doigts effleurant la pierre brillante avec une fascination presque enfantine. Une lueur satisfaite dansait dans ses yeux.

- Ce n'est rien, répondit-elle doucement, sa voix sucrée mais chargée d'une autorité qui ne laissait aucune place à la contestation. Rentre bien, Kally, et présente ma gratitude aux membres de votre Conseil pour ce cadeau brillant.

Elle leva son poignet pour admirer à nouveau le bijou, le scintillement de la pierre se reflétant dans ses yeux jaunes. L'Impératrice Scarlet était indéniablement impressionnante et imprévisible, et je savais qu'il valait mieux ne pas prolonger notre séjour.

- Bien sûr, acquiesçai-je avec un sourire poli, m'efforçant de masquer mon soulagement à l'idée de quitter cet endroit.

Jack, avec un respect inhabituel, s'inclina légèrement devant Scarlet et ajouta :

- Merci de nous avoir reçus, Votre Altesse.

Elle répondit par un simple geste de la main, délicat mais chargé d'une autorité indiscutable. Ce mouvement suffisait pour nous congédier, et nous ne comptions pas traîner davantage.

En nous dirigeant vers la sortie, je jetai un dernier coup d'œil à Scarlet. Elle s'était déjà replongée dans son monde, jouant distraitement avec le bracelet. Ses gardes, toujours immobiles, nous observaient silencieusement, leurs regards perçants suivant chacun de nos mouvements.

Alors que nous venions à peine de franchir la porte brillante et que mes pensées se précipitaient déjà sur la meilleure manière de quitter ce territoire sans éveiller davantage de soupçons, Caleb apparut soudain à mes côtés. Son mouvement était si fluide et rapide qu'il semblait s'être matérialisé, un sourire séducteur étirant ses lèvres pâles.

- Bien maintenant, ma douce, tu ne voudrais pas rester un peu avec moi pour une petite balade de minuit ? murmura-t-il d'un ton caressant, sa voix glissant comme une promesse.

Il se rapprocha encore, réduisant la distance entre nous à un souffle. Ses yeux perçants semblaient scruter mon âme, tandis que son attitude désinvolte masquait à peine son insistance.

Je levai une main pour maintenir une certaine distance entre nous, fixant mon regard sur le sien avec une détermination froide.

- Non merci, Caleb. On doit rentrer, et vite. Il se fait tard.

Ma voix était ferme, mais polie, espérant clore cette tentative sans le contrarier davantage. D'un geste rapide, je posai une main sur son torse pour le repousser légèrement. Son sourire s'élargit comme si mon rejet l'amusait davantage qu'il ne le vexait.

- Quel dommage, murmura-t-il d'un ton théâtral, feignant une tristesse qu'il ne ressentait manifestement pas.

Avant que je ne puisse réagir, il disparut d'un seul coup, comme une ombre effacée par la lumière. Son départ soudain laissa l'air vibrer légèrement autour de nous, une signature de sa présence fugace.

Jack, debout non loin, observa la scène avec méfiance, ses yeux plissés alors qu'il suivait le vide où Caleb s'était tenu quelques instants auparavant.

- Ce type est vraiment flippant, grogna-t-il, croisant les bras.

Éric, toujours tendu, hocha la tête.

- On ferait mieux de ne pas traîner ici. Scarlet et ses sbires pourraient changer d'avis à tout moment.

- Vous avez raison, répondis-je en jetant un dernier coup d'œil autour de nous. L'endroit semblait paisible, mais une tension invisible continuait de planer, comme un avertissement silencieux.

Éric, les bras croisés, haussa un sourcil tout en jetant un regard interrogateur à Jack, qui fixait toujours le couloir droit avec un mélange d'hésitation et de défi.

- J'imagine qu'on va devoir retrouver la sortie tout seuls. Quelqu'un a une idée de quel chemin prendre ? grogna Éric en balayant les options du regard.

- On est venus de la gauche, alors on prend celui-là, j'imagine, répondit Jack en désignant nonchalamment le couloir de droite.

Je ne pus m'empêcher de soupirer, les bras croisés.

- Wow, quel sens de l'orientation. Bravo les gars.

Jack se retourna brusquement, ses yeux lançant un défi.

- Parce que toi, tu sais lequel prendre, peut-être ?

