♔ prologue

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La nuit était rouge. Rouge de feu et de sang. Les cris se mêlaient à la fumée, mouraient sous les coups d'épée. Jamais Ashborne n'avait connu pareil chaos. Les ombres invisibles dans la nuit filaient à travers les rues, semant la terreur sur leur passage.

Karkaros attendait aux portes de la capitale, il libérait ombre après ombre, les laissait déchaîner leur fureur sur les soldats qui se déployaient et tentaient de l'arrêter. Les corps s'entassaient devant les portes. Karkaros fit un simple geste de la main, et deux cavaliers s'élancèrent. Les coups d'épée continuèrent à pleuvoir, tandis que l'un des hommes de Karkaros sautait de son cheval et entamait une danse meurtrière, ses dagues au bout des bras.

Le sorcier les suivit de près. Il était temps. Sa capuche sur la tête, il se fondait dans la nuit aux côtés de ses ombres furieuses. Il remonta les rues, sourd face au carnage et aux cris qui l'entouraient. Sa cape noire, rouge sous les lueurs des flammes ravageuses, volait derrière lui, dévoilant le long poignard qui pendait à son côté. Une lame brillante dans son fourreau, qui ne cherchait qu'à prendre part au chaos.

Karkaros monta jusqu'au château d'Ashborne ; son plus fidèle soldat l'attendait devant les portes, ses dagues dégoulinantes de sang. Ils échangèrent un regard entendu, Sirius hocha la tête, et tous deux s'engouffrèrent dans les couloirs sombres du palais. Les derniers soldats tombèrent sous leurs lames.

Ils atteignirent la salle du trône, où seul le roi les attendait, rapière à la main. Il n'allait pas se laisser faire, mais il ne pouvait rien contre la puissance du sorcier. Les dés étaient déjà jetés. Sirius resta en retrait, devant les portes, tandis que Philémon Clarille et Karkaros Dragony se toisaient du regard.

— Approchez, qu'on en finisse.

La voix du roi s'était faite implorante, empreinte de peine et de douleur. Il allait peut-être lutter jusqu'à son dernier souffle, il n'était pas là pour vaincre. Il resterait le digne roi d'Edracia jusqu'au bout.

Karkaros esquissa un sourire, à la fois satisfait et moqueur. Il allait pouvoir s'amuser. Il retira sa capuche, détacha son manteau et le laissa tomber à ses pieds. Sa tenue rouge brodée d'or avait déjà tout de celle d'un roi ; son long poignard à la garde incrustée de joyaux brillait sous la lueur des bougies et des feux extérieurs.

Le combat débuta sous une attaque de Philémon Clarille. Maladroite. Il ne savait pas de quel côté frapper, ne se servait pas de la longueur de sa lame à son avantage. Karkaros lui laissa le temps de s'adapter, puis il cessa de seulement parer et esquiver les attaques. Il contra, renvoya les coups. Une entaille sur l'épaule. Une deuxième sur la jambe, puis sur l'autre. Philémon tomba à quatre pattes sur les dalles de pierre, et le sorcier le débarrassa de son épée d'un coup de pied. Le roi était à sa merci, mais il ne bougea pas. Là, debout devant lui, il le toisa de nouveau, souriant sous le sang qui maculait ses vêtements et la pierre grise.

Philémon tenta de se redresser pour mieux s'écrouler. Il ne put retenir des grognements de douleur et de frustration. Il ne pouvait rien face à Karkaros ; malgré sa volonté de protéger son peuple, il avait lutté en vain. Peut-être avait-il seulement gagné un peu de temps avant la chute de son royaume, mais que représentaient quelques minutes sur l'éternité de tyrannie qui attendait Edracia ?

— Le royaume d'Edracia est mien, désormais, siffla Karkaros.

Et d'un seul coup de poignard, Philémon tomba face contre terre, raide mort.

Karkaros tourna les talons sans adresser un regard à son corps sans vie, et Sirius le guida dans les couloirs jusqu'aux appartements royaux. Il ne restait plus qu'à s'occuper de la reine Miléna.

Les soldats de Karkaros étaient déjà à l'intérieur, surveillant la reine alitée. Elle était encore ruisselante de sueur et le visage ravagé par les larmes. Son ventre gonflé se soulevait sous le rythme anarchique de sa respiration ; ses domestiques lui jetaient des regards anxieux, rassemblées dans un coin par les soldats.

Sirius demanda un rapport de la situation, et Orius se pencha pour lui murmurer à l'oreille :

— La reine a donné naissance à un hériter dans la nuit. Nos hommes ratissent la capitale et les alentours, mais encore aucune trace de la servante qui s'est enfuie avec.

— Son nom ?

Orius secoua la tête ; ni la reine et ses domestiques n'avaient cédé. L'hériter et sa protectrice étaient encore anonymes.

Karkaros, qui avait pu tout entendre, serra le poing.

— Emmenez les domestiques et exécutez-les. Et faites installer mon miroir quand vous en aurez terminé.

Orius et Sirius acquiescèrent d'un même geste, et d'un simple signe de tête, les soldats traînèrent les domestiques à l'extérieur de la chambre de Miléna, ne laissant plus que Karkaros en sa compagnie. Les minutes s'écoulèrent, ponctuées de menaces et de torture. Mais la reine ne disait rien, muette comme une tombe. Seules ses larmes et ses sanglots répondaient à la colère du sorcier.

— Où est cet enfant ! explosa-t-il une fois de plus.

La reine déglutit, osant défier son regard noir.

— Il sera votre perte.

Et dans un accès de rage, Karkaros la poignarda à son tour.

Il n'en attendit pas plus pour quitter les lieux, retrouvant Sirius qui le guida jusqu'au bureau du roi, désormais celui du sorcier, où son miroir magique avait été installé. Seul face à son reflet, Karkaros continuait à serrer les poings.

— Miroir, mon beau miroir, dis-moi où est l'héritier des Clarille.

Son reflet disparut derrière un nuage opaque, au centre duquel se formait une silhouette sombre. Une voix caverneuse résonna dans la pièce, à la fois proche et lointaine. Son ton était empreint d'un avertissement certain :

— Je ne puis le trouver, Votre Magnificence, mais le prince Clarille est la seule menace à votre nouveau règne.

Karkaros tourna sur lui-même, son dos se reflétant de nouveau dans le miroir. Peu importe le temps que cela lui prendrait, il retrouverait cet héritier et lui ferait subir le même sort que ses parents.

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