Un sourire malicieux étira mes lèvres.

- Figure-toi que oui. Parce que moi, je sais faire deux choses en même temps, ce qui n'est clairement pas ton cas.

Il fronça les sourcils, perplexe.

- Comment ça ?

Je tapotai mon front d'un doigt, fière de mon coup.

- En te parlant tout à l'heure, j'ai retenu le plan de cette tour. Tout est gravé ici.

Jack roula des yeux, mais un sourire amusé finit par se dessiner sur son visage.

- Alors on te suit, montre-nous la voie, ô guide éclairé.

- Allons-y. Plus vite on sera sortis d'ici, mieux ce sera, dis-je en prenant les devants, jetant un regard furtif à la fois à gauche et à droite pour m'assurer de mon choix.

Nous avancions dans un silence tendu, entrecoupé seulement par les bruits de nos pas résonnant contre les murs de pierre froide. Les torches vacillantes diffusaient une lumière tremblotante, créant des ombres dansantes qui rendaient l'atmosphère encore plus oppressante.

Éric, toujours sur ses gardes, marmonna à mi-voix.

- Et si Caleb ou ses 'filles' décidaient de revenir pour s'assurer qu'on ne fait pas de bêtises ?

- Ils n'ont pas besoin de nous suivre. Ils savent déjà qu'on s'en va, répondis-je en haussant les épaules, bien que je sentisse la tension grimper dans ma poitrine.

Jack haussa les épaules à son tour, essayant de paraître détendu, mais je voyais bien qu'il vérifiait constamment derrière lui.

Après un long silence, je me décidai enfin à parler, brisant l'atmosphère pesante :

- Merci d'avoir géré la situation avec moi, Jack, parce que s'il avait fallu compter seulement sur Éric, on aurait été mal.

Éric, qui traînait légèrement derrière, ne manqua pas de réagir, son ton agacé :

- Hey ! C'est pas ma faute si je n'ai rien suivi avec votre histoire de cadeau. Vous auriez pu m'informer.

Je levai les yeux au ciel et lui répondis avec une pointe de moquerie :

- Ouais, c'est ça. T'étais trop occupé à admirer les 'filles' de Caleb pour suivre.

Jack rit doucement, un son rare mais sincère. Je me rapprochai de lui, le bousculant légèrement à l'épaule.

- Alors, pas si mal mon plan, hein ? Et même pas besoin de ton arc ni de mes pouvoirs.

Il haussa un sourcil, un léger sourire en coin.

- Peut-être, mais on a un détail : on n'a pas le bracelet.

Je m'arrêtai un instant, savourant l'instant avant de lever mon poignet. La lumière de la lune se refléta sur le bracelet de vision que j'avais subtilisé.

- Tu parles de ça ? lançai-je avec un sourire triomphant. Oh, j'avais oublié de vous prévenir.

Jack s'arrêta, les yeux fixés sur l'objet, incrédule.

- Comment ? Quand est-ce que tu as fait ça ?

Je gloussai doucement, appréciant son expression stupéfaite.

- Je vous expliquerai pendant le trajet du retour. Disons que mes talents de chapardeuse sont toujours à la hauteur.

Éric accéléra le pas pour venir jeter un coup d'œil à son tour, son visage se décomposant d'abord sous la surprise avant qu'il ne se fende d'un sourire.

- Ok, je retire ce que j'ai dit, Kally. C'était brillant, vraiment.

Nous continuâmes à avancer, laissant derrière nous la tour sombre et imposante. La fraîcheur de la nuit tombante nous enveloppait, et un silence pesant se réinstallait peu à peu. Pourtant, un sentiment de victoire flottait dans l'air, nous allégeant un peu.

Cependant, à la lisière des arbres, je jetai un regard vers la ville en contrebas. Des ombres furtives se déplaçaient rapidement, leurs silhouettes élancées trahissant leur nature. Les vampires sortaient pour la nuit, attirés par l'odeur du sang et la vie qui palpitait encore dans Chérilé.

Jack murmura, l'arc toujours en main par précaution :

- On ferait mieux de presser le pas. Les choses pourraient mal tourner si on traîne trop ici.

J'acquiesçai, ajustant le bracelet à mon poignet pour le sécuriser.


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